Le grand garçon se sentait soulagé, un poids venait de lâcher son cœur, et il ne cessait de s’alléger au fur et à mesure que ses larmes continuaient de couler. Seconde après seconde, il regrettait de moins en moins d’avoir pu se confier à Charlie. Après tout, il n’aurait pas pu lui cacher longtemps. Et rester muet aurait forcément fini par faire se dresser entre eux un mur de secrets, et cela n’aurait jamais été bon pour leur amour encore tout jeune, cela aurait pu blesser son amie, qui se serait rendue compte que Cesar lui cachait volontairement un pan important et décisif de sa vie. Les intentions du garçon n’auraient pas été mauvaises en gardant tous ces secrets, bien entendu, mais maintenant qu’il avait réussi a briser son mutisme, il était persuadé d’avoir fait le bon choix, malgré toutes les excuses qu’il venait de répéter entre ses sanglots. Ses larmes commencèrent à se tarir aux mots de son amoureuse, qui se voulait rassurante, réconfortante. Pourtant, Charlie tremblait elle aussi, c’est évident que l’histoire de Cesar l’avait également touchée, affectée. En un sens, quelqu’un d’aussi sensible aurait forcément pris toutes ces nouvelles à cœur. Le garçon renifla, et cessa bientôt de pleurer, ses yeux toujours humides, mais il n’était plus agité par ses sanglots. Ce n’est pas sa faute, et ce n’est pas car son géniteur lui avait inventé cette identité de démon qu’il n’était pas lui-même. Charlotte a raison, la personne qu’il est désormais, c’est une fois sorti de l’asile qu’il a pu la développer, qu’il a pu apprendre à être lui-même. Sa rencontre avec Grand-Mère, avec Marian, la naissance de Lisa-Lisa, la trahison de son ancien ami, la rencontre des Jojo, puis sa venue hasardeuse dans l’arène de Zazambes qui avait marqué un véritable tournant dans sa vie, qui lui avait appris son droit de vivre et l’envie de se battre pour obtenir ce dont il rêve. Puis son départ de Zazambes vers Nuva Eja, toujours en quête de réponses, l’évolution des Jojo en affrontant les hommes qui l'avaient poursuivi, sa première rencontre avec Cléo, la venue de Kars et de Suzie… La fête de Noël ou il commença a tomber amoureux de Charlie, puis enfin, la rencontre avec sa famille de sang. Dire que tout cela est arrivé en juste un peu plus d’une année! Tout ça, c’est lui. C'est la personne extraordinaire dont parle son amie. Charlie a raison. Il n’est pas ce que son père a fait de lui, toutes ces aventures lui prouvent véritablement qu’il est un être humain à part entière. Peu importe que son nom le rattache à une famille qui a plus ou moins voulu de lui, après tout! Cesar se remit à renifler fort et peu élégamment pour retrouver le calme.

« Merci Charlie… T’as raison. J’me sens mieux. Ça m’a fait du bien de pouvoir te parler. Puis j’voulais pas te mentir! »

Il baissa un peu les yeux. Encore un peu culpabilisé d’avoir gâché l’ambiance. Les lèvres de Charlie posées contre sa joue lui rendit un peu de chaleur. Il se sentait tellement libéré, d’un coup. Cesar n’est pas du genre a s’appesantir sur ses malheurs, il se remet vite de ses émotions. Il sait bien que les évènements récents mettront du temps à se régler, mais sait également que rien n'est éternel. Mais il lui faudra du courage pour aller rencontrer à nouveau Cléopatre ou Léopold. Finalement, cela avait pris du temps, mais Cesar avait finalement réussi a laisser son amie rentrer dans sa vie, dans son monde. Il lui avait dévoilé des choses que lui-même ne soupçonnait qu’à peine il y a encore 48h. Cesar se détacha un peu de son amoureuse, sans séparer ses mains des siennes cependant et la contempla de nouveau, soudant son regard rougi au sien.

« Promis… Ça ira mieux, mais il fallait que je le dise. En fait, depuis longtemps, j'ai un truc à te demander. »

En fait, cela faisait longtemps que Cesar voulait proposer ça à Charlie. Il comptait bien le faire un jour, mais attendait d’être certain avant de le faire. Car si il gardait un mauvais souvenir de son père, eh bien, il y a quelqu’un d’autre qui restait toujours dans son cœur même dans la mort, quelqu’un qui lui rappelle de nombreux souvenirs bien plus agréables, qui le renvoient toujours à la joie d’être libre, de pouvoir enfin savourer la vie hors des murs d’un asile.

« Est-ce que tu voudrais, un jour, venir avec moi voir Grand-Mère? »

Peut-être que quelques explications seront utiles ici. Enfin… Cesar est également tenté de laisser Charlie imaginer qui peut-être cette « Grand-Mère » qui semble si importante pour lui.

« Elle n’est plus mais, tu vois, quand je me suis échappé, elle m’a recueilli et donné le gout de vivre libre alors, j’aimerais que tu puisses un jour venir avec moi la voir. Elle représente beaucoup pour moi. Et puis, ça nous fera un petit voyage, juste tous les deux! »

La joie revenait en lui progressivement, et son sourire pétillant avec. Oui, il tenait vraiment à pouvoir faire un jour ce petit voyage avec Charlie, son amoureuse.

Les relations de Cesar et Charlie n’ont jamais été compliquées. Mais elles n'ont jamais cessé de se complexifier. Tout s’est toujours fait sous l’augure de la simplicité. Certes, Charlie a un fort caractère, mais le contraste avec le côté calme et très peu susceptible de Cesar leur permettait de s’entendre sans soucis. Mis à part le jour ou Cesar avait été un peu abusif en cassant la porte d’entrée de la maison, leur rapports n’avaient plus jamais été orageux. Certes, les incompréhensions arrivent, mais le jeune garçon n’avait pas souvenir de s’être disputé avec son amie. Bon, en un sens, il ne se disputait jamais avec personne, ilest d’un naturel trop tranquille pour cela. Il s’était beaucoup battu avec ses semblables à l’orphelinat, puis à l’asile, car être enfermé le rendait fou, incontrôlable. En plus, il ne comprenait pas ce qu’il faisait dans ces lieux, ni ce qu’il avait pu faire pour y mériter sa place, comme un enfant qu’on aurait puni sans raisons. La dispute qu’il avait vu l’autre soir l’avait également convaincu de rester lui-même dans ce domaine. Charlie, par la voie des arts-martiaux, lui avait appris le respect de soi et d’autrui, paradoxalement en lui enseignant la voie du combat. Il avait appris alors que se battre pour ce qu’on aime et pour ce que l’on pense être juste ne signifie pas forcément frapper avant d’être frappé. Et finalement, c’est toujours avec ce respect et cette écoute que Cesar avait traité Charlie. Bien entendu, ils n’avaient plus ce rapport d’élève et professeur depuis longtemps, et leur amitié avait pris le dessus. En quelques mois, Cesar avait changé son rapport au monde et aux autres. Au début, il était centré sur lui-même, puis avait fini par comprendre que les autres personnes existaient de la même manière que lui, vivaient dans le même monde. Et il avait appris à être attentifs à tous ces gens, et à les aimer sans malice ou préjugés. Aussi, après que Charlie ait accepté son petit projet d’excursion, il l’écouta attentivement. La jeune femme semblait avoir besoin de vider son sac, elle aussi. Cela témoignait de la confiance qui s’était installée entre les jeunes gens. Même la si farouche Charlotte acceptait de se confier, désormais! Ne se détachant pas d’elle, le garçon aux cheveux d’argent lui prêta toute son attention disponible.

Cesar se sentit mal en apprenant tant sur le passé de Charlie. Comment aurait-il pu imaginer toutes ces horreurs? Et comment peut-on faire du mal si gratuitement à une famille telle que celle des Laurens? Charlie en était marquée à vie, certainement comme le fut Carla. Le jeune homme compris sans mal pourquoi son amie laissait reposer tant d’espoir sur la grossesse de Carla : cela allait être une véritable renaissance pour leur famille, un nouveau point de départ, qui pourrait peut-être leur permettre de se détacher de tous ces horribles souvenirs. Charlie avait terriblement souffert de la mort de son jeune frère, et cela allègerait probablement un peu sa peine. Voir que les deux jeunes femmes avaient si bien tenu depuis rendait admiratif Cesar, elle avaient t survécu, s’étaient reposées l’une sur l’autre, et voila qu’elles acceptaient ce nouvel espoir qui allait naitre dans quelques mois. Est-ce que Cesar, en sa qualité d’amoureux, a peut-être pu coopérer, en quelques sorte, à cette résurrection? Dans tous les cas, toutes ces nouvelles laissaient le jeune homme sans voix, il ne savait pas quoi ajouter, et il posa sa tête dans le creux du coup de la rouquine, d’une volonté de l’apaiser.

« Tu es vraiment forte, Charlie… Me serais jamais douté de tout ça. Tu as l’air tellement… tellement toi, quand je te vois! »

Il ne savait pas vraiment ce qu’il voulait dire par là. En fait, il ne pouvait pas faire grand-chose d’autre que serrer sa petite amie dans ses bras pour lui donner chaleur et réconfort. L’intention était sincère, et il espérait qu’elle le sentirait.  

« Pour moi tu restes la même, tu sais. Euh, ça m’fait plaisir que tu… Enfin, je sais que c’est pas facile pour toi de te confier, donc… Bah, voila, j’serais toujours là pour en parler si tu as besoin. »

La jeune femme ne devait pas douter un instant de sa sincérité, et il espérait avoir trouvé les bons mots pour la réconforter.

Quoiqu’elle en dise, Cesar a bien du mal à croire que Charlie « fasse semblant » comme elle le dit. La Championne n’est pas du genre à jouer faux jeu ou à véritablement se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Bien entendu, comme tout le monde, il lui arrive de mentir quand c’est nécessaire à son bien-être, et que cela peut lui éviter plus de questions. Enfin, quelque soit les répliques de son amie à ses affirmations, le jeune garçon, lui, trouvera toujours Charlotte très forte, et pas seulement physiquement quand elle lui enseigne les arts martiaux. Ses mots et ses gestes semblent avoir soulagée la rouquine qu’il voit redevenir plus paisible, et qui finit par lui offrir un sourire. Il n’a pas l’impression d’avoir fait grand-chose, mais l’essentiel est qu’elle se sente mieux désormais. Cesar n’ira pas chercher de midi à quatorze heures pour en savoir plus, après tout, c’est le moment présent qui importe, et les nouveaux gestes tendres qu’ils échangent. Cesar rendit son baiser à Charlie, dans une envie spontanée de ressentir la fraicheur de son visage et de sa joue. Ce que lui racontait alors son amoureuse le faisait rêver. Jusqu’à maintenant, Cesar n’avait pas réellement imaginé de famille à Charlotte. Du moins, il n’avait pas vraiment conçu que cette dernière s’étendait au-delà de Carla. Probablement car lui-même pensait ne pas avoir de famille jusqu’à deux trois jours à peine, et qu’il n’envisageait pas conséquent pas ce genre de choses chez les autres non plus. Finalement, chaque famille possède ses problèmes, ses mystères… La famille est une bien drôle de chose. Quelque chose de complexe, de parfois douloureux extrêmement douloureux, mais aussi un lieu formidable ou l’on peut se retrouver. Le grand garçon ne sait pas grand-chose de ce concept, il lui faut encore apprendre. Mais il avait bien saisi la force des liens du sang. Pour le meilleur et pour le pire.

« Oh… Des photos, ce serait super! Et… Quoi? Akemi petite?! »

Interrogea-t-il, surpris par l’image mentale. C’est étrange, mais il n’avait jamais imaginé Akemi plus jeune, sous sa première forme, avant son évolution, à l’inverse de Emiko ou de Lisa.

« C’est drôle, j’ai du mal à l’imaginer bébé! »

Fit-il, avec humour, et en se grattant la tête nerveusement. Les deux jeunes gens avaient encore des choses à découvrir dans l’autre, et des choses à découvrir ensembles. Leur relation évoluant sous de bonnes étoiles et avec naturel, chaque chose viendra en temps voulu. Le garçon se passa de plsu de commentaires niais (bien qu’il assume complètement cette partie de lui-même et n’ait pas vraiment honte), et reposa sa tête sur l’épaule de sa petite amie en fermant les yeux. Ils étaient bien, simplement bien. Et pourvu que cela dure.