« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Spectres & Pixels |OS - Part II|

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Cassey G. Banks
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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Spectres & Pixels |OS - Part II|    Spectres & Pixels |OS - Part II|  EmptyVen 15 Juil 2016 - 0:46



Spectres & Pixels
PART II
feat. Code

Je la cherche. D’elle, je ne perçois plus qu’une présence insaisissable et lointaine, les traces diffuses de son passage plutôt que l’essence concrète de son être. Mes appels résonnent dans un écho, ne se butant qu’au vide chaotique du monde virtuel qui ronronne, indifférent. Inlassablement, je m’acharne à la poursuivre, ce spectre comme un miroir de moi-même, hantant mes pensées et songes. Depuis notre rencontre, ces quelques émotions primitives me permettant d’analyser ce monde n’ont fait que croître et s’approfondir, parfois complexes où je ne parviens plus même à les identifier. Néanmoins ici, il m’est aidé de le reconnaître. De la fascination. L’autre Porygon, la bonté devinée chez elle, n’en finissent plus de m’attirer. Je dois en retrouver la flamme distinctive, la signature si subtile et fébrile m’ayant salué si tristement. Tant de questions m’habitent. J’espère simplement la retrouver, en apprendre plus sur ce spécimen. Après tout, je me croyais seul au monde, chromatique et rarissime. Puis elle pour m’apparaître dans un parfait hasard destiné, venant changer toutes mes perspectives. Tout un monde de possibilités, de goûts et de rêves se sont ouverts à moi, tout mon être se complexifiant à mon évolution coïncidant à notre rencontre. Ma curiosité doit s’épancher. Si seulement je parvenais à la rattraper…

Installée à mon ordinateur, je compte les heures. Phénomène rare pour une accro au travail telle que moi et pourtant. Je ronge mon feint malgré la quantité non négligeable de boulot m’attendant au détour, s’accumulant contre mon pupitre sous la forme de piles de papier hétéroclites et farfelues, dispersées sans la moindre once d’ordre. Plutôt que d’obéir à mon instinct habituel et de me jet sur celles-ci, je contemple d’un air absent mon écran d’ordinateur, impatiente en constatant un bug sur ma page. Je secoue la tête en abandonnant un soupir. En vérité, je ne m’en soucie plus. J’ai l’esprit ailleurs, vers demain qui signifie pour nous notre premier match de Conseil. Ô combien il devient difficile aujourd’hui de conserver ma concentration, d’autant plus que j’ai dû me battre pour obtenir ce rare congé demain… J’en ressens encore une part de frustration, comme si je ne faisais déjà pas tout en mon pouvoir pour cette foutue organisation. Je caresse la tête de Code, mon Porygon2 évolué il y a environ une semaine. Lui comme les autres est fin prêt à se mesurer à Gaësia. Comme très souvent, il a demandé à ce que je le connecte à mon ordinateur afin qu’il puisse profiter de la connexion Internet. Je n’ai aucun mal à le laisser faire, surtout qu’il semble grandement apprécier ces visites virtuelles. Avec un énième soupir, je me remets à ma contemplation de mon écran, en visualisant ma stratégie de demain plutôt que d’avancer sur la lecture de ce rapport.

Une énergie vrombit, je peux la sentir changer quelques données au loin. Elle me paraît si lointaine que j’en viens à me demander si elle est réelle. Je nage jusqu’à elle, réalisant les changements qu’elle opère doucement au système, sans rien heurter pourtant, présence clandestine sans pourtant être hostile. Je me rapproche, tente d’établir un contact. Je n’aime pas qu’on vienne fouiner dans ce réseau que j’ai juré de protéger, tout comme l’étrange jeune femme située derrière l’écran. Mais peu à peu, l’espoir me gagne, celui que ce passage soit celui de celle que je recherche ardemment, soudain les émotions éclipsent mon jugement. J’abandonne mes barrières peu à peu, sa présence à elle me consume, maintenant confirmée, et je sens tous mes pixels s’émouvoir de sa venue. Je la salue, mais le code me reste pris dans la gorge. Autour d’elle, tout n’est que destruction, des fichiers volent en fumée alors qu’elle détruit ou s’approprie les données. Je la vois danser dans son crime, insensible aux conséquences de ses actes. Mes saluts se mutent en cris horrifiés, je tente de la raisonner.

Et juste quand ma concentration s’aiguise enfin, l’écran d’ordinateur s’éteint brusquement, ou du moins est-ce ce qui me semble en premier lieu. Je réalise aussitôt que l’appareil est toujours allumé, mais qu’un problème est survenu. La page sombre se couvre bientôt de chiffres et de lettres, ce qui me tire un cri agacé et surpris. Un assistant accourt et je lui fais signe de venir voir. Nous nous penchons tous les deux et tentons misérablement quelques touches du clavier afin de rétablir la situation. Je ne peux pas éteindre l’ordinateur, pas tant que la conscience de Code n’aura pas repris sa place à l’intérieur de son corps physique. Je demande promptement à l’assistant d’aller me chercher un technicien informatique à l’étage du dessous pendant que je tente de «réveiller mon allié». Il ne réagit pas à mes caresses et mes appels, ce qui me surprend énormément. J’en viens à m’inquiéter, en espérant que ce bug ne l’aille pas trop affecté. À l’instant où je redresse le visage, un nouveau cri m’échappe quand les chiffres et les lettres affichées à mon écran forment un visage, un visage aux traits durs, un visage de femme que je reconnaîtrais entre mille. Celui d’Eliza Turnac. Après m’avoir toisé de ses yeux vides, l’image disparaît pour former cette fois des mots. Je pâlis violemment en reconnaissant les paroles caractéristiques d’un mouvement de haine. Debout Enola, debout.

Non, lui dis-je. Pour ne me buter qu’à une sordide indifférence. Ma confusion doit l’atteindre de si près, peut-être même lit-elle tout en moi. Elle semble néanmoins concentrée à sa tâche, venant modifier la surface, tandis qu’en profondeur elle cause des dommages irréparables, s’accaparant des dossiers protégés et confidentiels et détruisant le superflu. Une véritable machine, répondant à des ordres qui viennent d’ailleurs. Déconfit, je ne peux qu’assister, impuissant au massacre. Je me souviens de la bonté que j’ai perçu chez elle lors de notre rencontre, de son salut sincère… Je me demande où cette Porygon est passée, où est-elle donc? Me forçant à réagir, j’entreprends de couvrir les fichiers restant de ma protection, tout en lançant des attaques préventives à son endroit. Je ne peux me permettre d’abandonner l’humaine, pas à l’instant où elle est bafouée de sa sécurité virtuelle. L’intruse me regarde sans vraiment réagir, poursuivant son œuvre. Trop. La colère m’envahit, moi pourtant d’un caractère serein. Je me charge d’énergie et l’élance de toutes mes forces vers elle. Je la sens faiblir sous l’impact, sans toutefois fléchir. Au contraire. Elle rapplique. Elle est forte, bien plus encore que moi, bien plus que mon humaine et ses alliés. La douleur envahit chaque fibre de mon corps et j’ai beau me débattre, je ne peux lui échapper.

Tout mon ordinateur s’est mis à trembler. Et Code avec lui. Le Porygon2 semble à moitié conscient, son visage crevé de ce qui ne peut être que de la douleur. Je quitte ma contemplation de l’écran redevenu vide pour me concentrer sur lui, que j’appelle de cris de plus en plus aigus et paniqués. Au-dehors de la pièce, j’entends les mêmes inquiétudes m’ayant secoué quelques instants plus tôt. La cyberattaque doit se poursuivre chez mes employés, mais ici je n’ai plus que la sécurité de mon allié à l’esprit. Je tente brutalement de le réveiller quand d’étranges cliquetis et vrombissements lui échappent, semblables à des cris, très aigus. Je redouble d’efforts pour le ramener à moi, quand finalement le technicien s’approche.

«Miss Gwen, il faut couper tout le réseau, ils sont en train de tout nous prendre…»

«NON! Code est encore là-dedans…»


Je sens les larmes me monter aux yeux, la colère me déchirer les tripes devant les cris du Porygon2 chromatique. Le technicien m’observe, incertain de la marche à suivre.

«Mais fais quelque chose putain!»


Mon esprit n’est plus que douleur. Je sens son intrusion, violente et brutale. Mon code, malmené par elle, quelque chose se forcer en moi comme un virus, venant dévorer chaque parcelle de ma conscience. J’ai beau hurler, tenter de me déprendre. Je suis immobilisé alors qu’on tente… de me tuer. Des données, ce sont des données, sensées me détruire, lentement je me sens contaminé, je me sens changer, je ne saurais dire comment. D’un dernier souffle, je repousse mon assaillante, je la supplie de me laisser tranquille, et d’un dernier élan combattif je parviens même à l’éloigner assez longtemps pour interrompre le processus. Ne parvenant plus à bouger, je laisse ma conscience regagner mon corps, mon corps tout aussi douloureux que mon esprit. Je ne réalise que trop tard que…

«J-je ne peux rien faire tant qu’ils sont dans le système! Je dois tout arrêter, Miss Gwen, ou les dommages seront irréparables!»

«JE T’AI DIT QUE NON MERDE!»


Je retiens Code contre moi, le cœur affolé à l’idée de le perdre. Si les réseaux se trouvent éteints, il errera probablement dans le monde virtuel, loin de son corps… parviendrait-il même à retrouver son chemin à nous? Contre ma poitrine affolée, je le sens se débattre contre un ennemi invisible, puis l’impossible se produit. La structure du Porygon change, sous l’effet d’une évolution forcée. Je lâche presque prise mais le retiens, retenant les larmes alors qu’il change d’apparence, vers une version plus excentrique de lui-même, Porygon-Z. J’ignorais même qu’il était possible d’évoluer Porygon2 ainsi, il me semble la chose peu naturelle, forcée sur mon alliée que j’appelle de murmures désespérés. Lorsqu’il cesse de se débattre, j’entends un bruit d’agonie s’échapper de mon ordinateur.

«L’attaque est terminée. J-je vais voir l’étendue des dommages.»

Sa voix a quelque chose d’aride, comme s’il me tenait responsable. Je tremble toujours en tenant mon allié contre moi, bien éveillé dans mes bras. Il a pris une étrange posture cambrée, comme un «y» difforme.

«Je suis désolée… tellement désolée Code…»

Je m’empresse de détacher le fil tandis que le technicien s’éloigne d’un pas frustré. Je l’ignore pour me pencher vers mon ami, qui sitôt arrivé dans mon équipe, doit déjà subir les conséquences de ma position, de cette guerre dans laquelle il n’avait pas à prendre parti. Simplement une énième victime d’un conflit qui peu à peu m’épuise. Je me relève tant bien que mal, sortant de mon bureau sur tout un monde cacophonique, sur la panique et la colère, sur des questions qu’on me lance tandis que je traverse la pièce. Je ne m’arrête pas. Mes pas me mènent à l’ascenseur dans lequel je monte sans rien dire, devant un tonnerre de protestations. Lorsque les portes se ferment à ma suite, j’ai l’impression de prendre mon premier souffle.

Explications:

(c)Golden
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