« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 

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 Pourquoi |OS|

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Mercedes L. Blanchett
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Mercedes L. Blanchett
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Pourquoi |OS| Empty
MessageSujet: Pourquoi |OS|   Pourquoi |OS| EmptyMar 22 Mar 2016 - 1:32


♦ POURQUOI ♦OS - Part I
La pluie, la pluie depuis des jours et des jours, inlassablement. Mes doigts se perdent contre les carreaux, à la recherche d’une lueur ensoleillée. Les murs craquent, sombres murmures oppressants. Je déteste la peur dans ma poitrine, celle qui me hante sournoisement depuis que cette pluie s’abat sur l’île, comme un sinistre présage annonçant des changements, des changements brutaux. Mes doigts s’égarent contre mes poignets avec une nervosité palpable alors que je pense à Weston, pris dans sa propre vie, qu’il vit presque parallèlement à la mienne, ses responsabilités le prenant au plus fort de la Compétition. Je pense à lui que j’aimerais à mes côtés en ce moment. Ses baisers, ses bras qui me rassurent malgré tous ses défauts, sa présence qui me serait salvatrice à cet instant. Dans l’obscurité grandissante de la maison, je me sens vulnérable, malgré la présence de mes alliés, presque tous rassemblés autour de moi. Dot, la jeune Porygon, ne me quitte plus alors que je me mets à arpenter la pièce sous le regard inquiet d’Aria la Roitiflam. Dehors, les autres assurent la protection de la maisonnée de façon acharnée depuis qu’est retombé mon article il y a quelques jours, cet article qui est venu tout changer. Dans les rues, les combats ont repris, comme emmenant un second souffle à la lutte que nous menons contre l’oppression. Si seulement les choses étaient si simples. Ce que prépare le Régime dans l’ombre ne me dit rien qui vaille, au contraire. J’ai peur.

J’étais présente auprès du Résistant responsable de la cyberattaque contre le Régime lorsque celle-ci s’est produite. Penchée sur l’écran pendant les interminables secondes qu’ont duré notre intrusion en territoire ennemi, le front ruisselant de sueur pendant que mon partenaire s’amusait à mes dépends. Dot elle-même a stabilisé et protégé notre réseau pendant que nous récupérions les fichiers qui nous ont permis de découvrir les intentions véritables de la dictature qui plane sur notre île oppressée. Si je regrette un seul instant mon implication dans cette attaque? Si je regrette de l’avoir quelque peu provoqué, avec l’intention de porter un coup décisif sur notre ennemi? Non. Bien sûr que non. Néanmoins, je suis hantée par la terreur des représailles qui pourraient s’en suivre. Peur qu’on retrace jusqu’à moi. Qu’on ne vienne, armé jusqu’aux dents, pour me descendre sur les marches de mon propre porche. Qu’on s’en prenne ensuite à Weston et son fils, qu’ils subissent tous les conséquences de mes actions dangereuses. Je me sens bouleversée comme à mes débuts dans la Résistance, alors que j’hésitais encore, que je me trouvais confrontée à mes valeurs à chaque détour. Je sais qu’il fallait agir ainsi, que le résultat en valait clairement la chandelle. Mais l’inquiétude me ronge, sans cesse. Terrorisée d’avoir perdu une partie damnée d’avance, peur de m’être trop avancée. N’avais-je pas promis des mots? Voilà une implication qui me convenait au départ. Un minimum d’implication pour un impact saisissant. Quelque part en chemin, j’ai décidé de porter des actions indélébiles, une tendance qui m’inquiète.

Puis la menace, elle plane. Encore et toujours au-dessus de ma tête, animée d’autant plus par le traumatisme vécu dans les prisons du Régime il y a deux ans maintenant. Car je n’ai pas oublié. À quel point j’ai eu mal, à quel point j’ai eu peur. Le danger me suit pas à pas, fiévreux, insipide. Je n’ose plus, j’étouffe. Non, les regrets ne me retiennent pas, mais la crainte subsiste. Si bien que lorsque le téléphone portable sur la table sonne, je sursaute brutalement avant de m’emparer nerveusement de l’appareil. Même si c’était prévu. Même si je l’attendais. Le numéro est privé, confirmant mes doutes. Je porte le téléphone, qui sera détruit quelques instants après avoir raccroché, à mon oreille.

«Félicitations, ma chère. Très impressionnant.»

Je soupire en entendant la voix de l’autre côté, rassurée. Il s’agit bien de mon collègue Résistant surnommé Grayson. Il s’agit d’un homme d’âge mûr, rencontré à plusieurs reprises. Il fait partie de mes informateurs mais aussi de mes confidents. Son expérience m’inspire, tout comme le calme dont il fait preuve à tout instant. De l’entendre maintenant, dans la cacophonie de mes sentiments, m’apaise quelque peu. Soudain la pluie bat contre les carreaux avec un peu moins d’intensité. La pièce s’est raidie néanmoins, et déjà Peach et Dot s’activent à la protection de notre conversation et la surveillance de la maison.

«Je ne sais pas si on peut me féliciter véritablement. Les cousins sont sortis dehors et j’ai la crainte de les voir trébucher et se faire du mal.»

Langage codé. Malgré la protection offerte par les pouvoirs de Dot, je préfère toujours parler en indices plutôt que de risquer qu’on nous surprenne. Les cousins, mot souvent utilisé parmi les Résistants pour nous désigner les uns les autres. Depuis la parution de mon article, une vague de frustration s’est abattue sur l’île et avec elle des manifestations et des combats souvent sanglants. Encore une fois je me sens coupable, responsable du sort de chacun de mes frères et sœurs qui périt par ma faute.

«Tu sais bien que tu n’es pas responsable ma chérie. Les rues ne sont pas sûres. Les cousins ont besoin de sortir, tu ne peux pas les en empêcher. Ce doit être fait pour leur… développement.»

Je soupire. Je n’ai pas envie de l’entendre, qu’on me rassure à ce sujet. Parfois j’ai envie de m’octroyer un moment pour m’en vouloir d’influencer le visage politique de l’île, un article à la fois. Parfois j’en ai besoin pour mieux accepter par la suite. La culpabilité m’aide à vivre avec moi-même, à poursuivre dans cette voie malgré ma crainte. Elle me rassure sur ma propre humanité. Le jour où les conséquences de mes articles ne provoqueront plus que de l’indifférence chez moi, alors je saurai que j’aurai péri quelque part en chemin, que j’aurai failli à mes valeurs les plus profonde. Je change de sujet. Cette conversation ne doit pas s’éterniser de toute façon.

«Hum. Avais-tu des nouvelles de la famille à me transmettre?»

Je l’entends soupirer. Je peux presque voir de vieilles rides fatiguées alourdir ses traits, la grisaille s’insinuer dans son regard. Je devine qu’il n’approuve pas cette façon que j’ai de culpabiliser sans cesse. Qu’il la pense malsaine et qu’il souhaiterait me voir poursuivre dans mes actions sans me laisser hanter par les remords. Néanmoins il abandonne l’idée de me convaincre et se met bientôt à parler.

«La surveillance des enfants se passe bien, il n’y a pas eu d’incident, Arceus soit loué. Néanmoins, nous avons remarqué quelque chose d’étrange. Plusieurs camions sont sortis de la garderie et nous ignorons ce qu’ils contiennent. Ils viennent vides et sortent chargés.»

Les ruines du Titak, «la garderie». Depuis que nous détenons l’information fournie par les extraits de journaux de Mazinkaizer, une surveillance accrue a été déployée autour des ruines, d’un parti comme de l’autre. Une série de Résistants se relaie jour et nuit pour espionner les actions de notre ennemi et obtenir d’avantage d’informations au sujet de la puissance cachée qu’ils auraient trouvé. Ainsi des camions entrent et sortent du site pour y récolter quelque chose.

«Il faudrait découvrir ce que c’est afin d’éviter que les enfants ne se fassent mal. Et pas seulement eux.»

«Indeed. La garderie est inaccessible néanmoins, il va falloir trouver une autre façon de se procurer l’information. Peut-être que nous pourrions faire comme avant et envoyer une lettre?»


Envoyer une lettre, pirater le système. Encore. Je frémis.

«Grayson… R2 prend des risques inutiles, je ne veux pas risquer que…»

J’ai parlé trop vite et nommé les pseudonymes de mes partenaires. R2 est le Résistant qui a piraté le système du Régime et nous ayant permis d’obtenir les extraits de journaux. Il est aussi fan de Star Wars qu’imprudent. Un véritable génie, un nerd incroyablement attachant, mais qui a beaucoup trop d’ambition pour son propre bien. Et voilà que Grayson me propose de faire appel à lui à nouveau. Sauf que cette fois, ils nous attendrons, ils seront préparés.

«Je vais en parler à ma grande cousine, mais je ne crois pas que ça plaira. Une nouvelle lettre pourrait être très mal interprétée. Il va falloir y réfléchir.»

«Je suis d’accord. Dans tous les cas nous allons devoir agir rapidement pour les enfants.»

«Oui. Soyez prudents surtout. S’il te plaît.»


Un léger rire me parvient de l’autre côté. J’ignore qui de lui ou de moi devra se montrer le plus prudent dans les semaines à venir, surtout si «la grande cousine» Soledad approuve une nouvelle cyberattaque sur nos ennemis. J’ai peur qu’en faisant appel à nouveau à mon intrépide collègue, de me retrouver prise au piège. Ou encore de le voir tomber aux mains du Régime. Car je l’aime bien cet idiot.

«Bien sûr, princesse. Et toi arrête de t’en faire pour les…»

«Attends.»


Un grondement vient d’attirer mon attention à l’extérieur de la maison. Un bruit venant couvrir la fureur des éléments contre la vitre, totalement familier et assez pressant pour me raidir. Aussitôt m’apparaît, comme un souvenir lointain refaisant surface, l’image d’une voiture noire aux vitres teintées tournant lentement sur le sentier menant à la demeure. Un message télépathique de Golden l’Alakazam qui a pris soin de surveiller l’entrée depuis sa cachette favorite, un vieil arbre aux branches retroussées.

«Je te parlerai une autre fois, mon frère.»

Je raccroche aussitôt, sachant que mon interlocuteur aura compris le danger d’être découverts. Je tends l’appareil à Aria qui d’un claquement sec, le détruit entre ses mains puissantes. Je reporte ensuite mon attention sur l’entrée, tentant de percer le couvert de la pluie pour apercevoir le chauffeur de la voiture qui vient de faire éruption devant la maison. Lentement, l’automobile se gare, rapidement rejointe par Kinu. Mon cœur bat à tout rompre et lentement, ma main va chercher dans un tiroir d’une armoire du salon le pistolet que j’ai dissimulé là. Je suis du regard l’Aligatueur alors qu’il se penche vers la vitre de la voiture pour mieux jeter un coup d’œil à l’intrus. En voyant la créature aquatique se raviser et reculer de quelques pas, je soupire de soulagement avant de déposer mon arme là où je l’ai trouvée. Mon ventre gargouille d’un stress intense, traversé d’épines douloureuses alors que je m’avance vers l’entrée. Même si mon allié m’assure par son geste que je n’ai plus rien à craindre, la présence d’un inconnu à ma porte si peu de temps après l’article, en plein milieu d’un appel important avec la Résistance… Je frémis alors que la sonnette retentit, jetant un coup d’œil à Aria derrière moi. La Roitiflam hoche la tête lentement, un sourire aux lèvres. Elle connaît parfaitement mon inquiétude, la terreur qui m’habite. Néanmoins elle fait confiance au reptile. Et moi aussi. Si quelqu’un devait se présenter à mon porche avec des intentions peu louables, Kinu le saurait. Et mettrait brutalement fin à son existence.

J’ouvre la porte, l’estomac douloureux. Un visage familier m’apparaît, un visage que je mets plusieurs minutes à reconnaître. L’homme m’offre un sourire froid avant de me tendre la main, que je sers avec méfiance. Sentant mon hésitation, il s’empresse de se présenter, M. Gaudreault, représentant des services sociaux. Alors je me souviens de lui. Il n’en est pas à sa première visite. Il est venu quelque fois s’assurer des bons soins octroyés à l’enfant qu’on aura abandonné ici, Benjamin. Je l’invite à entrer, un peu détendue maintenant que je sais à qui j’ai à faire. Je le poste au salon avant de préparer du thé ainsi qu’une assiette de biscuits pour mon invité improvisé. Je vais ensuite le rejoindre dans la pièce et lui sert une tasse chaude de la boisson favorite des enolians. Je m’assieds face à lui en le dévisageant de façon presque désagréable, irritée de sa présence soudaine.

«Qu’est-ce que je peux faire pour vous, monsieur Gaudreault? Weston et Benjie ne sont pas ici si vous espériez les rencontrer. Nous n’avons pas été prévenus après tout.»

Le visage stoïque de l’homme se peint d’une sorte de malaise alors que j’évoque sa pauvre conduite. Évidemment, il aurait été plus avisé de sa part d’au moins prévenir. L’impolitesse de cette intrusion n’est pas responsable de ma mauvaise humeur néanmoins. Je n’ai rien contre lui bien sûr, j’aurais simplement aimé me retrouver seule. Je ne me sens pas particulièrement en sécurité ici avec lui, seule, malgré la présence de tous mes alliés autour de nous.

«Pardonnez-moi, madame Hills. Je n’ai pas voulu troubler votre journée de ma visite. Je venais m’enquérir de la progression des choses avec Benjamin.»

Je considère l’homme avec une impertinence qui pourrait devenir fort gênante pour lui. Je me sens blasée d’être confrontée à lui alors qu’il ne s’agit même pas de mon fils. Je n’ai pas à répondre de lui; voilà une tâche qui incombe à mon mari. Nous avons beau juré de tout partager à la vie et à la mort, il est des responsabilités que je n’ai pas envie de prendre sur mes épaules, y compris celle de convaincre les services sociaux de l’adéquaté de notre demeure pour y recevoir le bambin.

«Je n’ai pas grand-chose à vous dire. Son père pourrait répondre à vos questionnements bien mieux que moi.»

Je sens l’homme se raidir devant mon irritation visible, mon manque de tact flagrant. Il tente un sourire en m’observant, puis sourit.

«Je suis désolé, madame Hills, mais vous êtes aussi bien placée que votre mari pour répondre à mes questions. Non seulement vous vous occupez régulièrement de l’enfant, mais vous êtes aussi la personne vers qui nous nous tournerions si jamais mal devait arriver à monsieur Elric.»

Pardon? Nous avons cherché, et cherché, en vain. Une famille à cette mystérieuse femme, sa mère. Une famille pour recevoir Benjie, pour s’en occuper là où nous n’étions que des inconnus pour lui. Il semblerait qu’elle était seule, seule au monde. Alors qui pour accueillir l’enfant? Les parents de Weston l’ayant renié il y a plusieurs années de cela? Sa sœur dont la seule vue de son frère l’écoeure et qui le retrouvait à chaque regard vers le petit? Non, ce qu’il m’apprend est parfaitement logique et pourtant j’en ressens une certaine nausée. Il a été si facile jusqu’à maintenant de considérer l’enfant comme celui de Weston seulement jusqu’à présent, de m’éclipser dès que la panique se faisait trop intense, trop cruelle. Estomaquée par ses mots, je laisse longuement silencieuse à le considérer. Encaisse, Mercy. De toute façon il n’y a pas d’autre solution.

«D-d’accord. Okay. Ouais.»

Ma surprise est palpable. Surprise ne résume pas même la moitié de l’intensité de ce que je peux ressentir. Une vague de stress me renverse et je referme la main nerveusement sur ma tasse, manque de me brûler à de nombreuses reprises alors que je trempe mes lèvres dans le liquide ambré. Le regard de monsieur Gaudreault s’adoucit quelque peu en considérant ma crainte palpable.

«C’est pourquoi je voulais m’adresser à vous en tout premier lieu. Je sais que votre adaptation à la venue de l’enfant n’a pas été très aisée. Il est tout un choc d’apprendre que son époux avait un fils avant même votre rencontre, sans le savoir lui-même. Puis d’apprendre à devenir mère…»

«Ne dites pas ce mot.»

«Mère?»


Je grimace avant d’avaler une nouvelle gorgée dans l’espoir de faire passer la tendance amère qui s’étend dans ma gorge. Sans succès. Ce mot me terrorise depuis le premier moment où je l’ai entendu pour me désigner. Je ne suis pas la mère de Benjie. Je n’ai rien d’une mère, au contraire.

«Je ne suis pas sa mère.»

«C’est vrai. Néanmoins vous agissez avec lui à ce titre, et il devient évident qu’il vous apprécie à peu près de cette manière.»


Benjamin. Cet enfant m’adore, un sentiment qui me contamine un peu plus chaque jour. Le gamin a beau ne pas être bien brave, il a un cœur d’or, et une naïveté qui ferait fondre un cœur de pierre. Lorsque les cauchemars le secouent, lorsque la nuit l’effraie, je ne peux m’empêcher de le protéger. Ou de m’inquiéter pour lui lorsque je prends des risques susceptibles de lui causer du tort. Plus rien n’est pareil depuis sa venue. Je secoue la tête dans une lutte inutile contre la vérité énoncée par le travailleur social qui connaît parfaitement son métier. J’ai laissé mon regard courir contre le mur derrière lui afin d’éviter de croiser son regard.

«L’aimez-vous?»

La question m’atteint comme une gifle. Je redresse mon regard fuyard pour le plonger dans les sombres prunelles de mon interlocuteur qui me considère avec calme. Si je l’aime? Si j’aime Benjie? Je ne me suis jamais posée la question, pourtant mon cœur s’emballe de simplement le considérer. Si j’aime cet enfant au regard si pur et innocent? La réponse s’impose à moi comme une évidence pourtant je n’ose pas la nommer, pas devant lui et son regard scrutateur. Je l’observe dans toute ma réserve, toutes défenses levées, incapable de prononcer un mot. Mais l’azur de mon regard me trahit, j’en ai la certitude.

«Il aura besoin de vous. Particulièrement de vous.»

Encore abasourdie par la réalisation brutale de mon amour pour le petit, je ne comprends pas tout de suite le sens de ses paroles. Je reste silencieuse, absorbée par les souvenirs qui m’assaillent les uns après les autres, des instants tout simples de vie commune avec le petit. Toutes les histoires que j’ai pu lui lire avant le coucher, les sorties au parc, les moments blottis l’un contre l’autre à regarder des films. Son rire, unique, franc, qui ressemble tant à celui de son père. Je redresse le regard vers lui, quand je réalise enfin ce qu’il vient de dire.

«Pourquoi?»

Son soupir, las, fatigué, m’interpelle aussitôt. Un mauvais pressentiment m’étreint. Je repose ma tasse pour me pencher vers lui, sans oser insister sur ma question. De toute façon je le sens rassembler ses mots.

«Nous avons retrouvé mademoiselle Douglas. Elle s’est enlevé la vie chez elle le 17 mars dernier. Je suis vraiment désolé.»

La pièce tangue. La mère de Benjie s’est suicidée.

«C-comment?»

«L’information est confidentielle, je le crains.»


Mon cerveau poursuit sa course dans une tentative désespérée d’absorber ce qu’il vient de dire. La mère que j’espérais retrouver depuis des mois et des mois, cette femme qui toujours m’a échappée, celle que j’ai poursuivie dans l’espoir, dans l’espoir… d’être libérée. De me retirer le fardeau de cette prétendue maternité, de cette vie dans laquelle j’ai l’impression de n’être qu’une étrangère.

«Comment? Lorsqu’il sera assez vieux pour obtenir des réponses à ses questions, je veux être en mesure de lui répondre.»

Une once d’hésitation passe sur son visage, suivie d’un bref soupir. Il soupèse l’argument quelques instants avant de céder.

«Elle s’est tranchée les veines.»

Je ferme les yeux, nauséeuse. Je mets un long moment à reprendre contenance, le cœur au bord des lèvres, à imaginer cette femme inconnue et pourtant si significative, dans une marre de son propre sang. Je lève une main tremblante jusqu’à mon visage en réalisant que je devrai l’apprendre à Weston et encore pire, à Benjie. Que celle qu’il a tant attendue ne reviendra pas. Ne reviendra jamais.

«Putain.»

Je me recroqueville contre moi-même dans le sofa, mes bras entourant mes genoux alors que je les ramène près de moi. Je voudrais le préserver de cette peine, ce pauvre qui a déjà subi son lot de déceptions dans les derniers mois, de changements et de bouleversements.

«Cela fait de monsieur Elric son seul parent et de vous sa famille officielle. Il sera placé chez vous de façon permanente désormais. Vous comprenez, madame Hills?»

J’hoche la tête avec lenteur. Je ne parviens plus même à réfléchir à m’imaginer le petit visage de l’enfant se couvrir de larmes. Comment expliquer à un bambin de quatre ans que sa mère est décédée de sa propre main?

«Je… je vais vous laisser digérer cette nouvelle et l’apprendre au reste de la famille. Je vais vous appeler dans quelques jours afin de vous sonder sur l’état des choses. J’ai pensé à amener quelques brochures pour des consultations familiales, si vous en sentez le besoin. Je sais que ce ne sera pas très facile pour Benjie, si seulement il comprend ce que vous lui annoncerez. Sachez que je suis disponible en tout temps si vous en ressentez le besoin, pour de l’écoute ou des conseils.»

«Ouais. D’accord. Merci monsieur Gaudreault.»

«Vous… vous tenez le coup?»

«Oui. Bien sûr. Je vous en prie, laissez-moi vous escorter jusqu’à la porte.»


La porte se referme. La voiture quitte le sentier. J’ai déjà fait demi-tour, retenant les larmes alors que je cherche, dans le placard, mon manteau. J’entends une voix, celle de Dot, à mes pieds. Je l’entends protester. Non, je ne devrais pas sortir, pas dans cet état, pas la tête pleine d’explosifs, le ventre à moitié barré par le stress, pas alors que je réalise à peine ce que je fais. Pourtant je passe le manteau sur mes épaules, je rappelle quelques alliés à leurs balles avant de les accrocher à ma ceinture et je m’empare des clefs suspendues à l’entrée, celle de la moto. Dehors, la pluie bat toujours, bat toujours. Dot me poursuit, dans l’espoir de m’arrêter. Je lui cries de rentrer avant de récupérer la moto sous le garage. J’engage le moteur et je bondis dans la tempête. Je réalise à peine la pluie battante sur mon visage, la route défilant sous les roues, Amanil qui se dresse à l’horizon après une heure d’errance. Pourtant, je sais où je vais, je sais ce qui m’attend à la fin de cette escapade. Lorsque j’abandonne la moto devant la chaussée de l’immeuble, je suis trempée jusqu’aux os, tremblante et transie de froid, mais je m’avance, insensible, jusqu’à l’escalier où je trébuche à de nombreuses reprises. Je me redresse une nouvelle fois devant la porte où je cogne avec une frénésie désespérée. Je cries et attends qu’on vienne m’ouvrir. Bientôt, il apparaît dans l’entrebâillement de la porte, son regard dur, son regard si semblable au mien.

Sitôt que je le vois que la pièce se renverse. Je m’effondre, prise d’un vertige, rapidement rattrapée par ses bras qui m’agrippent pour ne pas me laisser tomber. Je suis tirée, molle et docile, jusqu’au fauteuil où il me repose. Je m’y écrase, étourdie, nauséeuse. On m’entoure d’une serviette mais j’en ai à peine conscience si ce n’est de la chaleur qui m’envahit.

«Mercedes putain. Qu’est-ce qui t’es arrivée?»

Sa voix m’éveille. L’inquiétude qui y vibre comme un mensonge. Je me redresse, saisit son collet avec une force surprenante pour mon état, approche son visage du mien alors que la question me traverse la gorge.

«Pourquoi? Pourquoi tu m’as abandonnée, Carter?»
(c)Golden
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