Pensive.
Je la voyais pensive, allongée sur le canapé, le regard flottant dans le vide. Sa main jouait et passait au travers de Kassandra qui flottait au dessus du sofa, elle ne pouvait pas la voir, bien sur, c'était ma foi un bien étrange spectacle. Cela faisait longtemps qu'Irina ne m'avais pas visité une journée entière durant. Mais nous n'avions encore rien rien dit. L'ambiance était bizarre, tendue. Je lisais le journal et tentais de remplir les mots fléchés, niveau difficile, j'ai honte de vous dire que je galérais un peu. J'étais lassé et m'étendais à mon tour sur le dossier du sofa, pour observer le plafond. Un ange passe. J'entends un froissement et relève la tête pour voir ma jumelle observer le journal à son tour. Elle soupire puis me regarde d'un air désabusé. Qu'est-ce que j'ai encore fait?

« Tu écris toujours aussi mal, Alexander... »
« Eh! » je réagis au quart de tour, je prends toujours la mouche à cette remarque là en particulier « C'est vraiment pas juste de se moquer de l'écriture de quelqu'un! C'est bas, vraiment bas! Méchante, c'est tout ce que tu as à me dire après avoir rien dit pendant trois heures? Même pas un bonjour, même pas... Tu sais que j'aime pas qu'on me dise ce genre de trucs, en plus! »

Kassandra s’arrêtât dans sa promenade pour revenir vers moi, ne comprenant pas pourquoi je m'agitais, soudainement. Et pourquoi je parlais «seul», aussi. Pour elle, je devais parler seul.

« Moi aussi, je peux être en colère, Alex, et j'ai de bien meilleures raisons de l'être que toi... »

Irina se redressa soudainement et s'avança vers moi, à quatre pattes sur le canapé, approchant son visage du mien. Un peu trop. Je m'étais figé et l'observais d'un regard en coin. J'avais oublié que ses pupilles écarlates étaient si... Flippantes. J'avais oublié à quel point Irina pouvait être effrayante. Je sentais des sueurs froides parcourir mon échine. Irina était en colère, qu'allait-elle inventer pour me faire comprendre son mécontentement. Le silence qui suivit n'améliora pas mon état et mon souffle devenait presque inexistant, mes épaules tremblaient presque.

« Iri, calme-toi... Je- Je ne suis pas en co- »
« Moi oui Alexander. Je suis vraiment en colère. »
« Pardon. Pardon! »

J'étais terrifié, je cherchais même à me lever mais une force invisible me collait là, je glissait lentement vers le bord du sofa pour trouver l'échappatoire et alors ma jumelle plaqua une main sur mon épaule et je pliais sous sa force pour me retrouver allongé sous elle, sa présence dictatrice m'écrasait, me terrorisait. Pourtant il n'y avait eu aucun cri, rien. Qu'allait-elle me faire? Ma main agrippa avec force le dossier et je m'efforçais de garder le contact visuel avec Irina. Bordel, bordel, bordel.

« Pardon, Irina je- »
« Tu m'as désobéi, Alex, tu mérites une punition. »
« Mais qu'est-ce que j'ai- »
« Alex. Tais-toi. Écoutes moi, n'écoute que moi. Tu ne dois pas aimer. N'aimes que moi. Depuis combien de temps ne m'as-tu pas dit que tu m'aimais? Dis-le. DIS-LE! »
« Je t'aime Irina, je t'aime. Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime. Je t'aime bordel, j'aime que toi, tu le sais! »
« Moi aussi je t'aime Alexander. Ne l'oublie jamais. Sinon, je mourrais. Je mourrais sans toi, alors n'arrête jamais, jamais, de penser à moi. »

Je continuais de la fixer et portais une main à mon front pour essuyer la pellicule de sueur qui s'y était installé. Soudain, je me retrouvais dans le noir complet. Les volets étaient fermés. Je ne voyais plus Irina, j'étendais une main devant moi et ne palpais que du vide. Elle devait être partie. Je n'ai jamais eu peur du noir mais si c'était la colère de ma sœur qui provoquait des coupures de courant ainsi, il y avait de quoi flipper. Je me levais le plus lentement possible, ne sentais aucune présence dans l'appartement. J'allais chercher mon portable pour m'éclairer et trouver le disjoncteur mais me figeais au milieu de mon geste en apercevant deux yeux dorés scintiller juste devant moi. Oh putain.

« I-I-I-Irina? Je me suis excusé alors... Ne te mets pas en colère, s'il te plait je... »

Je vois quelques éclairs voler et éclairer l’obscurité, me permettant d'apercevoir une ombre difforme. À quelques pas. Les éclairs se font plus intenses et gros et d'un coup la lumière revient. J'ai presque sauté en voyant le monstre qui se trouvais alors devant moi... Enfin, disons que sa taille n'avait plus rien à voir avec celle d'un Anchwatt tout petit. Donc... Ce n'était que Kassandra tout ce dawa? Je me rasseyais enfin sur la canapé, la tension était retombée.

« Kassandra, punaise, me refais pas un coup comme celui-là, préviens la prochaine fois, y'a pas de problèmes... »

Fière, la Lamperoie vint vers moi et s'enroula autour de mon cou, toute contente. Elle fit bien attention à ne pas produire de jus, sinon, je serais mort, je crois. Elle se contenta seulement de faire entrer un minuscule courant statique suffisant pour me faire sursauter à travers mon bras. Je pestais devant son outrecuidance puis me laissais retomber sur le sofa, dans une position semblable à ma sœur tout à l'heure, la même au centimètre près, en fait. C'est vrai, je ne devais pas briser la promesse que je lui avais faite, que je m'étais faite à moi-même, par extension. Parce qu'elle est moi et je suis aussi elle. Eh oui.