« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 La Crevasse /!/ Avertissement langage /!/ (OS, Evolution)

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Alexander Nagel
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Alexander Nagel
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MessageSujet: La Crevasse /!/ Avertissement langage /!/ (OS, Evolution)   La Crevasse /!/ Avertissement langage /!/ (OS, Evolution) EmptyMer 3 Fév 2016 - 15:55

Les Monarches V - La Crevasse.

Suite directe de cet OS.


C’est devenu silencieux. La marche s’est rompue et mécanisée dans une torpeur uniquement interrompue par le bruit de la pluie battante et le sifflement du vent. Il y a quelque chose dans l’air. Trop dans l’urgence les heures précédentes, je ne m’en étais pas rendu compte. Maintenant que je marche seul devant Riku depuis un certain temps, probablement des heures, le sentiment que quelque chose cloche et qu’il va se passer un truc désagréable me saisit. Nous n’avons pas le temps de nous y appesantir, cependant, nous avons mille fois mieux à faire. Nous avons perdu la trace d’Elijah et Valentine, qui elles-mêmes doivent être perdues. En pleine nuit, je reconnais avec peine les lieux où nous sommes, et à force d’eau versée sur notre route, les traces laissées par l’Onix de Ludwig commencent à complètement disparaître. Je dois redoubler de concentration pour en déceler les reste, mais voila une bonne demi-heure que je ne suis plus certain que je piste la bonne trace. Je sais que dans des conditions pareilles, c’est comme chercher l’aiguille dans la mauvaise botte de foin . Mais, pourquoi s’arrêter? Tant que je marcherais et observerais autour de moi, j’aurais toujours plus de chances de retrouver mon, jeune frère qu’en attendant. Je ne peux pas parler pour ma cousine, mais pour ma part, le sauvetage de Ludwig passera avant toute chose, je ne dormirais pas tant que cela ne sera pas fait.

On continue donc d’avancer sous les rideaux aqueux, et l’absence de parole devient pénible. Pas que ne rien dire me dérange de manière générale, au contraire. Mais il y a ce malaise dans l’air qui rend le tout de moins en moins supportable. Probablement car tout cela me pèse et que ma patience est affectée. Riku m’est chère. Pour moi, c’est important qu’elle soit là, je crois le lui avoir dit, il y a de cela plus de 6 mois, désormais. En revanche, jamais je n’ai voulu l’emprisonner comme je l’ai fait avec ma jumelle. A plusieurs reprises, j’ai bien vu que jouer à la maman avec Ludwig ne lui convenait pas. Ses découvertes familiales en plus de cela, c’est suffisamment éprouvant. J’ai bien remarqué ses grincements de dents, ses sourires forcés. Evidemment, il y a eu de bons moments, de très bons, même. Mais, l’idée qu’elle puisse se sentir comme incarcérée dans une tour d’ivoire me gêne. Pas que cela m’embarrasse quand il s’agit de faire prisonnier le reste de l’humanité, hein, mais là n’est pas la question. Je crains juste d’avoir encore répété un schéma à la con. Mais, je n’ai pas envie de demander à Riku si elle veut partir. Car je la connais, je sais qu’au fond d’elle, elle a besoin de nouveauté. Elle ne peut rester sous mon toit éternellement. Je n’ai juste pas envie de cette conversation maintenant. Mais cela fait des heures que je la sens, pendant au dessus de nos tête comme une foutue épée de Damoclès. Je suis comme ça, dès que ce sera lancé, je vais tout faire pour rendre la chose la plus désagréable possible, et Riku aussi. Elle le sait. J’ai un déglutissement inconfortable quand sa voix me parvient finalement de derrière les gouttes de pluie, en train de crier d’une voix faible, pleurnicharde. Elle quémande mon attention pour quelque chose que personne n’a envie d’entendre. Si je me retourne, ce sera parti. Mais, bon, c’est trop tard, je crois. On va la jouer comme ça. Formule habituelle, donc. C’est parti mon kiki!


« J’en peux plus… Si on rentrait? On va pas le trouver avec cette pluie. On ferait mieux de lancer un avis de recherche et d’appeler la police et.. »
« Nan! Je t’ai déjà dit que tu pouvais rentrer au Château si tu voulais! »
« Bah, justement, peut-être qu’il est déjà là-bas! Et je te laisse pas sous la pluie, j’ai vu ce que t’es capable de faire quand je te surveille pas! Tu veux crever de surhydratation ou quoi?! Je te laisserais pas encore prendre des risques. »


S’il était rentré, Justin m’aurait bippé, je leur ait appris à se servir d’un téléphone et j’ai pleinement confiance en eux, après tout. Et puis.. Surhydratation? C’est un truc ou on se gonfle comme des éponges, ça non? Faudrait déjà être secs, pour ça!

« J’veux  dormir, Alex, j’ai super mal aux pieds et partout, j’ai froid… Please, faut qu’on rentre... »
« Arrêtes de geindre. Soit tu marches tu m’aides et tu te tais, soit tu rentres. »
« …Génial… »
« Quoi? »
« Donc, avec toi, soit on ferme sa gueule, soit on abandonne, en gros?! »
« Ouaip, c’est exactement ça. Surtout actuellement avec le temps qu’on n’a pas à perdre! »
« Super, si c’est toute l’estime que t’as pour moi.. »
« T’as raison, t’es bonne pour dormir, là, tu dis des conneries! »
« Arrêtes de te foutre de moi! J’en ai marre de ton obstination! J’ai mon droit de parole, moi aussi, depuis tout à l’heure c’est « fermes-là et avance »! Les flics le trouveront plus facilement que nous si on attend demain!! T’as vu l’heure, bordel? »
« C’est quoi ce mélodrame, là? Je vais pas te tuer si tu rentres, alors, va! Si c’est pour traîner et te plaindre, t’es qu’un poids mort. Mais ça… Je t’avais prévenu. Je savais que tu me ferais le coup! Bref.. Rentre au Château. S’il te plaît. »


Oui, en fait, je suis trop fatigué, et j’ai l’envie d’éviter la conversation. Riku semble déjà m’en tenir rigueur. Mais on n’a pas le temps. Ludwig prend trop de place. Peut-être que ça aussi, elle me le reproche?! Je sais qu’elle culpabilise et qu’elle est au bord de s’effondrer à terre pour dormir. Autant qu’elle rentre. Kalafina et Yui peuvent la porter au château malgré la pluie je crois. Je n’ai pas besoin d’elle pour se plaindre pendant des heures et j’ai déjà été suffisamment patient dans l’état actuel des choses. On dirait que Riku a déjà décidé de me chercher car elle se sent inutile, culpabilise, et ça la met dans un état anormal, tout ça. Quand Riku commence ainsi à s’emporter de la sorte, c’est souvent qu’elle a véritablement quelque chose sur le cœur, mais qu’elle n’arrive pas à le formuler correctement, et qu’elle veut qu’on lui dise ce qu’elle veut entendre. Et parce qu’elle a également honte de dire ce qu’il est en réalité. En un sens, je peux comprendre. Enfin, ça ne justifie pas qu’elle tente de me titiller de cette manière, surtout qu’elle sait très bien comment m’agacer très fort. Mais je ne vais pas céder, pas maintenant, mon esprit est occupé ailleurs. Enfin, je promets rien, hein, qu’elle ne me cherche pas trop non plus.

« Toute manière, mes soucis et ce que je ressens, c’est tellement insignifiants à côté de tes propres problèmes, Monsieur Drama Queen! »
« Quel rapport? Tu vas où, là?! C’est moi la Drama Queen, en ce moment? T’es sûre? »
« Fuck you! Tu me gonfles, putain! Laisses-moi parler au lieu de fuir! Tu sais très bien ce que c’est, mon souci! Et t’y es pas pour rien.. »
« Le bureau des pleurs « Xander et compagnie » est pas ouvert ce soir, désolé! »
« Pfff.. tu te croies tellement drôle, et tellement parfait, hein… J’ai jamais demandé à me retrouver là-dedans, moi!  Pourquoi t’étais obligé de prendre ce gamin! J’ai même pas eu le choix! Ah, mais j’avais oublié que ce que MOI je veux, ça entre pas en compte… La preuve, tu ne m’écoutes même pas! »


Je résiste à m’arrêter quelques secondes pour lui lancer un regard noir, bien conscient que chaque seconde de perdue peut-être une autre seconde qui me sépare de Ludwig. Ce n’est pas que je ne l’écoute pas, c’est que présentement, je n’en ai pas le temps. Ni l’humeur. Mais peut-être a-t-elle raison. Je ne suis pas quelqu’un a qui on se confie, je ne sais pas écouter. Je ne veux pas écouter, car le malheur des autres ne m’intéresse pas, sauf quand je peux en jouer. Et je ne jouerais pas de celui de Riku. Qu’elle ne parte pas dans ce genre de débats, je ne suis pas d’humeur, cette nuit. Elle sait où ça risque de nous emmener tous les deux. Je ne sais pas où elle a vu que je fais tout cela par plaisir. Je me fous bien de ses crises existentielles et de ses « soucis », en ce moment. Même si je sais que mon attitude va finir par nous coûter à tous les deux. Mais peut-être est-ce ce que je veux? Qu’elle puisse trouver sa porte de sortie seule, par la colère, pour éviter une situation à la Irina. Je l’observe furtivement en tournant le visage vers l’arrière, lassé, en colère, et vaguement préoccupé. Veux-tu vraiment en arriver là, Riku?

« Réponds quand je te parle, connard! »

Apparemment, oui, elle veut en arriver là. Bon. Super. Et répondre quoi? Elle veut son câlin, cette conne? Qu’elle aille voir quelqu’un d’autre! Sa voix s’altère dans ce qui semble être un sanglot mais je continue mon chemin. Je ne veux pas. Je veux juste fuir, finalement. Fuir pour qu’elle reste et que tout cela pèse encore, ou rager pour qu’elle parte, et accuser le choc de son absence? Dans les deux cas, ce n’est définitivement pas une bonne idée, niveau timing. Je me connais, si ça arrive maintenant, je vais craquer, et ça ne sera pas joli. Je crois que j’ai surestimé ma patience. Je ne demanderais pas à la police de m’aider à régler mes propres soucis. Aussi con et insensé que cela puisse paraître je vais trouver Ludwig, sous la pluie, en pleine nuit, qu’importe, au pire ce sera qu’une semaine de crève, j’ai vu pire!

« Combien de temps ça va durer, ces conneries, toute façon, hein? »


Bon, là, va falloir que je m’arrête, malheureusement, je sens que je vais céder.  J’espère qu’elle comprendra que c’est la dernière fois que je stoppe ma marche pour elle. J’ai de plus en plus de mal à me contenir, mon sang-froid se consume et ma voix s’altère déjà de colère et de mépris.

« Boooon, d’accord! Vas-y, précises ta pensée, on a tout notre temps, de toute façon, hein?! »
« Ces conneries, avec Ludwig, tes petits jeux de jouer à la famille parfaite avec nous alors qu’à côté tu-- »
« Je sais pas où t’as vu qu’on était une famille parfaite, mais ça prouve que t’as fumé un croiseur interstellaire, la naine! »
« Pourquoi t’as décidé de prendre ce gamin, à la fin? T’es pas un mec qui a bon cœur et qui va faire la charité. Si il n’était pas là, si tu t’étais juste tenu tranquille, on n’en serait pas là! Tu crois que c’est facile, pour moi? Moi qui n’compte plus à la maison entre toi et Ludwig, et Shizune qui… je suis censée faire quoi? Pourquoi t’as du faire tout ça sans en parler à personne?! C’est bien, t’as gagné! Tu te sens mieux, j’espère ?! »
« Mais va te coucher, bordel! Tu commences à m’esclaver le cul avec tes gamineries! Je t’ai jamais demandé de choisir, alors barres toi si tu veux! Toute façon, je n’allais pas te supplier d’assumer la moindre responsabilité pour ce gamin, ce soir encore, j’ai vu que t’en étais incapable! »
« Oh, sorryyy! J’avais oublié que je ne suis pas différente des autres, je suis une merde comme le reste du commun des mortels, pour toi! Pourquoi me traiter différemment? T’aurais mieux fait de le laisser dans sa merde ce gamin! De toute façon, quelle différence?! »
« Pardon?! Expliques moi le rapport?! »
«  T’as bien compris. Entre toi et l’autre enflure, quelle différence?! Vous continuez de mettre votre famille dans la merde quoi qu’il en soit car vous êtes des pourris! Tu m’étonnes que vous vous entendiez bien, avec vos petits coups de fil, vos petits messages vocaux! Ça aurait changé quoi que Ludwig reste là-bas? T’aurais pu ne jamais savoir pour son existence, j’te rappelle. Et on s’en porterait pas plus mal. T’aurais pas encore frôlé de crever.. T’aurais pas empiré la rancœur qu’Helmut et Shizune ont envers toi… envers nous. Mais non, t’es trop con, il fallait que tu fasses encore du zèle! »


Ma main part et claque avec violence contre le visage de la rouge. Mon visage s’est crispé et j’ai perdu tout contrôle. Ce n’était pas nécessaire d’en arriver là. Je la repousse brusquement vers l’arrière, la prévenant de ne pas s’approcher d’avantage, ou elle le regrettera, et ce que je crains arrivera. J’espère qu’avec ça, elle va retourner dormir bien au chaud sous sa couette. Mais je ne voulais pas en arriver là. Je sais très bien qu’en la frappant je lui ai déjà ordonné de partir de chez moi. Je sais que je ne vaux pas mieux que mon père ni plus qu’un autre, d’ailleurs, nullement besoin de me le rappeler. Et je ne sais pas pourquoi j’ai recueilli Ludwig en pensant que je ferais mieux que lui pour son éducation. J’ai aucune idée de pourquoi je veux assurer ce rôle, et à la limite, on s’en fout, des excuses! Ce qui est fait est fait. Probablement que je ne pourrais pas devenir meilleur là ou j’en suis, mais j’en avais marre de ne plus avancer. C’est ça, j’en ai besoin pour aller de l’avant. Moi aussi, j’ai besoin de changement. Je ne suis pas mon père. Contrairement à lui, je... Je sais pas ce que j’ai de plus, mais au moins j’essaye. Pas forcément de bien faire, mais je veux juste vivre. Je ne veux pas faire le mort et m’enfermer toute ma vie. Je veux vivre, je veux m’amuser, je veux profiter, expérimenter, pour le meilleur et pour le pire. Ma voix se pose, glace frémissante qui s’embrase, au bord de l’explosion.

« Si la façon dont je vis ne te convient pas, casses-toi. Oui, je joue un rôle… Tu crois que ne pas pouvoir être moi devant ma propre famille, ça m’éclate? Tu crois vraiment que je fais ça pour me donner bonne conscience et me ranger? C’est ça ta réalité, Riku? L’abnégation et les responsabilités, tu penses vraiment que c’est des trucs que j’aurais choisi de mon plein gré si je n’y étais pas obligé pour qu’un gamin de 6 ans puisse encore se reconstruire?! Grandis un peu! La vie, c’est pas de lâcher et d’envoyer tout chier dès qu’une difficulté s’oppose à toi. On ne fait pas toujours ce que l’on aime, et on ne vit jamais pleinement sans prendre de risques, ce serait trop facile, sans saveur. »
« Pour qui tu te prends?! Fuck you!! Je vis comme JE veux, pas comme TOI, tu veux, connard! Et au cas où tu n’avais pas remarqué, je ne vais pas bien car tu ne me laisses jamais le moindre choix, depuis plus de 6 mois! Désolée de pas être comme toi et de pas être totalement maso et de m’exciter dès qu’une merde arrive! T’es tellement malsain! »


Bah voyons, comme si ça la gênait, jusqu’à maintenant! Elle s’est mise à pleurer et me fusille du regard en se tenant la joue que j’ai frappé, insultante. Puis soudain, elle bondit vers l’avant pour me sauter à la gorge, et on commence à se battre en grognant et beuglant comme des gamins, à coups de frappes et de griffures. Elle me feule à la tronche, mord et plante ses ongles dans tout ce qui lui passe sous la main. D’une poussée violence accompagnée d’insultes et de cris, je la repousse avec force et nous sépare après avoir récupéré une sympathique trace d’ongles écarlate sur le côté gauche de mon cou, puis je finis de lui hurler dessus. Quelle poufiasse! Elle qui continue de me sortir les violons quand je ne me confie pas à elle, elle est pourtant bien placée pour me juger et prétendre qu’elle me connaît, on dirait!

« Casses-toi… ! Si tu restes dans le coin tu vas comprendre pourquoi je me force à jouer un rôle devant vous, pouffiasse! »

J’ai envie de gueuler à quel point je ne voulais pas en arriver là. Gorge et dents serrées, je la laisse là après lui avoir rendu au centuple tous ses regards les plus noirs. J’explose dès qu’elle est hors de ma vue et qu’elle ne peut probablement plus m’entendre, lâchant ce que je n’ai pas pu déverser de frustration et de rage en sa présence. Et cela vaut mieux, même devant elle, je crois que j’aurais pu me retrouver à m’emporter sérieusement. J’ai fait des progrès pour me calmer, même si ne rien avoir d’assez vif ou cru sous la main pour véritablement passer mes nerfs me laisse insatisfait, je parviens à reprendre un semblant de calme apparent. Je me laisse tomber sur le sol rocailleurs et respire profondément. Je me contenterais d’une simple averse de gouttes d’eau fraiche. Dommage  pour les fioritures dark des gouttes de sang, ça aurait un peu égayé cette bouillasse un peu austère. Tsss.. Pauvre abruti. Aussi irritant que cela sonne à mes oreilles, ce n’est pas du tout le moment de penser à mes plaisirs morbides, là. Je porte une main à ma gorge griffée et grogne en m’apercevant qu’elle saigne légèrement. Saloperie d’anarchiste hystérique. Je n’ai pas le temps de partir dans une nouvelle colère, pourtant. Même si on vient de tout casser, je dois continuer. Je meurs un petit peu à l’intérieur je crois. Mais j’ai essayé. J’ai vraiment essayé, avec Riku, non?

Je continue de progresser sans elle sous l’averse, donc. Plus cela va, plus je me fous de Riku et de cette engueulade (du moins j’aimerais m’en convaincre, au cœur de ma mauvaise foi). J’ai pas besoin d’elle dans sa version si minable, et je n’ai pas de regrets, elle n’avait pas à m’insulter… à nous insulter tous les trois de la sorte. Notre famille, même si elle est dysfonctionnelle, est bien réelle.  J’ai la sensation d’avoir trouvé un équilibre, d’apprendre à vivre autrement, supporter de porter des masques, supporter cette double-triple vie, ou je ne peux me révéler à moi-même que seul, plus rarement. Mais cela devient d’autant plus savoureux. Combien de temps cela durera, qu’importe, ce n’est pas la question. Mais qu’elle ne vienne pas tout foutre en l’air avec sa jalousie et avec ses propres insécurités pas assumées. Je l’ai mille fois prévenue de ne pas écouter Shizune, et je suis certain que c’est encore cette poufiasse de japonaise qui lui a mis des sales idées en tête. Ou pas, j’en sais rien, peut-être que tout cela ne lui convient réellement pas. Mais dans ce cas, pourquoi rester et me donner envie de l’étrangler avec ses caprices de fillette stupides? Ou alors est-ce moi qui continue de la traiter comme une gamine. Je l’ai accueillie sous mon toit, je n’avais jamais fait cela avant, je ne l’ai jamais obligée à rester, que je sache. C’est à elle de voir, elle est encore libre de ses choix. Du moins, si elle pense encore l’être, qu’elle me le prouve et qu’elle se barre si elle le veut.

Cette pensée fait naître une souffrance dans mon estomac et ma gorge, mais je ne suis personne pour la retenir, ni une autorité parentale, ni son mec, juste un cousin ingrat d’atroce mauvaise foi en ce moment-même. Qu’elle fasse son choix et qu’elle cesse de me faire chier. Si elle ne bouge pas, le monde ne bougera pas pour elle. Au fond, je veux juste qu’elle se trouve. Et elle ne peut manifestement pas y parvenir avec ma présence dans les parages. Tant qu’à faire, je pense qu’elle partira, et qu’elle apprendra à ses dépends. Et malgré tout ça, je crains que Riku ne soit plus là à mon retour, car je sais intérieurement qu’elle va encore tout lâcher et s’exiler, c’est sa façon de ranger les choses dans sa vie. Je sais pertinemment à quel point je vais avoir mal quand je le découvrirais. Quand je lirais une bafouille ou entendrais un message vocal qu’elle me laissera. Je préférerais qu’elle parte sans un mot, mais je pense qu’elle aura besoin de laisser une marque de sa crise avant. Je dois m’arrêter pour reprendre mes esprits. Je perds la tête rien qu’à devoir imaginer de rentrer avec Ludwig et de trouver sa chambre vide. Une haine s’insinue en moi à l’encontre de ma cousine rouge, la même haine exacte qui m’envahit lorsque qu’Irina m’a annoncé ne pas vouloir venir avec moi. Et on sait très bien comment ça s’est fini, lorsque je me suis senti trahi.

« Tu sais très bien comment ça va se finir. »
« Fous-moi la paix, toi. »
« Tu en as envie, au fond. »
« Et même si j’en ai envie, qu’est-ce que ça change? »
« Tu m’as bien tuée, moi, alors, pourquoi Riku aurait-elle droit à un traitement de faveur? C’est injuste, Lex. Qu’a-t-elle de plus que moi? C’est encore notre anniversaire, tu peux encore me rendre hommage. »
« …Depuis quand les mortes parlent? »


Wah, c’est peut-être une des choses les plus censées que j’ai pu dire dans toute ma vie, même si c’est pas très glorieux. Je ne lève même pas le visage vers l’apparition qui me crie de céder à mon instinct premier, mais je parviens à la faire taire pour cette fois. Bien sur, c’est aussi moi. C’est quelque chose dont je serais capable dans une réaction de pur dégout comme celle-ci. Et parce que j’ai peur. Une peur égocentrique et malsaine de perdre Riku et donc de vouloir céder au meurtre pour la garder auprès de moi. Paradoxe à la con dont la pensée me soulage pourtant. Je suis certainement malsain, oui. Mes doigts se décrispent doucement et un faible jappement me tire de mes hallucinations au bon moment.

« ..Anette. Où est Elijah? »


La Grahyena encore fraichement évoluée de ma cousine gémit devant l’animosité féroce qui émane encore de moi et se recule en se débarrassant de son collier sur lequel j’avais accroché la Ball bicolore de ma Démolosse, avant de fuir ventre à terre dans la direction que Riku a emprunté pour partir. Au moins elle aura pensé comme je lui avais demandé, à faire rentrer Elijah en cas de pluie. Je ramasse la sphère et continue mon chemin. Si les deux chiennes sont arrivées ici, leur flair n’aura probablement rien trouvé de plus à cause du déluge qui a tout délavé depuis plusieurs heures. Celui-ci se calme enfin, par ailleurs, aussi brusquement qu’il avait commencé, et le ciel se dégage progressivement pour faire apparaitre une lune à la lueur fade. Je reprends la route dans cette demi-nuit, et une partie des reliefs avoisinants attire soudain mon attention. Une corniche, vers la chute de la falaise, là ou la roche termine pour laisser place à plus de terre et de sable, me semble abimée, recouverte de débris familiers comme ceux que j’avais trouvé au début du pistage. Je déglutis en voyant la falaise tomber à pic et le vent souffler avec force à cet endroit précis du littoral. Ma tête peine à rester froide et à ne pas envisager le pire des scénarios, et c’est là que Chris parvient à me rejoindre. Si il est dans le coin, alors j’ai une chance cocu, ou pas, si le gamin s’est noyé. Dans ce cas, c’est une chance tordue et bien poisseuse. Chris vole avec lourdeur et tente de se tenir droit lorsqu’il parvient enfin à ma hauteur. Voler sous la pluie n’a pas pu lui être bénéfique, mais son implication dans cette traque en dit bien assez long, que j’adresse un tapotement affectueux et reconnaissant à la tête de mon ami. Le Scorvol s’envole de nouveau quand je lui demande d’aller explorer la falaise en contrebas. Alors que je me penche pour surveiller l’opération Chris se met à gueuler devant sa découverte. Un tunnel dans la falaise. Bon, espérons que ce soit le bon. Chris me transporte à l’entrée de cette grotte de fortune creusée à même la falaise à partir d’anciens abris crées par les bestioles du coin. Je me faufile avec empressement et l’anxiété de ce que je trouverais m’envahissant. Après quelques mètres, je me retrouve dans une sorte d’espèce plus large, comme une grotte, faiblement éclairée par une lampe de poche en fin de vie. Une respiration familière me parvient. Je dégringole l’air hagard dans ma hâte au cœur cet abri de quelques mètres cubes en apercevant la silhouette chétive recroquevillée au milieu de ses alliés.

« … Ludwig!! »

Je n’ai soudainement plus aucune force et m’affaisse sur le sol, sous le regard apitoyé de Zak, l’Onix chromatique qui veille sur ce beau monde. A mon arrivée sonore, le garçonnet endormi s’ébroue avec ses Pokémon et se retourne sur le dos. D’ici il n’est seulement éclairé que par la lumière un peu blafarde de la lampe, mais je peux voir sa pâleur et les bleus et les éraflures de son visage et de ses bras.

« Giratina de mes deux! Qu’est-ce que tu fous là?! Je te cherche depuis… j’en sais rien, trop longtemps! »
« ..Venu. »
« Hein, quoi?! »
« Je suis content que tu sois venu.. »
« … Je-- On rentre à la maison, pas le temps pour tes histoires! T’as l’air d’être à moitié mort, putain, tu sais combien de temps je t’ai cherché et comme je me suis inquiété?! Qu’est-ce qui t’as pris?! »
« Je sais pas… »
« Scheize.. Je m’en fous, en fait… »


Je tape du poing sur le sol rocailleux alors que l’envie de chialer me vient et que je me mord la lèvre pour ne pas céder. Je commence à être crevé, de tout ça. Et, plus que jamais je comprends pourquoi l’envie d’abandonner ses responsabilité vis-à-vis de ses gamins est venu à Helmut. Ce gamin sera ma perte. Et le pire c’est que cela me fait marrer intérieurement, sarcastique à l’égard de mon propre sort. Si j’avais su..

C’est l’heure de rentrer, je n’ai pas idée de l’heure réelle, et qu’importe, je sais juste qu’on risque de beaucoup dormir. Le retour est pénible pour Chris qui peine à voler, et Zak encore épuisé. Les choses se facilitent quand Lizbeth et Valkyrja arrivent en renfort, comme elles avaient continué à patrouiller dès la fin de la pluie, et que j’avais fini par appeler le Château, histoire de prévenir tout le monde. Est-ce que Riku était  là pour l’apprendre? Pour transporter les alliés plus légers de Ludwig, c’est le moment que choisit l’Insécateur pour terminer de prendre sa forme évoluée écarlate, me tirant un sourire sincère de fierté au travers de ma fatigue. Rentrons à la maison.
Aussitôt arrivés, j’envoie Ludwig dans un bain chaud et lui demande de se changer rapidement. Ce dernier tousse et grelotte encore en allant au lit, et moi-même je renifle beaucoup même après m’être changé et bandé mes griffures au niveau du cou. Comme je m’y attendais, la maison est bien calme, Riku est peut-être déjà partie avec ses alliés. Il est encore probable qu’elle reviendra chercher ses affaires restantes dans les jours qui viennent. Je n’ai plus la force de m’agacer, même si des nœuds douloureux restent dans ma gorge et dans le creux de mon estomac. Tant pis,  ça nous pendait au nez, cette dispute. Probablement qu’on en avait tous les deux aussi peur. Mais Riku a fini par choisir. J’aurais espéré qu’elle reste, mais elle a décidé de faire sa propre vie de nouveau, pour le moment. Probablement pour de bon. Ludwig est déjà couché dans son lit quand je remonte pour lui donner quelques médicaments pour sa fièvre et sa toux, et termine au passage de mettre quelques pansements sur ses éraflures aux bras et aux genoux. Il va passer les prochains jours dans son lit, cet enfant. Il renifle et me sourit. Je ne réponds qu’à peine. Une seule chose me préoccupe.

« Pourquoi tu as fait ça, Ludwig? T’enfuir, comme ça? Tu sais que les falaises, quand il fait mauvais, c’est hyper dangereux! Qu’est-ce qui t’as pris?! »
« Bah… T’étais pas là ce soir… tu voulais pas me voir, hein? J’étais super triste, moi, et Riku arrêtait pas de s’énerver.. Alors, bah… j’ai pensé fort à Irina comme tu m’as dit de faire. Elle est venue, et elle m’a dit que.. Si je m’enfuyais ou s’il m’arrivait quelque chose, tu viendrais forcément me chercher! Alors.. »


Je tape du poing sur le matelas, passablement paniqué et mis en rogne par ces annonces. Qu’est-ce qu’il raconte encore comme bêtise?! Irina? Ah, bordel c’est vrai que c’est moi qui lui en ait parlé. Car je n’ai pas le courage de lui avouer qu’elle bouffe juste les pissenlits par la racine depuis 7 ans maintenant! Je m’emballe, et ne contrôle que peu mon ton devenu agressif. A ma surprise, Ludwig ne se laisse pas démonter, et me répond d’une voix semblable, l’air boudeur.

« Ne refais jamais ça. »
« Mais, tu es vraiment venu! Et j’avais pas vraiment peur car  Irina m’a guidé! J’ai été courageux, hein? »
« C’était une énorme bêtise… Tu aurais pu mourir! »
« Mais, Alex… C’était parce que.. »
« Je sais que je ne te montre peut-être pas assez d’attention, que peut-être tu penses que je ne t’aime pas assez. Peut-être que ouais, j’aurais du être la ce soir, pour manger le gâteau que tu avais préparé. Mais, en fin, chercher des.. Il faut pas faire des choses comme ça, Ludwig..!  Et—Et tu comprends pourquoi il ne faut pas, hein?! Tu comprends que tu ne dois pas risquer ta vie, même si c’est Irina qui te le demande?! »


Je m'emballe et ma voix tremble dans ma panique et mon empressement. Le gamin ferme son clapet et baisse les yeux, son regard bleu s’emplit de tristesse. Il semble perdu. Il ne comprend plus ce qui se passe. Et ça va encore être ma faute, hein. Bah, oui.

« …Mais Irina.. C’est pas un peu comme dieu? Enfin, elle a toujours raison, non? »
« Irina n’est pas dieu. Et même si elle l’était, eh bien, faire tout ce que te dit un dieu, c’est vraiment stupide. Tu dois prendre tes propres décisions. »
« Mais… J’avais plus peur de rien. Irina m’a dit que si je la suivais j’aurais plus peur, et tu serais plus jamais méchant avec moi. »
« .. Tu as encore de la fièvre, tu dois dormir, maintenant. »
« Mais-- »
« J’ai besoin de repos, moi aussi. »
« Alex… »
« Dors. »


Probablement n’aurais-je jamais du raconter tout cela à Ludwig. Je déglutit avec difficulté par-dessus cette boule qui ne quitte plus ma gorge, en regagnant ma chambre et mon lit. Je ne trouverais plus la force de me relever avant d’avoir repris quelques heures de sommeil. J’ai probablement fait une belle connerie, en lui confiant tout ça, à propos d’Irina, lors de notre balade à Amanil. J’avais oublié à quel point le monde de l’imaginaire d’un enfant de six ans peut-être infiniment puissant. Sauf que ce genre de choses, pour l’avoir fait moi-même, je sais qu’il faut être dans un état second pour en arriver là.. Ces questions seront à poser plus tard. Pour le moment, je sombre dans un sommeil qui fait taire mes dernières interrogations. Loué soit le sommeil, tout de même.
Évolution de Valkyrja.
Bon anniv²!
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