" T'es bien le champion coordinateur de l'arène d'Amanil, je m'trompe ? "

Je déglutis difficilement, la sueur perle le long de mon dos. Les coups de feu, les hommes masqués et le noir. Juste le noir. Et maintenant ? Et maintenant plus rien. Juste ce brouillard flou dans ma tête et ce lieu, un entrepôt désaffecté semblerait-il. Et puis il y a eux, tout vêtu de blanc et noir, des pieds à la tête. Armés jusqu'aux dents. Mais pour autant, je ne réponds pas. Je n'ai pas la force de répondre. Des mots jaillissent mais je n'en perçois que quelques uns, des bribes de conversation.

" D'après ses papiers, c'est bien lui. Ash Miller. "

Il y a du bruit. Des gens sortent, d'autres rentrent, d'autres encore restent près de moi et ce ballet incessant dur, encore et encore, m'empêchant de sombrer à nouveau dans l'inconscience. J'essaye de bouger mais des nausées me prennent à la gorge, je suis mal à l'aise. Des menottes entravent mes mouvements, serrant un peu plus mes poignets à chaque tentative de m'en séparer. Et puis soudain, les mots durs et agressifs reprennent comme une mélodie brutale.

" Tu vas nous dire ce que tu sais. Vite, très vite. "

Moment de pause. L'homme me fixe avec insistance, il ordonne à une jeune fille aux cheveux verts, longs de s'asseoir sur une chaise, près de moi. Elle doit avoir quoi, 16, 17 ans ? Mais elle pointe son canon sur ma tempe, sans sourciller. Je retiens ma respiration. Le monde semble tourner, il semble déréglé et n'en fait qu'à sa tête. Je frissonne, j'ai froid et le ballet continue. Je n'aime pas cette danse, elle me fait mal, elle me fait peur.

" Tu fais de la peine à voir Ash Miller. Bel oiseau dans une jolie cage. Une grande cage, d'accord mais ça reste une cage. "

Je dois faire un choix. Oser leur dire ce que je sais, crever les attentes ou faire semblant, ne rien savoir, me muer dans le silence. Je ne sais pas, je ne sais plus. Ma réponse ne vient pas, aucun mot ne sort et la patience s'envole, s'efface. L'homme, le blond, me frappe. Un coup, puis un autre. Le silence est rompu emporté par la douleur et le calvaire.

" Parle. Les résistants, qui sont-ils ? "

Il articule, chacun de ses mots. Il veut que je comprenne, que je réponde. Mes oreilles sifflent, mon coeur bat la chamade et mes membres se contactent sous la souffrance. Je ne sais rien. Je suis juste Ash Miller, coordinateur. Mais cette réponse ne semble pas lui plaire et je l'entends. Le bruit de la mort. Celui de l'arme sur ma tempe dont la sécurité vient d'être retirée. Non, elle ne tirera pas. Impossible. Je ne veux pas partir. Je souhaite... Non.

" Je veux vivre.
- Tu as retrouvé ta langue ? Très bien alors dis nous ce que tu sais.
- Rien. "

Mauvaise réponse. Le manche de l'arme frappe ma tempe et à nouveau, le monde tangue. Tourne, tourne, tourne. Reprends toi Ash Miller ou tu es mort. Tu entends, mort. J'ai la sensation, mauvaise, d'être une bête. Une bête que l'on dresse. Une bête en cage. Mais le monde ne s'arrête pas de bouger et je me laisse engloutir par la folie. Une folie sans limites. Elle m'attire, m'attire... Je la laisse m'embrasser avant que la nuit ne retombe m'arrachant à cette démence.

Je me réveille dans une ruelle sale, le bruit des voitures perçant le silence de la nuit. Plus d'entrepôt. Plus d'homme blond ou de fille aux cheveux verts. Juste mon regard béat qui contemple le caniveau en me posant de multiples questions. Mais je ne bouge pas, je ne peux pas. Mes muscles sont endoloris. Le sang sur mon visage masque ma vue. Tout ceci est réel. Allongé là, je fixe le ciel. Attendre que quelqu'un passe ou quelque chose... Il approche. Il descend du ciel, en ondulant. Il slalom, entre les étoiles. Il se pose près de moi, son corps bleu, lisse et couvert d'écailles m'aide à me redresser, à me hisser sur son dos.

" Désolé... J'ai eu un contre temps. Tu es magnifique comme ça, Draco. "

Le dragon aux écailles bleutées me fixe, si calme d'apparence. Mais dans ses yeux, c'est le contraire que je peux lire. Son corps souple se soulève dans les airs et il s'élève, volant au dessus de la ville, surplombant la misère et la souffrance. Mes mains enquilosées s'accrochent à son corps et mes yeux se ferment. Lasses d'assister à ce spectacle, à ce malaise qui me met le coeur au bord du vide.