« Alex, t’es vraiment sûr que ça va? »
« Bah, pourquoi ça irait pas? Hein, hein? Quand je dis que je vais bien, normalement, c’est vrai! »
« Euh bah, justement… non. »
« Tu me demandes ça à cause de mon nouveau costume? Il est très beau ce costume, et plutôt sobre, franchement. C’est bon, laisse moi délirer tranquille, et il est plutôt classe et bah… c’est pas SI tape-à-l’œil, à part la cape! Puis il est bleu sombre, c'est pas comme tes fringues rouges!»
« Non, putain, rien à voir avec ton truc, là! J'te poses la question car tu es blanc comme un fucking linge, bordel! Tu devrais reporter ce match avant de tourner de l’œil! »

Vraiment, je suis pâle? Je me regarde dans la glace avec un sourire narquois? Ok, je suis vraiment aussi blanc qu’un cul mal bronzé. Mais j'ai jamais été foncé, de toute façon, pas de quoi s'inquièter. Mais, oui, je ne me sens pas très bien. Cela fait plusieurs nuits que je ne dors plus, ou très peu, et depuis hier, une vive douleur s’est invitée aux environs de mon flanc gauche. Mais tout va bien, c'est tenable, totalement tenable. Je respire un bon coup et rajuste ma cape bleue nuit sur mes épaules, sans vraiment faire attention aux jérémiades inquiètes de Riku. Puisque que je lui dis que je vais bien! Certes, je suis un peu déçu, car j’ai appris il y a une petite heure que je n’affronterais que la championne suppléante, et non pas le Captain Hook comme je l’aurais voulu… Dire que c’est un peu pour rivaliser avec son accoutrement que je me suis habillé ainsi! Elle allait avoir droit à une avant-première! Mais cet habit royal militaire bleu nuit, décoré de boutons dorés et de lignes du même acabit au niveau des manches me plaît beaucoup… Finalement, c’est un peu comme cela que je m’imagine roi. Un roi combattant contemporain… Jamais je n’irais m’encombrer des manteaux d’hermines des rois français ou des collants dégueulasses de l'époque baroque! Quelle horreur. Je suis là pour guerroyer, moi, pas pour faire des pas de danse minimaliste tous les 36 du mois et me dessiner un grain de beauté sur la joue tous les matins avant d’aller me faire blanchir la peau… Bon, bref, vous avez saisi l’idée.

« Ça va aller. De toute façon, pour rien au monde je ne ferais annuler ce combat, tu crois que sur le champ de bataille, Jules Cesar et Napoléon auraient dit « oh, non, j’ai une petite grippe, on remet ça a demain, bisous a plus! » ?!  Ce serait humiliant! »
« Alex… C’est pas compara… »
« Bien sur que si! C’est tout aussi sérieux! Et.. »

Argh. Je porte une main à mon côté alors que la douleur refait surface. Riku ne change pas de disque, elle doit être rayée. Je lui demande une dernière fois d’aller retrouver les gradins, et après m’avoir lancé un regard aussi blasé qu’inquiet, la voila partie en fulminant et en gueulant que si je crève ce sera pas de sa faute. Au fond, elle sait très bien que ça ira. Elle me connaît bien, et elle sait que j'ai besoin de ce combat pour me sentir mieux. Certes, ça fait vraiment mal, mais j’ai déjà vécu bien pire. Mon stress de ces derniers jours a finit par influer sur ma forme physique. Oui, le fait que l’échéance approche, que ce match soit le dernier qui me sépare des duels de ligue, et surtout de ma rencontre prochaine avec mon paternel, et le début réel de notre combat, tout ça m’empêche de bien dormir depuis plusieurs nuits. Je ne suis pas au sommet de ma forme, mais je dois faire comme si tout allait bien. Un haut-le-cœur plus tard, j’entends des pas dans le couloir et me redresse pour sortir et devancer le type chargé de m’amener au terrain sans lui adresser un mot, avant même qu’il ne puisse m’annoncer que je dois me rendre sur le champ de bataille. Haha. Je sais que je tiendrais le coup jusqu’à la fin, mais il va falloir plier ce match au plus vite, avant que la douleur se fasse pire encore… Ou me tue. Haha. Mais noooon, c'est juste passager! Je me mets à rire au milieu du silence du couloir, complètement insouciant. C'est si bon, la folie! Mon angoisse parviendra à s’évacuer que si je ne combat bien aujourd’hui. Et puis… Qu’est-ce qu’un combat si nous n’y mettons pas notre vie en jeu?

Mes pas résonnent enfin sur le sol du terrain de l’Arène de Vanawi, et je m’approche du centre du stade, en attente de mon adversaire. D’un geste sec du bras, j’écarte ma cape qui se met à voler brièvement, dans un son de claquement du tissu dans l'air, et je vais déjà poser une main sur la sphère bicolore de mon premier allié. Je garde la tête droite, et respire le plus discrètement possible. Je sais que je peux résister à tout, je sais à quel point cela peut paraître stupide, mais je vois tout ça comme une sorte d’ultime épreuve. Enfin, ultime, mais je sais bien qu’il y a bien pire dans la vie et que je suis loin d’être a moitié mort comme j’ai déjà pu l'être. Je ne vois pas encore le derrière d'Héatran, ça devrait aller. Même si ça pourrait arriver. Huhu. Mais ça n’arrivera pas, car ce combat me fera me sentir bien mieux dès qu’il aura commencé et tout ça n’es qu’un effet de mon état d’esprit, et si dans mon cerveau ça va bien, eh bien ça ira bientôt mieux dans mon bide aussi. En admettant que tout va bien dans mo ncerveau, ce qui est loin d'être évident. Et venez pas me parler de l’appendicite, je sais très bien qu’il est du côté droit et non pas gauche! Bref! La Championne suppléante s’avance à son tour, et je ne perd pas une seconde pour envoyer mon premier allié au combat : Berthold, mon fidèle Capumain, qui se met immédiatement a sautiller d’impatience. Il ne laissera pas son adversaire abandonner, cette fois-ci! J’inspire profondément une dernière fois avant prendre la parole, pressant quelque peu la jeune femme. Mais, si elle connaît ma réputation, elle doit aussi savoir que je n’aime pas attendre avant de combattre.

« Gloria Davidson, c’est avec grand plaisir que je viens vous affronter. Commençons dès maintenant, voulez-vous? »

Il ne faut pas sous-estimer ma capacité à me concentrer et à oublier tout le reste. On pourra dire ce qu’on voudra sur le fait que je suis loin d’être un génie… Et si je suis un génie, eh bien, c’est un très mauvais génie, mais ma concentration, elle, ne manque jamais au rendez-vous. Surtout quand il s’agit de combattre. Je ne vais pas me répéter une énième fois sur la place d’importance du champ de bataille dans ma vie, car je crois que le fait que j’accepte une telle douleur, tout ça pour me battre est selon moi bien suffisamment révélateur. Une fois de plus, je ferme les yeux et fais le vide dans mon esprit, j’inspire profondément une dernière fois, sachant que je ne me donnerais qu’à peine le temps de souffler dans le moment qui va venir. Quand j’ouvre les yeux, notre adversaire a envoyé son allié à son tour. Un Herbizarre qui ne paie pas de mine, mais dont la silhouette témoigne d’un être robuste et fort bien préparé au combat. Je ne suis pas spécialement sensible au charme du type Plante, il faut bien le dire, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’en retrouver un parmi mes alliés. Je ne doute pas que de puissantes créatures se cachent certainement parmi les Pokémon de ces espèces végétales. C’est le moment de vérifier cela.

Berthold n’attend plus que je lui donne les ordres, bien qu’il sache déjà très bien la façon dont va se passer ce match contre l’équipe de type plante qui s’oppose à nous. Et de nouveau, je me retrouve face à une présence humaine combative, accueillant mon défi avec le sourire sans se préoccuper du reste. Je lui rend son sourire avant de m’adresser du regard à mon Capidextre. Ce n’est pas le premier match pendant lequel nous combattons ensemble. Berthold a beau avoir l’air insouciant et plus préoccuper par jouer que le reste, je me souviens encore de sa combativité et de sa persévérance le jour ou il tenait absolument à évoluer en ce qu’il est à présent. Je ne doute pas un instant du sérieux de son entrainement, et son air sur de lui et joueur ne doit pas être pris à la légère : Bert’ sait très bien ce qu’il fait là. Alors que je fais craquer les os  de mon poignet, je hoche la tête sans m’embarrasser de grandes paroles, pour une fois.

« C’est quand tu veux, Berthold. »

Je ne sais si il avait vraiment besoin de mon signal, mais le Capidextre est parti. Le voila qui enchaine les acrobaties pour se retrouver au dessus de son ennemi, qu’il sait plus lent que lui-même. Le voila dans les airs au dessus du Herbizarre, il tournoie sur lui-même et fait brûler les deux poings serrés au bout de ses queues, bien prêt à les abattre sur son ennemi.  Je n’ai rien à dire de plus, finalement, maintenant, c’est plus à une surprise venant d’en face que j’ai envie de m’attendre. Si l’adversaire se débrouille assez pour pimenter ce combat, je n’en serais que plus heureux.  

Alors, alors, si j’étais pas poli, et que j’avais pas mal au bide, je me frotterais déjà les mains après avoir vu l’efficacité de la dernière attaque que Berthold. L’Herbizarre a du quelque peu le sentir passer, et le moins que l’on puisse dire c’est que mon Capidextre est à présent fier comme un paon que son adversaire commence déjà ployer sous son attaque enflammée. Plutôt qu’enchainer directement, Bert’ s’éloigne par quelques petits sauts. De nature joueuse, il aime pouvoir juger de la puissance de son adversaire en le laissant attaquer. Néanmoins, il semblerait qu’il n’ai pas remarqué que son adversaire a déjà riposté à sa façon. Des spores aux couleurs violacées parsèment le terrain, et moi-même je me sens quelque peu étourdi à leur contact, que je dois plaquer une main contre mon visage pour ne pas en respirer d'avantage.

« Berthold! Ne respire pas- »

Ah, merde, c’est un peu tard. Quand mes yeux retournent vers le Capidextre, il est déjà allongé par terre, avec un bulle qui lui sort du nez. Et il ronfle. Ma main déjà plaqué sur mon visage rencontre cette fois-ci mon front dans un facepalm magnifique.

« Et meeeeeerde… Bert, c’est pas le moment de dormir! »

Je crois que dans mon optique de tout casser par une puissance offensive supérieur, je n’ai pas véritablement prévu que l’on utilise des spores ou d’autres tactiques feinteuses de ce genre. Mais je rappelle que je pensais affronter l’équipe plus offensive de Hook. Bon sang, Bert, ce n’est pas le moment de roupiller! Je déteste avoir à me dire cela : mais je n’ai plus qu’à attendre qu’il sorte du pays des rêves, maintenant! Oui, je suis impuissant à ce point, ça fait partie du jeu! Et franchement, avec l’état de ma santé, j’ai pas le temps pour ce genre d’imprévus dont je ne peux prévoir la longueur. Je ne sais pas si j’ai la force de cèder à la colère. Je pourrais prendre tout mon temps pour rager, mais cela ne ferait pas avancer le shmilblick... Quoique ça réveillerait peut-être mon Capidextre. Mais je devrais avoir confiance en lui. Après tout… C’est un style de combat comme un autre. Même si je dégoute ce dernier, c’est une façon de se battre, et ce n’est pas nécessairement le premier adversaire que je rencontrerais qui jouera le jeu de cette façon. Et pendant ce temps, Berthold fait encore des bulles avec son nez, et notre adversaire en profite pour se soigner. Cette fois, je tire réellement la tronche et lance un regard blasé à la jeune femme en face de moi. Vraiment? Elle n’a pas trouvé plus malin d’attaquer? Je crois que je ne comprendrais jamais. Mais… franchement… Quand est-ce que Berthold compte se réveiller, là?! Ma patience a des limites, et ces dernières sont infimes! Mes poings se crispent sur eux-même. Je sens que je ne vais pas tenir longtemps ainsi.

Mes poings se serrent de nouveau quand j’aperçois l’Herbizarre en face de nous déjà commencer a préparer une attaque. Sachant que nos adversaires ont la possibilité de gagner du temps grâce à l’endormissement de Berthold, il est logique d’en profiter pour placer une attaque puissante, peut-être même une attaque  nécessitant une longue préparation. Au vue du commentaire de la Championne suppléante, mes prévisions se voient confirmées. Je ne sais pas si dans son état actuel, et étant donné qu’il ne verra pas venir l’attaque, comment mon allié résistera à un puissant. J’appelle de nouveau son nom et lui crie de se réveiller une nouvelle fois, avec conviction, tant pis si j’ai l’air stupide à me répéter et parfois à me louper dans mes appels, tout ce qui compte, c’est que finalement, cela a fonctionné, et que Berthold se réveille pour repartir immédiatement au combat, d’une vivacité qui lui ressemble bien. Je dois bien avouer pour une fois que la patience a payé fort justement, et je suis plutôt fier de ne pas m’être mis a hurler… Mine de rien, dans mon état, crier ou me stresser d’avantage n’est peut-être pas recommandé. Berthold est entré en collision avec son adversaire, les deux s’en sortirent blessés, mais l’Herbizarre le fut d’avantage du fait de l’utilisation de l’attaque a double-tranchant qu’il utilisa. Courageux, il faut bien le reconnaître. La témérité est un trait de caractère que j’estime être une intéressante qualité, et je me passe de commentaires lorsqu’Herby se retrouve à terre. Je me contente d’envoyer un sourire complice à Berthold, qui lui, nargue l’adversaire pour deux. Il est très fier de son coup, et attend avec impatience son prochain affrontement. Ne pas pouvoir se donner de toutes ses forces contre Fenrir n’a pas arrangé son cas, et il se retrouve aujourd’hui avec une rage de vaincre quelque peu aveugle. Je serais bien mal placé pour lui reprocher cela, si cela doit lui porter préjudice, cependant, je saurais l’en avertir. Mais, maintenant que l’arène est revenue au calme, la douleur dans mon coté se réveille une nouvelle fois, bien plus vive que tantôt. Ma main se resserre sur mon flanc et  je serre les dents pour tenter de ne rien laisser paraître. Tout ira bien. Plus qu’un. J’essuie une goute de sueur perlant contre mon front, puis recommence à m’impatienter.

« Alors, quel sera ton prochain choix? »

Tout se passe à merveille, je dois le dire. Un léger désagrément aurait pu surgir si Berthold ne s’était pas réveillé, mais cette éventualité ne s’est au final pas concrétisée. Il me fallait cependant me confronter à ce genre d’imprévus pour m’en trouver plus aguerri par la suite. Bien entendu, je sais que le facteur paralysie comme cela m’était arrivé contre Maxime Warren, ou comme cette fois, le sommeil sont des issues capables de me coûter la victoire. Je ne suis pas tout à fait le genre de combattant qu’il planifie tout d’avance, il est vrai que j’aime être surpris et me laisser une grande marge d’improvisation possible, privilégiant la force brute à la défense. La meilleure façon de défendre, c’est l’attaque, non? Manger avant d’être mangé a toujours été une de mes lignes de conduites, fervent adepte du Darwinisme que je suis. Enfin, tout ça, c’est bon pour oublier mon mal de ventre, et heureusement que notre prochain adversaire ne tarde pas à apparaitre pour que je me concentre de nouveau. Je sens bien que mon Capidextre s’attarde un moment sur mon état, et m’interroge du regard, comme peu certain que je tienne le coup. Je le rabroue d’un air sévère. Pour qui me prend-il, hein? Même avec un pied dans la tombe, je ne ferais jamais s’arrêter un combat. En fait, mon rêve ce serait de vivre jour et nuit sur un champ de bataille! Enfin, le soucis c’est que je suis encore un humain et il me faudrait bien quelques moments de repos. Puis, si c’était tout l temps la guerre, je risquerais de me lasser, c’est mieux que ça pête de temps en temps, pas trop régulièrement, mais quand même un peu souvent, histoire de ne pas avoir le temps de perdre ses réflexes, mais d’être surpris quand même. Ouais, ça, se serait cool. Ca, c’est la façon dont mes ennemis devraient m’attaquer quand à moi, bah, je dois pouvoir leur déclarer la guerre quand je veux et ou je veux pour les massacrer. C’est classe. C’est vraiment classe. Bref, j’ai perdu le fil, mais avec le sourire revenu sur mon visage, je crois que Berthold a compris qu’il n’avait rien à craindre : il terminerait ce combat. Nous terminerons ce combat et partirons avec notre aller direct pour les matchs de ligue. Je hoche la tête dans sa direction. Il n’a qu’à continuer ce qu’il a si bien fait pour nous apporter la victoire contre ce second et dernier adversaire.