La loi de Murphy

Feat Mercedes L. Blanchett

La journée avait pourtant si bien commencé.
La matinée avait été paisible ; pas de dresseurs qui s'étaient empoisonnés avec le venin de leurs propres pokémon, pas de blessures stupides et amenées par le manque de réflexions de certains. C'était particulièrement sympathique, pour lui, de pouvoir apprécier un début de journée sympathique, et non pas rempli de l'habituel stress qui le poussait parfois à avaler six tasses de café à l'heure. Hormis un cas assez particulier d'allergie qui l'avait plus ennuyé qu'agacé, Mika n'avait pas de quoi se plaindre. Certes, la météo laissait à désirer, mais c'était généralement une assez bonne nouvelle : la pluie avait tendance à décourager les dresseurs les moins hardis, et le bruit de la pluie qui fouettait les vitres était assez apaisant à ses yeux.

Il s'occupait de l'os brisé d'un Lixy lorsque les ampoules dont la lumière éclairait le centre commencèrent à grésiller. Il fronça les sourcils, supposant qu'avec le vent et l'orage qui s'annonçait, c'était tout à fait naturel. De plus, les orages de l'île étant tropicaux, les centres étaient équipés pour parer à l'éventualité d'une panne quelconque. Ainsi, il laissa Adam, son assistant, rassurer les quelques dresseurs anxieux qui voyaient le vent se déchaîner dehors, et dont le sifflement paraissait même parvenir à l'intérieur. Une fois que le Lixy fut correctement traité, il alla le rendre à son maître, n'hésitant pas à le fustiger pour avoir été aussi inconscient en laissant son pokémon fournir de tels efforts pendant un aussi long laps de temps sans pause. Il alla se servir un latte machiato entre deux patients, humant l'odeur du café.
Toutefois, quand les lumières s'éteignirent brusquement, ainsi que la plupart des appareils électroniques, Mikael pesta et poussa quelques jurons assez colorés. Il ordonna à Adam d'aller chercher un groupe électrogène mobile qui se trouvait à l'étage supérieur. Entre temps, il compta le nombre de patients et poussa un long soupir exaspéré. Et merde.
Lorsque son assistant revint, l'air penaud, Mika s'attendit au pire, et il eut totalement raison. Ce fut avec beaucoup d’hésitation que le jeune homme annonça à son patron que ledit groupe électrogène mobile était fichu et qu'il allait falloir qu'il aille en chercher un.
Et en plus, il ne serait probablement pas de retour avant une heure ou deux. Magnifique.

« Mais qu'est-ce que tu attends, espèce de pauvre abruti ?! » jura-t-il, ce qui amena son assistant à se dépêcher de s'habiller pour sortir.

Bon. Les salles de soins intensifs était reliées à une alimentation de secours qui ne risquait pas de flancher, donc il n'avait pas à s'inquiéter des cas les plus graves pour l'instant. En attendant, il se retrouvait tout seul pour s'occuper des nombreux patients qui attendaient, angoissés. Mika soupira.
Il avait besoin de bras supplémentaires s'il désirait s'en sortir sans morts ou dommages collatéraux. Il jeta un regard circulaire aux environs, cherchant quelqu'un qui ne soit ni trop jeune, ni trop vieux, et avec un peu de force, si possible.
Apparemment, pour la force, il pouvait se brosser.
Il mit quelques secondes à trouver quelqu'un qui pourrait peut-être l'aider un peu, et dû se résigner.

« Mademoiselle ? Il va me falloir de l'aide ! » interpella-t-il une jeune femme aux cheveux roses.

Rester poli était prioritaire. On n'abandonne pas sa couverture parce que nos nerfs sont en feu, voyons. Bien qu'il était plus d'humeur à hurler des obscénités, il se maîtrisa et choisit une approche plus calme de la situation, ce qui était probablement plus mature et une décision plus intelligente dans l'ensemble.
En attendant, Mika commença à penser que Murphy devait avoir eu raison.
Et son café allait être froid. Fais chier.

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Il ne prit pas la peine de répondre à la jeune femme, jugeant inutile de s'attarder sur des formalités qui, aujourd'hui, lui paraissaient bien trop superficielles pour qu'il s'en soucie. Il avait d'autres problèmes bien plus importants et cruciaux, comme par exemple le Drakkarmin qui gémissait et grommelait à intervalles réguliers. Le dragon avait quelques problèmes de poussée dentaire, et l'une des canines le gênait énormément. Assez pour qu'elle puisse provoquer une douleur conséquente, ce qui avait donc amené le dresseur à l'apporter au centre. Toutefois, le fait qu'il ait pris autant de temps à venir avait une conséquence bien fâcheuse : il allait falloir arracher la dent qui posait problème. Purement et simplement.
Je vous laisse imaginer la dose d'anesthésiant qu'il faut pour maîtriser une telle créature. Mais là n'est pas le sujet. Il hocha brièvement la tête pour signifier qu'il appréciait l'aide que lui apportait la jeune femme (en réalité il appréciait plutôt le fait qu'elle ne se mette pas à paniquer comme une enfant et ne s'évanouisse, ce qui aurait été problématique) et partit chercher le brancard où était le dragon était solidement attaché. Et 'solidement' était un euphémisme, vraiment. La créature était sanglée, et pour empêcher sa mâchoire de se refermer, un mors assez volumineux se trouvait entre ses crocs. Souhaitant éviter toute question inutile ou panique qui aurait mené à de nouveaux problèmes, il expliqua ce qu'il allait faire avec calme et patience.
Toutefois, la narratrice croit qu'il est utile de préciser qu'à l'heure actuelle, dans son esprit, il récitait la liste de toutes les insultes qu'il connaissait. Ce qui faisait un sacré paquet d'insultes, il faut l'avouer.

« Ne paniquez pas. Il est solidement sanglé et anesthésié. Le problème, c'est qu'il va falloir que j'utilise mes deux mains pour arracher la dent. De telles dents ne peuvent pas être arrachées comme celles d'un Griknot. » dit-il sans même la regarder, en préparant ses outils de travail sur le côté.

Effectuer une telle opération dans la pièce principale n'était pas très orthodoxe, mais il n'avait pas d'autre choix. Il devait surveiller le centre en même temps, et ne pouvait pas se permettre de laisser tous ces dresseurs seuls dans la même pièce.
Non pas qu'il n'avait pas confiance en l'espèce humaine, mais... Si. Quelle surprise, avouez-le.

« Il va falloir que vous teniez ses babines en hauteur pour que je puisse faire mon job. Ne vous évanouissez pas, ça pourrait poser être dangereux. Et j'ai déjà une douzaine de blessés sous les bras. »

Il donna une paire de gants à la jeune femme avant d'en enfiler une à son tour. Il tenait dans ses mains une seringue remplie d'une sorte de liquide bleu, qui était supposé endormir toute la région gauche de la mâchoire du Drakkarmin, là où cette saleté de dent se trouvait. Il valait mieux faire attention à cela.
Sérieusement, parfois il se demandait si huit années d'étude étaient vraiment utiles lorsqu'il s'agissait d'extraire assez sommairement la dent d'un dragon qui, en temps normal, aurait pu lui arracher une main en un claquement de doigt.
Et encore, un claquement de doigt, c'était en comptant l'épaule qui partait avec.

« Et surtout, ne touchez pas les dents du fond. Évitez-les le plus possible. » la prévint-il sans préciser exactement ce qu'il risquait d'arriver dans le camp suivant.

Il préférait qu'elle ne parte pas en courant. Du moins pas tout de suite.
Les longues rangées de dents tranchantes du Drakkarmin parurent soudainement plus dangereuses, mais Mika s'étant déjà occupé de nombreuses créatures qui auraient pu lui arracher la tête avec une seule morsure et il cligna à peine des yeux, un petit sourire amusé dansant sur ses lèvres alors que le dragon poussait un minuscule grognement pathétique. Avec la dose d’anesthésiant qu'il lui avait injecté, il n'y avait aucun risque pour que le Drakkarmin réussisse à se libérer de ses sangles ou qu'il lève même la tête pour les dévorer vivant.
Comment ça, la narratrice était une sadique ? C'est mal, la diffamation, vous savez.

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S'il y avait bien une chose que Mikael savait, c'était que les gens étaient tous, d'une façon ou d'une autre, des menteurs. Non pas qu'il s'excluait de ce groupe, il ne fallait pas le comprendre ainsi, mais disons qu'il ressentait un certain amusement à voir la jeune femme essayer de dissimuler son malaise en parlant au Drakkarmin qui arrivait à peine à garder les yeux ouverts, ou bien en usant de son audace pour lui répondre. Il ne put s'empêcher d'observer avec attention la blessure de l'inconnue, se demandant ce qui pouvait l'avoir causé. Bien évidemment, il ne posa pas de question : il n'avait pas de temps à perdre en bavardages inutiles alors que l'urgence était massive. Enfin, massive. Soyons honnêtes : Mika n'accordait que peu d'importance au malheur des autres, et « peu » était encore peut-être un terme qui ne convenait pas, car « aucune » aurait pu le remplacer sans soucis. De plus, pour les dresseurs, et surtout pour les débutants, il n'était pas rare que les blessures soient nombreuses, pour des raisons plus ou moins variables. La taille des blessures changeait également. Il supposait qu'une telle blessure devait produire d'un pokémon assez puissant, ou qui a une mâchoire suffisamment développée pour laisser de telles traces. Un petit rictus amusé étira ses lèvres.

« Pas stressée, hn ? Autant pour moi, je pensais que le teint de cadavre était là à cause de ça. Trop de maquillage tue le maquillage. » dit-il d'un ton moqueur, frôlant presque le sarcasme.

Toutefois, le ton de sa voix n'avait rien de mordant. Après un rapide coup d’œil à la jeune femme, il se concentra sur son travail et injecta l'anesthésiant dans la zone désirée. Le Drakkarmin parut vouloir protester, mais étant trop faible, il ne put qu'expirer plus fortement que d'habitude. Mika sifflota un petit air qu'il avait dû apprendre quelque part, observant avec calme le liquide disparaître de sa seringue. Il releva un peu les yeux, observant son assistante temporaire pour s'assurer qu'elle ne s'écroulerait pas sur le pokémon. Il attendit patiemment quelques secondes, ne souhaitant pas provoquer une douleur inutile chez le dragon. Premièrement, malgré les anesthésiants, il y avait toujours un risque que le lézard réagisse mal en sentant la dent être arrachée, et deuxièmement, Mika n'aimait pas blesser les pokémon. Les humains, c’était différent. Il se fichait pertinemment d’assassiner quelqu'un si cela pouvait lui servir, mais blesser des pokémon pour le simple fait de les blesser ? N'en demandez pas trop. Bon, c'était tout de même un sale con.
Revenons-en à nos moutons.

« Ne bougez pas, surtout. » la prévint-il alors qu'il saisissait sa pince à deux mains.

Après s'être assuré que tout était dans une position optimale, il entoura la dent qui posait problème de son outil et, après avoir envoyé un regard significatif à la jeune femme pour qu'elle ne bouge pas, il tira sèchement. La dent partit vite, faisant grogner le Drakkarmin, du moins tant qu'il le pouvait. Celui-ci mordit le mors (et merci pour cette invention qui permet cette affreuse répition) avant de se rendre compte que c'était strictement inutile.

« Voilà. Jolie bête que celle-ci. » déclara-t-il d'un ton fier en observant l'imposante dent qui se trouvait entre sa pince.

Il observa une dernière fois la mâchoire du Drakkamin avant de faire signe à la jeune femme qu'elle pouvait lâcher les babines du dragon. Ceelya, la Leveinard de son assistant, vint chercher le matériel qui nécessitait un lavage méticuleux, et Mika retira ses gants qui étaient maintenant un peu plus rouge. Mika n'attendit pas plus longtemps pour faire passer le Drakkarmin sur le côté et faire arriver devant eux un autre brancard, bien plus petit cette fois, sur laquelle se trouvait un petit Roucool dont l'aile était en assez mauvais état. Ses plumes avaient une vilaine teinte carmine et si l'on regardait d'un peu plus près, on pouvait compter de nombreux hématomes ainsi que des coupures multiples. Mika soupira. Encore un cas de maltraitance. À cette période de l'année, les dresseurs se bousculaient vers les arènes et il n'était pas rare que les 'entraînements' deviennent extrêmes. Vu la taille des hématomes et leur position, ils ne pouvaient avoir été fait que par un humain.
Il allait devoir faire un rapport, et s'assurer que le pokémon serait en sécurité. Il allait aussi devoir avoir une altercation avec le dresseur. Enfin bref. Ce n'était pas pour tout de suite.

« Merci. J'ai encore besoin de votre aide, si cela ne vous dérange pas. Cette fois-ci, il faudra juste que vous souleviez l'aile de ce Roucool pour que... »

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Une petite boule rose à pattes sauta sur le brancard et observa le Roucool blessé d'un air interloqué. La Rondoudou paraissait ne pas comprendre ce qu'il se passait, et Mikael supposait que c'était sûrement un résultat de son effarante stupidité.

« … Morgane, retourne dans la salle de repos. Immédiatement. » ordonna-t-il d'un ton exaspéré.

Il se pinça l'arrête du nez. Comme s'il avait du temps à perdre avec ce genre d'idioties.

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Dire que Mikael était misanthrope était peut-être un peu exagéré, voir carrément à côté de la plaque.  Il aurait été plus honnête de dire qu'il s'agissait surtout du mépris du médecin envers les autres qui l'amenait à ne plus être surpris par les actes de l'espèce humaine. En tant qu'assassin à temps partiel, il avait pu voir nombre de ses victimes tenter d'invoquer sa pitié en avouant leurs crimes et ce qui les rattachaient véritablement à ce monde : rien ne l'amusait plus que de voir un homme mourant tenter d'expier ses fautes en une confession ultime. Oh, la douleur ne l'amusait pas, loin de là : il était du genre à avoir la nausée lorsqu'il entendait les tortionnaires parler de leurs méthodes très diverses et variées. Eux, ils étaient complètement givrés. Lui ne l'était qu'à moitié : il était plus granita que sundae, pour l'exemple. Depuis son enfance, il s'était toujours supposé plus fort, plus réfléchi que tous, et c'était peut-être sa plus grande faiblesse, car il était incapable d'imaginer que quelqu'un pouvait le battre à ce jeu-là. Ainsi, à chaque fois qu'il témoignait des erreurs et des actions les plus pathétiques des membres de son espèce, il ne pouvait que lever les yeux au ciel dans un agacement profond. Le plus souvent, cela ne faisait que gonfler la certitude qu'il avait que l'un valait l'autre, au final. Ce qui était une vision assez hypocrite du monde, mais ne nous attardons pas trop sur cela.
La répartie de la jeune femme amena un petit sourire à ses lèvres, signe qu'il appréciait qu'on lui réponde, pour une fois. Hé, il était peut-être insupportable, mais il avait le sens de l'humour. Ou l'équivalent pour un salaud.

« Effectivement. Vu le nombre de coups et les teintes des différents hématomes, je dirais que c'est habituel, mais que cette fois, il a cassé un ou deux os. »

Il observa sans un mot les ailes du Roucool, ne fixant même pas son regard sur le visage de la jeune femme. Il jeta un regard rapide au dresseur du pokémon qui se trouvait à l'autre bout de la pièce, en train de jouer sur son téléphone portable, ne paraissant pas s'intéresser au sort de son pokémon.

« Le dernier date d'au moins un ou deux jours, alors je suppose que son dresseur a dû laisser son Roucool dans cet état jusqu'à ce qu'il se rende compte que quelque chose n'allait pas. Le nombre de taches sèches sous les rémiges secondaires et tertiaires me laisse penser que cet oiseau est rarement lavé. »

Et là, il faisait son job. Il parlait d'une voix distante et froide, comme s'il parlait d'un objet, d'une machine dont les rouages ne tournaient plus comme ils étaient supposés le faire. Peut-être était-il trop insensible, mais ses émotions, il les gardait enfermées sous des verrous, sous du sarcasme et les laissait être dévorées par la rancune et l'arrogance. Il était bien plus facile d'ignorer l'horreur plutôt que de la fixer en face.
Il était peut-être lâche, mais au moins, il arrivait à ne pas perdre de vue son objectif. Et si cet objectif n'avait qu'un nom, alors il était prêt à oublier tous les autres mots de ce monde ; quel qu'en soit le prix à payer, et son âme n'avait jamais eu beaucoup de valeur, après tout.

« Les gens sont cruels, après tout, n'est-ce pas ? »

Peut-être que cette phrase était volontairement ironique, peut-être ne l'était-elle pas. Il était difficile de savoir si Mikael avait assez de recul pour comprendre ce qu'il faisait.
Morgane, sur le brancard, ne bougeait plus, observant avec une certaine fascination la jeune femme aux cheveux roses. Le fait que la Rondoudou était encore si jeune expliquait sûrement le fait que ses grands yeux bleus ne pouvaient pas se détacher des cheveux de l'inconnue. Peut-être que Mikael aurait dû la rappeler dans sa pokéball, mais il avait tendance à être tête en l'air lorsque le travail lui montait à la tête.

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Les dresseurs abusifs envers leurs pokémon, il en voyait des dizaines par semaines. Certains étaient plus discrets, d'autres se fichaient que l'on les voit donner des coups à leurs créatures devant un public assez large en pleine journée. Très sincèrement, avec le temps et le nombre d'horreurs dont il témoignait chaque année, la colère et la révolte qu'il ressentaient avait considérablement perdu de leur force. Ce n'était peut-être que son cynisme et sa nature, ou même son insensibilité qui faisait de lui un homme amer et acide, mais il ne perdait plus son temps à chercher à rectifier les erreurs des membres de son espèce. C'était trop de travail pour un seul homme, et pourquoi devrait-il être le seul à devoir sacrifier de son temps et de sa patience pour améliorer celle des autres si ceux-ci ne le feraient jamais pour lui ?
La plupart du temps, il se contentait de s'assurer que le pokémon blessé soit mis en sécurité, pour être ensuite emmené par les autorités. Ce qui arrivait à ces pokémon, ça... Il n'en savait rien. Peut-être étaient-ils relâchés, peut-être étaient-ils confiés à des éleveurs compétents ou servaient même au Régime, mais il ne fallait pas trop lui en demander, vraiment. Lui servait : son rôle dans cette immense mascarade n'allait pas plus loin. Il faisait ce qu'on le lui disait, et point à la ligne. C'était ainsi que l'on s'assurait de survivre, ou du moins c'était comme ça que l'on avait plus de chances de survivre à Enola. Tout le monde était un coupable potentiel ici, même si la trahison se résumait à des pensées pêle-mêle et à des mots. En un claquement de doigt, une personne pouvait disparaître. Un seul claquement de doigt de ses supérieurs et sa dague se planterait dans la gorge de sa victime désignée. Trop de choses qu'il a fait et qu'il fera, mais peu importe. Là ne sera jamais le problème.
Ainsi, lorsqu'il vit la jeune femme s'enflammer ainsi, il fut incapable de retenir le rictus désabusé qui étira dans ses lèvres dans une moquerie de sourire.

« Je peux prévenir les autorités, et garder le Roucool en sécurité, mais après, le reste... Ça, c'est hors de mon contrôle. Toutefois, avec la pokéball, il sera facile d'identifier le dresseur plus tard. »

On identifiait la pokéball, et basta, on savait à qui elle appartenait. Même si le dresseur du Roucool partait, il serait facilement retrouvé si nécessaire, bien qu'il doutait que les autorités perdraient leur temps pour un tel cas : le Régime avait d'autres choses à faire que de s'occuper du cas d'un pauvre petit volatile. Il garda cette pensée pour lui, sachant très bien que son cynisme ne mettrait pas la jeune femme de bonne humeur. Bien qu'il avait brisé un de ses principes en laissant parler son amertume, il savait qu'il pourrait tout blâmer sur le stress et l'anormalité de la situation actuelle.
L'idée de la jeune femme était bonne, vraiment, mais il avait des doutes quant aux chances de réussite. Après avoir un jeté un regard significatif à Morgane pour lui ordonner de ne pas bouger ni de faire de mouvements brusques, il répondit en continuant de soigner l'oiseau. Il ne la regardait donc pas dans les yeux.

« Cela pourrait fonctionner, mais toutefois, il faut que votre Luxray sache contrôler son énergie. Si il donne trop d'énergie, la machine explosera et nous nous retrouverons avec un problème bien plus massif... »

Toutefois, si il était réellement possible de faire cela, alors autant le faire. Il claqua des doigts, et le Métamorph qui était transformé en gros fauteuil rose dans un coin reprit sa forme normale et s'approcha de son maître. Mikael se tourna vers lui.

« Atlas, surveille ce Roucool. Si quiconque cherche à s'en approcher, grogne. »

Le tas de gélatine rose parut comprendre, bien que son expression restait celle d'un poisson mort. Il prit l'apparence de la Nidoqueen d'un des dresseurs du centre et alla se placer devant le brancard, prêt à arracher la tête de quiconque ferait un mouvement brusque. Ou peut-être quelque chose d'un peu plus léger, voyez-vous, genre un tout petit grognement.

« Ah, oui, je ne me suis pas présenté. Mikael Evans, médecin-chercheur d'Anula, mais ça vous l'avez deviné. Enchanté. »

Le 'enchanté' lui fit presque mal, mais les formules de politesse, ça ne s'oublie pas.

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Durant les nombreuses longues journées qu'il avait passé seul, enfermé dans sa chambre à contempler l'extérieur, le Métamorph avait toujours été là ; compagnon silencieux, étrange mais qui le supportait toujours. Mika n'avait jamais vraiment compris : malgré les coups, malgré les cris, malgré les insultes, Atlas avait toujours fait preuve d'une loyauté et d'un pardon incompréhensible pour son dresseur, malgré tout le mépris qu'avait pu ressentir le médecin-chercheur pour le tas de gélatine rose lorsqu'il était plus jeune. Pour tout dire, il supposait que c'était dû à la bizarrerie du Métamorph, qui ne paraissait pas comprendre ce qui se passait autour de lui, au grand malheur du brun qui devait sans cesse lui expliquer clairement chaque ordre sous peine de se retrouver avec un cadavre de plus sous les bras. Ou un cadavre de moins, en fonction de la situation.
C'était la curiosité de Mika quant aux capacités de transformation cellulaire du Métamorph qui l'avait poussé à être un peu plus respectueux envers son pokémon, et avec le temps, une certaine complicité était né. 'Certaine' voulant dire 'sorte', car il était très dur de comprendre comment ces deux-là fonctionnait, paraissant être plus de vieilles connaissances que des amis très proches. De la curiosité naissait beaucoup de choses, et Mika devait sa carrière à ce petit truc gélatineux pas franchement brillant. Chacun son truc, je suppose.
Avec le temps, c'est-à-dire en vingt-deux ans, Atlas avait eu le temps de s'améliorer, et pas qu'un peu, en transformation. Là où il était difficile pour le Métamorph de prendre l'apparence d'un simple Pikachu lors de la première année où il se retrouva aux soins de Mikael, il savait se transformer en canapé (gélatineux certes) maintenant. Mais ce n'était pas une comparaison très impressionnante, quand on considérait qu'un canapé n'était au finale qu'une forme remplie, et non creuse. Pour l'exemple, le Métamorph ne pouvait toujours pas prendre la forme d'une commode, à cause des nombreux détails internes. Bien que les créatures de cette espèce pouvait modifier l'agencement de leurs organes internes et externes à volonté, elles ne pouvaient pas s'en passer. Dommage, vraiment, mais la science était cruelle.

« En effet. Atlas est assez doué dans l'art de la transformation. »

La Luxray que fit sortir la jeune femme était apparemment en bonne santé, ce qui persuada encore un peu plus Mikael que la dresseuse devait être une de ces dresseuses aimantes envers leurs pokémon. Lui n'était ni l'un les autres. Les pokémon étaient pour lui des animaux, point à la ligne. Il leur accordait certes presque plus de respect que les humains, mais ils restaient dispensables si le besoin venait de s'en débarrasser. Peut-être était-ce cruel de sa part de penser cela, mais à ses yeux, tout ce qui se dressait entre lui et son objectif était parfaitement dispensable.
Ce n'est que l'équité, après tout.
Il s'accroupit et vérifia que tout le matériel était correctement mis en place avant de donner quelques instructions à la lionne électrique.

« Bien. Il va falloir y aller doucement. Un excès de trop et nous repeindrons les murs avec nos organes, sans vouloir être trop sordide. »

Il jeta des coups d’œil anxieux au multimètre alors que la Luxray effectuait son travail. À chaque fois qu'il pressentait qu'elle y mettait trop de force, il l'avertissait d'un léger sifflement très bref. Ce ne fut que grâce à son sang-froid qu'il ne se mit pas à paniquer et à commencer à préparer son testament. Toutefois, avant qu'ils n'aient pu terminer leur petite opération, un bruit sourd mais faible arriva aux oreilles de Mikael qui fit signe à la Luxray de s'arrêter. Ses sourcils se froncèrent et il se releva doucement, avant qu'un autre bruit ne retentisse, cette fois-ci bien plus massif. Plusieurs se suivirent et le médecin réalisa alors que rester planté là n'arrangerait rien et ne lui en ferait pas apprendre plus. Pour ces raisons, ce fut presque en courant, sa blouse fouettant l'air, qu'il se dirigea vers la salle principale.
Oh bon sang, si c'était ce qu'il pensait...

Ses craintes furent confirmées lorsque ses yeux se fixèrent sur le champ de bataille qu'était dorénavant le grand hall. Les meubles étaient couchés et renversés, les dresseurs s'étaient repliés sur les côtés et au centre se tenaient Atlas et Morgane.
Le Métamorph, sous sa forme de Nidoqueen, retenait tant bien que mal la petite Rondoudou qui se débattait.
Mikael n'étant pas particulièrement débile, il fit rapidement l'équation du pourquoi et du comment dans sa tête, amenant à un résultat qui ne pouvait que le pousser à une seule réaction possible.

« ATLAS, MORGANE ! Qu'est-ce que vous avez encore fait ? » rugit-il, sa voix soudainement plus rauque et promettant moult souffrances aux deux pokémon responsables de ce joli bordel.

Son regard bleu, fixé sur Atlas et la Rondoudou était lanceur d'éclairs et de menaces non-dites. Il sentait la colère bouillir en lui alors qu'il observait le désordre et remarquait, Arceus merci, que les pokémon blessés et les brancards n'avaient pas été renversés, ce qui était un vrai miracle. Ou alors Atlas avait tout fait pour empêcher cela, ou bien encore Morgane avait un peu réfléchi, pour une fois.
En parlant de Morgane ; lorsque celle-ci rencontra les yeux de son dresseurs, elle gonfla ses joues, sachant très bien qu'elle allait se faire crier dessus et potentiellement punir dans les minutes qui allaient suivre. Avant même que Mikael n'ait pu faire quelque chose, la Rondoudou alla se cacher derrière les jambes de la jeune femme, semblant vouloir échapper aux ondes négatives qui émanaient du médecin, comme la fumée d'un volcan et qui ne voulaient rien dire de bon. Pour Morgane en tout cas.

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Mikael n'était pas quelqu'un qui aimait tuer, quoi que puisse en penser les gens ou quoi que puissent indiquer ses actions. Il s'y était habitué, on va dire. Toutefois, à l'instant, tuer Morgane était devenu une idée très alléchante à ses yeux.
Il aurait dû s'en douter, que d'une façon ou d'une autre, cette petite peste rose trouverait les moyens de s'en sortir. Morgane, depuis qu'il l'avait capturé, n'avait pas laissé passer une journée sans qu'elle ne comette une gaffe ou une farce. Pas une seule. Que ce soit en dessinant des symboles douteux sur le front du scientifique au feutre indélébile avant qu'il ne se réveille, en volant la nourriture qu'elle trouvait, en allant volontairement énerver les pokémon du centre, ou tout simplement Clay, le Nidorino, qui comme un idiot fonçait donc sur elle et renversait tout sur son passage. Très sincèrement, bien qu'il n'avait que trente ans et qu'il avait encore une cinquantaine d'années avant d'être enterré sous quelques kilos de terre (avec beaucoup de chance), il était persuadé qu'il finirait par avoir des cheveux gris avant la fin de l'année. Il était sur le bon chemin pour que cela arrive, en tout cas.

Si la jeune femme voulait de Morgane comme assistante, qui était-il pour l'arrêter ? Il était persuadé que cela se finirait mal, et lorsqu'il la vit prendre la Rondoudou dans ses bras, il dû dissimuler le rictus narquois qui commençait à se tracer sur ses lèvres. Oh, ça, ça allait être joli. Il aurait dû préparer un appareil photo ou quelque chose pour filmer, parce que ce qui allait suivre allait être magnifique et ferait probablement partie des moments les plus 'priceless', si vous pouvez excusez l'expression anglaise, de cette année. Et ce qui allait arriver risquait fort d'entrer en compétition avec ce fameux moment où un Abo s'était mordu la queue. Très sincèrement, essayez de rester calme lorsqu'un serpent pathétique de moins d'un mètre émettait des sifflements étranglés par la moitié de son corps dans sa gorge. Peut-être était-ce son humour qui rendait cela hilarant pour lui (en fait c'était sûrement la tête du dresseur qui avait été hilarante), mais en tout cas, lorsque le visage de Morgane commença à se parer d'une grimace, le rictus de Mikael ne fit que s'agrandir.

La Rondoudou se mit à hurler. Pas à crier, hein, à hurler, littéralement. Il grimaça et plaqua ses mains contre ses oreilles pour protéger ses pauvres tympans. Elle se débattit dans les bras de la jeune femme, poussant des cris toujours plus agressifs et insupportables.
Voilà un petit détail qu'il aurait probablement dû indiquer à Victoria : Morgane ne supportait pas que l'on la touche. Vraiment. C'était sûrement le résultat d'un quelconque mauvais traitement, ou simplement le produit de la peur, mais Mikael savait une chose : on ne touche pas la bouboule rose. On lui hurle dessus, on la prive de friandises et de sorties, mais on ne la touche pas. Il offrit un sourire mélangeant l'amusement et l'ennui à la jeune femme, mais ne fit rien pour l'aider.
Bah. Même si ses oreilles en prenaient un coup, il avait tout de même le droit de s'amuser un peu. Il aurait pu la rappeler dans sa pokéball, mais celle-ci se trouvait à l'étage. Dommage.
Il aurait pu l'aider, vraiment.
« Pu » est le mot à retenir dans cette équation sémantique.

« Bonne chance, la dernière fois elle a tenu une heure comme ça ! » cria le médecin à l'intention de la jeune femme.

Commentaire de merde, en veux-tu, en voilà !
Il aurait suffit de passer un savon à la Rondoudou, mais Mikael était tout de même curieux de savoir ce qui allait se passer.

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Feat Mercedes L. Blanchett

Mikael était quelqu'un de difficilement impressionnable, en règle générale. Si quelqu'un incarnait bien les valeurs du jmenfoutisme mêlé à de l'égoïsme, c'était bien lui, avec son sourire de merdeux qu'il dissimulait avec beaucoup de difficulté. Petit trouduc' un jour, petit trouduc' toujours, et il lui semblait qu'il avait eu tant de réactions possibles à ce genre de situation que celle de la jeune femme n'aurait pas pu le surprendre. Vraiment. C'était probablement de l'arrogance, mais encore une fois, l'arrogance de Mikael n'était plus à débattre, mes amis. On aurait pu remplir neuf ou douze pages de dissertation si on partait sur ce sujet, et très sincèrement, la narratrice n'a pas envie de perdre son temps avec de telles broutilles, surtout que ce sujet est trop facile à aborder. Elle préfère de loin dire n'importe quoi. Arhem, excusez-moi, nous changeons (encore) de sujet.
Lorsque Victoria hurla sur Morgane, Mikael cligna des yeux et en oublia momentanément ses pauvres tympans qui auraient probablement pleuré si ils avaient pu le faire. Désarçonné et un peu confus, il fronça les sourcils, cherchant une explication logique au comportement de la jeune femme, se demandant si un ou deux de ses neurones n'avaient pas fini par lâcher. Ce ne fut que lorsque Morgane se tut, l'air soudainement perdue, qu'il comprit. Pour l'information, il blâmait le stress si on lui demandait la raison qui avait fait qu'il avait eu du mal à comprendre. C'était une explication, mais il n'était plus à une explication foireuse de plus, voyez-vous.

Il eut beaucoup de mal à retenir le sourire amusé qui voulait étirer ses lèvres, et il pouvait presque entendre le petite Mikael dans sa tête ricaner comme le fou qu'il était. Parce que oui, il y avait un petit Mikael dans sa tête, car à force de devoir dissimuler la vilaine partie de son caractère de merde, la frustration s'accumulait. Là, il s'agissait surtout de ne pas sortir de métaphores sordides, de commentaires trop sarcastiques ou de devenir tout simplement ce qu'il était en réalité : un sale con insupportable. Hé, un sale con marrant, au moins !
Il offrit un petit sourire à la jeune femme, une sorte de 'bien joué' qu'il ne dirait pas à haute voix, tenant un peu à sa réputation. Il jeta un regard moqueur à Morgane, qui gonfla ses joues et alla se cacher derrière le grand bureau du hall. Bah, ce soir, il la confierai à Adam. Ça lui ferait les pieds, tiens.

« Je ne peux que vous remercier, mademoiselle Hills. En espérant vous revoir un jour, dans d'autres circonstances, si possible non malheureuses. »

Mika, arrête ton baratin bordel.
Elle était marrante, en tous cas. Il regrettait un peu que l’électricité soit revenue, principalement parce qu'il trouvait hilarant de la faire paniquer. C'était fun, et Mika aimait s'amuser. Bon, son sens de l'humour était peut-être discutable, mais là n'était pas la question. Alors qu'il s'apprêtait à ordonner à Atlas de nettoyer tout ce bazar, ce qu'il fit de toute façon parce que Atlas sait ce qu'il va dire avant même qu'il n'ait dit quelque chose, son téléphone sonna. Le nom d'Adam, son assistant, clignotait sur l'écran de son portable.

Sometimes to win, you've got to sin, don't mean I'm not a … Click.

Il décrocha. Il fallait vraiment qu'il change cette sonnerie, parce « Angel with a shotgun », ça commençait à le gonfler sérieusement.  

« Oui ? … OUI, j'ai vu ça Adam ! Tu sais, j'ai eu le temps de constater que l'électrécité était revenue ! Maintenant, dépêche-toi de rentrer, et vite. On a trois opérations à préparer demain, j'te rappelle ! »

Il raccrocha et pesta une injure anglaise qu'un des oncles, un écossais à la santé mentale discutable, passait son temps à grommeler sous sa barbe mal rasée. Oui, avec les prières à Arceus que ses parents avaient réussi à lui planter dans le crâne à force de les lui faire répéter, Mikael n'avait pas reçu un héritage particulièrement sympathique de sa famille. Chacun son caca, après tout.
Il replanta son regard bleu sur la jeune femme, dans lequel brillait une petite lueur amusée.

« Enfin, je ne vous retiens pas davantage. »

Il retourna à son bureau pour aller chercher quelque chose et...
Et merde.
Son café était froid.