« Marilyn descend de là, tu nous fait tous vraiment chier! Arrête de chialer! »
« IIIIIYAAAAAAAAAAAAAA! »

Bordel de cul de Giratina, elle va nous rameuter tous les fans de hentai du coin, a force de gueuler comme ça en japonais. Voila maintenant 15 bonnes minutes que la fillette est coincée dans son arbre, et ne veut pas descendre à condition que ce soit son père qui l’y aide. Riku a  beau tenter de la convaincre avec son japonais approximatif, la gamine continue de secouer la tête et de gueuler sur tout le monde. Ludwig aussi tente de la convaincre, mais se reçoit le même traitement de la part de la gamine effrayée et agressive. Bordel, ce qu’elle manque d’éducation. Vu la mère, ça m'étonne plus guère, en un sens. Même pas la peine de m’emmerder à appeler un Pokémon pour la sortir de là, je vais me débrouiller moi-même en grimpant à ce foutu arbre. Et même si la gamine continue de hurler a mesure que je progressais et que mes tympans souffrent de plus en plus, eh bien, j’allais lui faire entendre ma façon de penser, car je peux crier tout aussi fort. Cette gosse ne prend pas assez de roustes, si vous voulez mon avis. Encore, si elle ne feignait pas d’être effrayée, elle aurait presque pu faire de la peine… Et encore, je crois que même Ludwig en a marre de son cinéma. J’arrive finalement à la hauteur de Marilyn, qui, pour m’accueillir, plante ses dents dans ma main avec toute sa force de gamine de 4 ans. Bah, j’aurais pas cru que ça ferait mal. Je blêmit une fraction de seconde et serre les dents pour supporter la douleur et ne pas assomer la gamine avec ce qui me tombe sur la main, et comme cette espèce de Pitbull ne semble pas vouloir me lâcher, eh bien, je l’attrape par le col avec ma main plus ou moins pour la porter jusqu’en bas, alors qu’elle continue de grogner et pleurer comme une furie.

« Par les poils pubiens maléfiques de Giratina, cette petite conne m’a mordu jusqu’au sang! »

Dis-je en m’arrachant enfin à la morsure pour aller chercher des lianes qui trainent dans le coin… et attacher la gamine avec (ne me jugez pas, c'est une tactique non violente de contrôle), qui tente de se débattre comme une forcenée, tout en hurlant des choses probablement peu sympathiques dans sa langue.

« Elle dit que t’es un gros encu- »
« Ouais, bah, elle racontera ça à son père quand elle rentrera. En attendant, c’est saucisson. »
« SAUCISSON JANAIYO ! MARILYN DESU! »
« Elle dit qu’elle s’appelle pas "saucisson" mais Marilyn!  »
« Merci pour ton aide, Riku.. »
« Alex… ? »

Ludwig tira sur le tissu de mon pantalon d’un air timide, et me désigna la dégaine de Marilyn. Tout d’abord hésitant, il finit par me demander ce qu’il voulait.

« Moi aussi, je peux jouer à être un saucisson? »
« … »

Et donc, après plusieurs minutes, ce qui devait arriver arriva. On se trimballait désormais avec deux andouilles de 4 et 6 ans, ravis d’être attachés au bout d’une liane et de jouer aux prisonniers. Riku se marre sur ma tête exagérément derpy et frustrée dont on pourrait certainement faire un super smiley colérique. Et qui me fait penser que je devrais peut-être moins froncer les sourcils en prévision de mes futures rides.

« Roh, Alex fais pas la tronche! Bon, tu vas te faire tuer par Soltan quand Marilyn lui racontera l’histoire, m'enfin… »
« Je pige rien aux gosses! Merde! »
« Le gardien il dit des gros mots! »
« Ouais, mais j’suis le gardien, alors j’ai le droit. »
« Well… C’est pas juste! »

Franchement, qu’est-ce que vous pouvez faire, à part être perplexe quand des gosses vous demandent d’eux même de se faire attacher? Bon, chacun ses jeux, j’ai envie de dire, et je ne parlerais pas des miens à leur âge. Oui, j’adorais déjà écouter la discographie classique et romantique de papa et écraser des insectes en rythme avec des grands gestes, à l’époque. Paraît-il que c’est pas ce que tout les enfants font. Je sais pas si ça se fait à Enola non plus. Enfin. On a tous éventré un poisson pour son propre plaisir, entre 3 et 8 ans. Les gosses sont cruels et parfois glauques, vous vous attendiez à quoi? Vous pensez que tout ce qui sort des mamans est doux et innocent? Peut-être qu’à la base, oui, mais je ne crois pas tant que ça en cette théorie. Enfin. Qu’importe si Ludwig aime jouer au prisonnier (même si je trouve ça très bizarre du fait qu’il fut enfermé dans l’énorme baraque des parents pendant toutes ces années). Enfin. On continue d’avancer comme ça, en tenant en laisse les deux gamins, qui ont visiblement oublié qu’ils étaient attachés car ils discutaient tranquillement comme si ne rien était. Leur attention est néanmoins retenue par la présence lumineuse d’une Lumivole qui passe dans le coin, et qui fait bien plus fanboyiser Riku et Ludwig que moi et Marilyn.

« Heeeeeey ! Les enfants, regardez, c’est Tinkerbeeeeeell! »
« Mais… appelles-les "cons", pendant que tu y es. »
« … quoi encore, Grumpy cat? »
« Arrêtes de parler avec cette voix débile, c’est pas parce que c’est des gosses qu’il faut leur causer comme si ils étaient stupides! »
« T’es emmerdant, aujourd’hui! "Gnagnagna dis pas ça, gnagnagna fais pas ça, gnagnagna Riku elle est débile, gnagna, j'suis un gros relou de merde, gnagnaga"! »

Pas plus que d’habitude, pourtant. Je hausse les épaules, et échange un regard un peu lassé à Marilyn qui roule des yeux alors que la luciole violette joue avec un Ludwig tout content de la visite de l’insecte un peu digne d’un conte de fées. Elle grogna quelques mots en japonais à l’adresse de son ami, et même sans les comprendre, ces derniers puaient la jalousie d’ici. Je me retournais en ricanant un peu de la scène, et Ludwig quant à lui se retourna de suite vers la fillette, ressentant certainement son ressentiment. Mon jeune frère est extrêmement sensible (comme tous les enfants, j’imagine), et il sent facilement le malaise de ses proches. Ma cousine se rapproche pour me mettre un coup de coude, que je lui renvois dans l’instant, déclenchant lors une réaction en chaine en crescendo… Et bien entendu, c’est Riku qui valdingue la première dan,s le décor. Ce qui fait beaucoup rire les gosses, et m’emplit d’un certain orgueil.

« Hmm… Dis-moi, Ludwig, toi qui sens tout, tu ne sais pas si on peut trouver un Kaiminus, dans le coin? »

Mon humeur joueuse à l’égard de mon frère semble surprendre tout le monde. Le visage du blondinet s’illumine d’un sourire et retire en hâte les lianes qui le saucissonnaient avant de me tirer par la main. Riku recommence à se marrer et imite encore mon air de débile, ce qui lui coûte de se faire de nouveau pousser dans la pampa.

« Les filles, on va à la chasse, vous, vous cherchez des fruits! »
« Ouais, les mecs à la chasse, les nanas en cuisine! »
« On vous emmeeeeerde, bande de phallocrates! »
« Tu sais même pas ce que ça veut dire! »

Sait-on jamais, peut-être que Ludwig peut me porter bonheur pour trouver cette bestiole que je convoite depuis si longtemps. Ou du moins, ça pourrait changer la causalité.

Ah, ce qu’on est bien entre mecs! Quelque part, je vais pouvoir découvrir cette joie de partager une compagnie virile (?) avec mon jeune frère -qui lui, doit complètement s’en foutre, certes-. Sont à venir des moments de complicités beaufs avec un cadet en admiration devant mes prouesses d’ainé! Je devrais lui apprendre, les filles, les mecs, lui faire sa culture de blockbusters mythiques à la con  pour briller en société. Ahahaha. C’est ça, Alex, attends que le gamin soit ado, et on en reparlera quand il pourra plus te voir en peinture. Hmph. C’est bon, la raison, fais pas ta relou, alors que pour une fois, je profite. Et bon sang, parlant de profiter, Ludwig a l’air d’être au paradis, en ce moment, et le sourire qui barre son visage ferait presque peur dans un autre contexte (en un sens, il est pas né dans la bonne famille pour avoir un sourire complètement inoffensif). A voix basse, il commence a chanter quelques paroles d’un générique d’anime que moi-même je connais car il a cartonné récemment, dans un allemand corrigé par rapport à la version du générique original. « Ils sont les proies et nous sommes les chasseurs! »… Hmm, ça, c’est encore Marilyn et Shizune qui ont du lui apprendre. Comme je me tournais vers lui, le blondin s’arrêta un peu net, comme de peur de se faire gronder. Je ne dis rien cependant, et laissait mon frère s’amuser, jusqu’à ce qu’il trébuche dans un gros caillou sortant du sol, et se ramasse à terre en chouinant.

« J’crois que je m’suis cassé la jaaaaaambe! Aleeeeex! »

J’émets un rire un peu moqueur vis-à-vis de son attitude un peu gamine pour son âge quand même. Le gamin se met à créer ses larmes de crocodiles favorites, et bonne nouvelle, cela me met moins mal à l’aise qu’avant.

« Bah voyons, t’as même pas ton os qui ressort! Allez, relèves-toi, mon petit! »
« J’suis pas petit! »
« Oooh, pardon, mon bébé. »
« Je suis pas un bébé non plus! Arrêtes de m’embêter! »
« Si tu peux crier et chouiner, tu peux te relever, tu vois! »
« Maiiiiiis! T’es chiant! »
« Eh, oh. Parles mieux, je te prie »
« Mais, toi t’arrêtes pas de dire des gros mots, c’est pas juste.. Et Marilyn aussi, elle en dit tout le temps. »
« Quand tu sauras bien parler allemand et français, tu pourras dire tous les gros mots que tu voudras. »
« …Vrai? »
« Promis. »

L’air satisfait de la tournure de la conversation, Ludwig se relève finalement, et se met à courir précautionneusement vers la berge du lac, pour crier sur un Axoloto qui trainait par là et lui faire peur. Puis il revint vers moi, fier comme un paon. Automatiquement, je commençais à prendre l’habitude de passer une main pour lui ébouriffer brièvement les cheveux en guise de congratulation.

Maintenant que j’observe le ciel, je m’aperçois que l’heure du déjeuner va bientôt approcher. Et la chaleur étouffante du zénith avec. Mieux vaut donc ne pas rester trop longtemps dans les parages, même si la jungle permet plus ou moins de rester à l’ombre. Je rebrousse donc chemin tranquillement, suivi par Ludwig, et nous partons pour aller retrouver les filles. La jungle est devenu une destination plutôt appréciée de mon jeune frère, malgré ce qui a pu s’y passer par le passé. Un lieu que Marilyn apprécie aussi quand nous sommes chargés de la baby-sitter. Appelez ça de la lâcheté si vous voulez, mais ça reste tout de même plus facile quand elle est dans les environs. Elle beau être emmerdante, Ludwig a besoin d’elle, de cette autre présence enfantine. Et réciproquement. Avec raison, le blondin aura pendant un bon moment du mal à faire confiance aux adultes, et je sais bien qu’il n’attend que de rencontrer d’autres personnes de son âge. En ce sens, même si je rechigne à l’y envoyer, je sais qu’il se portera très bien à l’école, même si la barrière du langage mettra peut-être quelque temps à se franchir. Néanmoins, il nous reste quelques semaines, et les gamins de l’âge de Ludwig apprennent à une vitesse hallucinante. Par le derrière de Giratina, ce qu’il va grandir vite, je ne m’en rends même pas encore compte. Bientôt, il viendra vers moi pour me demander des conseils de drague. Et il me taxera de l’argent pour aller au Laser Game. Mais en fait, ce sera pour s’acheter de la weed. Bah… quoi, me regardez pas comme ça, je l’ai bien fait, moi. Enfin… Y’a beaucoup de choses pas nettes que j’ai faites avec cet argent. D’ailleurs, j’hallucine un peu qu’un mec aussi maniaque qu’Helmut n’ait jamais remarqué que je l’ai volé à plusieurs reprises, et pas des petites sommes (la preuve, c’est qu’il m’en reste encore un peu). Faut croire que j’avais trouvé la technique. Enfin.

Nous retrouvons finalement les deux filles, qui discutaient toutes deux en japonais. Marilyn est montée sur les épaules de ma cousine et se prend visiblement pour la reine de la forêt.

« Bon, z’avez rapporté le repas? J’le vois pas, le ragout de sanglier, moi! »
« Nan, on va rentrer, plutôt. C’est moi qui prépare toujours la bouffe, toute façon, alors qu’est-ce que ça peut faire? »
« Ouais, ouais.. »
« On va manger quoi? »
« J’sais pas. Qu'est-ce que vous voulez bouffer? »
« Des patates? »
« Des patates et des saucisses! »
« C’est la 5ème fois de la semaine, vous allez devenir énormes, bordel. »