Remember Me |Prio May; Ouvert|

Sujet: Remember Me |Prio May; Ouvert| Mar 8 Nov 2016 - 1:22

Remember Me

feat. May & the others

Les tambours résonnent toujours sous mon crâne. Je me souviens. De la grisaille d’un ciel maussade. Des murmures de la foule. Des regards éteints. Des mains reposant contre les cuisses, résignées. Je me souviens des larmes silencieuses. Du craquement sinistre lorsqu’ils sont montés sur l’estrade. L’éclat brillant de leurs bottes parfaitement cirées. De la crosse de leurs fusils. De leurs traits déshumanisés par une poignée de mensonges faisant leur doctrine. Je me souviens de mon petit corps tassé contre le téléviseur, à chercher son visage entre leurs silhouettes indifférentes. Les poids des ordres contre leurs épaules. Mes doigts pour tenter de stopper le spectacle s’étant déjà produit, celui que je ne pourrais pas arrêter. Je me souviens d’elle. Si petite, si chétive. Du blanc qui barrait l’obsidienne de sa chevelure. De la fatigue de ses traits. De sa force. Malgré les coups et les blessures. Malgré sa robe de toile qui tentait misérablement de ternir son prestige. De briser une colonne vertébrale inébranlable. Je me souviens avoir soufflé son nom, avoir supplié. J’ai entendu ses mots, sans les comprendre, ses derniers. Peut-être aurais-je souhaité qu’elle nous les adresse, à ses enfants. J’espérais encore que le destin s’en trouverait changé. Même lorsqu’on a passé la corde autour de son cou sous les cris, la fureur, l’indignation désespérée d’un peuple brisé en pleine dissonance. Je me souviens de mon cœur ayant raté un battement et puis un autre. De la trappe qu’on ouvrait à ses pieds. De la chute. De son corps qui s’est cambré de spasmes, de ses yeux noirs… ses yeux noirs… Du ballant de la corde d’où on l’a pendue. Du vide. La mort. Et puis le cri, celui s’étant échappé de ma gorge alors que je renversais le téléviseur d’un même mouvement de révolte que les enolians à Amanil, témoins de la scène. Je ne pouvais plus rien, plus rien pour elle. Des jours déjà que ces images avaient été capturées.

Le souvenir, sans me hanter, m’accompagne. Avec lui, l’évidente douleur de mon deuil. Je vais, pieds nus, les chevilles serties de bracelets qui rappellent les trésors laissés par la civilisation du Titak. Je me suis drapée d’un grand voile noir qui recouvre un accoutrement sobre, une robe sombre qui vole à ma suite alors que je me dirige, seule, parmi les ténèbres de la forêt, en brandissant une chandelle à la lueur hésitante qui éclaire mes pas. Sans la moindre hésitation, dans une progression tout aussi humble que discrète, je retrace le chemin appris par cœur, décrit par les quelques lignes codées d’une lettre qui ne m’était pas destinée. Aujourd’hui, les Résistants cherchent à honorer le souvenir de l’héroïne d’une nation en tenant des funérailles clandestines au cœur de la forêt d’Érode, à l’abri des regards. Bientôt, les arbres se clairsement, laissant entrevoir des lueurs au plus profond de la nuit. Je presse mes pas et trébuche à de nombreuses reprises, quand de la colline je peux voir en contrebas une poignée de personnages habillés de noir, rassemblés autour d’une pierre grossièrement taillée, éclairée par un cercle de dizaines et de centaines de chandelles. Lorsque mon regard se couvre de larmes, je dévale la pente, zigzague entre les pèlerins et me jette au pied de la pierre tombale en écorchant mes genoux dans l’herbe encore humide de la rosée.

Maman. Je fais glisser le voile contre mes épaules, dévisage la pierre gravée de son nom et d’enjolivures modestes. Ma main en parcourt les lettres, chacune d’entre elles, et les dates qui me paraissent si fausses. Déjà trois ans depuis son décès, et encore la même sensation lancinante. La même colère, la même injustice. Je ferme les yeux. Je me souviens. De la façon dont Carter mon oncle a dû s’emparer de moi avant que je ne me déchire tout entière. De la brûlure de ma gorge. Ma main glisse contre mon cou alors que je sanglote en me raccrochant à la pierre tombale. Je prends conscience. Elle est morte et ne reviendra plus, plus jamais qu’en souvenir. Cette idée m’apporte une certaine sensation de paix. Aujourd’hui mon deuil s’amorce, mais pas avant prononcé mes adieux. Dans l’immobilité paisible de clairière, la foule de ses fidèles s’est fait silencieuse. Dans la nuit, mes murmures sont emportés par la brise.

«Je n’ai jamais pu… jamais pu te dire avant aujourd’hui, maman. Tout ce que je donnerais de t’avoir à mes côtés une journée de plus. Au-delà de tout ce que tu représentes pour ce peuple je… tu me manques maman… un peu plus chaque jour et je réalise tout ce que tu peux manquer. Tu n’as jamais rencontré ta nièce et ton neveu, ni pu voir à quel point Lucas est devenu un fier jeune homme… Tu ne connaîtras jamais tes petits-enfants… Et je… Maman, je n’en peux plus de courir après des souvenirs, et les cauchemars ils… J’espère que d’où es tu auras trouvé la paix, j’espère que d’où tu es tu crois toujours en moi, que tu es fière de ce que je suis devenu.»

Je caresse la pierre comme s’il aurait s’agit de son visage, les doigts tremblants de tendresse.

«Je t’aime maman. Veille sur moi, encore un peu. Adieu.»

Je me redresse, habitée d’un nouveau courage. Je pivote lentement vers la poignée de personnes assemblées pour un dernier hommage, posant un regard sur chacun dans un remerciement silencieux. À la lueur des chandelles, jamais je ne lui aurai été aussi semblable. J’entends des hoquets de surprise mais ne flanche pas devant la révélation.

Je n’ai plus envie de me cacher.

(c)Golden

Hors-Jeu:

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Mar 8 Nov 2016 - 12:12

Remember me

With

Adélia G. Turnac

Une lettre. Une simple lettre. Enveloppée dans une petite enveloppe bleue. Toute simple, en apparence. De loin, elle a d’une enveloppe parmi tant d’autres. C’est ce que je pense au début. Je n’ai aucune idée de ce que ça peut bien être, et je ne m’attends sûrement pas à ce que je vais découvrir. Je l’ouvre avec lenteur cependant, comme si je sais que ce n’est pas une lettre comme les autres. Qui est-ce qui peut bien m’écrire. Je me sens bizarre, comme si j’avais un pressentiment, mais je ne sais pas s’il est bon ou mauvais.

Eliza.

Je manque de m’étouffer avec ma salive en voyant ce prénom. Celui de ma mère. Je deviens subitement fébrile. Voir son nom, ainsi, sur cette enveloppe dont je n’ai aucune idée de la provenance, m’effraie. D’où cette lettre peut-elle provenir ? Qui peut connaître mon identité ? Je suis soudainement prise de panique. Et si le Régime m’avait retrouvée ? Non, non, impossible. Mais il n’y a qu’un seul moyen de le savoir.
Je prends une grande inspiration et je sors un papier jauni de l’enveloppe. Mes yeux se posent sur les mots, mais ils se mélangent dans ma tête si bien qu’il me faut m’y reprendre à trois fois afin de comprendre ce qui est écrit.

C’est codé, clairement. Mais j’arrive tout de même à le comprendre, sans me rendre compte vraiment de pourquoi d’ailleurs. Cette lettre provient de la Résistance. Alors… des membres de la Résistance savent qui je suis ? Est-ce que c’est possible ? Je me pose ces questions sans vraiment y chercher une réponse, car l’important reste le message. Je m’effondre sur mon lit en pleurant. Je suis soulagée, triste à la fois. 3 ans que j’attends cela. Je n’ai jamais vraiment eu la chance de dire au revoir à ma mère, de lui rendre un hommage digne de ce nom. C’est enfin l’occasion.

Je me suis habillée de noir, c’est rare pour moi. J’ai aussi passé autour de mon coup le collier que ma génitrice m’avait offert quand j’étais petite. Je sèche les larmes qui ont coulées quelques secondes plus tôt. Je me dois de rester digne, en mémoire de ma mère. C’est dans la forêt d’Erode que le rendez vous a été fixé. J’ai pris un bouquet de fleurs, des Olympies blanches. Memphis marche à mes côtés, le seul de mon équipe ayant connu maman. Lui aussi veut lui rendre hommage. Elle lui manque a lui aussi, comme si nous étions frère et sœur. Et c’est vrai, c’est presque le cas.

Quelques personnes sont déjà rassemblées. Cela fait chaud au cœur de savoir que sa mémoire sera honorée ainsi. J’ai envie de sourire à ces personnes, les remercier. Mais, par habitude sûrement, je ne veux pas révéler mon identité. Par crainte, probablement.

Subitement, une silhouette se détache de la foule. Qui attire mon attention plus que les autres. Je ne sais pas pourquoi. Sa démarche est lente et elle se dirige vers la pierre tombale, s’effondrant sur ses genoux. Je manque de pousser un cri quand j’entends les mots qu’elle prononce.

Maman. Cette personne a dit Maman. Je lâche mon bouquet de fleurs et ma bouche forme un O sans pour autant qu’aucun son ne sorte. Jusqu’à ce que la jeune femme se retourne, du moins. Je n’y crois presque pas. Ça fait si longtemps. Pourtant, j’ai toujours gardé cet espoir, qui ne m’a jamais quitté, ce sentiment que je ne suis pas la seule de ma famille à être encore en vie.

« Adélia. »

J’ai prononcé ces mots faiblement, en détachant chaque syllabe, cependant le silence qui règne dans l’assemblée fait que tout le monde m’a entendu. Mes jambes se mettent à trembler, j’ai l’impression d’être dans un rêve. Je vais me réveiller et me rendre compte que tout cela n’était qu’un mauvais tour joué par mon cerveau.

« Adélia ! »

Je répète, un peu pus fort cette fois, incapable de dire quoi que ce soit d’autre. Mes yeux s’embuent de larmes. Je ne peux plus bouger, plus parler, je ne fais que fixer ma sœur, espérant que ce soit vraiment elle me demandant si je n’hallucine pas si elle est vraiment là, si tout cela est réel, possible.

Et si c’est un rêve, je prie Arceus qu’il dure le plus longtemps possible.

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Mer 9 Nov 2016 - 1:43

Remember Me

feat. May & the others

Alors que je pivote pour faire face au monde, le temps se fige. Je m’immobilise, drapée de silence, le visage recouvert des lueurs approximatives de centaines de petites flammes allumées en son honneur. Un hommage qui vibre en moi, un dernier salut que je tiens dans mes paumes refermées contre ce cœur dans ma poitrine qui se débat encore contre le poids de ma douleur. Je me sens fragile, bercée par la brise. Une statue de poussière prête à se désagréger au moindre mouvement, à la moindre résistance. Et ses larmes contre mon visage affligé, je ne cherches plus à les dissimuler, tout comme mes traits que j’ai dénaturé pendant si longtemps dans l’espoir de survivre à la violence des uns. Je me redresse, malgré l’incrédulité des regards posés vers moi alors que l’anonymat se brise à mes pieds. Le lot de mon héritage pesant contre mes épaules encore fragilisées par les épreuves. Et lorsque l’espoir rallume quelques prunelles éteintes, les ténèbres s’éclairent de quelques lueurs discrètes mais suffisantes. J’entends mon nom, il me fait frémir tout entière. Je me demande ce qu’il est d’être, de vivre autrement que dans la gloire passée d’une héroïne, ou simplement d’exister sans devoir dissimuler son nom, sa nature même, son appartenance à une famille qui jadis m’apportait… tout. Si je ne puis tolérer plus longtemps de me cacher aux yeux du monde, je ne pourrai pas reprendre le flambeau laissé dans l’ombre d’Eliza Turnac. Je n’ai pas sa force, sa détermination, son acharnement. Si je lui dis adieu aujourd’hui, c’est aussi pour prendre mon envol et entamer ma propre existence.

Mais ce nom insiste. Adélia. Je me retourne avec lenteur, prête à me morceler à la moindre résistance. J’y vois une jeune femme, deux grands yeux azurés noyés de larmes. Une étrangère. Je mets si longtemps à comprendre. Des siècles. Pourtant quelques minutes face à ce que nous avons vécu, à l’éloignement, à la scission brutale. À l’éclatement, à l’écartèlement. Je mets si longtemps à comprendre. Peut-être me fais-je aveugle à l’évidence. Trop souvent je l’ai guettée parmi la foule, espéré retrouver son rire d’enfant, ses histoires, nos jeux, tout ce temps qu’on nous a volé. Elle a disparu. Envolée, arrachée à l’enfance et jetée dans un monde froid. Traquée tel un animal simplement parce qu’elle existe. Et ce nom maudit pour la condamner encore une fois. Seule. Je recule d’un pas, il ne peut être. La jeune fille qui me fait face doit avoir dix-huit ans maintenant. Où est-elle? Où est l’enfant que j’ai connu? Dans ses traits, je reconnais papa. Elle lui ressemble tellement…

«May… MAY!»

J’ai hurlé son nom, bondis entre les chandelles pour la rejoindre, m’empare d’elle avec toute la violence de mon petit corps tremblant. Je m’écroule contre le sol, l’emportant dans ma chute, refusant de la relâcher. Cette fois les sanglots me traversent, me déchirent, je l’enserre dans mes bras désespérés alors que de profonds gémissements éclatent dans ma gorge. Je refuse d’y croire, de la savoir si grande, si grande… Je la tiens si fort pour ne plus jamais la relâcher, plus jamais la perdre, pour me convaincre de sa présence une fois pour toutes en priant, priant, priant, pour qu’il ne s’agisse pas d’un autre rêve douloureux qui prend fin au réveil en ne laissant à sa suite qu’une profonde amertume. Tant de fois j’ai pensé la retrouver pour me buter à la vision indifférente de quelques rayons de soleil à ma fenêtre au petit matin. Je peine à respirer tant je pleure mais lentement ma prise se fait plus tendre, moins brusque, comme si mon corps retrouvait l’habitude de l’enlacer, de la sentir près de moi. Les mots restent prisonniers de ma gorge. Que dire maintenant? Plus rien.

Ne pars plus jamais.

(c)Golden

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Jeu 10 Nov 2016 - 15:19

Remember me

With

Adélia G. Turnac

J’ai peur d’avoir des hallucinations. Avec la fatigue, l’émotion… tout se mélange dans mon esprit et je suis incapable de distinguer le vrai du faux. Peut-être que mon cerveau me joue des tours. Ce ne serait pas la première fois que la vie tente de jouer avec moi. J’ai plusieurs fois rêvé de voir Lucas et Adélia, tous les trois enfin réunis, à jouer à nos jeux d’avant. Mais dans mes rêves, ils étaient plus jeunes, ils avaient l’âge qu’ils avaient lorsque nous avons été séparés.
Là, c’est différent. Ella a changé, elle a grandi, mais ça ne m’empêche pas de la reconnaître. Je reconnaitrais ce visage entre milles, même après tant d’années de séparation. Un visage que j’ai espéré revoir, chaque jour de ma vie, sans jamais perdre espoir. Depuis cette explosion, je n’ai jamais cessé de penser à mon frère et à ma sœur, me disant qu’ils avaient été mis en sécurité eux aussi. Au fond de moi, il y avait une petite voix qui me disait que je ne pouvais pas être la seule de ma fratrie encore en vie, que c’était imposible.

Et aujourd’hui, j’ai ma sœur devant mes yeux, et pourtant, je n’arrive pas à y croire. Je l’appelle, elle se retourne, me fixant pendant ce qui me paraît une éternité. Et si ce n’est pas elle, et si je me suis trompée ? Ou, encore pire… et si elle ne me reconnaît pas ? Le temps semble s’être arrêté, le calme s’est fait autour de moi, et je nous sens observées.

Puis mon nom est prononcé. Crié même.

Cette voix… ça fais si longtemps que je ne l’ai pas entendue. Une voix qui résonne depuis mon passé et qui m’emplie d’une joie indescriptible, alors que ma sœur, car j’en suis persuadée maintenant, c’est bien elle, se rue vers moi, m’entraîne dans sa chute alors qu’elle m’enserre, et je n’offre aucune résistance, incapable de tenir sur mes jambes tremblantes de toute façon. Mes larmes se mettent à couler pour de bon, j’enroule mes bras autour d’Adélia, incapable de la lâcher, de peur que si je le fais, elle s’en ira, on me m’enlèvera une fois de plus. Je prie fort pour que ce soit la réalité, que cette fois ce n’est pas un rêve. Que cette fois ma sœur est bien là, avec moi. Autour de nous, on nous regarde, mais je ne fais pas attention à ce qu’ils font, ce qu’ils disent. A cet instant, dans ce monde, il n’existe plus que moi et Adélia, et nos sanglots mélangés, au cœur de cette forêt et de cet hommage à mère. Notre mère.

Je tente de reprendre ma respiration, alors que Memphis, que j’avais oublié un isntant, se poste contre moi. En jetant un coup d’œil rapide vers lui, je me rends compte que lui aussi est ému. Bien sûr, lui aussi connaît Adélia. Il n’était qu’un Evoli la dernière fois qu’ils se sont vus, mais il s’en souvient, et je serre l’Aquali contre moi, contre nous.

« Adélia, je le savais, je… »

Je tente de reprendre la parole, mais c’est tellement difficile entre mes sanglots. Pourtant, je ressens ce besoin de lui parler, qu’elle me réponde. Dans mes rêves, Adélia et Lucas disaient toujours les mêmes mots, les mêmes phrases, et j’ai besoin de vérifier que c’est la réalité.

« C’est bien toi, dis-moi que c’est bien toi ! Que c’est vrai ! »

Mes pleurs reprennent de plus belle et j’ai tellement peur que cela se stoppe subitement, que je vais me réveiller dans mon lit. Je ne sais pas si je pourrais supporter de me rendre compte que tout cela est faux. J’ai besoin que ça soit vrai, Ô Arceus, j’en ai tellement besoin…

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Ven 11 Nov 2016 - 17:54

Remember Me

feat. May & the others

Je me retrouve à l’extrémité de la corniche, entre ciel et terre, suspendue au-dessus de l’abysse. Je ferme les yeux pour faire taire la sensation de malaise qui estompe ma joie et redouble mes sanglots. Le vertige se fait si important que je dois me raccrocher à elle pour ne pas sombrer dans la démence. Huit ans. Huit années d’écart. Huit années de non-sens. La moitié de son existence, traquée comme un animal. À présent jeune femme, sa voix, son visage, tout a changé. Tout a changé. Ma quête s’achève sans la satisfaction qu’elle devrait susciter. Car au-delà de l’avenir qui se dessine à nous, je me retrouve devant une étrangère et non face à la petite fille énergique au regard brillant que j’ai connu. May… elle est magnifique, elle ressemble tant à notre père. Je tremble de tout mes membres en me débattant avec l’amertume, avec la colère. La rancœur. De ce Régime qui me l’aura arrachée. Qui ne lui aura pas permis d’assumer son enfance comme elle l’entendait. Je me promets de ne plus l’abandonner, de la protéger, mais tout d’abord apprendre à connaître cette jeune femme qui repose dans mes bras en pleurs. Huit ans, huit années à rattraper. Et si je ne retrouvais jamais cette gamine que j’ai tant aimé? Et si elle ne reconnaissait plus la grande sœur bienveillante qui veillait jadis sur elle? J’aimerais tant lui dire que sa survie me paraissait telle une évidence à moi aussi, que je n’ai jamais cessé d’espérer. Mais tant de fois le désespoir m’a consumé, tant de fois j’ai préféré la croire éteinte plutôt que de vivre la déception amère de recherches infructueuses.

Elle a trouvé son chemin jusqu’à moi. Encore à remettre en doute l’évidence. Je ne saurais lui dire si ce que nous vivons est réel. Les sensations me paraissent si vives, teintées d’immortalité. J’arrive encore à croire qu’il ne s’agit que d’un rêve dont je me réveillerai en pleurs à devoir vivre mon deuil encore et encore. Puis, de par elle-même, la vision de la pierre tombale éclairée par les chandelles attire mon regard. Je me sens habitée par le souvenir de notre mère, qui n’aura insisté dans notre éducation que sur une valeur, déchirée dans sa propre vie de par ses conflits avec son frère Carter. La famille. May, Lucas. Ils sont ce que j’ai de plus précieux. Pourquoi douter, pourquoi maintenant? Je soupire en tâchant d’apaiser les tremblements qui agitent mon petit corps, en venant tendrement caresser le dos de ma jeune sœur.

«Je ne saurais dire. On dirait un rêve. Mais je sais que tu es là.»

Le silence qui nous entoure s’est teinté de respect et d’émotion. À lever le regard, je surprends celui d’une Résistante familière, aux traits disloqués d’inquiétude. Azmitia, Mercedes, notre cousine. May ignore même son existence je crois, trop jeune pour comprendre les erreurs de notre oncle à l’époque où notre famille en formait encore une. On n’a pas dû lui raconter cet enfant qu’il a abandonné sur le coup de la jeunesse dans un orphelinat de Baguin. Chaque chose en son temps. Je conserve jalousement la jeune fille pour moi pour l’instant, en sachant quel discours me réservera notre cousine plus tard. Nous venons de nous révéler au monde. Même si entourés de Résistants et de supporteurs de notre cause, nous courrons un danger important. Si seulement elle savait à quel point ce détail me paraît insignifiant à l’instant. Je n’ose lui dire tout de suite néanmoins que notre frère aussi est en vie, qu’il l’attend depuis longtemps.

«Tu ne t’en vas plus nulle part d’accord?»

Et sous le coup de l’émotion, je me mets à rire. Quelques personnes viennent nous rejoindre, en posant leurs mains contre nos épaules, nous aidant à nous relever sans oser délier nos mains jointes l’une dans l’autre. Je crois que nous leur donnons espoir.

(c)Golden

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Sam 12 Nov 2016 - 21:15

Remember me

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Adélia G. Turnac

Cette nuit, cette explosion. Ce bruit insupportable, tellement fort, mes oreilles bourdonnantes, ma tête que je tenais tandis que je me précipitais pour aller me cacher, pas réflexe. Je me me souviens de chaque moment, chaque seconde de ce que j'ai pu vivre ce jour-là. J'étais si jeune, je n'ai ps compris tout de suite. J'avais eu peur certes, mais sans tout à fait comprendre ce qui m'arrivait. Ce jour-là, je ne savais pas que c'était la dernière fois que je verrais ma famille, que ma vie ne serait plus la même à partir de ce jour, que tout changerais à tout jamais, que je devrais cacher ma véritable identité, vivre comme si j'étais quelqu'un d'autre, comme si mon passé n'existait pas. J'étais devenu, pendant si longtemps, Céléna Rainbird, une jeune fille sans histoire rêvant de coordination, un peu turbulente sur les bords mais aimant la vie, les voyages, les sorties entre amis.

Mais aujourd'hui, je redeviens May. May Céléna Turnac, fille de la grande Présidente Eliza Turnac. Il y a si longtemps que je ne me suis pas identifiée comme telle. Je l'avais enfouie si profond de moi, cette vérité, que parfois j'en avais même oublié qui j'étais vraiment, d'où je venais. Parfois, j'ai pensé être une Rainbird, et rien d'autre. Ça m'a aidé à tenir, aussi.
Mais à cet instant, je me souviens. Qui je suis, d'où je viens, tout ce que j'ai vécu. Ici, alors que je serre ma sœur dans mes bras, pour la première fois depuis huit ans, je suis heureuse d'être qui je suis vraiment. Oh, j'aimerais tout effacer, revenir en arrière. Avoir encore toute ma famille, habiter encore dans la Grande Maison. Mais il est impossible de remonter le temps... et je savoure ce moment avec ma sœur. Même si nous ne sommes pas tous rassemblés, je suis contente de l'avoir, elle.

Car c'est sûr, maintenant, tout cela est réel. Je refuse de croire autre chose. Ça semble bien trop vrai, de toute façon. Et ça l'est. Je n'espère plus que ce soit le cas, je m'en persuade. Et cela me fait pleurer de bonheur. Autour de nous, des regards de compassions s'affichent. J'ai peu pour mon identité par réflexe, c'est la première fois qu'elle est révélée comme ça, mais je n'ai pas le choix que d'espérer que ça ne sortira pas de cette forêt, que ça ne s'éloignera pas de cette tombe.

« Plus jamais, c'est promis. »

Je ne peux plus aller nulle part, désormais, si ce n'est avec elle. Alors qu'on nous aide à nous relever, il m'est impossible de la lâcher, et je garde une main fermement refermée contre son poignet, comme si j'avais peur que, si je lâche, elle disparaisse, encore une fois. Et je ne pourrais pas attendre huit ans de plus. C'est beaucoup trop long, ça l'a déjà trop été.

Je calme ma respiration et mes sanglots, je veux tenter de parler. J'ai tellement de choses à dire que je ne sais par quoi commencer. Je pourrais me taire, mais j'ai aussi envie d'entendre la voix de ma sœur, garder ce contact.

« J'ai toujours su, Adélia... que je n'étais pas la seule... »

Comme pour accompagner mes propos, Memphis saute dans mes bras, puis sur mon épaule pour frotter sa tête contre celle d'Adélia. Lui aussi, et je le remarque maintenant, à des larmes aux yeux. Lui aussi, l'a vécu, ce jour terrible, et il a été là pendant ces huit années à me soutenir, et à avoir le même espoir que moi. Lui non plus n'a jamais abandonné.

« Tu... tu reconnais Memphis ? Il a évolué mais... mais il est toujours là... lui aussi. »

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Mar 15 Nov 2016 - 23:12

Remember Me

feat. May & the others

La crainte me foudroie, m’arrache à tous mes désirs. Celle de prononcer son nom, de la voir disparaître à nouveau, de causer la destruction de nos espoirs communs. Aussi inutile, infondée et blessante soit cette pensée, je ne peux me protéger de l’idée que je l’ai abandonnée. Qui si elle a pu souffrir pendant ces huit dernières années, que j’en suis partiellement responsable. Je suis partie, quitté notre terre natale telle une lâche, acceptant la destinée que Carter dessinait pour moi loin d’elle et de Lucas. Et s’il n’a agi que dans l’intérêt de me défendre contre un Régime qui me réservait le même triste sort qu’à ma mère, qu’à un mouvement dont le seul objectif est de réduire à néant l’espoir, l’identité d’un peuple, je lui en veux encore, surtout maintenant. Car je sais à présent qu’il y avait toujours quelqu’un à protéger ici, sur Enola. Lucas savait ce qu’il faisait, mais May n’était qu’une enfant. Et je l’ai abandonnée. Maintenant je crains encore de lui causer du tort, plus encore que ce qu’elle a pu vivre ces dernières années, je crains qu’au moindre mouvement cet instant s’effritera dans mes mains en ne laissant à sa suite qu’un goût amer. C’est plongée de désespoir que je viens effleurer son visage de mes doigts, comme pour capturer cet instant, ce visage auquel je mettrai un moment à m’habituer. Elle, comme tous les êtres aimés, rejoindra le mur de photographies de ma maison. Et je l’espère fera désormais partie de ma vie pour ne plus jamais s’éclipser à nouveau.

«J’aimerais en dire autant May mais tant de fois… tant de fois c’était plus facile de…»

De les croire morts. De faire mon deuil. De guérir. Pendant des années, cette incertitude, véritable plaie ouverte, a fait de moi une ombre, nerveuse et désespérée, à chercher à combler un vide impossible. Je souris, pour de bon cette fois. De la voir à mes côtés, si fort malgré son jeune âge… Je me sens complète de nouveau. Rien ne ramènera nos parents et notre tante, mais nous sommes enfin tous les trois réunis, une famille. Je ne pouvais espérer mieux que ce scénario. Je me remets à pleurer, cette fois de joie, accueillant contre mon épaule l’Aquali de ma sœur dont je caresse la tête avec affection. Memphis illustre parfaitement ce que je ressens à l’égard de ma sœur cadette. Le changement est tel que je la reconnais à peine, pourtant sous tous ces changements, je sais bien que c’est elle.

«Bien sûr… Salut Memphis… Oh… Vous avez tous les deux tellement changé… Nous avons beaucoup à nous dire, mais je crois que nous ferions mieux de…»

Un bras me tire brusquement. Je fais face à Azmitia, qui me tient si fort que j’en gémis, ce qui ne la fait pas reculer pour autant. Lorsque je relève les yeux vers son visage, je me bute à une inquiétude profonde qui m’engloutit. Et alors je comprends. Ils s’en viennent.

«Pars, tout de suite, partez toutes les deux, séparément. Ils auront moins de chance de…»

«Non. Plus jamais.»

Mercedes m’affronte du regard de sous sa perruque et ses lentilles qui teintent son regard azuré en marron. Elle a déjà tiré la balle de son Pyrax et Dimoret à sa ceinture. Dans la forêt, la lueur de torches et des cris vociférés se font entendre.

«Peu importe mais maintenant! Pas à la maison.»

Elle attrape un autre Résistant en qui elle semble avoir confiance et s’adresse à lui avec une fermeté que je ne connaissais pas à ma cousine.

«Frost, cache-les. S’il leur arrive malheur, je te jure que je vais te trouver. Partez, maintenant!»

«Et… et toi?»

Je me suis mise à pleurer, mais elle ne me répond pas. Elle s’est éloignée en direction des soldats. Pour ma part, je me précipite dans la forêt dans la direction opposée sans attendre les directives du Résistant. Je tiens la main de May si fort… Je ne l’abandonnerai pas. Plus jamais.

(c)Golden

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Jeu 17 Nov 2016 - 1:00

Remember me

Feat Adélia et May Turnac

Quand il avait reçu ce message il y a quelques jours à peine, Sten avait ressentit une certaine émotion à laquelle il ne s'attendait pas. Après tout, il n'était sur l'île que depuis 3 ans. Il n'avait pas assisté directement à la mort d'Eliza Turnac, et en avait d'ailleurs entendu parler après coup, par les médias. Pour autant, ça l'avait choqué, et c'est sûrement une des choses qui avait entraîné son engagement dans la Résistance. Son engagement politique tout court d'ailleurs. Ça lui avait forgé des idées, et, une fois arrivé sur l'île, c'est très rapidement qu'il avait décidé de s'engager chez les Résistants. Pour cela, il se devait d'être là. D'honorer la mémoire de cette femme qui a inspiré tout le mouvement des résistants. Dont la mort avait été la chose la plus révoltante, injuste qu'il avait vu à ce moment là. Bien sûr, des horreurs, il en avait vu d'autres après, mais la mort d'Eliza Turnac l'avait choqué au plus haut point. Il les avaient vus, et revus, ses discours, ses messages d'espoir. Et cela l'avait guidé, mine de rien, toutes ces années. Ça l'avait aidé même, à ne pas abandonner le comba,t malgré tout ce qu'il avait vu, tout ce qu'il avait vécu. Les derniers mots d'Eliza Turnac résonnaient toujours dans son esprit et il ne cessait de se les répéter dans ses moments de doutes.

Alors oui, il s'était dit qu'il devait être là. A cette réunion, à cet hommage prenant place dans la forêt à quelques pas de chez lui. Par chance, sa sœur n'était pas là ce soir-là, la jeune fille bien plus sociable que son frère s'était déjà fait des amies, et passait la soirée avec elles, sûrement rentrerait-elle très tard, bref, pas de risques qu'il se fasse remarquer.

Il avait revêtit sa grande cape noire dont la capuche ne laissait apparaître que le bas de son visage. Il rejoint rapidement la procession, une bougie à la main. Isa marche à ses côtés, elle aussi tenant une bougie. La quasi-totalité de son équipe a tenu à être là d'ailleurs, car eux aussi ont été très au courant de ces événements, et en ont été très touchés. Mökto et Shesha se trouvaient dans leur Pokeball, mais Sten leur avait promis de les faire sortir, un peu, une fois qu'ils seront arrivés.

La progression avançait, silencieuse, respectueuse. De loin, ça devait être beau avoir, tous ces gens avançant, bougie en main, dans la nuit noire. Une fois arrivé, le groupe se resserre en silence autour de la pierre tombale, et ils restent ainsi, presque immobiles, jusqu'à qu'une jeune femme se détache du groupe, et les mots ont presque pour effet de faire lâcher sa bougie à Sten. Cette jeune femme... est la fille d'Eliza Turnac ? Un frisson parcours toute l'assemblée quand des noms sont prononcés, d'abord Adélia, puis May. Et qu'elle n'est pas la surprise, encore plus grande, de Sten, quand il découvre l'identité de la dénommée May.

« Céléna... » murmure-t-il

Bien sûr, ce n'est pas son véritable prénom. Il commence à le comprendre alors que les deux jeunes filles se tombent dans les bras. Elle lui a menti bien sûr, ça semble logique qu'elle ai voulut cacher son identité. Comme beaucoup d'autres rassemblés, il n'ose rien dire, rien faire, souriant seulement, ému au final, ému de ce qu'il se passe, et beaucoup sont dans son cas.

Mais alors que ce moment, qui aurait dû durer plus longtemps sûrement, car touchant et magnifique, semble être l'une des plus belles choses qui puisse arriver sur cette île, des bruits inquiétant se font entendre. Le suédois fait volte-face, et comprend très vite ce qu'il se passe.

« Le Régime. »

Bordel. Une fois de plus, ils ont su. Empêcheront-ils jusqu'au bout ces actions commémoratives pourtant pacifique ? Mökto, ayant sentit le danger arriver, s’extirpa de sa ball dans un grognement. Sten posa une main sur le zèbre. Il ne fallait pas faire n'importe quoi et s'organiser au plus vite. D'ailleurs, le blond n'eu pas le temps de réfléchir plus vite qu'il sentait qu'on le tirait par la manche. Azmitia, qui lui demande de cacher les deux jeunes filles. Bien évidemment, il n'y a pas à hésiter une seconde. Sa maison est la cachette la plus proche d'ici.

« Il ne leur arrivera rien. » promit-il avec conviction.

Non, ça, une chose est sûre, il ne laissera rien leur arriver. La Dimoret grimpa sur son épaule, plantant ses griffes dans sa capuche, inquiète. Il s'apprêtait ensuite à donner ses directives aux filles d'Eliza Turnac, ces dernières se mirent à courir et il s'élanca à leur suite. Le Zeblitz rattrapa rapidement les deux jeunes femmes pour leur montrer le chemin. La maison se trouvant à la sortie de la forêt, ils n'eurent pas bien long à parcourir et les voilà rapidement arrivés devant l'habitation de Frost.

« Ici, entrez, vite. »

Il claqua la porte derrière lui, en profitant pour replier sa capuche sur les épaules. Il espérait qu'en découvrant son visage, celles qu'il devait protéger seraient plus en confiance, ou du moins, c'est ce qu'il essayait de montrer.

« Suivez Isa, je vais tout fermer et verrouiller. »

Il laissa la Dimoret les emmener à l'étage. Là-haut, dans la chambre de Sten, ce qui ressemblait en première apparence à une armoire tout à fait normale, était en fait l'entrée d'une cachette, une sorte de panic room, en somme. Pendant ce temps, le suédois referma portes et fenêtres avec des verrous de sécurité, et éteignit toutes les lumières. Ainsi, de l'extérieur, on pouvait penser la maison inhabité. Il courut ensuite pour rejoindre Adélia et May, et referma derrière lui.

« Est-ce que... est-ce que tout va bien ? »

Sujet: Re: Remember Me |Prio May; Ouvert| Lun 16 Jan 2017 - 17:06

Remember me

With

Adélia G. Turnac

L’espoir que je n’étais pas la seule a avoir survécu… c’est ce qui m’as permis de m’accrocher, tout ce temps. De survivre, de passer les épreuves. J’ai réfléchi à la mort, plusieurs fois, enfouie sous mes couvertures à pleurer. Mais à chaque fois, je me retenais de commettre l’irréparable. Tant que je n’avais pas la preuve formelle que mon frère et ma sœur avaient disparus, je me refusais de me laisser aller à cela. J’en ai souffert, plus que tout, mais j’ai gardé la tête hors de l’eau, avec cette impression de nager à contre-courant, mais toujours avec la détermination que j’arriverais au bout un jour.
J’ai l’impression, dans ce courant, de m’être accrochée à une branche, sur laquelle je me hisse pour échapper à ce tourbillon aquatique qui tentait sans cesse de m’attirer vers le fond. Cette branche, c’est ma sœur, celle qui m’enlace à ce moment, cette emprise que je ne veux plus jamais quitter. J’ai comme l’impression d’être récompensée de n’avoir jamais cesser d’espérer, et ce jour que j’avais pensé triste se transforme en instant de joie intense. Une joie que je n’ai pas ressentie depuis des années. Celle de sentir que je suis avec ma famille.

Tout d’un coup, du bruit, de l’agitation. Je sens que l’on tente de me faire quitter les bras d’Adélia. Par reflexe, je résiste, je m’accroche à ses manches. Non, je ne veux pas partir, je veux rester ici. Si je la lâche, j’ai peur qu’elle disparaisse pour toujours, et je ne me sens pas capable de supporter une autre séparation. Je veux juste… arrêter le temps, que ce moment puisse durer pour toujours.

Malheureusement, c’est impossible. Le temps de peut pas s’arrêter, aucun instant ne dure pour toujours. Et le bonheur absolu, ce n’est qu’une histoire qu’on raconte pour endormir les enfants et leur faire croire que leur vie sera parfaite et qu’ils n’auront jamais de soucis à se faire. J’entends une voix, que je ne connaît pas, et en relevant le regard je vois une jeune femme aux cheveux roses qui s’adresse à ma sœur. Je m’apprête à lui répondre de nous laisser tranquille, mais je comprends soudainement la raison qui l’a poussée à nous couper dans ce moment d’émotion. Des bruits viennent de la forêt. C’est sûr, c’est eux. Le Régime.

Mon cœur se met à battre encore plus fort, et je me relève, totalement paniquée. Ma sœur me tient la main, c’est la seule chose qui m’empêche de m’effondrer à nouveau, et elle m’entraîne à sa suite. Je me mets à courir, ne sachant même pas où je vais. Un Zeblitz nous rattrape, et nous le suivons. J’ai peur, mes yeux embués de larmes m’empêchent d’y voir clair, mais par instinct je suis le mouvement. Il faut nous mettre à l’abri.

Une maison, là, au bout de la forêt. Un homme, portant une cape noire avec une capuche qui semble recouvrir son visage. Un Résistant ? Probablement, oui, je l’ai aperçu tout à l’heure à la procession. Nous n’avons pas le temps de nous poser de questions de toute façon, il en va de notre sécurité de pénétrer dans cette habitation. Une fois la porte fermée derrière nous, je passe une main sur mes yeux afin de recouvrer la vue, et me tourne pour faire face à l’inconnu.
Enfin, l’inconnu… Pas tant que ça. J’ouvre de grands yeux étonnés quand je reconnaît la tête blonde qui est en face de moi.

« St… Sten ? »

Je n’y crois pas. Sten est un résistant ! Je me rends soudain compte d’où je suis. C’est chez lui. Son élevage. Je m’y suis déjà rendue une ou deux fois. Cela a pour effet de me rassurer. Sten et moi sommes amis, je peux lui faire confiance. Je n’aurais cependant jamais imaginé qu’un garçon doux et gentil comme lui puisse faire partie de la Résistance… mais peu importe, pas le temps de se poser la question. Il nous intime de suivre son Farfuret, et cette fois, j’entraîne ma sœur avec moi.

« Viens, on peut lui faire confiance. »

Je ne suis de toute façon pas en état de réfléchir plus et, tenant toujours la main d’Adélia, je suis Isa à l’étage. Elle nous emmène dans ce qui semble à première vue être une armoire, et je me bloque quelques secondes, alors que des réminiscences de mon passé reviennent. C’est dans une armoire comme celle-ci que je me suis cachée, petite…
Mais l’apparente armoire se révèle en fait cacher une porte, et derrière cette porte, une salle secrète. Sten… encore une chose que je découvre de lui. Je m’y précipite, sûrement guidée par l’instinct de survie qui m’oblige à me cacher. Je m’effondre sur le sol, tentant de reprendre mon souffle. Le blond fini par arriver à son tour et verrouiller derrière lui. Je sens enfin que je peux respirer.

« Est-ce qu’on est en… sécurité ? Ils ne vont plus nous… trouver… ici ? » je demande tout en essayant de reprendre mon souffle.

Remember Me

feat. May & the others

Je suis fatiguée. La course, la violence. À l’instant même où j’ai saisi les doigts de ma sœur on tentait déjà de me les retirer. La loi de l’attraction inversée, je chasse les ombres, je me perds dans la poursuite impossible de rêves brutalement inaccessibles. La peur me meurtrit, en moi tout tremble et bouillonne. Pas encore, pas maintenant. Je revois les scènes tragiques de mon adolescence, cette nuit où j’ai couru, couru, couru auprès de mon oncle. Cette nuit où ils sont rentrés par la grande porte, où ils ont éclaboussé les murs blancs de sang, où ils ont bafoués liberté et démocratie. Les mots n’importent plus, plus maintenant, seule cette rage qui me consume. Elle roule contre ma poitrine, elle n’est plus que bruits et tambours. Ma prise se resserre contre ma sœur. Il faudrait être fou pour tenter de nous séparer maintenant. L’envie me prend, si forte, si violente, de rester pour me battre, pour décourager nos adversaires, pour gagner ma liberté, gagner ma sœur, gagner ma vie. L’adrénaline m’aveugle, mais l’ambition de la survie l’emporte et mes pas, d’eux-mêmes, filent en direction de la forêt où nous trouverons refuge, loin des sifflets et des coups de feu qui retentissent déjà derrière nous. Ils ne feront aucun survivant. Je ne peux m’empêcher de jeter un œil derrière moi, mais je ne distingue entre les arbres qu’une poignée de mouvements désarticulés. Mercy… Je n’ai pas retrouvé ma sœur pour perdre ma cousine. J’espère qu’elle saura se montrer prudente.

Le Résistant désigné par elle quelques instants plus tôt nous rattrape. Un instant, j’ai le réflexe d’accélérer. La méfiance m’anime, mais la difficulté de la situation m’incite à le suivre, tout comme May, en direction d’une maison dissimulée au cœur de ces bois. J’entre dans la demeure, le souffle court, couverte de sueur et étourdie par cette course effrénée. Encore. Que dira-t-on à notre suite? Quels murmures survivront à cette frappe du Régime? Sauront-ils, demain, que foulent encore sur cette île les filles survivantes d’Eliza Turnac? Toute une nouvelle vie s’offre à nous, en bien ou en mal ne m’importe plus. Si nous devons vivre ainsi, traquées tels des animaux, alors ainsi soit-il. Je foulerais ciel et terre pour la protéger désormais, même si cela doit dire de partir. Je ne ferai pas l’erreur deux fois de l’abandonner et de la laisser à son sort. Je la scrutais dans l’obscurité tranquille de la maisonnée, sursautant en entendant sa voix. Sten? Je mets un moment à comprendre qu’il s’agit du nom de l’autre, un véritable prénom. Elle connaît donc le blondin? Je tire la main de la jeune femme par réflexe, m’éloigne pour suivre les pas de la Dimoret du Résistant. La fatigue me taraude, m’alourdit de suspicions et de méfiance.

La panic room dissimulée dans la chambre du dénommé Sten nous offrira néanmoins une cachette de choix. Je m’y assieds prudemment sans relâcher May une seule seconde. Malgré la confiance qu’elle place en le Résistant, j’offre à ce dernier un regard froid alors qu’il nous rejoint. La crainte m’habite encore qu’on me l’arrache, qu’on me force à m’en séparer. Je la tiens contre moi alors qu’elle tente de reprendre son souffle. Je souffre en silence de sa peur que je devine aisément, elle aussi doit revivre l’impression désagréable de cette nuit-là. La rage revient, me force au silence réservé et pensif. Je m’inquiètes pour Mercedes, pour tous ceux qui étaient venus cette nuit rendre hommage à ma mère. Au moment où me vient l’envie de frapper et de hurler, je me remets à pleurer, de larmes silencieuses et amères.

«Serons-nous un jour en sécurité, May? Je te promets que la prochaine fois sera différente. Je suis fatiguée de courir.»

Je soupire, chassant bravement mes larmes d’une main avant de laisser mes doigts courir contre les balles dissimulées sous ma cape. Nous avons beau nous concentrer sur les Concours, mes Pokémon et moi bossons dur afin de nous améliorer tous les jours afin de savoir nous défendre. Et un jour viendra où je prendrai les armes pour ma propre destinée, pour protéger les miens. Probablement pas comme ma cousine ou bon nombre de mes proches. Mais je ne me laisserai plus faire. Je relève la tête vers le Résistant, en me demandant ce qui l’a animé, lui, au moment où il a décidé de s’engager dans le mouvement rebelle. Mon regard passe sans cesse entre lui et ma jeune sœur, et je demande finalement, avec un peu plus de chaleur que nos précédents rapports :

«Vous vous connaissez, vous deux? Comment?»

(c)Golden

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Remember Me |Prio May; Ouvert|

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