Un mois. Un mois déjà que nous sommes rentrés sur Enola, Bambi, Flynn & moi-même. Ou un mois à peine, je ne sais pas vraiment quelle expression est la plus adaptée ici. Qui aurait cru qu'il puisse se passer tant de choses en un si court laps de temps? Pour sûr, le retour tant attendu sur notre île natale a quelques peu bouleversé nos vies, de manière irrévocable. Tout d'abord il y a eu le Tournoi du Nouvel An, le jour même où a atterri notre avion. Le Tournoi & son piège, car le Régime a fait ce jour-là une rafle lors d'une violente attaque sur les lieux de cette petite compét' annuelle. Le Tournoi où pour la première fois (malgré des résolutions premières de rester d'abord loin du conflit pour reprendre mes marques sur l'île), j'ai pris les armes contre le gouvernement dictatorial. Non pas seulement pour défendre ma vie, mais aussi pour protéger ceux qui m'entouraient. J'ai rencontré Emilio Rainbow. Puis j'ai retrouvé Maxwell. & j'ai tué un homme. Max m'a forcée à rentrer chez Maelys alors que je voulais continuer la bataille & trouver mon autre sœur. J'ai dû aider à soigner les rescapés. J'ai rencontré Eugène. J'ai pas tardé à m'effondrer, dès que les blessés ont été hors de danger. J'ai fui le Centre vers la jungle quelques jours plus tard en espérant chasser mes tourments. Eugène m'a retrouvée & aidée à faire le point. Nous nous sommes rapprochés, sommes devenus amis. Quand j'ai rejoint la Résistance, il m'a suivie, nous sommes entrés dans le mouvement comme deux coéquipiers. Les prisonniers ont été libérés après deux semaines. Le père de Flynn est réapparu pour nous confier l'œuf de son second fils avant de mourir. Mélodie est née. Eugène m'a embrassée & la gêne s'est installée. J'ai fui de nouveau, réfléchissant & comprenant la nature de mes sentiments, pour revenir moi-même & lui avouer. Eugène & moi sommes ensemble désormais. Stitch est né. Mélo & lui grandissent vite, c'est fou. Plus ou moins dans cet ordre. La vie suit son cours, agitée, emplie. & moi parfois, je peine un peu à suivre & à faire le point dans tout cela.

Un léger soupir m'échappe alors que je me redresse, au milieu du parc fleuri & désert de Baguin où je me suis réfugiée cet après-midi. Inutile de me tourmenter après tout, globalement ça va, globalement je suis heureuse. Grâce à Eugène notamment, puis à mes pokémons & ma famille. Voilà, un sourire c'est bien mieux, même si c'est surtout la pensée de mon récent couple avec l'assistant de ma sœur aînée qui l'amène. Dans la continuité de mon geste pour me redresser, je me lève finalement véritablement, imitée par mon Vivaldaim qui était allongé sur le flanc, tout près de moi. Sans rien dire, j'effleure sa tête dans une douce caresse encourageante ; je sais qu'il ne se lève que pour ne pas me laisser seule, que pour me suivre comme toujours, car sinon il serait resté réfléchir là. Comme moi, il y a plusieurs jours déjà. Je sais que des tourments l'agitent, des tourments que je vis en même temps que lui & d'autres que je viens de passer. Il commence juste à comprendre qu'il est amoureux, lui aussi, qu'il est loin d'être indifférent à la jolie Cabriolaine qu'a capturé Eugène il y a deux semaines. En un sens c'est un peu drôle de se dire que nous qui avons toujours tout fait ensemble depuis sa sortie de l'œuf, avons même trouvé le moyen de tomber amoureux plus ou moins au même moment.. Qui plus est, moi d'un autre dresseur & lui d'un des pokémons de ce dernier. Enfin, passons. Je n'ai guère le temps de laisser mes pensées dériver trop avec des stupidités dépendantes uniquement de hasards, de toute manière ; mon petit ami vient de passer l'entrée du parc, tournant vers moi un visage souriant qui me fait aussitôt oublier mes bêtises mentales.

- Je savais bien que je te trouverai là.

Un petit rire m'échappe, car c'est là exactement la même phrase que je lui ai dite le jour où il m'a embrassée pour la première fois, quand malgré la gêne qui s'installait entre nous je suis allée le rejoindre. Sans répondre vraiment, je vais à sa rencontre pour me blottir dans ses bras, lui voler un baiser. J'aperçois du coin de l'œil sa petite Cabriolaine, Djali, se diriger timidement vers Bambi ; mais pour leur laisser un peu d'espace je décide de n'y prêter aucune attention, de me concentrer seulement sur mon amoureux qui me serre contre lui en esquissant un petit sourire un peu rêveur. Rêve est un bon mot en fait, pour décrire notre relation. Comme un rêve, quelque chose que je n'aurai jamais osé espéré, un sentiment que je craignais d'éprouver un jour car il mène souvent à souffrir, & qui finalement se révèle si doux.. Un rêve éveillé. Je sais qu'il a souffert, je sais ce qu'il a souffert, mais de la même manière qu'il est toujours là pour moi, je veux être celle qui pansera ses blessures. Je suis heureuse près de lui, heureuse de l'aimer, heureuse que nous soyons deux. À ses côtés je me sens forte, toujours, prête à affronter n'importe quels tourments dans ce monde de fous, rien que pour lui si nécessaire. Je crois que j'y ai enfin trouvé ma vraie place ; elle se trouve dans ses bras, ni plus ni moins. Même si je reste une étincelle, éprise de liberté & de grand air, car cela il l'a compris, il est loin de chercher à m'en priver. J'm'explique peut-être pas très bien, mais je crois qu'on l'aura compris, je l'aime, plus que moi-même.

Je ne sais combien de temps s'est écoulé depuis que mon amoureux & sa Cabriolaine nous ont rejoints, Bambi & moi, dans ce joli petit parc presque jamais fréquenté. J'cherche pas vraiment à compter non plus, cet instant qui est comme hors de la course du temps, si l'on veut, & je veux pas franchement savoir quand viendra l'heure de rentrer. C'est juste un instant de paix pure, de bonheur simple. De nouveau allongée dans l'herbe, ma tête posée sur les jambes d'Eugène qui s'est assis contre un tronc d'arbre, je profite simplement de ces instants avec lui, discutant de tout, de rien, un peu de nous deux aussi, mes doigts liés aux siens. Le cœur léger, détendue & ne pensant en rien à l'agitation de ma vie ces derniers temps, j'aurai presque pu rater l'aveuglante lumière blanche qui vint soudain nous éclairer tous les deux, si sa source n'avait été si proche. Dans un même geste, sans quitter nos positions, mon amoureux & moi tournons le regard vers l'origine de cette vive lueur qu'il a probablement reconnue, lui aussi. Juste à temps pour la voir se dissiper, laissant place non pas à un pokémon évolué, mais à deux, l'une blottie contre le second.. J'ignore ce qui a provoqué le phénomène, mais un magnifique Haydaim aux couleurs hivernales & une non moins belle Chevroum se trouvent désormais devant nos regards éblouis, la femelle se serrant contre le mâle qui la couve d'un regard doux. Aucun commentaire ne m'échappe, pour ne pas risquer de briser leur instant, & Eugène respecte le même silence, serrant simplement un peu plus ma main toujours dans la sienne alors que je retourne les yeux vers lui pour croiser les siens. Seuls deux sourires s'esquissent sur nos visages, simultanément, juste heureux pour nos pokémons qui ont fini par se trouver. De toute manière, les mots ne sont pas vraiment utiles à cet instant.

Un instant paisible & heureux, au milieu d'une vie devenue des plus agitées & des plus compliquées ces dernières semaines. Un instant paisible & heureux en amoureux, c'est juste précieux.