« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Jamais l'Une sans l'Autre |OS|

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Adélia G. Turnac
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Adélia G. Turnac
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Âge du personnage : 23 ans
Métier / Études : Médecine, en stage dans une clinique privée
Pseudonyme(s) : Adélia Frey, sa fausse identité, le nom sous lequel elle se présente
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MessageSujet: Jamais l'Une sans l'Autre |OS|   Jamais l'Une sans l'Autre |OS| EmptyVen 3 Avr 2015 - 20:51


Jamais l'une sans l'autre

feat. Lito & Mozart
Rien. La maison était vide. Tout comme le spectre que je pouvais représenter entre ces murs. Je m’étais étendue contre les pavés cirés de la maison, guettant le moindre craquement. Le moindre indice d’une présence autre que la mienne. Je détestais cette solitude. Mes petits doigts couverts de larmes dessinaient des arabesques contre le plancher, se butant contre chaque imperfection. Au moment où je me sentais envahie par le désespoir, une silhouette se glissait à mes côtés, furtive ombre ne sachant troubler la quiétude de la maisonnée. Une caresse contre ma joue me fit sursauter, je n’avais pas remarqué la Miaouss agile et affectueuse à son approche. À présent je me redressais pour la prendre dans mes bras. Meowsie ne m’abandonnait jamais. Elle se blottissait contre moi, me réservant toute sa tendresse et son attention. Je me demandais pourquoi il n’en était pas ainsi avec les autres membres de ma famille. Où étaient-ils encore passés?

«J’aimerais tellement me trouver près d’eux Meowsie. J’aimerais tellement ne plus me sentir si seule.»


Je m’éveille. Mon corps n’est plus que douleur. Tout mon être brûle alors qu’à mon flanc le cœur de ces braises ardentes palpite. Répandant en ondes continues leur brassée énergique en moi. Je gémis. Personne pour m’entendre. Personne pour répondre que l’écho lugubre se répercutant contre les murs indifférents de cette pièce. Je me suis endormie, terrassée par la terrible fatigue qui m’afflige. Éveillée, maintenant, en toute solitude. Je tâche de respirer, de changer de position. Les réveils sont les plus difficiles, les plus prenants. Comme si mon corps s’éveillait non seulement aux sensations quotidiennes, mais aussi à cette entité malsaine en moi, à cette souffrance physique comme je n’en ai jamais ressentie auparavant. Je respire longuement, tentant de calmer l’incendie meurtrier qui embrase mon être, comme l’infirmière me l’a montrée. Mon regard se perd contre le fauteuil qu’on a tiré pour se retrouver à quelques centimètres de mon lit d’hôpital. Vide. Je gémis alors qu’une nouvelle secousse me plie en deux. Une présence aurait rendu ce moment plus facile à gérer.

«Meowsie, dis-moi que tu ne m’abandonneras jamais.»

Le petit chat miaula en guise de toute réponse. Je me recouchais contre le plancher, en me demandant pourquoi je devais me sentir si seule. Mes parents étaient sortis, mon frère en sortie avec ses copains et ma jeune sœur à un anniversaire d’une de ses bonnes amies. Je cherchais la raison qui expliquait ce malaise, pourquoi devais-je pleurer alors que j’étais une grande fille ou presque. Pourquoi je n’étais pas sortie, moi aussi.


Une silhouette se glisse à mes côtés, furtive ombre ne sachant troubler la quiétude de la pièce. Je l’observe bouger alors que je sens la douleur s’estomper lentement en moi, le feu s’éteindre. Couverte de sueur, je reprends mon mouvement, étendant lentement une jambe sous moi, déterminée à m’extirper de ce cocon de douleur, de m’échapper de ma prison immaculée. Il quitte son exploration du plafond, tel un nuage vaporeux, s’avançant vers moi. Sa prunelle unique, rougeoyante dans l’obscurité de la chambre, vient me scruter. Sorte d’encouragement silencieux qui me pousse à faire glisser mes fesses le long du matelas, avec d’infinies précautions, à abandonner mes jambes dans le vide. Je penche ton mon corps vers l’avant, le laissant basculer en direction du plancher. Alors mes pieds se posent contre le dallage froid. J’ai réussi à me lever.

«S’il te plaît, Moz’ tu me passes la canne?»

Elle repose contre une chaise où sont déposés, pêle-mêle, quelques-uns de mes effets personnels. Dans un sac à moitié refermé, l’éclat de la lune qui filtre à travers la fenêtre faire luire la coquille d’un œuf Pokémon qu’on m’a remis il y a quelque jour. Cadeau inespéré d’un jeune homme que j’apprécie particulièrement, Natsume. Ou plutôt devrais-je dire marque absolue de confiance de la part de sa douce Florizarre m’ayant confié son enfant. Je m’empare de la canne que le Skélénox me tend, prenant une grande inspiration avant de franchir un premier pas.

«Arrête de pleurer, Dédé. S’il te plaît.»

Sa mâchoire s’était crispée. Il ne pouvait pas me regarder. Il ne pouvait pas affronter la puissance de mon chagrin. Je voulais mourir. Et il me demandait d’arrêter de pleurer? Je n’y parvenais pas. Ma gorge s’était obstruée d’une douleur qui me privait de tout moyen de respirer.

«Je vais tout arranger. Tout ira pour le mieux. Je te jure. Je ne te laisserai pas seule.»

Les prunelles azurées de Carter cherchèrent les miennes. Il avait beau être présent, à quelques centimètres d’où je me tenais, j’étais seule. Plus seule que jamais.


Je ne fais qu’effleurer sa surface. Son vert intense scintille dans l’obscurité. Un sourire s’esquisse contre mes lèvres alors que j’ouvre la porte, poursuivant la progression vers une destination inconnue. Ou est-ce le cas? Une ombre m’ouvre la voie, silencieuse et imprévisible, petite lueur dans ce long couloir aux portes identiques.  J’ai l’habitude de m’y promener. Les infirmières insistent, je dois marcher pour accélérer ma guérison. Chaque voyage est plus éprouvant que le dernier. Pourtant, je me prête à l’exercice avec une détermination que peu savent deviner chez moi. Encore une fois, je garde cet objectif en tête, ma guérison. Ou peut-être ai-je simplement envie d’une autre présence humaine cette nuit. Ou peut-être ne suis-je qu’en train de répondre à l’appel envoûtant du spectre à mes côtés. Mozart. Taciturne, présence tranquille à mes côtés qui bifurque au tournant du couloir, s’enfonçant dans les ténèbres d’une chambre dont la porte a été laissée ouverte. Je m’y engouffre à sa suite, cherchant à le repérer. Il s’est penché contre la silhouette sifflante d’une femme que je connais depuis quelques jours, une brave femme en train de succomber à un cancer des poumons. Le visage osseux du Skélénox est éclairé par une lueur timide qu’il a allumée afin de mieux observer la femme sous lui.

Je ne comprends pas tout de suite ce qui est en train de se produire sous mes yeux intrigués. Je n’entends que cette respiration déchirante et saccadée progressivement se calmer. Lentement s’éteindre. Le Skélénox près d’elle l’accompagnant vers… vers sa mort. Lorsqu’enfin je prends conscience du phénomène mon cœur cesse de battre. Je m’avance dans la pièce, me prenant les pieds dans ma canne, suppliant le petit spectre.

«Sauve-la! Sauve-la Mozart, je t’en prie!»

«Sauve-les, sauve-les Carter. Je t’en prie. J’ai besoin d’eux.»

«Je ne peux pas les sauver, Adélia, tu le sais bien.»

Il le fallait. Il fallait que nous y retournions, que nous sauvions ma famille. Ou ce qu’il en restait. Je ne pouvais pas accepter leur mort. Lucas, May, ma tante et ma mère. Ils vivaient toujours. J’en étais convaincue. Je m’accrochais à cet espoir, le dernier qu’il me restait.


Les larmes m’échappent à présent. Je prends la main de la vieille dame, la serre de toutes mes forces. Le Skélénox se recule, m’observe avec toujours cette expression lugubre et impassible. Est-il donc indifférent au sort de cette femme? Sa peau devient froide dans la mienne. Elle est décédée.

«Tu devais la sauver. Pourquoi ne l’as-tu pas sauvée?»

Le Skélénox secoue la tête. Son corps se met à briller, changeant lentement de forme. L’éclair de lumière traverse la pièce en y projetant des ombres qui prennent la forme d’êtres aimés. Il me semble reconnaître contre les murs le sourire de mon père ou l’éclat sauvage des prunelles de ma mère. Fascinée, j’accueille cette transformation telle un témoin privilégié, n’osant esquisser un geste. Mozart se pose près de moi, maintenant pourvu de jambes. Son œil unique me considère avec douceur. Il se pose ensuite vers la vieille dame et tire les couvertures contre les épaules, comme si elle dormait paisiblement.

«Tu ne pouvais rien y faire.»

Mon allié hoche la tête. Parfois, on ne peut pas empêcher la mort de frapper. Il me prend doucement par la main et je le laisse m’entraîner dans le couloir. Il est mon guide pour cette nuit et je vis avec l’impression étrange que son message ne s’est pas encore achevé. Nos pas nous ramènent tout naturellement vers ma chambre d’hôpital. Sitôt j’ouvre la porte qu’une lueur fantomatique, semblable à celle qui vient de provoquer la transformation du spectre à mes côtés, illumine la pièce. Je me précipite le plus rapidement possible vers mon sac, l’ouvrant d’un coup sec. La lumière s’est estompée. Au fond du sac, une sorte de gazouillement s’échappe. Aidée par le Teraclope, j’en tire un minuscule Bulbizarre aux grands yeux rouges, semblables… semblables à celui de Mozart.

«Maman, quelle est la différence entre la vie et la mort?»

«Il n’y en a pas. Elles ne viennent jamais l’une sans l’autre.»

(c)Golden
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