Divided we fall II

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« Boire un truc ». Quelque part, à un moment, Clive aurait dû se rendre compte que cette phrase n'allait le mener à rien de bon lorsqu'elle sortait de la bouche de Faust. Mais bon, il ne serait pas d'humeur au bordel. Contrairement à l'époque où sa vie n'était pas encore un immense bordel insupportable et douloureux, et où il pouvait dormir sur ses deux oreilles sans que ses nuits de sommeil ne soient animés de cauchemars plus que réalistes, le conseiller ne serait sûrement pas aussi enthousiaste. Au fond, il savait bien ce que l'autre cherchait : une échappatoire, une pause, un moment de répit pendant qu'ils parlaient, et aussi un lieu calme où ils ne pourraient pas s'opposer, en aucun point. Ou du moins, ils ne pourraient pas se battre : c'était là le but, car il était clair et net depuis le début de cette rencontre que Faust avait peur que la situation ne dégénère. Clive pouvait comprendre ; après tout, combien de leurs disputes s'étaient soldées par des coups de poings ? Combien de fois Karl et Kagami avaient-ils dû les séparer, ou même Felix lorsqu'il était devenu suffisamment âgé ? Ils en revenaient toujours à ça, de toute façon quand la frustration arrivait à son point culminant et qu'ils se rendaient compte qu'un accord était impossible. Mais cette fois-ci, pour une fois, Clive voulait croire, même naïvement, qu'ils y arriveraient.

Leur choix se porta finalement vers un café avec une terrasse particulièrement large, qui leur permit de s’asseoir sur des chaises, au milieu d'une place. Sans surprise, le choix de Faust se porta vers une boisson sucrée dont Clive n'avait jamais entendu parler, mais que le conseiller avait pris « pour voir ». L'officier fut plus sobre, préférant un thé vert, ce qui lui valut d'être qualifié de « particulièrement chiant », mais il l'ignora copieusement, étant habitué des commentaires de son aîné sur ses goûts culinaires. Et puis les leçons de morale de quelqu'un qui s'enfilaient des caves entières de sucreries et de nourriture de fast-food, vraiment... Il s'en passait bien, voyez-vous.

« Hé, je rêve où...
- Quoi ? 
- Nan nan, je rêve pas, la serveuse te fait de l’œil ! Regarde ton gobelet ! »

Il s'exécuta donc lentement, d'un air nonchalant et désintéressé au possible. Avec surprise, il constata qu'un numéro de téléphone était gribouillé au feutre noir sur le morceau de carton normalement utilisé pour l'empêcher de se brûler en tenant son gobelet bouillant. L'officier cligna des yeux.

« Oh.
- C'est tout ? Clive sérieusement, tu te fous de moi, elle est adorable cette fille !
- Tu la connais depuis deux minutes, et tu ne connais ni son prénom, ni même son nom.
- Bah si, elle s'appelle... Marie, voilà !
- Ça ne compte pas quand tu regardes sur la ticket de caisse, Faust.
- Roooh allez Roméo, va lui jouer la sérénade ! Elle attend que ça !
- On est pas là pour ça, je te rappelle.
- Hé bien quitte à marcher dans des murs, autant faire une pause. Et j'ai décidé que ce serait ça, notre pause. Alors soit tu vas lui parler, soit c'est moi qui vais le faire. »

Et vu le rictus goguenard de son jumeau, il en aurait été capable, l'enfoiré.

« Quoi, tu vas me renverser ton thé à la g... GYARGHAAAA ! »

Un hurlement de douleur s'échappa de la bouche du plus vieux alors qu'effectivement, son frère venait de renverser le restant de sa boisson sur sa jambe. Après avoir sursauté, le châtain était tombé à l'arrière, et donc par terre. Après que sa tête ait heurté le sol brusquement, il finit par se relever en tanguant un peu.

« Espèce de sale petit con ! »

Pour toute réponse, Clive éclata d'un rire franc et clair.

Divided we fall II

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Emmerder Faust était tout un art. Clive n'avait jamais trouvé cela comme étant un passe-temps  tout particulièrement amusant, mais quand son jumeau commençait à  l'exaspérer par ses taquineries et bêtises, il n'allait sincèrement pas se gêner, surtout quand c'était aussi simple. Si Faust n'avait pas le caractère explosif de Felix et avait tout de même bien plus de retenue que leur frère cadet, n'empêche qu'il gardait un peu de cette impulsivité et de cette tendance à l'explosion quand on lui faisait une saloperie. Renverser du thé brûlant était peut-être un peu sadique, certes, mais il survivrait, et ce n'était certainement pas la farce la plus douloureuse qu'il ait jamais fait vivre à son frangin. Ah, il en regretterait presque l'époque où ils collaient des chewing-gums par dizaines dans ses cheveux, en jubilant encore des jours après des geignements de douleur que le châtain poussait en tentant de s'en débarrasser. De toute façon, face à ses bêtises, il n'y avait bien que ça. Face à l'absurdité de Faust, il fallait faire mieux : c'était la meilleure des méthodes pour lui clouer le bec, puisque l'ignorer ne fonctionnait pas du tout.

« Mais va te faire mettre, Clive, d'accord ! Va te faiiiiire ! »

Il pouvait bien geindre et gesticuler dans tous les sens comme un enfant mécontent que c'était du pareil au même pour lui. Puérilement, le cadet des jumeaux tira la langue à l'aîné, qui leva les aux ciel, exaspéré.

« Oh bon sang, t'as quel âge... Maman t'as appris à jamais gâcher la bouffe, pourtant !
- J'aurais pû te vomir dessus après, oui, ça n'aurait pas été gâché comme ça...
- T'es immonde.
- Tu me cherches, je réplique. Viens pas chouiner maintenant.
- Tu m'étonnes que la seule fille que tu fréquentes régulièrement soit maman, après...
- Ta gueule, Faust. J'ai pas envie. »

En temps normal, il aurait sûrement continué à le narguer. Toutefois, le ton las et exaspéré de Clive en avait dit assez pour que le conseiller s'arrête dans ses bêtises et le considère d'un air incertain. Maintenant que son gobelet était vide néanmoins, l'officier n'avait plus grand chose à faire, et il se mit à pianoter sur son téléphone portable, au grand damne du châtain qui poussa un geignement de frustration.

« Clive, arrête. C'est bon, j'ai pigé, t'es vexé, mais on va pas passer la journée à ça. On fait quoi, donc ?
- Qu'est-ce que j’en sais ? Pardonne moi de te le dire, mais j'ai pas de réponse toute prête à te donner comme ça. Déçu ? »

Vu l'acidité et l'agressivité qui se dégageait de la voix du brun, il était évident qu'il perdait de plus en plus patience. Faust poussa un long soupir.

« Et c'est reparti... On a pas avancé d'un millimètre.
- On avance jamais d'un millimètre. C'est exactement là le problème. Et on va pas avancer d'un foutu millimètre parce que je peux pas abandonner, et que tu refuseras toujours de voir le monde autrement qu'en noir et en blanc.
- Faut dire que c'est tellement plus simple de jouer l'achromate... Ça fait du bien à ta petite conscience de justifier tout en te faisant croire qu'il n'y a que du gris ?
- Tu n'en as pas, toi, c'est plus facile.
- Oh non, j’assume, plutôt. Mais toi et tous les autres, vous vous croyez tellement supérieurs alors qu'au fond, vous voulez juste avoir l'impression de ne pas être les plus gros connards du lot. »

Face au regard implacable de Faust, la seule réaction de Clive, sur le moment, fut de détourner le regard. Heureusement pour lui, la tension qui s'était installée fut dissipée quasiment instantanément par un Magnéti aux manières un peu déplaisantes.

« CE TOCARD ME VOLE MES TWIXS ! »

… Pourquoi est-ce qu'il en avait sur lui, déjà ? Et pourquoi 'des' ?

Divided we fall II

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Il n'aurait pas dû être surpris que son frangin ait autant de friandises sur lui, en fait. Et maintenant, il beuglait sur un Magnéti, tandis que toutes les personnes attablées à la terrasse les observait d'un air agacé, confus et parfois même amusé. Ezekiel grogna d'un air mécontent, faisant s'éloigner l'insolent avec un air menaçant qui aurait fait se faire uriner dessus n'importe quelle créature vivante avec un peu de bon sens. Le cadet ricana méchamment devant les déboires de son jumeau. Le second Magnéti (car apparemment ils attiraient ces bestioles, il fallait croire) vint également lui demander une sucrerie, ce qui fit se demander à Clive comment un pokémon pareil pouvait bien se nourrir. Mais il n'était pas homme à poser trop de questions difficiles, alors il se contenta de lui passer une des friandises qui était tombée au sol, un sourire léger aux lèvres alors que le Magnéti partait, content. Ce fut à ce moment là que Faust revint à sa place, et vida rapidement le reste de sa boisson. Le conseiller poussa un soupir exaspéré.

« Bon, je paie.
- M-
- Ta bouche. Si t'as si peur de Marie, j'vais lui parler et lui dire qu'elle a un très joli sourire. Et puis c'est moi qui invite. J'ai envie d'aller chercher à bouffer, en fait, alors on va bouger jusqu'à tomber sur un food truck.
- Quand est-ce que tu n'as pas faim, sérieusement ? »

Faust ne répondit pas, et s'en alla payer sans plus attendre, tandis que Clive l'attendait sur la rue, essayant de faire comme si il ne remarquait pas les regards remplis de jugements de quelques unes des personnes des environs. Son Démolosse, l'attendant bien sagement à ses côtés, lui lança un regard intrigué auquel Clive répondit par un signe de la tête qui lui indiquait de ne pas s'inquiéter. Bien évidemment, cela ne calmerait pas totalement les craintes d'Ezekiel, mais c'était tout ce que l'officier accepterait de dire et montrer pour l'instant, et le chien des ténèbres devrait faire avec, même si cela ne lui plaisait pas.
Toutefois, alors qu'il s'ennuyait, le brun sentit son téléphone vibrer.

Divided we fall II

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T dehors ?

Clive fronça les sourcils. Si il était habitué aux raccourcis de Felix (qui lui faisaient toujours autant saigner les yeux, d'ailleurs), il se demandait pourquoi son frère cadet lui demandait cela à cette heure-ci. Qu'il sache, Elliot avait pris sa suite à l'auberge, et il était certain qu'il n'aurait pas besoin d'aide dans les heures qui allaient suivre.

Non. Suis sorti.

Bref, comme toujours. Clive n'aime pas les exposés et les longs discours, ni les explications inutiles : il déteste perdre son temps et va à l'essentiel.

Je te vois.

L'officier était sûr et certain qu'il avait fait ce choix de mot avec comme seul objectif de lui faire peur. Et il avait raison, puisque quelque chose le saisit par les épaules et il poussa un cri assez ridicule, bien trop aigu pour un adulte de vingt-cinq ans, à cause de la surprise. Un rire gai et joyeux résonna à ses oreilles, et il n'eut même pas besoin de l'entendre pour savoir qui était en train de rire de son malheur. Derrière lui, un blondinet à l'air malicieux paraissait se délecter de l'expression blasée et encore un peu effrayée de son frère aîné.

« Qu'est-ce que tu fous là, Clive ? T'es pas enfermé dans ta grotte ? »

Devant les taquineries du plus jeune, sa première réponse fut de lever les yeux au ciel. Cela faisait longtemps qu'il ne disait plus rien face aux commentaires de ce genre ; même si ils l'agaçaient, que pouvait-il ? Il n'avait pas envie de se battre, et il savait bien que le plus jeune n'avait pas de mauvaise pensée ou d'intention en disant cela. Ce n'était pas comme si il cachait un quelconque reproche, alors il valait mieux laisser faire.
Toutefois, passé le moment où il éloignait gentiment le cadet de lui, il s'immobilisa, soudainement paralysé par la crainte. Oh non. Oh nonononnon. Si Felix était là à ce moment précis... En jetant un coup d’œil à l'intérieur du bar où Faust était parti payer l'addition, Clive se rendit compte de ce qui allait se passer. C'était simplement inévitable. Il aurait pu tenter de l'éloigner, mais il faudrait vite, et le blond se rendrait compte que quelque chose clochait lorsqu'il voudrait presser le pas. Et de l'autre côté, il ne pouvait pas partir et laisser Faust maintenant. Surtout pas maintenant, en fait. La panique commença à se former en lui, petit à petit, bien qu'il gardait une expression neutre. Si neutre d'ailleurs que le troisième de la fratrie Donovan ne pouvait pas être dupe. Felix plissa  les yeux et s'apprêtait à poser une question avant que la voix de Faust ne l'arrête.

« Hé, elle m'a donné des bonbons ! Quand je t'ai dit que j'ai pas perdu en cha-ah...rme ? »

Un silence épais, lourd et tendu s'imposa instantanément. Le sourire de conseiller disparut automatiquement de son visage, moins vite que celui de leur petit frère, toutefois, qui l'assassinait déjà du regard. Même Ezekiel parut mal à l'aise.
Oh, génial. Manquait plus que ça.