Have Mercy [PV Adélia]

Have mercy

feat. Adélia Turnac

Cela devait faire dix bonnes minutes que le camion s’était arrêté, plongeant ainsi les soldats l’habitant dans le noir le plus total. La tension était palpable dans le véhicule. Aucun son ne pouvait se faire entendre, hormis la respiration incertaine de ces boucliers humains qu’on avait envoyés aujourd’hui dans cette mission que chacun avait accepté sans trop comprendre de quoi il s’agissait. Jake faisait, en tout cas, bien parti de ceux-ci qui ne savaient pas dans quoi il s’était embarqué en grimpant dans la camionnette, souriant comme à son habitude. Le jeune châtain n’avait toutefois pas osé demander à ses camarades pourquoi ceux-ci semblaient si terrifiés de prendre part à cette mission spéciale. Lorsque ses supérieurs avaient approchés le jeune homme pour lui demander de remplacer l’un de ses camarades qui s’était désisté le jour avant la mission, le soldat n’avait pu qu’hocher la tête avec énergie, rempli de fierté qu’on lui fasse ainsi confiance. « C’est une mission importante, Jake », qu’on lui avait dit, et ainsi, c’était avec sérieux que le jeune homme était monté à bord du véhicule un peu plus tôt dans la soirée.

S’il n’était pas certain d’avoir bien compris tous les détails lors du débriefing, le châtain avait tout de même pu comprendre qu’il s’agissait d’une mission « d’extermination de la vermine rongeant la ville », comme avait pu l’exprimer le chef d’escouade. Et par la vermine, on voulait bien entendu parler de Résistants installer dans un vieux hangar de Zazambes transformé en planque. Ces rats, comme ils avaient été désignés, préparaient un raid vers l’un des entrepôts à armes du Régime, pour éventuellement s’en servir contre eux. Il était donc important de les maitriser avant que trop de dommages soient faits. C’était donc pour cet raison que ce soir, six jeunes hommes tremblants s’étaient retrouvés dans ce camion. Ce n’était à présent plus qu’une question de temps avant que la viande soit jetée dans la planque pour tirer sur tout ce qui bouge.

-Si j’en vois un qui sort avant que le dernier coup de feu soit tirer, je m’en occuperai personnellement, compris?

N’attendant pas réellement de réponse, le chef du groupe avant ouvert en grand la porte de la camionnette, faisant signe aux soldats de se diriger vers la baraque. Silencieux, les soldats s’étaient exécutés, formant deux groupes de trois, afin de se diriger vers les deux seules sorties de la planque. Jake, accompagné de deux soldats qu’il ne connaissait que très peu, s’était diriger vers la porte arrière. De par la rouille la couvrant, celle-ci ne semblait pas avoir été ouverte de puis un certain temps, et pourtant, un filet de lumière pouvait tout de même s’échapper de ses craque, ce qui prouvait l’hypothèse des supérieurs : une bande de rats s’y trouvait bel et bien. Alors que les ordres s’échappaient de la radio des soldats, les trois soldats se regardèrent une fraction de seconde, et avant que l’un puisse protester, la porte fut défoncée d’un coup de pieds.

Des hurlements. Des cris de terreur. Et des coupes de feu. Tout se passait bien trop vite pour que Jake ne puisse réellement comprendre ce qui se passait. Les deux collègues du jeune soldat s’étaient glissés dans le hangar, trainant le châtain avec eux pour éviter qu’il prenne la fuite, comme leur avait indiqué le chef d’escouade. Une fois à l’intérieur, ce fut le bain de sang. Des hommes, des femmes, peu leur importait. Une fois mort, cela ne faisait plus grande différence. Il ne fallut pas bien longtemps avant que les Résistants prennent les armes à leur tour. Les balles volaient dans tous les sens, heurtant les membres d’un bord et de l’autre. Et si l’un des collègues de Jake tomba rapidement sous les balles, cela n’allait nullement faire reculer les deux autres soldats.

Malgré la terreur qui envahissait enfin le châtain, celui-ci n’avait nullement l’intention de baisser les bras. Tirant sur tout ce qui bougeait comme on lui avait si bien enseigné, le jeune soldat avançait non sans mal à travers le carnage. Les ordres étaient claires, il n’était pas question qu’il sorte tant que le dernier des Résistant n’aurait pas été neutralisé.

« Ici Bullet, ils sont trop nombreux, il faut se replier! Je répète, il faut se replier, ils –»

Un hurlement strident pu se faire entendre un peu plus loin, sans doute où se trouvait le deuxième groupe. Puis un autre, et un autre. Et encore un. Un frisson parcouru le corps de Jake, alors qu’il réalisait ce qui était en train de se produire. Ses collègues étaient en train de tomber comme des mouches, et bientôt, ce serait son tour. Il allait très certainement subir le même sort que les autres. Il allait mourir ici. Terrifié, le jeune homme s’apprêtait à prendre la fuite, et sauver sa peau. Les ordres n’existaient plus, dans l’état où le soldat se trouvait. Mais alors qu’il s’apprêtait à atteindre la porte, une main s’empara de son collet, le ramenant brusquement à la réalité.

-Putain mais tu fout quoi, sac à merde...? On a pas fini ici! Je retournes pas récurer des chiottes moi! On sort pas tant qu’ils sont pas tous mort ces cons!

La respiration haletante, la tête tournante, Jake n’était de toute évidence pas en étant de comprendre quoi que ce soit de ce que lui racontait son camarade. Ainsi, il tenta de nouveau de fuir, mais cette fois, il fut rapidement ramené à lui par une vive douleur lui traversant de bord en bord la cuisse! Une chaleur vive s’y propagea rapidement, et bientôt, le jeune homme s’effondra sous son propre poids, juste à temps pour éviter une balle volant dans sa direction, pour plutôt atteindre le dernier de ses camarades encore en vie. Ils étaient donc tous morts. Tous, et bientôt, ce serait son tour. Hurlant de douleur, le châtain s’était trainé de peine et de misère vers un vieux tas de déchets empilé dans un coin, espérant ainsi que les Résistants, qui s’étaient pour la plupart mit à fuir, ne le remarqueraient pas, et le croiraient mort. Mais vu les hurlements qu’il poussait, cela avait bien peu de chances d’arriver...

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Have Mercy

feat. Jake Morgans

Le coup de feu me tire un cri et je me réfugie aussitôt contre le sol en couvrant mes oreilles. Je m’écorche genoux et coudes contre le bitume que j’heurtes avec brutalité dans une tentative de les éviter. Mais d’autres retentissent. Je ne peux leur échapper. Ils se multiplient tandis que je crie plus fort pour ne pas les entendre, le cœur affolé, le sang battant furieusement à mes tempes. Je sens quelque chose contre mon dos et me débats avant de réaliser qu’il s’agit de Pumpkin, mon Emolga. Je gémis péniblement avant de me redresser, secouée de violents tremblements. L’altercation se poursuit, quelque part, loin, ou près, je ne saurais dire. L’affolement embourbe mes sens et mes réflexions. Je n’ai de réflexe que celui de courir, abandonnant contre la chaussée le sac de carton contenant mes courses. Mes pas se font maladroits, désordonnés. Mon alliée peine à me suivre alors que je déambule sans direction dans les rues de Zazambes, cherchant désespérément à rejoindre la maison sur un chemin que je connais pourtant par cœur, là où j’aurais pu faire appel pourtant à ma Gardevoir. Plus rien ne fait de sens que ma survie. Ce matin là où ils ont surgit dans ma maison, où ils ont assassiné mon père et violé mon existence, je n’ai pas couru. Mais maintenant, je sais ce que ces coups de tonnerre signifient. La mort.

Au détour d’une ruelle, je tombe nez à nez avec un corps désarticulé, abandonné à son sort parmi les déchets. Je me fige, je m’arrête. Mon estomac se retourne mais je résiste en entendant les cris qui s’échappent de ce que j’ai d’abord cru de cadavre. Je n’ai guère le temps de m’y attarder, car une silhouette costumée court en notre direction et braque son arme sur le blessé, prête à l’achever. Aussitôt le cri jaillit de ma gorge, suraigu et affolé. Par instinct, Pumpkin réagit aussitôt. Un éclair vient percuter de plein fouet l’homme armé qui s’écroule comme une poupée de chiffon au sol. Je hurle de plus belle, les larmes ruisselant contre mon visage alors que la peur me traverse, profonde et brutale. Mes genoux cèdent contre mon poids et je déchire mon pantalon déjà abîmé de ma précédente chute. L’Emolga a beau me secouer, je ne suis plus tremblements et sanglots. Puis surgit Eden. Pumpkin doit l’avoir libérée. Mais sitôt elle paraît devant moi qu’un sentiment de bien-être m’envahit, venant affronter mon désarroi. Je prends un temps pour me calmer, longtemps même, tandis que l’autre souffre. Et c’est pendant que mes sens s’attisent de nouveau que je remarque l’uniforme porté par le blessé qui crie sa douleur. Le rouge couvrant le blanc, le masque qui dissimule ses traits probablement tirés de par la souffrance ressentie. Il se battait, avec un Résistant, qui gît maintenant à quelques pas, inconscient. Combien d’autres a-t-il tué avant de tomber lui-même sous les balles?

Ma tête bourdonne. Je suis encore assaillie par la violence des instants récents. Mes mains tremblent encore tandis que la Nanméouïe m’aide à me redresser tant bien que mal pour me pencher vers le soldat. Le soldat du Régime. Pendant un instant, mes traits se peignent de mépris. Il aura été un de ceux, peut-être, à la Grande Maison. Ou encore lors de la rafle de janvier. Ou parmi les soldats ayant tiré sur les innocents lors de la marche pacifique. Il est peut-être l’un des chiens nous ayant poursuivis, ma sœur et moi, lors des funérailles clandestines de ma mère. À la quantité de sang qu’il perd, je n’ai aucun doute qu’il sera retrouvé par un de ses ennemis ou qu’il mourra de ses blessures. Dans tous les cas, si je le laisse à sa misère, je n’aurai crainte des conséquences. Ici je peux l’haïr sans craindre les représailles. Il est à ma merci.

«Donne-moi une bonne raison de t’aider, soldat. Ou devrais-je dire assassin.»

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Have mercy

feat. Adélia Turnac

La douleur. C’était tout ce à quoi le jeune soldat pouvait penser en ce moment. La douleur vive lui traversant la cuisse. Brulante, déchiqueté, et mouillée d’un liquide que le jeune châtain ne connaissait que trop bien, même si, jusqu’à présent, il n’avait jamais réellement eu à faire face au sien. Jake avait toujours été relativement chanceux, et ainsi, malgré les nombreux affrontements auxquels il avait eu à faire face dans sa courte vie, il n’avait jamais été réellement blessé. Du moins, jusqu’à aujourd’hui, alors qu’il hurlait de douleur et de peur, et alors que son propre sang s’échappait de sa plaie.

Le regard rivé sur le trou ensanglanté qui s’était formé sur sa jambe, le soldat n’avait plus du tout conscience de ce qui se passait autour de lui. Les cris étaient lointains, tout comme les derniers coups de feu qui retentissaient encore. Ainsi, le jeune homme n’avait même pas remarqué la présence s’étant approché de lui, pointant froidement son arme sur lui, prête à le faire taire à tout jamais. Sans doute n’aurait-il rien remarqué si l’autre avait tiré, et ainsi, sans doute se serait-il éteint sans douleur, sans peur. Mais de toute évidence, la vie n’en avait pas terminé avec le jeune grassouillet. Un cri aigu se fait entendre, ce qui tire brusquement Jake de ses pensées. Le jeune homme relève la tête juste à temps pour apercevoir un homme s’effondrer devant lui, percuté de plein fouet par un éclair sorti de nulle part. Plus terrifié que jamais, le jeune Morgans s’était remis à hurler. Il ne comprenait absolument rien de ce qui se passait devant lui, mais il y avait bien une chose qu’il savait : il avait raison d’avoir peur. Car si celui qui avait pointé son arme sur le soldat était à présent hors d’état de nuire, une autre silhouette était venue se dresser devant lui, pour lui offrir un regard des plus haineux. Le ton sec, la jeune femme venait d’exprimer dans ses quelques mots un long discourt de haine. Jake avait aussitôt compris qu’il était bien loin d’être sorti d’affaire.

Les larmes coulant à flot contre ses joues, le jeune homme avait cessé de hurler. La peur lui avait cloué le bec, et à présent, il ne pouvait que se contenter de couiner, cherchant du regard un moyen de s’en sortir. Mais avec la douleur qui régnait dans son corps, il était de toute évidence hors de question de se mettre à courir.

-Je veux rentrer chez moi, s’il-vous-plait madame je veux pas mourir! Je veux rentrer à la maison!

Le soldat s’était mit à pleurer de plus bel tout en s’agitant, alors qu’il se laissait petit à petit gagner par la panique. Peinant à présent à respirer, le châtain avait retiré son masque, sans même songer aux conséquences que cela pourrait avoir, si jamais, par miracle, il s’en tirait sains et sauf.

-Pitié madame... Je veux juste rentrer...

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Sujet: Re: Have Mercy [PV Adélia] Mar 14 Mar 2017 - 1:00

Have Mercy

feat. Jake Morgans

Sa douleur, je saurais la décrire. Même si aucun mot ou geste ne suffit probablement à lui rendre justice, je devine cette souffrance parmi les lignes creusées et tendues de son visage livide, humide de sueur et de larmes. Dans ses yeux rivés vers moi, suppliant, les yeux d’une bête que l’on a traqué et qui se meurt parmi les déchets, ce prédateur qui aura mordu la mauvaise proie et qu’on aura vengé. Je vois sa mort, la vie qui s’échappe de sa plaie béante, qui couvre le sol de son odeur métallique et de sa violence. Il mettra longtemps. Maintenant qu’on ne le cherche plus, son existence se moquera longuement de lui, l’apaisement ne viendra qu’après une éternité à laquelle j’ai formulé l’envie d’assister. La vengeance pulse contre mon crâne, se réverbère à chaque respiration jusqu’au fond de mon âme. La colère et l’amertume m’aveuglent, je me perds dans la chute inévitable de l’âme humaine vers la déraison, l’égoïsme et la brutalité animale. Nous ne sommes, au final, que deux victimes collatérales d’un contexte barbare, les condamnés sans jugement. Sauf qu’aujourd’hui, peut-être, je ne supporte plus le rôle de victime. Aujourd’hui, peut-être, je me ferai juge et bourreau. Bien sûr, son plaidoyer s’éteint en supplications futiles. À quoi bon écouter les arguments de l’assassin, du menteur, de celui qui préfère répondre d’ordres plutôt que d’assumer son humanité? Ne reçoit-il pas là la punition attendue aux actes qu’il a probablement commis?

«Réponds-moi! Combien d’innocents as-tu tués? Pourquoi devrais-je t’épargner? Pourquoi devrais-je te sauver ou te traiter autrement que le meurtrier que tu es? Qu’est-ce qui m’assure que demain, tu ne tueras pas un membre de ma famille ou un autre être cher?»

Ma voix ne tremble pas. Je rugis. Chaque mot telle une arme, chaque mot l’expression d’un doute. Je chavire, à réaliser l’ampleur de mes désirs. Ô combien j’ai cru être épargnée de la noirceur qui guette les hommes. Inaccessible aux funestes caresses qui poussent à commettre l’irréparable. Sourde aux voix sinistres qui nous intiment au mal. J’ai désiré être lumière, être bonté, prouver que je valais mieux que ce que j’ai pu subir par le passé. Et j’ai refoulé, repoussé les possibilités, défait les argumentaires logiques pour ne suivre que ma voie, mes valeurs. La morale et l’éthique ne m’ont jamais semblé si loin, ne subsiste que de froides statistiques et un monde de possibilités. Car je n’ai pas dit faux. Si aujourd’hui je pose le geste de l’épargner, de lui permettre de se relever de sa blessure, alors il pourrait réellement revenir me chercher, se souvenir de cette jeune femme s’étant tenue devant lui avec la rage dans ses prunelles et ses poings refermés. Il pourrait trouver mes proches, les torturer ou me les arracher. Car le Régime n’oublie pas, mais moi non plus. Je fais un pas vers l’arrière.

«Tu veux rentrer? Sais-tu que pour ceux ne portant pas cet uniforme, chaque soir où nous rentrons est une bénidiction? Sais-tu que chaque nuit, nous attendons le retour de nos proches, brisés d’angoisse, et que nécessairement, nous en perdons? Si je te laisse mourir aujourd’hui, peut-être que mes proches seront épargnés, une journée de plus. Il ne s’agira que d’une vie pour épargner des dizaines d’autres, des dizaines de familles qui n’auront pas à vivre ce deuil.»

Je sens une patte contre ma cuisse. Éden tente de me calmer de ses énergies positives et tranquilles, mais je lui échappe. J’ai rivé mon regard, méprisant mais surtout dévasté par trop d’horreurs. Dans quel monde devons-nous vivre? Je suis l’agneau qui se plaît à voir le loup souffrir avant sa mort. Je suis fatiguée de courir. L’odeur du sang me rattrape. Il nécessite des soins immédiats. Je le sais. Je suis médecin. Je connais les conséquences de chaque minute écoulée, chaque goutte de sang gaspillée. Comme tant d’autres.

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Sujet: Re: Have Mercy [PV Adélia] Sam 18 Mar 2017 - 13:34

Have mercy

feat. Adélia Turnac

Sa respiration était saccadée, entrecoupée de pleurs et de couinement. La jeune femme qui se tenait face au soldat pouvait probablement lire la peur sur son visage, et pourtant, cela ne semblait absolument pas l’adoucir. Même qu’au contraire, les plaintes de Jake semblait plutôt avoir amplifié la haine que celle-ci pouvait éprouver envers le jeune homme. D’un ton sec, elle le fit taire. Elle réclamait des réponses à des questions qui, ne nous le cachons pas, était bien trop profondes pour les capacités de raisonnement du châtain. Combien d’innocents Jake avait tué? S’il avait tué, ça n’avait toujours été qu’en réponse aux ordres, et d’après ce qu’il avait compris, il ne s’était jamais agi d’innocents. Comme un bon petit toutou bien obéissant, le jeune homme avait toujours respecté les ordres, et n’avais jamais abusé de son pouvoir en terrifiant les civils. Les seuls qui avaient périrent sous son arme étaient ceux qui créaient le chaos sur l’île; ceux qui méritaient de payer pour leurs crimes.

-Moi j’ai jamais tué des innocents, c’est promis! Je suis pas un meurtrier, moi! Je veux juste rentrer à la maison…!

S’il aurait pu se lancer dans les discours qu’on lui apprend depuis son entrée au Régime, Jake n’en fait cette fois rien, bien trop préoccupé à paniquer. Le jeune homme n’a tout simplement plus la force ou la concentration nécessaire d’expliquer à la jeune femme que son groupe est là pour répandre la paix, et faire taire la Résistance qui sème la violence et la peur sur son île bien aimée. Il n’a plus la force de défendre son groupe, ni même d’attaquer le camp adverse. La seule chose à laquelle il parvient à penser, c’est sa maison. Sa chambre, dans laquelle il ne désire que s’enfermer. Le jeune soldat s’imagine déjà se glisser sous ses couvertures, et s’y cacher durant les prochains jours. Loin des conflits, loin de la violence. Il voudrait retrouver cette sécurité et ce confort, mais de toute évidence, son agresseuse n’a nullement l’intention de le laisser s’en sortir aussi facilement. De nouveau, celle-ci repart à l’attaque, dans un argumentaire qui parvient de moins en moins jusqu’au jeune homme. Elle parle de ses proches, de les perdre. Mais le reste, Jake n’en comprend qu’une mince partie. Après tout, à quoi s’attend-t-elle? Le prend-t-elle pour une machine? Capable d’argumenter dans la peur et la douleur? Comment peut-elle-même faire appel à l’argument de la peur et de la souffrance, alors que sa cible est lui-même en train de tranquillement défiler vers sa propre fin?

N’en pouvant plus de ce sermon et de ses accusations, le jeune soldat se remet à hurler, implorant son interlocutrice, ou qui que ce soit d’autre possédant ne serait-ce qu’une once d’humanité de l’aider. Et si hurler et supplier n’était pas suffisant, alors Jake commençait à se dire que son heure serait possiblement arrivée…

(c)Golden

Have Mercy

feat. Jake Morgans

La danse m’épuise. Un pas en avant, un en arrière. Une valse indécise entre deux pôles contraires à moi-même. Ma lumière s’éteint, et sans elle impossible de résoudre ce paradigme. J’aimerais dire que l’insistance d’Éden contre ma cuisse, la supplication de ses yeux, suffit à me convaincre d’aider un autre être humain, mais rien n’est si simple. Surtout pas aujourd’hui, surtout pas maintenant. On dit que l’on se forge de nos décisions, on dit qu’elles font ce que nous sommes. Je sens qu’aujourd’hui, celle que je prendrai me redéfinira dans mon entièreté. Je le regarde, lui qui souffre par hoquets et sanglots, lui s’étrangle de la mort qui grimpe contre sa gorge. Qui le guette. Cette mort qui me regarde à travers ses larmes. Qui me juge. Celle-là même qui m’a volé une part de mon existence, une part de mon identité, celle-là qui hante mes cauchemars. Je frissonne tout entière à le voir pour la première fois. Il est jeune. Il est effrayé. L’ont-ils brisé déjà? Ont-ils joué de ses idées, ont-ils teinté son jugement? Qui suis-je pour juger? Les questions s’accumulent. Le temps passe dans un nouveau silence soupesé de doutes et je m’enfonce dans un profond trouble. Ce que je croyais éteint depuis le premier coup de feu dans la ruelle ressurgit, une force, un besoin. Celui de sauver. Je dois le sauver. Au-delà de l’uniforme, au-delà des idées, au-delà des gestes commis par lui ou par d’autres. Il est un être humain. Et moi aussi. Pourquoi cette idée me semble-t-elle si nouvelle tout à coup?

J’encaisse ses supplications. Éden me regarde toujours dans l’espoir d’orienter ma décision. Sage, pure, créature. Elle aussi, elle a perdu une mère aux mains du Régime. Elle est née couverte de son sang. Je me demande quelle force l’anime pour lui permettre de pardonner. Alors que je me penche auprès de l’homme en blanc, l’indécision continue de m’écarteler. Je sors de ma poche un canif, un outil plutôt qu’une arme, dont je me sers pour déchirer le pantalon du blessé, m’offrant une meilleure vue sur la blessure. La balle s’est fichée profondément dans la chair sans toutefois toucher les os d’après ce que je peux en juger du premier coup d’œil. Ici, je n’ai pas les ressources nécessaires pour la retirer, mais je peux tenter de ralentir l’hémorragie qui risque de tuer le soldat d’une minute à l’autre. Je me sers de ce que j’ai déchiré de son pantalon pour en faire un garrot autour de sa cuisse. Je fouille ensuite dans mon sac pour en retirer des compresses et un bandage. Heureusement, mon sac à main contient quelques instruments de soin de base. Néanmoins là s’arrêtent mes ressources.

«Comment tu t’appelles, soldat?»

Ma voix est plus douce désormais, mais encore teintée de froideur, d’une dureté qui ne peut être que du mépris. Je me concentre sur la personne qu’il est plutôt que sur ce qu’il représente. Je dois me souvenir sans cesse des individus pour éviter de confondre le coupable de l’innocent. Je me demande jusqu’où l’obéissance est encore innocente. D’une main experte, je nettoie la plaie encore sanglante et la couvre de plusieurs épaisseurs de bandages. Cela sera insuffisant, mais assurera une possibilité nouvelle : celle de déplacer le blessé. Ici, je n’ai pas les moyens d’assurer sa survie et de lui prodiguer les soins nécessaires. Devant l’œil inquiet de Pumpkin et Éden, je fais appel à Anika. Celle-ci se raidit en interceptant le flot d’émotions contradictoires qui me traverse alors que j’essuie grossièrement mes mains humides et rouges contre une lingette.

«Voici mon Pokémon, Gardevoir. Elle peut nous transporter dans un lieu sûr, un lieu où je pourrai te soigner. Tu as bien compris?»

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