Enchaînement de mauvaises décisions

Évolution d'Ethan

Les enfants n'avaient jamais été son truc, loin de là. Si elle avait à de nombreuses reprises gardé ses sœurs, ce n'était pas avec plaisir qu'elle avait durant son adolescence fait beaucoup de baby-sitting. La marmaille l'agaçait, les pleurs et les caprices l'insupportaient, alors autant dire qu'elle n'était PAS la meilleure personne pour s'occuper d'un gamin. Elle ne savait d'ailleurs toujours pas pourquoi elle avait accepté de prendre ce gamin avec elle, si ce n'est à cause d'une culpabilisation qu'elle n'avait pas eu l'intelligence de faire taire. En poussant un gros soupir fatigué, elle reposa son regard dans le fond de sa tasse de café déjà vidée, et marmonna des injures en continuant de remplir des papiers, encore et encore. Cela faisait déjà deux heures qu'elle était coincée dans le salon, à son bureau. Elle n'avait pas signé pour une adoption (l'insinuer serait signer sa mise à mort), mais elle croulait tout de même sur la paperasse à rendre et remplir, les formulaires inutiles et répétitifs, les coups de fil à passer pour obtenir davantage de renseignements via un service téléphonique (ouvert de 9h30 à 10h, hors samedi, dimanche, mardi, jeudi)... Inutile de dire qu'avec les concours qui ne perdaient pas en intensité et ses entraînements réguliers, elle n'avait plus beaucoup de temps. Et même, comble de l'horreur, elle ne pouvait plus faire ses deux heures de natation régulières. Ou du moins elle se couchait encore plus tard pour pouvoir en faire un peu, ce qui l'épuisait encore plus.

'Kylian', comme il s'appelait, restait en plus de cela un vrai mystère. Si Orion avait vite découvert la supercherie au sujet de son prénom, Winter avait décidé de faire comme si elle n'était pas au courant. Elle avait beau connaître son vrai prénom, elle ne lui avait pas dit. Après tout, le gosse lui faisait à peu près confiance, ou du moins bien plus qu'à tous les autres adultes qu'il avait pu côtoyer, alors il valait mieux rentrer dans son jeu et attendre qu'il ne se décide à avouer la vérité. Toutefois, la tâche était plus ardue qu'on aurait pu le croire.
Déjà, pour le faire parler, bonjour la galère. Il se contentait du minimum, usant généralement de phrases courtes et brèves sans jamais dépasser la limite de plus d'une minute pour ses paroles, en fixant à peu près tout d'un grand regard qui ne montrait pas grand chose hormis un ennui et une méfiance certaines. Et pourtant, elle savait que ce sale gosse pouvait être une teigne ; une journée à peine laissé dans une garderie et on le lui renvoyait en disant qu'il avait déclenché trois bagarres en une journée. « Calme » ne voulais pas nécessairement dire « ange ». Loin de là. Le pire était qu'il était rentré en disant fièrement que lui, il n'avait qu'un seul bleu.
Le pire, dans tout ça ? Ce qui la faisait fuir comme une fillette effrayée par des araignées ou une quelconque bestiole vue comme répugnante ?

« J'mennuie. »

Cette simple petite phrase marmonnée d'un ton grognon par un jeune garçon aux mains dans les poches lui fit rapidement comprendre que par « j'mennuie », il voulait surtout dire « divertis-moi ». Et face à genre de requêtes, la championne n'a en général qu'une réaction.

« T'as la console d'April, non, il me semble ?
- J'ai fini. »

Elle releva la tête de ses papiers, blasée par ce qu'elle entendait. Allons bon, elle allait devoir jouer l'animatrice de camp de vacances, maintenant ? Il ne partit pas lorsqu'elle l'ignora, et la bleue pesta, fatiguée de le voir dans son champ de vision avec cette expression énervante sur son visage.

« Tu peux aller dehors, donc. Une partie de l'amphithéâtre est ouverte, je te rappelle.
- Il pleut. »

En jetant un coup d’œil à la fenêtre, elle s'aperçut qu'effectivement, il tombait des cordes dehors. Surprise de ne pas l'avoir remarqué plus tôt, elle comprit quelques instants plus tard que c'était sûrement dû sa concentration intense sur sa paperasse administrative. La championne fit la moue, passablement incommodée par cette interruption et désespérée de trouver une solution pour que le gosse la laisse, mais soupira. Allons bon, plus vite il serait satisfait, plus vite elle serait de retour à des affaires plus sérieuses.

« Tu veux quelque chose pour t'occuper, c'est ça ? »

L'autre hocha de la tête, sans démordre son air blasé qui paraissait presque collé à son visage. Winter prit une des balls à sa ceinture après quelques instants de réflexion, et en fit sortir un Capumain. Le singe jeta un regard confus et agacé à sa dresseuse, pas franchement heureux d'avoir été réveillé et lui quémandant donc silencieusement ce qu'elle désirait de lui. En voyant qu'elle pointait du doigt l'enfant, Ethan ne parut pas plus avancé que cela et tapa du pied, impatient.

« Jouez ensemble. Vous devriez bien trouver un truc amusant à faire, non ?
- Comme ? »

Frustrée, la championne poussa un soupir exaspéré.

« Jongler, jouer au tennis, chais pas moi, un peu de bonne volonté et d'imagination ! »

Le Capumain, peu enclin à ce genre d'activités, n'eut pas l'air charmé par cette proposition et jeta un coup d’œil au jeune garçon, celui-ci paraissant tout aussi perplexe que lui. Les deux finirent par s'éloigner, pour le plus grand plaisir de la championne, qui en aurait presque souri de se remettre à ses papiers. Mais ce ne fut que très bref : dès qu'elle reposa les yeux sur un énième terme ultra-compliqué et suivi de sept lignes avec trois point-virgules, elle poussa un long soupir.
Au bout d'une petite demie-heure, toutefois, sa tranquillité fut arrêtée par un bruit de verre brisé qui lui fit froncer des sourcils et lâcher immédiatement ce qu'elle faisait. Elle se dirigea d'un pas rapide vers la source du bruit, déjà frustrée par le fait d'avoir encore une fois interrompue. Quand elle tomba nez à nez avec une fenêtre cassée, elle le fut encore plus.

Devant la tête désolée du Capumain et l'air inexpressif de Daniel, elle serra les dents autant qu'elle le put. Difficile, encore plus en se rendant compte que les deux avaient frappé par mégarde par les deux.

« Comment-
- On a joué. 
- J'ai vu, oui. »

Elle expira lourdement.

« Vous ne pouvez PAS jouer plus calmement ?
- En faisant quoi ? 
- Je sais pas moi, renvoyez-vous des balles ?  »

Ils parurent confus, mais finirent par s'exécuter, alors que la bleue les surveillait pour s'assurer que rien ne soit brisé dans les prochaines minutes. Le Capumain prit une des balles qui traînaient par là, résultat d'entraînements réguliers en coordination (très pratiques, comme cibles mouvantes) et l'envoya vers Daniel, qui la récupéra avec une aisance assez ridicule. Il fit de même, et Ethan répliqua de nouveau, plusieurs fois de suite.
Au bout d'un moment, le singe eut l'air de plus en plus frustré à force de ne pas parvenir à gagner contre le gamin. Elle manqua d'écarquiller les yeux lorsqu'elle le vit utiliser d'une attaque, sûrement Coup Double, pour renvoyer une balle à pleine puissance.

Elle partit comme une balle de fusil, allant directement frapper le ventre du garçon qui perdit l'équilibre.
Devant le sentiment de panique qui la parcourut, elle n'hésite pas longtemps et se précipita vers l'enfant, effrayée à l'idée qu'il faille le ramener à l'hôpital. Elle ne fit d'ailleurs même pas attention à l'évolution du Capumain, qui avait par l'apprentissage de cette attaque scellé son passage à un stade supérieur.
Une fois arrivée à côté, elle constata avec surprise que celui-ci n'était pas blessé et ne pleurait pas au sol.À sa grande surprise, Daniel éclata de rire. Winter haussa les sourcils, mais finit par lâcher l'affaire, se disant qu'au moins, ce gamin aurait trouvé de quoi s'occuper. Au moins le temps qu'elle finisse ces foutus papiers. Et puis si il pouvait tenir son Capidextre occupé, c'était tout aussi bien. D'ailleurs, il faudrait dire audit pokémon que de rire aussi bruyamment était insupportable.