« Non mais… il a sa salle de bain pour lui tout seul, quoi, c’est trop l’hallu! En plus... Il s'en sert à peine, il descend tout le temps dans ta chambre, et il joue que dehors! Sérieux! »

Mon retard glacé lorgne avec amusement ma cousine faussement agacée. Je me suis donné un mal de chien pour préparer la chambre de Ludwig, et le résultat fut plus que satisfaisant. Pour une raison que je n’oserais jamais comprendre ni avouer histoire de conserver ma santé mentale, voir Ludwig aussi ravi de découvrir sa chambre m’a mis de fort bonne humeur pour la semaine. Quelques jours après que nous ayons regagné notre fief, Marilyn s’est mise à réclamer son ami, et actuellement, moi-même et ma cousine les surveillons du coin de l’œil tout en se baladant de notre côté. En restant pas trop près des berges du lac, cependant, s’agirait pas de refaire les même erreurs que la dernière fois. Les deux gamins sont dans leur monde et que Marilyn incite Ludwig a faire quelque bêtises (ce qui ne lui fera pas grand mal, je sais que le blondinet a besoin de se lâcher, tant que ça ne va pas trop loin, autant le laisser faire). Ahlalala. Que je suis cool. Mais ce n’est pas tant les jeux des gosses qui me font sourire, mais véritablement le comportement ridicule de ma cousine aux cheveux rouges. Taquin, j’enfonce mon doigts dans sa joue, avant qu’elle ne me chasse telle l’empotée qu’elle est.

« Une putain de salle de bain! Et il a la tour pour lui tout seul! »

Je continue. En même temps, quand Ludwig sera grand et fera sa crise d'ado, il sera bien content d'avoir son coin à lui ,et ne pourra pas être ingrat. Tout est planifié. Hinhin. Bref, je continue mon geste agaçant en accompagnant mon geste d'une comptine "Ça t'fais pas mal mais ça t'fais chier, ça t'fais pas mal mais ça t'fais chier..." et cætera.

« Non mais c’est…. ARREETEUH! YOU WANKER!  »

La voila qui se débat de nouveau et me saute dessus. C’est ballot, il m’en faut plus que son poids pour me faire me ramasser par terre. La rouge tire une tronche de six pieds de long en constatant que je ne bronche pas, et se sent bête. Elle s’éloigne et continue de marmonner les même jérémiades.

« Bah alors, mon gros bébé cadum, tu veux ta petite salle de bain aussi avec ta tour? »
« J’suis pas un bébé cadum! »
« Ah, je sais, tu veux une tour pour attendre ton prince charmant, comme une vielle fille! »
« Gnagnagnagnagnaaaaaaa… »
« C’est qui déjà? Easton, Ash? Ah, mais non…. C’est Cassey! »
« ESPÈCE DE CON! »
« Waaaaah… créatif. »

La naine japonaise revient à la charge et me grimpe carrément dessus, et cette fois je m’aplatis dans les feuilles. Je me relève cependant avec un sac à patates sur le dos.

« Non… Pas la toupie, pas la toupiiiiiiiiie! »

La rouge hurle finalement de rire et me tape dessus avant que je la laisse tomber par terre. Voir sa détresse m’amuse autant que les regards qu’elle me lancent, surtout avec les deux gamins qui en rajoutent une couche avec leurs rires suraïgus.

« Le lion ne s’associe pas avec le cafard, jeune fille! »
« "Sa saucisse"… quoi?! »

Bon, et, sinon, est-ce je vais finir par tomber sur ce Kaiminus que je convoite depuis si longtemps un jour, comme nous sommes dans le coin.

Riku tire son air faussement vexée alors que les gamins finissent de se moquer d’elle et retournent jouer. La rouge s’accroche à ma jambe pour se relever et continue de faire son pot de colle, et je la laisse faire, car c’est sa façon à elle de me faire comprendre que je lui ait manqué, de faire l’idiote de la sorte. Pour que je m’occupe mieux d’elle, vous voyez. Eh, c’est pas facile d’avoir une cousine handicapée mentale, vous savez! Pendant ce temps-là, Ludwig est poussé par Marilyn à défier une Magicarpe qui frétille à la surface de l’eau. D’un œil encore distrait, car Riku monopolise mon bras et s’est mise à me chanter des chansons paillardes à la gloire de… Je sais pas, en fait, je ne saisis pas toutes ces démonstrations d’affection étranges. A quelques mètres, Loulou, le Moustillon de Ludwig sort victorieux sans grande surprise, et Riku m’indique que mon jeune frère me demande. Et il n’y a qu’à voir son air ravi.

« Aleeeeeex! »
« Aleeeeekusuuuu! »
« J’ai battu le Magicarpe, tu as vu? »

Euhm… Fallait que je regarde? Je souris nerveusement et de manière exagérée aux deux gamins fiers comme des paons, mais ne réponds pas encore.

« J’ai appelé Loulou, et VLAN! Il a éclaté la gueule de…»
« On ne dit pas "éclater la gueule". »
« Euh… bah il a battu Magicarpe trop vite! »
« Ahah! Oui, enfin, tu sais, c’est juste un Magicarpe… Ces Pokémon sont vraiment super nuls! »
« … »
« … »

Dans mon dos, Riku s’éclaircit la gorge de manière exagérée et pouffe de rire en me traitant de pas doué. Bah… Quoi, j’allais pas dire que c’était un exploit digne d’avoir défié Arceus, non plus! Si Ludwig commence à croire des trucs pareils, il deviendra… Mythomane! Ou, je sais, pas, moi… Gigolo! Bref. Voila qu’il boude.

« C’est pas ça qu’il fallait lui dire, Alexandouille. »
« Oh, toi, ça va, hein. »
« …Alors... Je suis nul, Alex? »
« Euhm… Non, bien sur que non. Mais, tu sais, les combats Pokémon, c’est beaucoup de persévérance, et de pratique! »
« Hm… Persévérance et pratique… »

Le blondinet modèle réduit se gratte le menton l’air pensif et se retourne vers la berge. Puis, Marilyn le pousse de nouveau dans le dos, et lui chuchote quelques mots dans l’oreille… C’est dingue, j’ai l’impression qu’ils ont commencé à déjà se comprendre, tous les deux, en quelques semaines, et ce, malgré les barrières posées par leurs différents langages. Donc, les voila en train de courir sur le rivage, nous avertissant qu’il partaient chasser des Pokémon.

« Vous éloignez pas trop, les gamins! »

Bon sang. Il va me tuer. Ma cousine me tapote l’épaule de manière compatissante, puis part dans une imitation de mon attitude nerveuse vis-à-vis de Ludwig. Abrutie.

« Quand un gamin te demandes si il a fait un truc bien, faut toujours lui répondre "oui", andouille »

Mon, regard lorgne ma cousine d’un air blasé. Et quand il dessinera sur le mur du salon « pour faire bien », il faudra le féliciter et lui faire un Merveilleux au chocolat, aussi? Ce n'est pas exactement comme ça que je pense élever ce gamin. Bien sur, je ne vais pas être chameau non plus, mais je pense qu'être hypocrite le transformera en foutu enfant gâté, rien de plus.

« T’as des leçons à me donner, toi? »
« Baaaah, il a besoin de confiance en lui, ce gamin. »
« Va chercher la tienne, et on en reparle. »
« Pauv’ con, tu peux parler… »

Hein? Je fronce les sourcils, plus agacé encore. Riku a le talent de me mettre de bonne humeur, mais aussi de tout foutre en l’air en une fraction de seconde. Et c’est ce qu’elle vient de faire. Le pire, c’est qu’elle a raison. Je ne veux pas me l’avouer, mais je cache ce manque de foi en moi-même derrière un mur d’arrogance. Et ça, Riku le sait pertinemment. C’est la seule qui m’a fréquenté assez longtemps pour le deviner… Ah ,et aussi car elle est bien plus clairvoyante que ce qu’elle laisse paraître. Tu parles, qu’elle ne capte jamais rien. Elle sent tout, cette fille. Une véritable plaie. Je soupire, inutile de tenter de répondre et de me débattre, elle sait, de toute manière. Et la confiance en elle, y’a qu’à voir ce qu’elle en a pris pendant ces jours-ci. Mais la pensée qu’elle n’ait plus besoin de moi suffit à me donner l’impression que quelqu’un est en train de m’arracher mes tripes.

« T’inquiètes, j’compte pas partir. »
« H-Hein? »
« J’te manquerais trop, pas vrai? »
« … Tu me fais vraiment chier, tu sais, parfois. »

Mauvaise foi bonjour. La tronche dégoutée que je tire alors suffit à faire déguerpir une Poissirène, qui, d’après Riku, me regardait de façon extrêmement lubrique. Oh. Bordel je sais. Oui, Riku, je sais que tu vas faire la blague, putain, pas la peine de la dire à voix haute.

« Fuck shiiit ! T’attires vraiment que les thons, toi! »
« Prévisiiiiible. »
« Meh… Sérieux? »
« Complètement. »

Depuis quand est-elle devenue aussi indispensable? C’est niais à penser, mais je le pense : Riku m’a terriblement manqué pendant ces quelques mois. Certes, pendant la plupart d’entre eux, nous étions sous le même toit. Mais ce n’est pas comme si j’étais moi-même ou en état de communiquer à ce moment-là. Dans ces moments de réalisation, je me sens toujours profondément troublé, comme si la chose n’était pas naturelle pour moi. Je ne dois néanmoins pas m’appesantir, après tout, si je veux être un bon grand frère pour Ludwig, il me faudra m’habituer à ce genre de choses également. Et si tout ce passe bien comme nous le désire, ça ira. « Ça ira ». J’ai l’impression que ces deux mots n’ont jamais franchi mes lèvres de toute mon existence, et maintenant, j’arrive à les penser.

« Arrêtes de sourire comme ça en regardant les gosses, putain, t’es flippant! »
« Mais… j’aime bien les enfants, moi! Ils sont juteux au niveau des mollets… »
« EEEEWWWWW! FUYONS! »

Ma cousine s’éloigne en courant et prend Ludwig et Marilyn sous ses bras, et commence a courir mollement pour les éloigner de moi. Je n’ai pas encore assez retiré mon balais du cul pour les poursuivre, et je me retrouve donc seul, même si les ricanements et les piaillements de ma cousine et des gosses se font entendre d’ici.

« Non, mais, j’vous entends, bande de.. »
« Roh, allez, joue le jeu, pour une fois! »
« Non! Je veux pas! »

… Moi, jouer le jeu. Roh, punaise, je me sens mal rien que de m’imaginer observer les alentours avec des « mais ou qu’y soooooont ? » exagérés. N’empêche, que je suis tellement occupé à m’embarrasser par la force seule de mon imagination, que les trois abrutis surgissent du buisson et… Et merde.

« BORDEL DE SCHEIZE DE TA MÈRE EN ROLLERS CHEZ DIOR! »
« On l’a euuuuuuuuu! Oooooh yeaaaaah! »

Ma cousine crie comme une idiote maintenant qu’elle et les deux mômes m’ont littéralement sauté dessus pour me faire tomber dans les feuilles. Ludwig est particulièrement ravi et a décidé d’en profiter pour m’enlacer, tout content de son coup. Pour l’anecdote et les images mentales,  dans l’état actuel des choses, je dois tirer la plus magnifique derp face du siècle. Mais bordel, qu’est-ce qui va m’arriver, avec tout ça?