Je rentre à la maison. Le Château brille tant il est magnifique. C'est chez moi. Chez nous. Le jardin est redevenu vert et sauvage comme il l’a toujours été. Mes pas pressés remontent le long de l’allée de sable en direction de l’entrée. J’ouvre la porte, arrive dans le hall illuminé par la lumière sur soleil filtrant à travers les vitres. Je lance des appels ravis. « Je suis làààà! Boooys, j’ai ramené des glaces! ». J’ai rejoint l’Elite d'Enola, ait encore disputé des concours avec Mr Image et Grima. Je suis tellement heureuse. Je lance ma veste sur le canapé du salon, et vais reverser les sacs de course pleins de trucs sucrés délicieux sur la table de la terrasse, à côté de la piscine. « Hey, boys?! » J’appelle Alex et Ludwig. Mais personne ne vient. Pourquoi l’air devient-il si froid et lourd, tout à coup? Je me retourne lentement vers la piscine. J’ai un haut-le cœur immédiat en voyant l’épais liquide écarlate qui a remplacé l’eau transparente. Je fuis dans le jardin, et me brise à terre, comme écrasée par une force inconnue. Quand j’ouvre les yeux à nouveau, je ne peux empêcher mon regard de fixer trois corps étendus sur le sol, baignant dans une mare rouge. Deux chevelures blondes, un corps plus petit et un plus grand que les deux autres, qui n’est pas humanoïde. Je me mets à crier, à pleurer, je ne peux plus bouger, et ma vue se trouble.

« Alex, Ludwig, Lemmy…!! »

Je hurle, et me redresse brusquement. Mes yeux s’ouvrent sur les plaines herbeuses ou je m’étais endormie. Liza, sur les genoux de laquelle je me suis assoupie me retient par les épaules et m’observe d’un œil inquiet. Je n’entends pas ses paroles, et ne sens qu’à peine son étreinte rassurante. Bordel, quel cauchemar… J’essuie les quelques larmes qui sont nées au coin de mes yeux, renifle un coup. Joan, Marco et Nao se sont rapprochés de moi. Les jeunes Pokémon me fixent tous aussi préoccupés que ma sœur.

« Ça va.. C’est juste un mauvais rêve… Comment j’ai pioncé, vous avez vu?! »
« Riku, faut vraiment que tu arrêtes de t’angoisser comme ça. »
« Qu’est-ce que tu racontes? J’vais bien, j’vais bien! C’est juste un rêve à la con! »

Je rigole un court moment, en me forçant un peu, toujours hantée par les images que vient de me montrer mon esprit anxieux. Mes Pokémon se rapprochent encore. Je souris en coin. Ça va. Ça ira.

« C’est juste un rêve… Juste un cauchemar… hein… ? »

Non, ça n’arrivera jamais. Jamais cela ne doit arriver.

Un aboiement me fait sursauter de façon excessive. Je n’ai pas encore bien repris mon souffle depuis ce cauchemar et cette petite Ponchiot qui jappe finit de me réveiller. Je secoue la tête et me re desse pour inspirer profondément et reprendre mes esprits. Je rassure Liza qui me demande sans cesse si je vais bien, et mes alliés qui continuent de s’inquiéter. Ca va aller. C’est qu’un rêve. L’idée de tout de suite le jeter chez Alex pour être certaine qu’il est en vie manque de me prendre dans la minute, mais chaque chose en son temps. Il me faut être raisonnable et penser à moi en priorité. Et à cette adorable Ponchiot qui nous regarde en jappant. J’ai l’impression qu’elle se soucie de moi, elle aussi. Faut vraiment qu’ils arrêtent, tous. Je souris. J’ai toujours aimé les toutous, moi! Et celle-ci est particulièrement craquante. Et… Holy balls! On dirait que son pelage est plus clair que les Ponchiot ordinaires ! Serais-je tombée sur un shiney?! Bordel ,si c’est pas un signe que tout va bien dans le meilleur  des mondes, ça! Joan et Marco, les deux effrontés de service se sont approchés de l’inconnue et la fixent avec un peu de méfiance. La petite Ponchiot a l’air tout aussi impertinente qu’eux, et commence a remuer la queue en s’agitant, les invitant à jouer avec elle. La scène qui suit est totalement adorable. Joan et Marco se mettent à poursuivre leur nouvelle amie à jusqu’en bas de la colline, la rattrapent finalement, et les trois ensembles se mettent à roules les uns sur les autres jusqu’en bas, avec des grognements joueurs si mignons qu’il faudra bientôt me piquer avec de l’insuline. Je les surveille en souriant avec béatitude, une expression que je partage avec Liza à mes côtés. Nao, elle, ne semble pas vraiment comprendre ce qui nous rend l’air si bêtes, et va s’occuper à déchiqueter quelques pâquerettes dans son coin. Les trois fous en bas de la colline ont fini par réaliser une espèce de tas informe et continuent de s’asticoter. Ils remontent enfin vers nous, tous couverts d’herbes folles et de terre. Ils entament alors de se dépouiller les uns des autres des brins et pousses mêlées à leurs pelage. Sauf Joan, car, bah, elle a pas de pelage, elle. Ce qui ne l’empêche pas d’aider les autres. Franchement, ça me briserait de devoir les séparer, maintenant, ces trois-là…

« Ponchiot, dis, pourquoi tu viendrais pas avec nous? Tu pourras continuer de jouer avec Joan et Marco, comme ça! »

La Ponchiot relève la tête et m’observe avec des étoiles dans les yeux, Joan et Marco font de même à ses côtés, et sautillent sur place. Bon, eh bah, on dirait que c’est un oui!

Je n’ai jamais vu Marco et Joan si heureux. Mes plus jeunes Pokémon recommencent à jouer avec la toute jeune canidée, et vont gambader plus loin dans les plaines. Je leur demande de ne pas trop s’éloigner, mais je crois que je n’ai pas de soucis à me faire. Joan sait très bien se défendre, désormais, et Marco est un petit bagarreur, il saura également se défendre en cas de soucis. Liza est tout aussi gaga que moi, et finalement, on retourne vite glander au soleil comme on était tout à l’heure. On parle de tout et de rien, je lui passe en revue les lieux à aller visiter, et classe les villes d’Enola en taux de sexyness. Zazambes arrive en premier, bien évidemment. Les habitants de Baguin ont un charme plus brut, tandis que ceux d’Amanil bah… faut déjà un peu plus aimer les costards-cravates. Quand j’ai épuisé tout mon jus dans le commentaire du physique des Enolians, je peux continuer vers autre chose. Nao qui est resté avec nous s’est mise à chanter tout en écoutant quelques chansons sur mon mp3. Sa voix est vraiment particulière et sa tessiture impressionnante. Elle passe d’une voix douce à une voix grave et bien plus racleuse en quelques secondes, c’est carrément cool! Comme je l’ai emportée, je vais chercher ma guitare sur l’arrière de la moto et commence à accompagner ma Rondoudou. Liza quant à elle se met à chanter aussi, avec nous.

Nos trois boules d’énergie reviennent vers nous en nous entendant chanter, et se mettent à danser tous les trois ensembles. Ils dansent et font des acrobaties, après avoir lancé Marco puis Valentine en l’air, c’est le tour de Joan d’être propulsée dans les airs par ses deux amis. Voila la Charpenti qui bondit en hauteur, à son tour, et retomber mollement dans l’herbe, faisant la morte en grognant de façon surjouée. Quelle bande clowns! Quand on a finit de chanter, ils se mettent tous à applaudir et se jettent sur nous pour un câlin général. Alors que Liza et moi étouffons sous les trois monstres, Nao reste un peu blasée sur le côté. Ses camarades Pokémon vont la voir avec un air sournois. Oh, la Rondoudou fait  comme si elle se fichait complètement de cette attaque de câlins, mais je suis certaine qu’elle en a envie, elle aussi! D’ailleurs, elle n’y échappe pas et même si elle proteste, je sens bien que Nao est tout de même heureuse que ses nouveaux amis s’approchent ainsi d’elle sans aucune réserve ni jugement. Elle doit en avoir besoin! J’en rajoute une couche en me jetant sur tout ce beau monde. Bon sang, c’est niais, cette ambiance, mais ça fait du bien, un peu d’insouciance!

Bonheur et insouciance, hein? Ce serait l’idéal si c’était vraiment le cas. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser au pire toutes les deux minutes. Les sourires de Liza et de mes amis me font tout oublier à l’instant même, mais je sais que mes angoisses reviendront. Alex et Soltan ont toujours tout fait pour que je reste hors de leurs histoires et qui ne m’arrive rien. Ce n’est pas me croire un fardeau, mais c’est une question de fierté pour eux, qui doivent régler leurs comptes tous seuls. De toute façon, je ne peux pas grand-chose à l’encontre de leurs instincts et leur besoin de sang. Et malgré tout ça, les accepter dans mon monde ne m’a posé aucun problème. Enfin, si, des soucis, des disputes, il y en aura toujours. Mais je n’ai pas cherché à les juger, ni à les comprendre d’ailleurs, car je sais que ce serait impossible pour moi qui fonctionne trop différemment.  Je joue certainement un jeu dangereux en me liant à ce genre de personnes, et pourtant, les mois ont passé, et ils sont devenus comme une autre famille pour moi. Je ne sais pas comment c’est arrivé moi-même. Mais c’est comme ça. Et Liza a beau ne rien y comprendre, je n’ai pas fait grand-chose non plus. C’est avec ces deux types bizarres que j’ai pu grandir ces derniers temps. Et c’est pour tout cela que j’ai si peur pour eux. Tout peut leur arriver, et tout peut se retourner. A chaque fois que mon sourire disparait un court instant, je souhaite de tout mon cœur que leur combat se passe pour eux sous de bons augures. Quand tout cela sera fini, tout rentrera dans l’ordre. Je dois penser à cela. J’ai si hâte de pouvoir connaître Ludwig, mais aussi Shizune. Alex comme Soltan doivent retrouver ce qui leur est si cher, et j’espère que la paix se fera un moment dans leur vie. Enfin, non, ils sont ce qu’ils sont après tout, et ce n’est pas si simple.

« What the fuuuuuck?! Booty de Rondoudou à trois heures! »
« …. Whaaaaat?! »

Mais qu’est-ce qu’elle raconte, encore, cette débiloïde?! C'est quoi cette transition foireuse? Quand je me retourne dans la direction indiquée par Liza, j’aperçois effectivement un euh… un magnifique cul de Rondoudou? Dans lequel Nao se dépêche d’envoyer un grand coup de pied, ce qui a pour effet de faire dégringoler le Rondoudou vers le bas de la colline. La scène sort tellement de nulle part pour moi qui était encore en proie a des pensées un peu moins rigolote! Liza et moi nous regardons et explosons de rire comme des débiles. Après un fou rire partagé avec nos alliés, la lumière du jour commence à décline, et on se lève pour s’étirer. Probablement qu’il ne faudrait pas tarder à rentrer…

Les fesses du Rondoudou étaient certes maaaagnifiques, mais il est temps de mettre fin à cette sympathique exploration qui m’aura amené deux alliés en plus ! Nous nous dirigeons tous vers la moto, et je m’apprête à faire rentrer mes amis dans leurs Pokéball. Je croyais mon épisode capture clos, mais un prétendant de dernière minute arrive en courant vers nous, saute sur le siège de la moto, nous observe d’un regard enjôleur et se retourne sur le dos pour réclamer des grattouillis sur le ventre. Sans hésiter, Liza et moi donnons à ce Nidoran adorable ce qu’il veut. Le petit rongeur empoisonné est aux anges et ronronne presque… eh, s’agirait pas qu’il s’endorme.

« Riku, il est trop cute, on le garde?! »

Aux mots de ma sœur, le Nidoran saute sur ses pattes et lève le museau vers moi avec un regard plein d’espoir. On dirait qu’il apprécie la chaleur humaine, ce petit! Et, surtout je ne vois pas vraiment de raisons de dire « non », là… En général, j’aime pouvoir observer les potentiels talents de mes futurs alliés, et celui-là, à part se faire grattouiller le ventre me semble quand même un peu glandu… Mais, que dire, c’est vrai qu’il est trop mignon.

« Tu veux venir, alors, jeune Nidoran? »

Le petit gaillard me répond d’un « Nidooo » affirmatif et se perche sur ses pattes arrières, en posant ses pattes avant sur mon ventre, et gratouillant un peu avec ce même regard enchanté. Ok, il est vraiment trop chou, je vais le ramener à la maison, lui aussi!

Je n’aurais pas pu résister à ce Nidoran. Surtout sachant en quel genre de bestiole ultra-badass il évolue. Et puis, ça fait encore un type poison dans mon équipe, on dirait bien! Peut-être que certains d’entre eux auraient pu faire rougir l’ancienne championne d’Anula! Finalement, je suis sûre que le côté profiteur de mon nouvel allié pourrait donner des choses intéressantes! Si ça se trouve, il a un don caché! Tout ça est fort enthousiasmant et je me mets a sourire bien fort tout en demandant à mon nouvel ami que je surnomme Nicko, de se laisser capturer. Je ne le laisserais pas courir derrière la moto lorsqu’on devra partir! Je remets tranquillement ma veste en me préparant à repartir, et Liza m’imite.

« Où on va ce soir? »
« On va se trouver une auberge de jeunesse à Vanawi? J’suis un peu crevée, moi… »
« Déjà?! Mais t’avais dit qu’on irait faire la bringue, ce soir ! »
« Désolée, Liza, je suis vraiment morte, moi. »
« Ça, c’est à force de trop t’inquiéter pour lui… Sérieux, t’as vu dans quel état il te… »
« Arrêtes. Je t’ai déjà dit que je voulais pas parler de ça avec toi. »
« Ouais, bah, j’suis vraiment navrée de m’inquiéter, hein! Sérieux, je comprends pas tes histoires… »
« Tu comprends pas, alors mêles toi de ton cul. »

J’ai répondu un peu sèchement à ma sœur, pour le coup. Mais c’est vrai, elle est tellement montée contre Alex qu’elle ne veut pas chercher à comprendre le lien qui m’unit à mon cousin. C’est vrai que quand on connaît le personnage de loin, on peut avoir tendance à le juger manipulateur. Je ne dirais pas qu’il n’est pas insupportable, car il l’est. Franchement, je ne sais pas comment je pourrais justifier le fait que nous tenions tant l’un à l’autre. Car je ne vois pas bien ce que j’ai trouvé en lui qui me fait rester à ses côtés, et réciproquement. Néanmoins, Alex m’a donné sa confiance, et ça, c’est une des plus belles preuves de respect et d’affection que je lui connaisse. Et je dois dire que… C’est un peu la même chose pour moi. Je ne fais pas confiance facilement. Je cache ma méfiance derrière une barrière d’affection et de bêtise car j’ai peur d’être seule, et car au fond, j’aimerais être amie avec tout le monde malgré mon caractère de merde. Car je sais à quel point l’avis des autres à mon sujet est important pour moi. Eh, oui, je suis pas aussi libre que j’en ai l’air. Je jette un regard à Liza qui se détourne de moi avec un regard boudeur. Possible que je l’aie vexée.

« Arrêtes, Liza. Si Irina était vivante et en danger, tu réagirais de la même façon. »
« Putain, comment t’oses rapporter Irina dans cette conversation?! »
« Je savais pas comment exprimer l’idée, sorry « sistah »! »
« J’te comprends pas Riku, des fois… »
« Et c’est nouveau, ça? »
« Non, mais… Ça me fout les jetons. Je sais pas ou tu pourrais partir, ce qui pourrait t’arriver. Et si on se revoyait plus, que tu m’oubliais? »
« …C’que t’es con! J’vais nulle part! Allez, tu sais quoi, j’fais ma chochotte, on va se boire un petit verre en ville! »
« True?! »
« True! »

Au moins, elle perd pas le nord, et la voila qui saute sur place à nouveau. On est incorrigibles, toutes les deux. Nous nous hâtons de grimper sur la moto pour retourner vers Vanawi, et trouver un endroit ou boire notre verre et roupiller.