Je suis largué, là. Complètement largué. tellement largué que je tombe sur le cul, littéralement. J'observe le fantôme à mes côtés, enfin, Irma, sa véritable apparence du temps ou elle était humaine. Elle pleure encore en silence, un demi sourire se forme sur ses lèvres quand elle aperçoit Ginette qui a évolué. Elle renifle une ultime fois et se lève. C'est le moment que choisit Christopher pour attérir devant elle, lui barrant la route.

"Chris, laisse-moi passer, je voudrais..."

Avec un claquement de langue, je me relève à mon tour pour m'avancer derrière la jeune fille transparente.

"J'suis d'accord avec Chris. On va pas te laisser là. Racontes-nous plutôt comment tu es morte. On peut t'aider, aussi. Franchement, je serais bien emmerdé sir tu restes dans cette forêt indéfiniment."

Ginette acquiesça et Irma renifla une nouvelle fois, en essuyant ses nouvelles larmes d'un revers de main. Elle contempla le candélabre qu'elle portait dans ses bras et le caressa du bout des doigts, enfin, elle prit une grande inspiration.

"Je suis morte pas très loin d'ici, dans une vielle cabane... Je ne sais pas a qui elle appartenait, mais je m'étais perdue et je cherchais de l'aide, et c'est là qu'il est apparu. C'était... Je ne le connaissait pas, je ne lui avais rien fait, mais il a commencé a me poursuivre, il en voulait à ma vie. J'ai voulu me cacher dans une cabane qui se trouvait là. Mais en m'y amenant, il m'avait amené dans son repère. Et c'est comme ça... C'est là qu'il m'a tuée."

Silence pesant. Est-ce que Irma s'est liée avec moi parce qu'elle avait senti que j'étais un tueur moi aussi. Mais comment faisait-elle pour ne pas souffrir ou m'en vouloir, alors? Peut-être que la raison de sa présence ici, c'était justement de retrouver ce type? Oh, et accessoirement, si je retrouve ce type, je vais le tuer.

"Le problème, c'est que si je retrouve cette cabane, mon lieu de mort, mon âme risque de disparaître pour de bon."
"Ça c'est pas un problème."
"Comment?"
"On va se charger de lui à ta place, conduis-nous à cette cabane."

Pendant que nous parlions, une Rozbouton s'était approchée de nous doucement, et commençait à faire connaissance avec Ginette qui manifestement ne comprenait pas tout l'enjeu de la conversation que j'avais avec le fantôme d'Irma. Finalement, la glace deux boules volante se rendit compte qu'on l'observait fixement et embarrassée, nous emboita le pas après avoir dit au revoir à son amie la petite plante. Le fantôme d'Irma flottait à mes côté, sans quitter son air triste. Je suppose que quand on meurt dans ces conditions, c'est difficile d'avoir vraiment heureuse ensuite, c'est souvent ça dans les films. Puis la tristesse donne souvent aux poltergeist des tendances vengeresses, ce qui expliquerait les côtés assez impitoyables d'Irma certaines fois.

"Ah, au fait, Irma, avant que j'oublie!"
"Euh... Oui?"
"Ça fait quoi de mourir? Enfin, tu sais, on se pose tous la question alors... Eh, me regardez pas comme ça, vous!"
"Dans mon cas, c'était plutôt douloureux."
"Ah, oui. J’imagine."

Ça a jeté un froid, même Chris m'a regardé avec l'air de dire que ma question était déplacée. Irma nous guide encore a travers la forêt. Ça ne change rien au fait que j'ai des tonnes de questions à poser à Irma. Elle est morte, et on rencontre pas souvent une morte, quoi! La mort, j’imagine bien qu'au bout d'un moment, c'est comme si on tombait dans un sommeil éternel, tout devient noir et boum. Enfin, peut-être. Irma n'a peut-être pas envie d'en parler

"Si un type sanguinaire t'as tuée, pourquoi tu restes avec nous, alors?"
"Je me disais bien que tu me poserais la question. Enfin... C'est a dire... Quand tu m'as capturée, j'étais tout juste devenue un spectre, et je n'avais pas retrouvé tous mes souvenirs. Alors, du fait que tu étais un tueur comme mon assassin, j'ai pu retrouver des bribes, et récemment, toutes les images me sont revenues."
"T'aurais préféré qu'on ne vienne pas te chercher, maintenant que tu sais?"
"Tout ce que je sais, c'est que je veux rester avec vous tous. Mais pour ça, je dois le retrouver avant."
"Ah, ça veut dire que tu redeviendra un chandelier, quand ce sera fini."
"Je crois bien que oui."
"Dommage, t'étais mignonne."

A part le fait que quand un fantôme rougit on voit pas vraiment la nuance de rosée sur ses joues, eh bien la forêt est toujours aussi... Sombre. Je me demande de quelle couleur est un fantôme quand il tombe malade, tiens. Ce n'est pas la question car soudain, Irma s'arrête le regard fixé sur un vielle maison un peu plus loin. Les lumières à l'intérieur sont éteintes, est-ce que le proprio des lieux n'est pas là, ou alors, il vit dans le noir, ou alors il dort? Jamais je dormirais dans un taudis pareil yerk.
Un imbécile de Pokémon nyctalope nous fait encore sursauter à surgir de nulle part et j'ai bien envie de l'étrangler! Mais en voyant les regards de mort qu'on lui a lancé, il ne tarde pas à déguerpir.

"Alex, Chris, Gin?"

Nous nous tournons vers la jeune fille fantomatique qui tremble à mesure qu'on s'approche encore de la maison, et qu'on est plus qu'à une dizaine de mètres.

"Vous êtes sur de bien vouloir...?"
"Eh, on est pas venus ici pour rien. T'en fais pas, on se charge de ce type et si tu veux vraiment rester avec nous, y'a pas de raisons que tu disparaisse, pas vrai?"
"Merci..."

Alors que la porte est juste devant nous, un gardien grenouillesque vient nous barrer les route... Et se barre la seconde d'après. Wow. Quel courage, mais on peut pas tous être  la hauteur de Marje, après tout! Après que le Cradopaud ait filé sans demander son reste, je peux enfin pousser la porte de la maison. Et franchement, je m'attends pas a grand choses, bizarrement, mon sang commence à battre à mes tempes, mais pas une once de peur m'envahit. Jamais il m'est rien arrivé de grave, à moi. Je ne connais qu'à peine la douleur physique. Je veux dire, ce qui viendrait d'une blessure grave, le genre de truc dont tu peux crever. Ma vie n'a jamais été réellement en danger. Peut-être qu'elle l'a été durant l'assaut du bloc R, premier du nom. C'est plutôt moi qui met en danger la vie des gens, de manière générale. J'ai pas de tendances suicidaires mais parfois, je me demande ce que c'est vraiment, d'avoir mal. Car si la douleur a toujours été à mes côtés d'une certaine manière, je ne sais pas ce qu'est de se faire arracher un ongle et de craindre que l'autre parte ensuite, ou encore de nager dans son sang et de perdre tout espoir d'être sauvé. Donc, non, ma vie n'est pas en danger ce soir non plus. Ça va être simple. Après tout. C'est pas comme ça que je suis censé mourir.