... Qui sait attendre, mais on est pas très patients

Feat Alexander Nagel

Avant toute chose, il faut savoir que Katya aimait beaucoup son cousin et Faust, malgré ce qu'elle pensait actuellement d'eux. Elle aurait pu les comprendre un peu, mais elle avait dix-huit ans, knulla ! On lui avait souvent dit et répété de ne pas s'approcher des messieurs bizarres, certes. On lui avait aussi dit que le père noël existait, alors elle avait tendance à ne pas croire ce que des gens pouvaient dire pour expliquer le fait que l'on donnait des cadeaux aux gens qu'on aime (là encore c'était surtout en principe) un jour de décembre. En parlant de Père Noël, tiens !
Faust n'était pas doué avec les cadeaux de Noël, car celui-ci, au lieu de faire comme n'importe qui et lui acheter le premier bouquin qu'il trouverait dans la librairie du coin, lui avait offert un fossile. Ou en tout cas un pokémon dont l'ADN avait été reconstitué et enfin bref, vous comprenez ce que je veux dire.  Lorsqu'elle lui avait demandé comment il avait pu se procurer un tel pokémon, il avait eu soudainement l'air d'un cerf pris entre les phares d'une voiture, et il avait vite changé de sujet, ce qui avait persuadé la jeune femme qu'il ne valait mieux pas chercher trop loin. Elle ne voulait même pas savoir ce qu'il avait dû faire pour l'obtenir.
Le problème, c'était que Emrys, son Psystigri, ne s'entendait pas du tout avec le Kabuto et les deux passaient leur temps à se battre. Au départ, c'était le pokémon antique qui avait perturbé le chat psychique en pénétrant dans son espace vital, mais celui-ci avait réagi comme sa maîtresse l'aurait fait : en frappant. Une action en entraînant une autre, les deux pokémon se battirent et ce ne fut que grâce aux ultrasons de Ventus, le Nosferapti, qu'elle arriva à faire cesser la bataille. Depuis, les deux passaient leur temps à se lancer des regards noirs et à se faire toutes les pires crasses possibles, ou à se battre dès que leur dresseuse avait le dos tourné. Katya était patiente, certes, mais jouer les quiches, non merci.

Ainsi, elle avait posté une annonce sur internet, indiquant qu'elle était prête à échanger le Kabuto contre n'importe quel autre pokémon. En toute honnêteté, elle souhaitait surtout s'en débarrasser, et elle supposait que cela ne dérangeait pas le pokémon qui ne s'était pas attaché à elle. Contrairement aux autres de ses pokémon, même avec cet idiot de Flamajou qui enchaînait les gaffes, il n'y avait pas eu cette petite étincelle lorsqu'elle s'occupait du Kabuto. Elle ne lui avait même pas donné de nom, et c'était dire beaucoup lorsque l'on connaissait l'importance que donnait Katya aux surnoms de ses pokémon. Elle avait été contacté par un homme, et avait indiquer une date, une heure et un lieu pour que l'échange se réalise. Isaac avait grommelé, marmonnant qu'elle ne devrait pas y aller seule, mais un regard noir et un petit rappel d'un détail humiliant l'avait fait se taire. Faust, lui, n'avait pas pu s'empêcher d'en rajouter et ils étaient partis dans une discussion où elle était apparemment, symboliquement, leur fille, et lui avait par ailleurs demandé qui serait la mère dans cette histoire. Autant dire que Katya avait vite compris qu'il ne fallait plus jamais qu'elle mette de rhum dans ses desserts.
Promis, toute cette histoire finit par avoir un sens.
Enfin bref. Après avoir persuadé Isaac de la déposer au lieu de rendez-vous avant qu'il ne retourne travailler, elle attendit, Ventus à ses côtés, par pure précaution. Bien sûr, le Nosferapti ne serait pas d'une grande utilité en combat contre la majorité des pokémon, mais cela avait été la seule condition pour que son cousin arrête de la regarder comme si elle allait mourir. Les ultrasons étaient utiles, on va dire.
Un minuscule sourire étira ses lèvres lorsqu'elle entendit son nom de famille être charcuté. Bah, c'était toujours mieux que les essais de Faust en suédois.

« C'est bien moi, en effet. Je suis Katya Peterson. »

Ineptie sociale, quand tu nous tiens, tu nous fais dire des phrases maladroites.
Elle attrapa la pokéball du Kabuto à sa ceinture et le laissa sortir. Le pokémon fossile émit un petit crissement et porta son regard sur l'inconnu, cherchant à comprendre ce qu'il faisait là.

« Il n'a pas de surnom. Disons que nous ne nous entendons pas. »

Euphémisme du siècle.
Disons surtout que si Emrys n'est pas d'accord, alors Katya l'est rarement. Ils vivent ensemble depuis cinq ans maintenant, et si l'un veut quelque chose, il faut que l'autre soit d'accord, et cela fonctionne aussi dans le cas contraire.

« Je m'excuse ; je n'ai pas eu le temps de retenir votre nom, et j'ai été trop brève lors de notre entretien. »

Phrase qui pue la maladresse sociale : check.
Elle n'osait pas demander à l'homme quel pokémon il avait bien pu ramener. Foutue timidité.

... Qui sait attendre, mais on est pas très patients

Feat Alexander Nagel

Derp.
Un petit quelque chose à savoir sur Katya, juste comme ça ; elle est parfois un peu trop imperturbable. Non, vraiment, même 'parfois' n'est qu'une licence artistique (si l'on peut appeler cela comme ça) et aurait dû être remplacé par 'toujours'. Ce n'est pas vraiment qu'elle est insensible, mais c'est surtout qu'elle n'aime pas perdre son temps en broutilles inutiles sachant qu'ils ne risqueront plus de se revoir, et aussi que de toute façon, les longues discussions sur la pluie et le beau temps ne sont pas son truc. Ainsi, malgré l'odeur de prétention qu'elle peut presque sentir se dégager à ce niveau de son correspondant ne la dérange pas : si il va directement à ce qui les intéresse tous les deux, elle se satisfera pleinement de cette échange. De toute façon, ce n'était pas comme si elle risquait un jour de s'énerver sur quelqu'un pour un de ses défauts, vraiment. Désabusée, elle avait depuis longtemps compris qu'il était inutile de chercher à chasser chaque vice de l'humanité, ceux-ci revenant au galop dès qu'on avait le dos tourné ou que le risque de punition disparaissait. Cruel, peut-être, mais c'était la vérité à ses yeux, et cela ne voulait pas forcément dire qu’elle avait raison. Elle n'était qu'humaine, après tout, aussi difficile que cela soit à admettre pour elle.
Ventus, à ses côtés, paraissait s'agiter un peu et la jeune femme passa machinalement ses doigts sur la tête de la chauve-souris sans même la regarder pour la rassurer.

Ah, l'argent. L'argent fait tourner le monde, et elle est n'est pas assez utopiste pour croire que le contraire. Ça, elle en a bien assez. Les Peterson n'ont pas le porte-monnaie vide, loin de là, aussi insupportable que cela soit pour elle. Mais elle, elle ne gagne rien par elle-même, et ce serait un coup dans son orgueil de recevoir de l'argent pour un pokémon qui était au départ un cadeau de noël ; un cadeau de noël raté que Faust lui avait incité à échanger si il ne lui convenait pas, certes, mais il ne fallait pas non plus pousser le bouchon trop loin, voyez-vous.
Elle secoua la tête négativement, plantant son œil rouge dans les yeux de son interlocuteur. Leçon numéro un : ne baisse jamais le regard. Oui, il avait carrément fallu qu'Isaac lui apprenne à se comporter lors de conversations. Autant dire que cela avait été hilarant, ou en tout cas pas pour Katya. Comment voulez-vous prendre au sérieux un type qui refusait d'enlever sa casquette même en allant dormir, sérieusement ? Mais là n'était pas le sujet.
De toute façon, le sujet s'était fait la malle depuis un paquet de temps déjà. Bobidi bobidi bou !

« L'argent n'est pas ma principale considération, monsieur Nagel. » dit-elle, sa voix ne perdant pas de son impassibilité habituelle.

Ça, c'était un euphémisme, mais nous reviendrons sur le sujet un autre jour. Elle n'était pas d'assez mauvaise humeur pour se mettre à pester sur sa famille, et de toute façon, elle avait des choses bien plus intéressantes à traiter.
Un œuf de pokémon était parfait, selon elle. Après tout, elle n'avait pas de goût particuliers en matière de pokémon, et les couleurs de l’œuf lui faisaient étrangement penser à celles des œufs que la Typhlosion de son oncle produisait de temps en temps. Si ses soupçons étaient fondés, alors elle avait tout intérêt à prendre l’œuf, et basta. Bien évidemment, elle aurait pu se tromper et il y aurait pu y avoir un Rattata dans cet œuf, mais après tout, elle ne faisait pas de discrimination envers les pokémon.
Sauf peut-être les Kabutos qui se battaient avec Emrys. Ou tous les pokémon qui ne s'entendaient pas avec Emrys, parce que s'il y avait bien une priorité pour Katya, c'était ce que pensait le jeune chat psychique. Et peut-être aussi qu'elle n'aimait pas avoir à passer son temps à les surveiller.
Soyons honnêtes, c'était surtout le deuxième point qui était important ici. Nous tairons toutefois cela pour ne pas embarrasser davantage la jeune fille, bien qu'elle ne peut pas nous entendre et que donc cette phrase n'a aucun intérêt dans son champ de l'existence.
La Lugulabre paraissait plus sympathique que le maître, mais ça, Katya le garda pour elle. Oh, elle n'avait pas d'avis négatif sur le blond, loin de là ; il était direct et ne marchait pas sur des œufs pour dire ce qu'il voulait, ce qui était très apprécié par la jeune suédoise.
Enfin bref.

« L'oeuf suffira amplement. Si le pokémon ne me convient pas, j'ai toujours quelques cousins qui pourront s'en satisfaire. »

Mensonge. Disons surtout que dans ce cas-là, elle le refourguerait à Faust, qui avait la sale manie de vouloir capturer TOUS les pokémon qu'il trouvait.
Il n'y a pas longtemps, il avait envoyé un message pour demander à Isaac s'il était possible qu'il parte chercher un Solochi, comme si une Tyranocif n'était pas déjà assez. Cela s'était au passage terminé par une dispute, puis par une nouvelle séance ciné où ils regardèrent (à nouveau) Evangelion. En boucle
Elle désespérait un peu, sérieusement.
Le Kabuto à ses côtés paraissait s'intéresser à son interlocuteur, comme intrigué par l'aura qu'il dégageait. Tant mieux, s'il finissait par s'adapter facilement à lui. Cela ne pouvait que l'arranger. Malgré le fait qu'elle devait se séparer de lui, enfin, surtout qu'il fallait qu'elle s'en débarrasse, elle accordait un peu d'importance au bien-être de ce Kabuto.
Mouais, on va t'croire Kat.

... Qui sait attendre, mais on est pas très patients.

Feat Alexander Nagel

Si Nagel était parti sans avoir prononcé sa deuxième phrase, alors peut-être que la jeune femme n'afficherait pas une expression de mortification véritable sur son visage, qui avait actuellement pris une très impressionnante teinte rouge. Elle essaya de comprendre comment l'homme avait pu arriver à cette idée, et même si elle avait bien compris ce qu'il avait insinué. Ce fut lorsque son Nosferapti se mit à voler autour de l’œuf avec curiosité, cherchant à le sonder et à l'identifier, qu'elle reprit pleinement contrôe des muscles de son visage. D'accord, leçon numéro deux : écouter Isaac lorsqu'il disait encore et encore qu'il fallait rester loin des inconnus. Bon, sachant qu'elle était compétitrice, c'était un peu grillé, mais chut. N'en dites pas trop, réservons la crise de panique pour le premier concours, voyons. Un peu de patience, mes chers.
Si la phrase de l'allemand l'avait gênée, elle avait surtout ramené à la surface des souvenirs des plus déplaisants, qui la firent inconsciemment baisser les yeux. Mais elle était venue à Enola pour éviter tout cela, pour ne plus avoir à supporter leurs regards, lourds de mépris et de colère, et la voilà qui y pensait alors qu'elle aurait pu concentrer son attention sur le petit œuf sur ses genoux. Ce n'était pas de sa faute, et pourtant, la morsure de ces souvenirs était tout aussi violente. Elle déglutit et prit une profonde inspiration, chassant toutes ces pensées noires de son esprit.
Elle contempla l’œuf avec calme, l'observant avec curiosité. Une petite chaleur s'en dégageait, et les couleurs lui faisaient vraiment penser à  un œuf d'Héricendre. Il fallait qu'elle se renseigne auprès de son cousin, qui serait sûrement capable de vérifier ses suspicions. En tout cas, elle était contente de s'être débarrassée d'une épine au pied. Elle espérait que l'homme prendrait soin du Kabuto, bien qu'elle se doutait que le pokémon serait bien plus heureux loin d'elle.
L'ironie de la chose voudrait que le pokémon que Faust lui ait offert devienne celui d'un tortionnaire, et en ayant conscience des événements qui allaient suivre le premier janvier, c'était horriblement ironique.

Elle devait retourner au cabinet d'Isaac pour que Thalie la téléporte à Nuva Eja, mais elle supposait qu'elle pouvait bien prendre une petite heure ou deux. Il y avait un vendeur de confiseries à quelques rues d'ici, et elle supposait qu'elle pouvait bien aller manger quelque chose. Elle aurait par ailleurs l'occasion de trouver une ou deux idées de recettes.

« Viens, Ventus, on y va. » dit-elle au Nosferapti qui émit un petit son aigu, satisfait.

Elle serra l’œuf contre elle sur tout le chemin, un petit sourire aux lèvres. Vraiment, elle avait hâte d'assister à la naissance du petit être qui se cachait dans cet œuf. Cela ferait le deuxième œuf dont elle s'occupait, et elle espérait que le pokémon qu'y s'y trouvait serait un peu plus supportable que son Flamajou.
Parce que bon, elle n'avait pas beaucoup de patience envers les créatures qui lançaient des pâtisseries au visage de ses clients : un seul pokémon surexcité lui suffisait largement.