« - Tomyyyyy tu vas trop viiite !

- Mais je suis déjà au ralenti, si je décélère, je m’arrête.

- Maiiiis…

- Chuut. »

En effet, Yumi avait le plus grand mal du monde à suivre son meilleur ami qui marchait en tête. Il marchait d’un pas souple accompagné de son Malosse comme si le sable tout autour d’eux ne le dérangeait pas. Pourtant, elle, elle s’enfonçait à chaque pas presque jusqu’aux genoux et lorsqu’elle tentait de rattraper son ami, c’était pire. Un boulet ? On pouvait la qualifier de ce terme-là. Elle n’arrêtait pas de râler, et même Kaï à ses côtés, roulait des yeux toutes les deux minutes en réponses aux plaintes de la Bleue. C’était rare que les deux soient en désaccord mais c’était le cas aujourd’hui. En même temps, c’était étrange d’entendre Yumi râler. Elle n’était pas du genre à montrer que quelque chose la gênait et lorsque c’était le cas, elle se changeait les idées en se transformant en moulin à parole. C’est pourquoi lorsqu’il intimait à sa meilleure amie de se taire, il le faisait sur un ton doux, et avenant bien qu’il ne prenne pas le temps de s’arrêter. En effet, aujourd’hui, il avait un objectif simple. Il voulait simplement visiter les ruines qui se trouvaient dans le désert pour en apprendre un peu plus sur l’île et ne pas rester inconnu à son histoire et sa culture.

Enfin, il se disait ça, mais il faisait exprès de fermer les yeux sur les histoires du régime et de la résistance. Il ne donnait jamais son avis, à la Bleue, et ce n’était jamais un sujet abordé. Il avait entendu par quelques simples allusions que Yumi avait été confronté à eux, mais il n’en savait pas plus que ça. Franchement, il n’avait pas envie de savoir de quoi était capable ces gens. Plus il restait loin de ces histoires, mieux il se portait. Finalement arrivé par on ne sait quel chemin, le Blanc s’engouffra dans les souterrains qui faisaient office de ruines suivant son fidèle Sata qui le guidait. Yumi peu attentive à l’endroit où elle posait les pieds, glissa et se retrouva les fesses par terre. Au bruit qu’elle avait fait, le garçon se retourna et s’empressa d’aller l’aider à se relever. Seulement au lieu de se laisser faire, elle tapa rageusement le sol de ses mains et de ses jambes laissant sortir toute la frustration qu’elle emmagasinait depuis un certain temps.

« - J’en ai MARRE !! Plus que MARRE ! Journée de merde […] »

Elle continua à proférer encore bien des flots de mots rageur, alliant insultes et gros mots. Pris au dépourvu, le garçon ne savait pas trop comment réagir, et tout ce qu’il fit fut de s’asseoir au sol et d’attendre patiemment qu’elle se calme, ou bien qu’elle lui crie la raison de cette crise. Des larmes s’échappèrent des yeux de la Bleue, et elle s’efforçait d’effacer leurs traces par réflexe. Elle avait le visage rouge, les yeux bouffis, et la voir comme ça, donnait au garçon une furieuse envie de la câliner pour la réconforter. Mais il se retint car pour une fois, il fallait qu’elle s’ouvre, et non pas qu’il la cajole pour qu’elle recommence dans deux jours. Il décida de la pousser un peu.

« - Qu’est-ce qui ne va pas Yu’ ?

- Rien. Juste que rien ne va aujourd’hui, c’est tout.

- Arrête de me sortir cette excuse bidon ! Depuis qu’on est parti du lac d’Anula, tu es sur les nerfs, et très désagréable. Alors épargne moi les ‘je vais bien’ et dis-moi ce qui ne va pas ! »

Elle ne répondit pas tout de suite comme si elle réfléchissait à ses paroles. Elle semblait avoir conscience de son état, et malgré le fait qu’elle considère Tomy comme un frère et même plus, elle ne voulait pas lui avouer ce qu’elle avait sur le cœur. Peut-être par peur qu’il se moque d’elle ? Qu’il la trouve ridicule d’être triste pour ce genre de chose ? Néanmoins, il semblait qu’il ne pouvait plus supporter ça, et aujourd’hui, il ne lui offrait pas la possibilité de contourner le problème. Il voulait l’aider. En quoi était-ce mal ?

Spoiler:

C’est dans ce genre moment que l’on se demande ce que l’on peut faire. En l’occurrence Tomy, ne savait pas du tout comment réagir. Il avait passé une grande partie de son enfance à éviter toutes situations similaires à celle-ci mais aujourd’hui, il devait agir. Il ne pouvait pas juste prendre ses jambes à son cou sous prétexte qu’il était incapable de gérer. La personne qui était impliquée était bien trop importante pour qu’il soit aussi passif que d’habitude. Avec un soupir, il se pencha un peu plus et attrapa la jeune fille pour lui faire un câlin qui se voulait rassurant et surtout qui allait l’inviter à parler. Sur le coup, cela sembla marcher lorsqu’il sentit ses bras fins le serrer très fort comme pour l’étouffer. Il ne lui fit cependant pas remarqué comme il jugea que ça ne se prêtait pas à l’ambiance. Au contraire, il passa une main dans les cheveux bleus de Yumi, et elle craqua. Elle s’effondra littéralement en larmes contre lui. Les petites larmes qui s’échappaient de ses yeux tout à l’heure s’étaient transformées en torrent. En laissant échapper quelques petits hoquets dus à ses pleurs, elle s’exprima enfin.

« - Tu as assisté à la libération de mon Roucarnage tu te souviens ? »

Il n’eut pas à chercher bien longtemps dans sa mémoire puisque c’était aussi le jour de leurs retrouvailles. Il n’avait d’ailleurs pas bien saisis le pourquoi du comment de cette scène aussi touchante qu’elle soit.

« - Oui, ça te ronge depuis tout ce temps ? »

Elle secoua la tête de droite à gauche signe de négation. Alors là, il était perdu, il ne savait pas du tout ou elle voulait en venir.

« - Je suis très proche de mes pokémons, tu le sais. Mais lorsque j’ai…. »

Sa phrase fut coupée par un grondement sourd. Par réflexe, le garçon se releva d’un bond alors que le souffle de l’adolescente se coupa en regardant derrière lui. Ses yeux s’ouvrirent grand forçant Tomy à se retourner pour se retrouver nez à nez avec un Onix visiblement en colère. N’écoutant que son courage –ou sa lâcheté selon le point de vue- il remit son amie sur pied, lui empoigna le poignet et se mit à courir. Il comptait sur ses jambes pour le porter loin du pokémon qu’il espérait être long au vu de sa grande taille. Durant sa course, il ne pouvait empêcher une flopée de jurons de s’échapper. Merde, elle s’était enfin ouverte, et voilà qu’un pokémon sauvage apparaissait d’un coup pour la couper. En gros le monde était en train de s’acharner pour l’empêcher de connaître enfin les raisons de la bleue. A vivre, c’est vraiment frustrant.

Après quelques minutes de course, ils avaient semé le pokémon apparut par surprise. Finalement, il avait réussi à avoir une pensée à peu près logique. Mais ça ne valait pas le coup d’être fier de lui. N’était pas un grand sportif, il se laissa tomber au sol, les jambes tremblantes suite à un effort trop intense et surtout imprévu. Sa respiration était saccadée et son cœur semblait vouloir prendre la fuite tellement il battait fort. Il avait l’impression de mourir. Sensation vraiment très désagréable. Yumi en profita pour éclater de rire devant sa tête de zombie.

« - Tu verrais ta tête en ce moment ! »

Décidément, il en fallait peu à cette fille pour passer des larmes au rire. Mais il sourit quand même, enfin il essaya mais sa bouche préférait tenter d’aspirer le plus d’air possible pour l’empêcher de tomber dans un état d’asphyxie.

Spoiler:

Sauf que bien sûr, lorsqu’il était en sa compagnie, il ne pouvait s’empêcher de chercher à faire de l’humour que ce soit simplement pour l’amour des vannes pourries ou juste pour pouvoir la taquiner. Ici c’était plutôt le second cas. Alors bon, comme il savait que le moment était complétement gâché et qu’elle avait profité de cette course pour se ressaisir, il n’insista pas plus. Ce n’était pas trop son but de chercher à forcer contre un mur. Avec un sourire taquin, passant une main dans sa chevelure indomptable, il répliqua gentiment.

« - Je te signale que tu n’es pas mieux Yu’. Tu as les yeux tous bouffis comme… Je ne sais pas trop quoi, mais c’est moche. Il ricana avant de s’exclamer. Si comme les poissons, tu sais, les moches avec les yeux qui ressortent là ! »

La tête qu’elle avait faite n’avait pas de prix. Sa mâchoire s’était lentement décrochée avant qu’elle ne commence à rougir de gêne puis à gonfler les joues pour bouder. Evidemment, il réagit instinctivement et se mit à lui tirer les joues comme le ferait une grand-mère. Les deux poches d’airs qu’elle avait alors emmagasinées se dégonflèrent lentement dans un bruit peu glorieux. En guise de cerise sur le gâteau, il lui ébouriffa sa longue chevelure. Conclusion, elle ne ressemblait absolument plus à rien. C’était à prévoir, mais en même temps, il ne l’aurait pas fait si c’était dans un endroit plus visible. Là, ils n’étaient que tous les deux, ils ne risquaient pas grand-chose. Elle aurait juste à se recoiffer. Sachant qu’elle avait des cheveux très très très long, cela prendrait du temps, mais elle l’avait cherché en même temps ! On ne taquine pas impunément Tomy Hawk, foi du garçon. Tout content, il se mit à siffloter en poursuivant leur route, cette fois-ci le cœur plus tranquille. Il avait eu le temps de souffler de sa course après tout. Ouais, c’est dans ce genre de cas qu’on apprécie être jeune pour avoir une capacité de régénération plus rapide.

Alors qu’il marchait en essayant d’éviter les quelques flammes que toussaient son Malosse pour éclairer un tant soit peu l’endroit, Yumi vint lui sauter sur le dos sans qu’il n’y soit préparé. Après avoir tangué une bonne dizaine de secondes,  il la stabilisa en lui attrapa les jambes, et en se redressant doucement. Alors qu’il allait lui faire remarquer que pour qu’il la porte, elle pourrait au moins demander, il remarqua qu’elle s’accrochait plutôt fort à lui et qu’elle pointa du doigt quelque chose. Lorsque son regard se posa alors sur cette « chose », il put constater qu’ils se trouvaient alors devant un ou plutôt une Tutafeh qui s’amusait toute seule dans son coin, tranquillement, sans déranger personne. Il poussa alors un soupir plus qu’exagéré pour montrer sa façon de penser à Yumi. Celle-ci descendit de lui mais rester proche, presque collée. Sa seule excuse fut de trouver comme prétexte sa peur pour les pokémons spectres. Tomy éclata de rire bien sûr, c’était complétement absurde sachant qu’elle possédait avant un œuf de Feuforêve, et donc par conséquent qu’elle était prête à s’en occuper. Si elle avait été capable de passer le pas pour pouvoir en élever un, elle pouvait au moins tenter de se contrôler lorsqu’elle en voyait un, non ?

« - Mais je te jure c’est plus fort que moi ! Puis au final, j’ai fait don de cet œuf à quelqu’un qui en avait plus besoin que moi alors je suis toujours pas guérie… J’sais pas pourquoi mais les spectres, je peux pas les voir et ça ne s’explique pas. »

Il ne précisa pas bien sûr qu’il risquait d’en posséder pour ne pas lui faire trop peur aujourd’hui, mais c’était un fait, pour construire une bonne équipe, il ne prendrait pas en compte les critères de Yumi même si elle compte beaucoup pour lui. Il lui adressa une petite tape sur la tête pour lui montrer qu’il n’allait pas arrêter de la charrier sur ce sujet-là, et se remit en route avec une adolescente boudeuse sur les talons.

Spoiler:

Pour être tout à fait honnête, il n’avait pas prévu quelle sorte de pokémon l’intéressait dans cet endroit. En fait, étant de passage à Zazambes, il avait juste entendu parler de l’endroit et était venu. C’est pourquoi il ne s’attendait pas à rencontrer des pokémons aussi différent. Entre une pierre, et un spectre, il n’y a aucune similitude. Du coup, il se retrouvait à imposer quelques petites frayeurs à son amie alors qu’ils traversaient ce dédale de couloirs. Mais bon, on parle bien de Tomy, celui qui a pour passe temps préféré, taquiner la Bleue qui l’accompagne assez souvent partout où il va. Du coup, il profitait un peu de la situation. Depuis qu’elle lui avait sauté sur le dos par peur, il s’était amusé à produire avec Sata quelques bruits étranges pour ensuite faire mine de rien. Résultat, il ressemblait à une maman koala avec son bébé accroché à son épaule. Non pas accroché, plutôt agrippé. Il ne se plaignait pas car il était pleinement conscient que s’était de sa faute et donc par conséquent qu’il le méritait. Cependant, même s’il n’était pas bien costaud, l’adolescente était un poids plume pour lui. Comme quoi sa situation de « mâle » n’était pas vouée à l’échec. Il avait encore un peu d’espoir.

« - Dis Yu’, tu vas tenir longtemps comme ça ?
- Oui. »

Ok, c’était une réponse simple, claire et efficace qui l’aurait fait immédiatement taire, si elle ne l’avait pas chuchoté à son oreille en tentant de maîtriser ce qui ressemblerait plus à une plainte. C’est fou comment elle était naïve et simple à manipuler. Il aurait pu lui sortir un petit « bouh ! » qu’elle aurait certainement sursauté et fait un bond prodigieux. Il était certain de ne pas être très loin de la vérité. Du coup, il continua sur sa lancée.

« - Mais tu vas pas fatiguée ? Non parce que tu y vas franchement fort là…
- Ah bon ? Je n’en avais pas l’impression, désolé. »

Alors qu’il aurait cru qu’elle aurait desserrée sa prise sur lui, elle n’en fit rien.

« - Donc tu vas pas me lâcher du tout ? Du tout du tout ?
- Du tout du tout. Fais moi sortir de là, si tu veux récupérer ton bras.
- Oui m’dam ! »

Il rigola gentiment, et très rapidement elle lui donna une tape sur l’épaule pour pouvoir très vite se raccrocher. Du coup, il décida de se mettre en quête de la sortie. Il n’était pas doué en orientation, ce qui lui avait valu un gros quiproquo avec un musicien, mais il faisait entièrement confiance aux deux canidés qui les accompagnaient. Kaï et Sata d’un seul mouvement coordonné se mirent à les guider dans les couloirs. C’est en passant devant un Cryptéro qui n’avait pas franchement l’air amical que les deux dresseurs décidèrent d’accélérer le rythme et de réitérer l’expérience de la course au grand damne du garçon. Décidément, ce n’était pas sa journée aujourd’hui. Finalement après quelques minutes qui parurent interminable au Blanc, le petit groupe trouva finalement la sortie. Fatigués, les deux dresseurs se laissèrent tomber sur les fesses pour se reposer. Yumi fit des papouilles à Kaï tandis que Sata embêtait son dresseur. C’était enfin fini la peur pour l’ancienne coordinatrice. Elle l’avait lâché et avait retrouvé son sourire. Elle se tourna vers lui, et lui dit mesquinement.

« - La prochaine fois que tu veux me faire peur, il faudra t’appliquer un peu plus.
- Quoi ? Tu jouais la comédie ? Tout ça pour pouvoir me tenir dans tes bras… Je savais que tu m’aimais mais pas à ce niveau là !
- Qui sait ? »

Et les revoilà en train de se chamailler gentiment.

Spoiler: