« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Partir de rien II [OS]

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Natsume Shimomura
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Natsume Shimomura
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MessageSujet: Partir de rien II [OS]   Partir de rien II [OS] EmptyLun 21 Mar 2016 - 23:43



Partir de rien II

Obtention de Yu

21 jours. Je les compte, tous les matins, en les notant précieusement dans un carnet que j'ai commencé à remplir. La crainte de perdre de nouveau la mémoire m'avait poussé à m'en procurer un le plus rapidement possible ; si jamais je venais à oublier une nouvelle fois, j'aurais au moins quelque chose sur lequel me raccrocher. C'est stupide, mais cela dissipe en grande partie la crainte que j'avais en moi depuis une semaine au moins. J'ai essayé de restituer à peu près fidèlement ce qui s'est passé depuis, même... Enfin, je n'ai pas occulté ce qui m'a laissé à moitié mort, voilà.
Mais à chaque fois que je rajoute un trait sur la page de garde de mon cahier, je ne peux m'empêcher de serrer les dents en me demandant si je ne vais pas finir par en voir le bout avant même d'avoir récupéré ne serait-ce qu'un seul souvenir. Ca va finir par ressembler à une foutue blague, à force. Ou à une scène de film et je ne suis Tom Hanks dans Seul au monde. Et putain de merde, pourquoi est-ce que je me souviens de ce genre de trucs, hein ?

Fran s'est lové contre Hatori tout près du feu. Sans surprise, le Majaspic lui a permis de se coller à lui, ne sachant que trop bien à quel point l'Arbok était sensible au froid. Un sourire attendri s'esquisse sur mon visage, avant qu'il ne disparaisse bien vite quand j'entends quelqu'un ouvrir la porte. L'extérieur n'est pas tellement visité d'ordinaire ; personne n'a vraiment le cran de traîner dehors quand la nuit tombe, puisque c'est généralement le moment que choisissent certains snipers pour se faire des victimes faciles. Mais je n'ai rien entendu et je sais que la ligne de front a reculé depuis quelques jours, donc je ne m'inquiète pas.  

« Du nouveau, Ris ? »

L'air pataud et ensommeillé, Jean me fixe en ayant l'air de ne pas trop savoir ce qui se passe exactement. Sans doute s'est-il endormi alors même qu'il s'agit de notre tour de garde, et ça ne m'étonnerait pas. Cette masse de muscles gigantesque reste une usine à sommeil dès qu'on détourne un peu le regard, et personne ne s'illusionne vraiment sur ses capacités à tenir toute une nuit sans dormir. Néanmoins, puisque chacun doit contribuer, il n'est pas dispensé de garde, et puisque je me porte volontaire la plupart du temps, ça passe.
Je préfère me coltiner les nuits blanches les demi-nuits que la préparation des repas et les tâches ménagères, ce qui est réservé à Jean généralement d'ailleurs. Si je ne suis pas le plus musclé ni le plus menaçant du groupe, je crois qu'ils ont supposé que je serais assez fort pour assurer la sécurité si jamais les choses venaient à déraper. J'ignore si c'est la meilleure des méthodes, mais puisque j'ai passé des heures entières à installer des pièges, personne ne pourra m'accuser de ne pas prendre mon job à cœur. Je n'étais peut-être pas un combattant dans la résistance (ou en tous cas je le suppose, au vu de ce que contenaient mon manteau et mon sac), mais je sais m'organiser. Et je défie quiconque d'essayer de s'introduire par ici sans se retrouvé paralysé et assommé. Que voulez-vous, il faut bien trouver quelque chose dont on est fier. Quand on a rien d'autre, on s'attache à n'importe quoi.

Je ne prends pas la peine de le regarder dans les yeux alors que je lui réponds. À la place, je range le carnet dans une de mes poches, sans vraiment accorder d'importance à ce qu'il l'ait vu. Si jamais il posait des questions, je ne lui répondrais pas de toute manière ; si je ne suis pas du genre à partager mes pensées, je ne vais très certainement pas lui laisser voir quelque chose qui a vocation à les conserver, justement.

« Rien du tout. »

Il a presque l'air déçu. En même temps, ce n'est pas comme si le calme était très distrayant, et il n'y a pas vraiment grand chose à faire par ici. Et le peu qu'il y ait comme distraction est actuellement tenu dans les mains du grand blond. Je n'ai donc pas vraiment besoin qu'il prenne la parole pour savoir ce qu'il compte me proposer, mais je le laisse faire, trop flemmard pour lui faire comprendre que je le sais déjà.

« Une partie de cartes ? »

J'hoche mollement de la tête, me disant que ce serait déjà ça comme occupation. Si je me suis découvert un talent caché pour le poker (au point que plus personne ne me laisse jouer), une simple bataille n'est pas aussi stratégique et ne fera que nous détendre. C'est justement ce dont j'ai besoin ; mes muscles fatigués et éreintés sont encre sensibles, et l'humidité de cette nuit ravive la douleur dans mon dos dès que j'ose faire des mouvements un peu brusques. Alors bon...
Nous nous installons donc sur la table pour tenter de passer le temps. Il fait encore nuit noire : le jour ne se lèvera pas avant plusieurs heures. Les cartes s'enchaînent les unes après les autres, je perds la première partie, gagne la seconde, perds la troisième. Tout va assez vite puisque nous n'avons pas grand chose à nous dire. Si Jean essaie d'installer un peu de bonne humeur, je n'ai  pas vraiment envie de rentrer dans son jeu et il en ressort un calme presque religieux. Même si la répétitivité de l'action se fait sentir, c'est toujours mieux que rien, et nous le savons tous les deux.

« Alors, euh... Tu te fais pas chier à rester tout seul dans ton coin ? »

Je hausse les épaules. Peu m'importe, en fait. Ne pas me retrouver seul face à mes pensées m'arrange, mais il n'empêche que je ne suis pas du genre à apprécier les longues séances de blablatage inutiles.

« Il y a toujours quelque chose à faire. »

Je ne mens qu'en partie seulement. Si ce n'est pas la grande éclate tous les jours, j'essaie la plupart du temps de réparer et de bricoler comme je le peux pour rendre notre lieu de vie un peu plus supportable. Jean et Yann m'apprennent à me débrouiller seul, et je suis maintenant capable de monter des 'meubles' à peu près corrects par moi-même. Et puis quand il y a des courants d'air, j'en profite pour m'occuper en les bouchant.

« Max m'a dit que tu savais pour, enfin... »

Sa gêne est évidente. Je ne lui accorde même pas de le regarder dans les yeux avant de lui couper la parole.

« Qu'elle se travestit ?
- Ouais, voilà.
- C'est important ? »


Ma question est honnête. Je me fiche complètement des petites habitudes ou des préférences que peuvent avoir les autres, mais je me demande ce à quoi veut arriver Jean en me parlant de tout ça.

« Ben, euh... C'était un peu un secret en fait, y'a que moi qui était au courant à la base. Elle veut pas que ça se sache, alors je...
- Tu t'inquiètes pour elle. »


C'est évident. Rien qu'à la lueur dans ses yeux, à la façon dont ses traits se tordent, je n'ai même pas besoin qu'il le confirme pour le savoir. Et cette information m'apprend que Max a toutes les raisons de vouloir garder le secret sur son identité, ce qui implique qu'elle doit vouloir rester incognito pour je ne sais quoi. Je ne vais pas creuser et je ne chercherai pas à comprendre, mais mon cerveau analyse sans que je ne puisse le retenir. Il sourit, l'air bêta.

« Un peu. Tu sais, c'est moi qui l'ai trouvée en fait. Et qui lui ai conseillé de ne pas parler de ça à quiconque. Mais elle est trop gentille, tu sais ? Elle ferait confiance à n'importe qui. »

J'abats ma carte en écoutant, mais relève le regard à la fin de sa phrase, sans flancher. Je ne suis pas de surpris de constater qu'il a l'air plus sérieux, soudainement. Je le suis tout autant ; rien que mon langage corporel le traduit. Mes épaules se sont contractées et je sens que ma voix elle-même est devenue plus tendue.

« C'est une menace ? »

J'ai peut-être eu tort, car dès lors que j'ai fini de dire ça, son visage se décompose et il agite brusquement les mains, l'air horrifié par ce que j'ai dit.

« Mais nan ! Jamais j'veux dire enfin, Ris, tu me prends pour qui ?! 
- J'étais supposé penser quoi, alors ? »


Les sourcils haussés en une moue méprisante, je profite de son air embarrassé pour le taquiner et ainsi accentuer sa gêne, ce qui m'arrange bien puisqu'il ne va ainsi pas pouvoir voir que je me sens stupide d'avoir été aussi méfiant. Stratégie simple mais diablement efficace et rarement percée à jour.

« C'est que, rah mais, je-
- Respire, hein, tu manques tellement d'air que t'en deviens rouge.
- C'est ta faute ! »


Ses beuglements indignés me font juste esquisser un rictus. Je ne suis pas du genre sadique, mais le voir se démener à essayer de garder la face me fait bien rire. Enfin, intérieurement, hein. Je n'en suis pas non plus à me tordre par terre, c'est même tout juste si ça se voit que je m'éclate bien. Mais bon, à force de me côtoyer, ils ont tous plus ou moins appris à déchiffrer mes expressions, aussi minimes soient-elles. Les poker face ne marchent plus aussi bien qu'avant. Dommage et tant mieux ; d'un côté cela m'épargne de devoir parler inutilement, et de l'autre ça me laisse moins de manœuvre pour cacher des choses. Bah, on ne peut pas tout avoir.

« P'tit con !
- Enchanté. »


Là par contre, je n'essaie plus vraiment de le dissimuler. Je ne sais pas si c'est les ricanements du plus vieux, son humeur joyeuse ou si je suis juste malade, mais je suis étrangement moins tendu que d'ordinaire. Pourtant, quand les gloussements du semi-barbu se calment (car elle n'est pas imberbe au menton, la montagne de muscles), il attend quelques secondes avant de reprendre la parole.

« C'est juste... Je voulais qu'on discute un peu, quoi, vu que Max te fait confiance. On a jamais trop causé, nan ? »

Je soutiens son regard et hoche de la tête, sans trop d'énergie ou de force toutefois. Je confirme simplement ses propos. En effet, je n'ai pas tellement passé de temps avec lui depuis mon réveil. La compagnie de Yann, qui était déjà bien plus tranquille et moins bavard, m'était préférable. Mais je n'avais pas vraiment 'causé', en fait.

« Je bats le paquet ? »

Dès que j'eus fini de dire cela, il était en train de sourire comme un imbécile, comme si il était très fier d'avoir réalisé un exploit. Levant les yeux au ciel, je me mis donc à mélanger les cartes. Allons bon, voilà que je me ramollissais, moi...


J'aime bien sortir la nuit. Un peu trop d'ailleurs. Il faut dire qu'à force de faire les veilles, mon horloge biologique commence à m'empêcher de pouvoir m'endormir avant des heures particulièrement tardives, ce qui ne me dérange pas puisque ça ne change pas grand chose et que en plus, j'aime le calme. Ce n'est pas vraiment un secret, et il arrive parfois même qu'on m'accompagne. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je suppose que c'est par curiosité. Cette fois-ci toutefois, je suis seul, mais avec un objectif bien en tête. J'avais entendu dire que les serres de Baguin étaient particulièrement riches en plantes diverses et variées, alors j'avais voulu vérifier ça par moi-même.  
Sauf que c'était peut-être une mauvaise idée. Je me suis perdu, mine de rien, et étant donné que je suis parti sans un seul de mes serpents (oui je suis un inconscient, je sais, pardon maman), personne n'est là pour m'aider à retrouver mon chemin. Nerveux, j'essaie de repérer quoi que ce soit d'un tant soit peu familier, sans succès. Tu parles. Je me souviens à peine de ma pointure de chaussure, c'est pas maintenant que j'en ai besoin que ça va revenir.

Néanmoins, alors que mon regard balaie les ruelles, quelque chose passe lentement ses bras autour de mon cou et je m’immobilise immédiatement.

« Tu sais que y'a que les vilains garçons qui traînent tard le soir, beau brun... ? »

La voix minaudante et féminine qui arrive à mes tympans me hérisse le poil dans le mauvais sens. Un coup d’œil sur le côté me confirme ce que je pensais ; c'est une jeune femme, un peu plus vieille que moi, aux longs cheveux bruns bouclés et au décolleté plongeant qui s'est collée à moi. Si j'ai tendance à cogner tout ceux qui m'approchent d'un peu trop près, je fais au moins la différence entre ceux qui cherchent à m'emmerder, les tocards et les gens qui ne réalisent pas qu'en temps normal je leur aurai déjà arraché les intestins. Néanmoins...

« Mais ne t'inquiètes pas, je les traite bien, moi, quand ils ont des jolis visages... »

Je doute de rester fidèle à cette ligne de conduite si elle continue. Je suis peut-être un peu naïf, mais la main qui descend le long de ma taille est plus qu'assez claire sur ses intentions. Celle-ci descend pour se rapprocher de mon-oh bordel non. Stop. C'est fini la patience, tant pis pour elle. Je me prépare à frapper, mais une autre voix s'impose alors.

« Pas touche, Maggy. Celui-ci n'est pas un client. »

Une main saisit mon épaule et je reconnais enfin Laure, qui me retient contre elle. Le fait qu'elle serre aussi fermement ladite épaule m'indique qu'elle veut que je me taise, ce que je décide de faire en dépit des questions qui montent dans mon esprit par dizaines. Je vais jouer son jeu, donc. L'autre femme fit la moue.

« N'importe qui est un client dès qu'on cherche un peu.
- Laisse tomber. Tu trouveras bien en cherchant. »

La dénommée Maggy leva les yeux au ciel et soupira, avant de s'éloigner. Dès qu'elle fut hors de vision, Laure me lâcha enfin et je m'éloignais donc sans attendre, ne pouvant empêcher un frisson de dégoût de me dévaler l'échine maintenant que je réalisais ce que cette... Grosse dégueue crade avait en tête.

« Tu as de la chance, Ris. Normalement elle n'attend pas d'avoir confirmation.
- Oh merci de m'avoir sauvé, mon héroïne. Je t'enverrai une carte postale dès que tu seras descendue de ton cheval blanc. »

Laure leva les yeux au ciel. Néanmoins, elle gloussa quelques secondes plus tard, sûrement amusé par ma tête las et blasée.

« Roh allez. Avoue au moins que je t'ai tiré d'un mauvais pas.
- Tu sais que j'ai des bras et des jambes pour me défendre, n'est-ce pas ?
- Et si tu l'avais frappée, tu aurais dû supporter son mac furieux qui serait venu te péter les dents. Mauvaise idée. »


Me ravisant, je décide donc de fermer ma bouche. 'Pour une fois', me dira-t-on.  

« Allez, fais pas cette tête, je te ramène à la maison. »

'À la maison'. La formule m'étonne, mais ne m’apparaît pas étrangère. Je n'ai pas grand chose d'autre qui puisse être considéré ainsi, de toute manière, et peu importe ce que je dis, c'est peut-être la seule chose que j'aurais avant longtemps. Après tout, il peut se passer des semaines, des mois voir des années avant que je ne puisse vraiment retrouver la mémoire. Et si ça se trouve, je ne la retrouverai jamais totalement.
Je hoche de la tête et la laisse me guider. Toutefois au bout de quelques secondes, je fronce les sourcils. Alors que je m'apprêtais à poser une question, Laure me coupa dans mon élan.

« J'avais des affaires à régler. Enfin, je devais discuter avec quelqu'un. Ne va pas te faire d'idées. »

Mon air perplexe est la seule réponse que je lui offre. J'ai du mal à saisir comment je suis supposé la croire, encore plus quand je considère le ait qu'elle et 'Maggy' se connaissaient...

« Comment est-ce que... ? »

Pourquoi est-ce que je m'intéresse à eux ? Pourquoi est-ce que je prends la peine de faire un pas en leur direction, alors même que j'ai conscience que ça ne m'aidera probablement pas ? Je sais ce que je suis en train de lancer, je ne suis pas entièrement naïf. Je suis en train de lui tendre une main si elle veut parler, sans même consulter le peu de logique qui me reste, et je le fais volontairement. Sans toutefois savoir pourquoi. Elle grimace.

« Mauvais choix aux mauvais moments. Et parfois, quand on se retrouve sans aucun moyen de survie, on fait confiance aux mauvaises personnes... »

Elle ne termine pas sa phrase. Son visage s'est refroidi, son sourire d'ordinaire lumineux et gai a disparu. J'ai davantage l'impression d'observer un mur de glace ou une pierre qu'un autre être humain, mais sais pourquoi. Je ne peux que comprendre, vu comment je suis.

« J'ai été une gamine stupide. »

Un gloussement jaune lui échappe. Son regard s'est porté sur le sol, tout comme le mien. Je suis incapable de la regarder dans les yeux.

« Ce n'est pas de ta-
- C'est ce qu'ils me répètent depuis qu'ils m'ont recueilli, oui. Mais ça ne veut pas dire que c'est vrai. Épargne-moi les paroles rassurantes inutiles, Ris. »


Sur le coup, j'avoue qu'elle a raison. Rien ne m'agaçait plus durant mes premiers jours que les airs emplis de pitié auxquels je pouvais avoir droit.

« Si jamais quelqu'un te demande ce que je faisais... Nous sommes sortis dehors ensemble, d'accord ? »

Je comprends vite qu'elle me demande de mentir. Son air inquiet en dit long, et vu que sa respiration est un peu longue, il est évident qu'elle est stressée. Je hoche de la tête.

« Jean aurait été furieux si jamais il savait que j'étais revenue ici. Juste chercher mes affaires, évidemment, il se fait des idées, mais... Je ne veux pas que-
- Jean, furieux... ? On parle bien de celui qui continue de vouloir adopter tous les chats errants de la ville ? »


L'imaginer faire autre chose que chier des papillons m'est en effet un peu difficile. Laure glousse et me saisit par le cou pour ébouriffer les cheveux. Nan mais nan ! Elle a pas le droit de faire ça ! Je me débats comme je peux, avec la force d'un diable, mais rien à faire. Elle ne fait que rire de mes protestations. Après quelques secondes, elle me libère et attend d'avoir fini de glousser pour me répondre.

« C'est lui qui m'a ramené.
- Il a ramené tout le monde, en fait...
- Sa sale habitude. Cet idiot serait capable d'adopter toutes les pauvres choses du monde si il en était capable. Il aime bien soigner toute la misère du monde, il faut croire... »


Son regard s'est baissé, teinté d'une affection que même moi saurais reconnaître. Son sourire, bien plus humain et chaleureux que toutes les moues moqueuses que je l'ai déjà vu afficher, a même l'air doux. Je me garde de commentaires, les yeux plissés, et c'est justement ça qui la fait rire juste après, je crois.

« Laisse tomber. Juste... Je ne veux pas qu'ils s'inquiètent. Il fallait juste que j'enterre cette vie une bonne fois pour toutes. »

Je reste silencieux. Impossible de comprendre son point de vue, pour moi qui aimerait tellement retrouver, ou du moins prendre conscience d'au minimum une partie de ma vie passée. Devant mon expression raffermie que je n'ai pu dissimuler, elle grimaça.

« Excuse-moi. Ça a peut-être l'air de pleurnicheries, pour quelqu'un comme toi...
- Non. Peux pas juger ce que je ne connais pas. »


Je hausse les épaules. Quelques semaines, voir même quelques jours auparavant, admettre que je connais rien me remplissait encore de frustration et de peine, causées par le trou béant dans ma poitrine à chaque fois que j'osais y penser. Mais maintenant, c'est devenu une habitude, fatigante mais bien trop réelle pour que je puisse continuer mes caprices d'enfant. Laure m'attira de nouveau contre elle, m'étreignant doucement par l'épaule, sans que cela ne soit étouffant ou ne nous empêche de marcher. Je ne saurais pas dire qui exactement elle cherche à rassurer, entre nous deux.

« Tu es plus gentil que tu ne veux le faire croire en fait, hein ?
- Ne rends pas ça niais, par pitié. »




« Ris-euh ! Arrête de te moquer et aide-moi à descendre ! »

Je ne peux pas m'empêcher d'éclater de rire en voyant Max se débattre et gesticuler dans tous les sens, ses jambes s'agitant dans l'air alors qu'elle cherchait désespérément à relever son corps. Les deux mains solidement accrochées à une branche, elle ressemblait davantage à un ver de terre qu'au chaton auquel Yann la comparait les trois quarts du temps. Mais c'est mal de ricaner, j'en ai conscience, alors que cette pauuuuvre petite continue de pleurnicher. Et je devrais sûrement l'aider.
Mais voyez-vous, j'ai la flemme. Vraiment.

« Si tu te calmais au lieu de gesticuler, je pourrais peut-être faire quelque chose ! »

C'est Yann qui est finalement intervenu. La grande perche maigrichonne tente d'attraper les jambes de Max qui continue de geindre et gémir comme une enfant apeurée. Je les regarde en considérant l'idée de les aider, malgré le fait que Fran tente de me pousser à agir.

« Vous réalisez que vous avez des pokémon, hein, j'espère... ? »

Mon intervention ne sert à rien. Ils ne m'écoutent pas, tout comme ils n'utilisent pas leurs cerveaux, et continuent de se crier dessus comme des hystériques. Seigneur Arceus, donnez-moi la force de ne pas les laisser plantés là, sérieusement....  

« J'ai peur ! 
- Espèce de gros bébé, tu crois que je me sens comment là, quand tu risques de m'écraser ?!
- T'avais qu'à être plus fort ! »


Sans surprise, c'est la gravité qui finit par rappeler la vérité au visage de tout le monde quand Max tombe finalement au sol, la branche ayant fini par rompre. Vu la hauteur, qui n'était que de trois mètres, il s'est surtout fait plus de peur que de mal, mais je me rapproche pour vérifier, par sécurité. Yann grimace, un peu dégoûté par les éraflures qu'il voit sur les mains de la blonde. Si la même expression s'affiche sur mon visage, ce n'est pas de la pitié toutefois, mais plutôt à cause du fait que ce n'est pas joli-joli, et que je vais sans doute passer une bonne heure à retirer toutes ces échardes et à panser ça...  Ouais bah excusez-moi de ne pas être à lui roucouler des mots rassurants, elle savait ce qu'elle faisait en montant là-haut et en s'accrochant comme ça.

« Au moins t'es descendue maintenant... On peut aller chercher du bois ou tu vas encore jouer au marsupilami ?
- Marsupiquoi ?
- Laisse tomber, toi. »


En levant les yeux au ciel, je me promettais de chercher ça dès que je trouverai un dictionnaire. Max a gonflé les joues et plissé les yeux, l'air mécontente que l'on se moque d'elle. Pauvre chérie.

« Tu peux faire le malin là mais t'étais pas mieux devant les insectes tout à l'heure, Yann !
- C'est flippant ces bestiaux, aussi ! Comment tu peux faire confiance à des bestioles qui ont quinze cent pattes de toute manière ?!
- Six.
- Hein ?
- Tous les insectes ont six pattes, sans exception. Les autres sont de familles différentes mais-
- Mais chut on s'en fout. »


Même si je lève les yeux au ciel, je ricane quand même un peu, tout comme l'escaladeuse de service.

« De toute façon si vous vous étiez un peu activés au lieu de traîner en longueur... »

Je finirais presque par me laisser attendrir par leurs frasques, tiens. Quelques secondes passent, durant lesquelles ils ne prennent pas la parole puisqu'ils ont conscience que j'ai raison (comme bien souvent),  mais je suis tout de même surpris du manque de réponse. Le visage de Yann, néanmoins, se retrouve maintenant décoré d'un immense rictus roublard et il se met déjà à ricaner, tandis que les épaules de Max sursautent à cause de gloussements qu'elle réprime. Je fronce les sourcils, perplexe quant à la raison de leur comportement et surtout à cause du fait qu'ils me fixent.

« Bah fallait qu'il... Atterrisse, avant. »

Ok qu'ils aillent tous se faire foutre.


J'étouffe. La gorge contractée, les épaules rigides, ma tête est baissée tandis que je sens mes poumons me brûler, comme emplis d'une infinité de petites aiguilles tranchantes. Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais c'est presque terrifiant. Mes jambes flagellent, mais je ne les sens presque plus, comme si elles étaient anesthésiées, et ma vision se trouble petit à petit. Je n'entends même plus ce qui m'entoure, hormis ma respiration erratique et aiguë, sifflante, même si chaque inspiration est comme un coup de poignard. J'essaie de m'accrocher à la vieille cheminée qui tient encore debout. Putain que ça fait mal.
Je sens alors quelqu'un m'attraper par les côtés. Sur le coup de la surprise, je manque de lâcher un coup de coude bien senti, mais impossible, vu la différence de force manifeste. Pas grave. Même si je me sens à deux doigts de m'évanouir, je peux encore me libérer et cogner quiconque croit qu'il peut profiter de mon état de faiblesse pour me  blesser.

« Hé, Ris, calme ! Respire ! »

Jean. Putain, sale con, ne pouvait-il pas faire comme n'importe quel être humain poli et me prévenir avant de m'attraper, hein ?! Mais je n'ai pas la force de le blâmer pour sa bêtise, vu que j'ai l'impression que la douleur va me faire faire coucou à l'inconscience d'ici quelques secondes.

« Écoute-moi bien. Je vais compter de un à huit et tu vas essayer d'inspirer à un et d'expirer à cinq jusqu'à huit, d'accord ? »

J'aimerais lui dire de remballer ses conneries de médecine new age dans son cul, mais je n'ai pas vraiment mieux à proposer. Je hoche donc de la tête et m'exécute, même si j'ai l'impression de faire le bruit d'un vieux moteur de voiture en panne.

« Un, deux, trois... »

Fais chier. Fais chier. Fais chier. La douleur ne se calme pas, mais pour je ne sais quelle raison, je l'écoute et m'exécute. Ce manège dure, et je m'étonne de constater que je ne suis pas déjà dans les pommes. Non, si la douleur est toujours présente, je reste toutefois conscient et ne me suis pas encore écroulé au sol, la bave à la bouche.
Je commence même à sentir de nouveau mes jambes et mes bras. Au bout de quelques minutes, la douleur s'est calmée, bien moins sourde et plus discrète. Je n'esquisse pas un mouvement, toutefois. Comme vidé, je suis à deux doigts de tomber par terre ; seule la poigne de l'autre me retient. Il m'aide à aller m'écraser sur le seul fauteuil de la pièce, un vieux trucs déchiré de partout mais qui tient tout de même. Il sourit, cet empaffé. Enfin, c'est un sourire jaune, mais tout de même.

« Tu nous avais pas dit que t'étais asthmatique, Ris.
- J'étais pas au courant. »


J'aurais bien aimé le découvrir autrement, mais la vie est une grosse pute. Quelques instants passent, où le regard de Jean s'est fixé sur moi pour vérifier que rien d'urgent n'arrive de nouveau. Le silence s'installe petit à petit, pesant, sans qu'aucun de nous ne le brise. Enfin moi je suis occupé à arrêter mon imitation de locomotive à vapeur, mais après chacun son truc. Il a saisi une chaise qu'il a rapproché pour s'y asseoir.

« Tu sais, la première fois que mon gamin a fait une crise, j'ai pleuré comme un gros bébé. »

Je ne vois pas trop où il veut en venir, mais imaginer cette montagne vivante en train de pleurnicher comme un enfant a au moins le mérite d'attirer mon attention.

« T'as un gosse ?
- Avait. »


Je ne pose pas de questions, vu à quel point son visage s'est renfermé et assombri. Mais il n'a pas besoin de ça pour continuer à parler.

« Pas une bonne idée d'habiter Baguin il y a quelques années. Enfin ça on le savait pas, et ma maison était en morceaux avant même que j'ai pu comprendre quoi que ce soit. Mes outils de travail aussi, tout ce en quoi j'avais investi pour la société que je venais de créer... Boum, plus rien. Juste parce qu'une bande de tocards complexé de la queue pouvaient pas supporter de pas avoir tout le monde à leurs pieds. »

Je ne l'ai jamais vu aussi ferme et acide. Rien à voir avec l'homme empli d'affection, de générosité et de gentillesse que je connais en temps normal.

« Bien sûr, dans les cas-là on se dit que t'as les compagnies d'assurance pour lesquelles tu paies une blinde qui vont t'aider, hein ? Mais ils sont pas cons, ils se prévoient contre tout ce qui pourrait les foutre en l'air même un instant. Alors du coup parce que y'a une ligne dans un foutu contrat qui peut être comprise de plusieurs manières, t'as plus rien. Et du coup toutes les dettes que t'avais pris en pensant pouvoir les rembourser tranquillement se démultiplient, et tu emprunter pour payer tes dettes, ainsi de suite... »

La gorge serrée, j'arrive à peine à le regarder, mais lui-même fixe le sol, les yeux illuminés par une lueur rageuse.

« Et là c'est toi qu'on culpabilise. Qu'on accuse d'être un fainéant, à qui on dit qu'il faut qu'il arrête de chialer son malheur. Mais t'es dans la merde, t'as faim et t'as froid, et tout le monde te laisserai bien crever la bouche ouverte sans souci. Ils veulent juste que tu fermes ta gueule pour pas qu'ils aient à se sentir coupables. »

Silence. Mal à l'aise, je ne sais pas quoi dire. Apprendre tout cela m'en a presque fait oublier la douleur durant un instant.

« Excuse-moi, je...
- Pas grave. »


Rien qu'à son air perdu, je constate qu'il avait besoin que ça sorte. Je peux comprendre. Il y a des fois où j'aimerais bien faire de même, où j'aimerais pouvoir exploser, moi aussi, mais impossible. Tout semble bloqué, et je n'ai rien pour me raccrocher si jamais je glisse. Depuis bientôt trois semaines, j'ai l'impression que je marche sur une corde raide, et qu'un seul faux pas pourrait me ramener dans l'état où j'étais la première fois que j'ai ouvert les yeux. Faible, pathétique, une victime facile.  
Je ne sais pas ce qui bloque, chez moi. Ce qui m'empêche de relâcher ma frustration et ce qui me dévore de l'intérieur depuis tout ce temps. Comme si quelque chose retenait un tout, je suis incapable de progresser quand j'essaie. Je ne comprends donc pas non plus pourquoi il a choisi de dire tout cela devant moi. Sans doute est-ce parce que je n'ai pas l'air aussi maîtrisé que ce que j'aimerais faire croire.

« Il était asthmatique, ton fils... ? »

Sans trop savoir pourquoi, voilà que je fais exactement ce que j'ai pourtant tant désiré éviter : je m'implique personnellement et émotionnellement. Un sourire plus doux et tendre s'est dessiné sur le visage du blond.

« Ouais. Ça l'a jamais empêché de courir partout, par contre. Une vraie tête brûlée, toujours à se fourrer dans les pires des situations. Si il était encore en vie, je suis persuadé qu'il aurait fait comme toi et qu'il aurait, enfin, tu vois... »

Rejoint la résistance. Il n'a pas besoin de terminer, je comprends bien vite où il veut en venir. Et je me surprends à ressentir de la peine pour lui, si bien que mon regard d'ordinaire froid et apathique s'est un peu adouci.

« Et maintenant... Maintenant j'essaie d'aider un peu quand je peux, tu vois ? C'est ce qu'il aurait voulu que je fasse. Oh sa mère ne m'a jamais recontacté ni aidé, mais... Je sais pas. Même si je ne suis plus rien, ce n'est pas ça qui compte. »

Il n'a pas tort. Ses propos résonnent en moi, et je ne crois pas qu'il s'en rend compte Je ne le lui confierai pas, mais il est parvenu à toucher un point sensible qui me dérangeait depuis un moment déjà. Quand je me demandais si je pouvais continuer à survivre alors même que je ne suis plus qu'un nom. Je me le demande toujours, en fait, et même si j'ai pensé que ma seule raison de vivre était ma curiosité de voir jusqu'à où me mènerait cette histoire, je constate presque qu'amèrement que je n'ai jamais vraiment renoncé à faire ce que je faisais avant. Quoi que j'ai pu être, ça n'a pas pas d'importance maintenant. Je peux encore faire quelque chose. Si il le faut, je peux reconstruire même.
Je peux toujours aider et voir où ça me mène. Accepter cette identité que je ne fais que connaître vaguement et tenter d'en faire un outil et non un fardeau.  Peut-être que je regardais ça du mauvais angle depuis le début, au fond.

« T'es un type bien. »

Le compliment m'a échappé. Jean glousse, amusé.

« J'en sais rien. Mais je reste un sacré con, hein. Pas foutu de dire à une nana que je l'aime, tiens... »

Les sourcils haussés, une moue moqueuse, je considère mon interlocuteur d'un air un peu blasé.

« Non tu sais je sais qu'à force tu vas me prendre pour un psy, mais ça c'est vraiment pas à moi qu'il faut en causer.
- J-j-j'ai pas dit que je voulais en causer ! »


Allons bon. Monsieur la montagne de muscles virile et tout le tralala est devenu aussi rouge qu'un enfant de cinq ans et cache maintenant son visage entre ses (grandes) mains. Je prends le ton le plus sarcastique que je possède.

« Oh seigneur. Par pitié ne me fais pas avoir cette discussion avec toi. J'ai pas envie. Et tu as commencé.
- J'ai dit que non !
- Hé bien arrête de te comporter comme si c'était le cas. Et va lui parler au lieu de te plaindre.
- Mais je... Enfin elle est... Elle est... Et moi je suis juste... »


Je finis par lever les yeux au ciel, plus qu'agacé. Bon sang de merde, quand suis-je devenu thérapeutes pour adolescents ?

« T'es juste en train de dire de la merde. Maintenant va me chercher une couverture et je vais raconter tout ça à Yann.
- Ingrat ! Pis il est déjà au courant.
- TOUT LE MONDE est au courant... »


Je ne peux pas m'empêcher de ricaner encore plus lorsque je reçois un oreiller en pleine figure.




Il faut croire que je suis devenu le bureau des pleurs, ces derniers jours. Et ça m'agace fortement. Car voyez-vous, notre groupe n'est pas un océan de bonne humeur et de joie en permanence ; il arrive que la faim, le froid ou tout simplement l'angoisse finissent par attiser les nerfs et il suffit alors d'un rien pour qu'une dispute éclate. Si j'ai l'intelligence de rester éloigné quand je me sens ainsi, il est difficile d'éviter tout contact, puisque nous nous retrouvons généralement tous lorsqu'il faut manger ou pour les tours de garde. En règle générale, soit ça finit très bien, soit très mal. Il n'est pas rare que l'un de nous soit obligé de jouer les arbitres pour forcer les batailles d'ego à s'apaiser. Mais bien entendu, lorsque l'accident se tasse, il faut toujours quelqu'un pour discuter, et pour je ne sais quelle raison, cela tombe toujours sur moi. Peut-être parce que j'ai l'air de me taper mémorablement de tout ça, en tous cas c'est ma pomme qui se voit donc attribuée la merveilleuse tâche de laisser Yann déblatérer des anneries quand celui-ci serait capable de tuer un chaton à mains nues. Génial, quel charmant programme. Bientôt on ira faire des peintures avec les mains dans un champ de fleurs, je le sens.

Généralement, pour trouver du métal ou du bois, nous prenons parfois le temps de nous déplacer jusqu'à des vieilles maisons ou des usines dans les zones dévastées par les combats. Ce n'est sans risques, mais rien ne l'est de toute manière, et il nous faut bien trouver de quoi troquer ou même de quoi chauffer le squatt. Nous sommes sur une île tropicale, mais prendre le risque que l'un de nous tombe malade est trop grand. Nous n'aurions pas les moyens de nous payer des médicaments, et l'expertise de Max n'ira pas loin sans un traitement... D'autant plus que je ne me sens pas vraiment capable d'aller voler à des malades. J'ai déjà du mal à accepter qu'ils le fassent en secret pour me trouver des inhalateurs...
C'est donc durant une de ces virées de fin d'après-midi que Yann s'est mis à déblatérer. Je ne l'écoute pas, me concentrant sur le fait de repérer quoi que ce soit qui pourrait avoir un peu de valeur. De la ferraille, encore et encore... Nous ne sommes pas les seuls à faire ces vérifications, je le sais. La crise économique qui agite l'île est telle que la misère s'est répandue comme une traînée de poudre, et nombreux sont ceux qui se battent juste pour survivre, alors plus d'un personne se sont habituées à ce genre de descentes. Mais nous pouvons encore espérer de trouver quelque chose qui a été laissé de côté, ou qui n'a tout simplement n'a pas été vu.

« Et là il m'a dit que j'avais qu'à aller me faire... Ris tu m'entends ? Tu m'écoutes au moins ?
- Oui oui, Yann. C'était vraiment salaud. »


En réalité je ne sais pas de quoi il parle, mais quelques phrases passe-partout suffisent à le convaincre du contraire. Mécaniquement, je soulève une poutre comme je le peux vu l'état encore fragile de mes mon corps (bah oui, il se trouve que les bras sont reliés aux omoplates, qui se trouvent dans le dos, capisce?), et soupire en constatant qu'il n'y a rien. Bordel, j'ai déjà eu plus la dalle que ça, mais si il faut encore passer une journée avec le ventre vide, je vais commencer à considérer le fait de bouffer mes chaussures... Le bâtiment est d'ailleurs étrangement dévasté, comme si on s'y était battu, mais c'est possible. Les règlements de compte sont tout aussi fréquents.

« Je veux dire, c'est pas ma faute si il est pas foutu d'aller voir Laure, hein ? On peut pas vraiment se payer des places de ciné ou aller boire un café mais il est quand même assez grand pour proposer une sortie, nan ?
- Yann, je m'en fous. »

Inutile toutefois, vu qu'il continue de parler. Oh arceus que ça me gonfle. Je vais finir par exiger de me faire payer, si je dois servir de psy à tout le monde...

« Il est tellement sur les nerfs que je vais finir par le buter, je le sens... Où est passé mon bro décontracté, hein ? On dirait le string d'une lycéene en chaleur tellement il est tendu, là !
- Charmant. Mais je veux dire que je m'en balance, hein, sérieusement. Aide-moi à chercher, rends-toi utile pour une fois. »


Si le lunetteux ne m'écoutait pas et semblait bien satisfait de pouvoir continuer sa petite tirade, une odeur désagréable finit toutefois par attirer son attention, tout comme la mienne. Je fronce les sourcils, n'appréciant vraiment pas le fumet que je crois reconnaître, et grimace lorsque je saisis enfin que je ne suis pas en train d'halluciner. Je déplace un morceau de bois et m'immobilise soudainement, paralysé.

« … Ris ? »

La voix inquiète de Yann ne me sort même pas de mon état de gel. Il s'approche lentement, inquiet maintenant que le son d'un bourdonnement d'insectes lui est audible. Je sens la nausée me prendre la gorge et recule un peu, révulsé par ce que j'ai devant les yeux. L'aîné n'est pas mieux, et je le vois grimacer puis détourner le regard.
Je ne me serais pas attendu à voir ça. Putain de merde. Un cadavre d'homme, accompagné de celui d'une Aquali à côté. Un haut-le-cœur me saisit quand je remarque enfin que les insectes se sont mis à les entourer, parachevant l'horreur déjà bien présente par l'odeur putride qui s'en dégage. Vu l'état des cadavres, à moitié écrasés par des débris, je ne saurais pas dire exactement ce qui les avait tué, mais je repère finalement quelques trous écarlates. Deux, plutôt petits, dans la poitrine de l'homme. Six grands dans celui du pokémon. Je ne passerai pas cinquante ans à analyser la situation, mais il apparaît clairement que ce n'est pas le fait d'une seule personne ; l'un sait viser, l'autre non. L'un est impulsif, l'autre moins. Je devrais me sentir mal de penser davantage à chercher qui sont les assaillants avant de m'apitoyer, mais si ils sont encore dans le coin, j'ai toutes mes raisons de le faire.

Yann a fini par rendre le contenu de son estomac plus loin. Je le comprends un peu, mais quelque chose me dit qu'à force de soigner des gens blessés ou au bord de la mort, les images fortes me touchent beaucoup moins. Sans doute qu'il y avait un moment où j'aurais été dans le même état, où ce genre de réalité de la vie aurait fait claquer mes genoux. En me prenant par surprise, l'image d'une ville en flammes me vient à l'esprit. Le visage d'une enfant dans mes bras, une main qui serre la mienne hermétiquement, une pièce entière de corps calcinés... Je sursaute brusquement.

« Encore un ? »

Je hoche discrètement de la tête. Les 'flashbacks' qui me saisissent parfois ont le petit inconvénient de me tirer de la réalité pendant quelques instants, et Yann le remarque à chaque fois vite. Il ne me pose pas de questions, mais je me doute de ce qu'il a dû conclure devant ma réaction face à des cadavres. Je ne vais toutefois pas appuyer sur ce point.

« On termine de chercher et on se tire. J'ai pas envie qu'on finisse comme passoires si jamais c'était un règlement de comptes. »

Si je suis d'accord, je ne le dis pas tout de suite. En effet, j'ai vu quelque chose bouger, derrière un morceau de pierre juste à côté du cadavre d'homme. En faisant bien attention à l'enjamber et à ne pas le toucher, je finis par trouver un grand sac à dos, qui se déplace un tout petit peu. C'est mal de fouiller dans les affaires d'un mort, mais je crois que celui-ci me pardonnera pour cette fois, vraiment. Je hausse les sourcils en y découvrant un œuf brun.

« C'est pas vrai... »

J'attrape l'objet avec délicatesse, en faisant bien attention à ne pas le faire tomber, et soupire un peu en constatant qu'il est intact. Merci Arceus. Je ne suis pas sensible de l'estomac et je ne vais me mettre à pleurer pour la misère de l'humanité, mais je doute que mon moral serait resté au beau fixe (quoique c'est à discuter, ça) si j'avais dû constater le contraire. Yann grimace, ayant déjà saisi ce que je compte faire, et je le coupe dès que je m'aperçois qu'il veut prendre la parole.

« Je m'en occuperai seul. »

Je sais très bien que nous avons déjà du mal à nourrir tout le monde, même les pokémon. Et quel que ce soit l'espèce de cette créature (quoique quelque chose me dit qu'il s'agit d'un Evoli, et même si je ne sais pas comment je le sais je ne me pose pas de questions), il faudra la gérer. Mais quitte à avoir un peu moins dans mon assiette, je trouverai un moyen de le faire sans que cela n'incommode les autres. Le brun leva les yeux au ciel, et me surprit même en gloussant.

« Arrête de racontes des conneries. Ça serait déjà ça de joyeux dans tout ce putain de merdier, une naissance. »

Pour une fois, il n'a pas tort. Je ne le regarde pas, mais je sais qu'un rictus amusé doit se trouver sur son visage, le connaissant.

« Allez, on se tire. Ça me fout la chair de poule, on trouvera un autre coin. »

Je le suis sans protester. Il n'y a plus rien à faire ici.


Je vous ai déjà dit que j'ai tendance à pas vraiment réfléchir ? Nan ? Bah des fois, vraiment. Et je me rends compte que malgré ma tendance à considérer tout le monde comme une potentielle menace, j'aurais peut-être pas dû prendre ce que me tendait Yann, cette fois. Il m'observe avec un tel sourire maniaque que c'en serait presque flippant si je ne savais pas qu'il pleure à la simple vision d'une petite araignée. Et encore, vous n'avez pas idée de la crise quand c'est une guêpe. Mais bref. Là à l'heure actuelle, on pourrait croire qu'il va m'assommer, me découper, me tailler en petits morceaux et me faire mariner dans de la sauce soja avant de me cuire  à la casserole. Et j'exagère à peine parce qu'on dirait un putain de psychopathe quand il sourit comme ça.
Mais bon, trop tard, le truc est déjà bouffé et même si je me faisais vomir, ça commence déjà à tourner autour de moi. Oh bordel, ma tête est lourde, mais lourde... Et j'ai déjà les jambes en compote, si bien que je dois utiliser mon bras pour me tenir contre un mur. Je me sens lourd, mais sans que ce soit une mauvaise chose.

L'air un peu inquiet et peu rassuré de Laure me fait glousser puis éclater en fou rire sans que je ne comprenne pourquoi. Et pas un petit rire, hein, un gros rire d'attardé bien gras. Oooh, qu'elle a l'air petite, là... Et moi je suis un gros tas de vent. Un gros tas de prout tout léger. J'ai pas d'ailes au cul mais j'ai quand même l'impression que je vais me mettre à voler si je lâche le mur.

« Mais t'es pas bien, Yann !
- Bah quoiiiii ? Il est pas mort, et puis ça détend...
- Tu aurais pu le prévenir !
- Je lui ai dit que c'était des space brownies, roh... C'est un grand garçon, maman. 
- Des quoi ? »


Je ne sais pas vraiment quelle tête je fais à l'heure actuelle, mais je sens que mes yeux sont à moitié ouverts, et que je dois peut-être avoir l'air un peu demeuré, avec mon sourire stupide et mes gloussements répétés. En voyant l'air horrifié de la brune, je ne peux m'empêcher de pouffer, au point que des bruits aigus se sont mis à sortir de ma gorge.

« Vos têêêêtes ! »

Je dois pas avoir l'air fin, là. Ça j'en suis convaincu. Après avoir assassiné Yann du regard, Laure vint passer un bras autour de ma taille pour me soutenir et me déplacer ailleurs. Oh qu'elle a l'air grande, d'un coup... Et moi qui suis tout pitit pitit à côté. Giééhéhéhééhéh.

« Hé, tiens debout un peu ! Je peux pas te porter toute seule !
- Mais je suis tout légeeer ! »


Je ne sais pas trop pourquoi j'ai commencé à parler dans une langue différente, et même si mon interlocutrice semble surprise de ce fait, elle se contenta de me soutenir en levant les yeux au ciel, l'air agacée par mes simagrées. La méchante, elle va me briser le cœur. Right in the kokoro, senpai.

« Oui oui, et moi je suis un Hypotrempe, gros sac. Accroche-toi un peu, tête de pics. »

Même si j'aimerais bien la troller en faisant tout le contraire, la prise solide qu'elle a autour de ma taille me force à obéir. Nous marchons quelques minutes, et je la sens avoir des difficultés lorsqu'il faut me tenir une fois dans les escaliers. Pourquoi est-ce que je me suis installé en haut, déjà... ? Ah oui parce que je suis un sale con qui préfère rester dans un coin que gérer le fait de vivre en communauté et parce que je suis aussi un sale lâche de merde.
Mais au fur et à mesure que nous avançons, je me suis tu. Un malaise m'envahit et je garde les yeux baissés, me sentant tout à coup plus lourd et plus anxieux, et pourtant je ne fais pas comme d'ordinaire. Je ne contrôle pas vraiment ce que je fais, et je me mets à parler sans vraiment me rendre compte de ce que je dis.

« Ça fait toujours mal, Laure. »

Je n'observe pas son visage, les yeux fixés sur mes pieds alors qu'elle continue. Je l'ai senti se ralentir toutefois, et je l'entends soupirer, comme si elle était à ma place. Elle ouvre finalement la porte de ma 'chambre' (enfin, éventrée, la porte, de telle sorte qu'elle entrave la route plus qu'autre chose) et me pose avec une douceur que je ne lui soupçonnais pas sur mon vieux matelas.

« Je sais. »

Je ne sais pas trop comment, mais je comprends qu'elle ne ment pas à un simple coup d’œil. Ce n'est pas de la pitié que je vois dans ses yeux verts, mais une sorte de compassion et d'empathie qui me gênerait et me surprendrait si mon cerveau n'était pas aussi lent. Je ne peux m'empêcher de glousser.

« Tu verrais ta tronche.
- Parle français, je ne comprends rien. »


Flemme. J'écrase ma tête sur mon coussin et ferme les yeux, en espérant y trouver une échappatoire à mon cerveau confus et ma poitrine lourde. Je sens les doigts de la plus âgée passer quelques secondes sur mon front qu'elle caresse avec un sourire attendri, presque maternel, que je ne lui vois d'ordinaire jamais. Je n'ai même pas la force de protester, si bien qu'un grognement pathétique finit par m'échapper.

« On va te ramener chez toi gamin, t'inquiètes. »

Bizarrement, ses propos rassurants, que je qualifierai de naïf et d'utopiste si mes neurones étaient connectés entre eux, me font sourire stupidement, alors que je sens Morphée sous le point de m'emmener dans ses bras.

« On ne serait pas de très bons amis, sinon, hein... ? »


Je ne me rends que rarement compte du moment exact où je suis dans un rêve et non dans la réalité. Je ne contrôle pas, je crois, même si cela me fait toujours très plaisir quand je le réalise, puisque j'arrive parfois à contrôler plus ou moins ce qui se passe, m'épargnant ainsi des cauchemars dont j'aimerais bien me tenir éloigné. Mais il arrive parfois que la situation soit trop grotesque, trop énorme, pour que je ne me doute pas de quelque chose.
Quand je me rends compte que j'ai l'apparence d'un lapin brun, je comprends vite que je suis dans un rêve, voyez-vous.  Pas besoin d'être un génie pour saisir l'idée.
J'agite mes pattes pour tenter de voir comment tout cela fonctionne. Visiblement, hormis mes oreilles (arceus, qu'est-ce que mon cerveau est en train d'inventer, encore...?), mes moustaches et mon nez qui s'agitent sans que j'ai pu faire quoi que ce soit, tout semble à peu près normal.

Maladroitement, j'avance sans trop saisir où je suis. Ça ressemble à une sorte de forêt, mais presque aussi dense qu'une jungle, et seuls quelques rayons de soleils passent au travers des feuillages. Rien de bien effrayant, donc, et je me surprend à reconnaître plusieurs types de plantes ; ce n'est pas si surprenant, puisque je sais déjà que j'ai une affinité certaines avec la nature. Un flot de connaissances qui me surprennent parfois, sans qu'elles ne me paraissent inconnues, m'a rapidement fait comprendre tout cela. Pourtant, je continue de me questionner sur le pourquoi de l'apparition de cette forêt ici... Un rêve est rarement sans but, sans message, même celui qui peut apparaître comme tout simplement grotesque. Pas que je sois spécialiste : ce serait hypocrite au possible de la part d'un amnésique de vouloir se mettre à analyser le fonctionnement d'un esprit, mais tout de même.
Un geignement attire mon attention. Perplexe, mes oreilles se sont déjà levées et je bouge par instinct, sans trop savoir où je m'en vais, me contentant de suivre en fonction de ce que j'entends.

Le hululement d'une chouette attire mon attention et je constate avec surprise qu'un tel oiseau s'est mis à volter autour de moi, comme pour m'accompagner. Mouais. On va finir par se croire dans un délire indoaméricain sur les esprits totems et toute ces conneries, si ça continue. Si mon esprit est parti pour se taper un délire hippie, autant qu'il me prévienne, je commencerai à envisager le djembé plus tard. Et à sortir les Cds d'Hendrix.
Les geignements pathétiques et douloureux sont plus forts, maintenant. Bizarrement, une sensation d'angoisse et d'inquiétude me sort de mes pensées relativement futile. Mon regard cherche rapidement et sans attente la source de ces sons. Je ne questionne pas tout de suite cet empressement qui vient de me saisir, comme si je savais déjà ce que je cherchais et ce qui était à la source de cette peine que je sens d'ici. Si je ne suis pas surpris de réussir, je suis tout de même étonné de voir que j'arrive à me frayer un chemin sans souci dans cette gigantesque et extrêmement confuse forêt, qui ressemble d'ailleurs bien trop à un labyrinthe pour que ce ne soit pas volontaire. Mais c'est un rêve après tout. Si je veux que quelque chose se réalise, c'est faisable en un claquement de doigts.

Je serais incapable de dire par où je suis passé, mais reste qu'à un moment, je suis arrivé dans une sorte de minuscule clairière bien plus lumineuse, déjà. Mouais, ça va commencer à me les briser de faire du chemin pour rien, sérieux. Quitte à faire des rêves à la con, autant que ce soit sur des petits insectes mignons, tiens...
Je remarque enfin ce que je cherchais. La source de ces sons de peine est une... Boule de poils brune. Enfin je crois. On dirait une espèce de grosse tâche marron qui tremblote et chouine, ou du moins essaie de se retenir de pleurnicher. Meh. Quelque chose me dit que si je ne fais rien, la situation ne va pas se calmer, et je doute que la sensation de culpabilité que je ressens actuellement va s'apaiser...

Malgré le fait que je sais que mon esprit reste rempli de choses louches et qu'il faudrait donc sûrement que je reste éloigné de tout ce qui pourrait me foutre encore plus le cerveau en l'air (quoique je ne suis pas à ça près, en fait), je fais quelques pas hésitant vers la... Chose. Mauvaise décision ou pas, je sens que le truc s'est aperçu de mon mouvement et il se bouge pour révéler une... Bestiole aux grands yeux écarquillés qui me fixe de manière un peu trop statique pour que ce soit rassurant. Ça la gueule d'un ursidé en tous cas, et le quadrupède brun n'attend pas que je l'ai détaillé du regard pour me sauter dessus et m'écraser de tout son poids.
Aïe. Nan mais franchement, AÏE !
N'écoutant plus que mon instinct de lapin qui sent qu'il va se faire écraser, je bats furieusement des pieds dans l'espoir de dégager la chose, qui finit par tomber en arrière en poussant des couinements déçus et attristés. Les yeux plissés, j'essaie d'avoir l'air un peu sévère, mais ça tombe bien vite à l'eau. Mine de rien, je me sens coupable maintenant, fais chier... C'est pas son regard d'ourson battu qui me déprime hein, mais le fait que je sois aussi distant a l'air de le rendre malheureux (aucune idée de pourquoi, d'ailleurs, tu m'expliques cerveau?). En grommelant, je me rapproche un tout petit peu, ce qui a l'air de calmer les pleurnicheries. Bon. Au moins j'ai moins l'impression d'avoir torturé des bébés phoques...

Je constate en grimaçant que la bestiole s'est endormie, comme calmée. Bon, tant mieux. Je ne sais pas ce que mon cerveau a, à imaginer des trucs pareils, mais il est clairement en train d'accumuler les conneries. Agacé, je claque de la langue et fais un pas sur le côté, décidé à reprendre mon chemin et mon exploration, mais m'arrête immédiatement. Merde. J'ai plus envie de bouger en fait, là. Je me sens un peu trop bien, et l'impression inhabituelle d'être à la fois à l'aise, à ma place et bien mieux que dans les coins un peu moins lumineux de cette forêt. En plus, l'odeur agréable qui m'arrive aux narines la mérite de me permettre de me détendre. Chier, je vais finir par faire des couronnes de fleurs si je continue à devenir de plus en plus gnangnan...  Maugréant donc de manière plus ou moins expressive, un soupir m'échappe alors que je m'installe un peu  plus, en gardant toujours un œil sur la sortie. Tu veux me dire quoi là, cerveau ?  
Je finirais bien par savoir, de toute façon. Même si je garde un œil ouvert, je sens déjà que ma méfiance s'est affaiblie et ferme peu à peu les yeux. Bizarrement, l'obscurité qui m'entoure a l'air moins effrayante, d'un coup. Et je serais pas foutu de vous dire ce que j'ai bien pu bouffer avant.


Fatigué, j'esquisse un sourire en constatant que ma collecte du soir a été au moins un peu fructueuse, cette fois. J'ai pris le risque de m'aventurer un peu pus loin que d'ordinaire, et cela en valait visiblement le coût, vu que j'avais trouvé des conserves, des bandages et mêmes des piles. Parlez donc d'une chasse au trésor. Un rien devient précieux, quand on a justement rien.
Fran et Hatori glissent derrière moi. Si le Majaspic s'est remis de ses blessures petit à petit, reste qu'il est encore un peu lent, et qu'on voit toujours ses cicatrices ; elles ne disparaîtront pas, je crois. Mais il ne semble pas s'en préoccuper, ce qui est rassurant. Fran, lui, sourit comme un chiot surexcité en traînant une vieille peluche en forme de chat qu'il a trouvé. Je le laisse se rendre utile, même si nous n'avons pas vraiment besoin de ça : il a au moins l'impression de bien faire, et je dois avouer que je suis un peu trop faible pour résister à son adorable frimousse.

Néanmoins, quand j'ouvre la porte arrière, je me statufie presque immédiatement. Les serpents ont l'air tout aussi horrifiés que moi, si ce n'est plus de par leur odorat développé. Ils ont compris plus vite que moi. Un pas, puis deux. Trois coups de feu résonnent. Ma main descend jusqu'à ma ceinture, où j'ai laissé accrochée mon arme remplie de poisons sans jamais y toucher pendant près de trois semaines. Je n'ai plus vraiment le choix, maintenant. La pièce empeste déjà le sang.
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Partir de rien II [OS]

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