Vieux souvenirs II

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« … Nat'. »

Silence. L'adolescent se retourna après avoir consciencieusement fermé le sachet de plantes qu'il tenait, inquiété par le ton soudainement sérieux et grave de l'aîné qui le regardait calmement, ayant toutefois une question derrière la tête vu la façon dont ses yeux inspectaient chacun des traits de l'éleveur. Le porc-épic se sentit mal à l'aise d'être soumis à une pareille inspection, d'autant plus que les yeux d'habitude pétillants de son cousin l'observaient dorénavant avec un sang-froid tel que Natsume en fut brièvement déconcerté. Il n'avait eu l'occasion de le voir ainsi qu'une seule fois, en fait. Une seule fois, lorsque, après une dispute plus que violente qui avait poussé le cadet jusqu'à ses limites, Faust avait fini par assister à un déballage de vieux démons de la part de Natsume qui n'avait pas su s'arrêter, trop emporté dans sa colère. Déballage qui s'était suivi d'une conversation longue, complexe et immensément lourde à supporter. Conversation durant laquelle il avait appris l'existence d'une partie de sa famille dont il n'avait que très rarement entendu parler, mais qu'il avait découvert en écoutant Faust.

Et cette fois-ci, le hérisson a ce même air sur le visage. Ce calme qui déconcerte un peu Nat', plus habitué à ses grands sourires niais et à ses exclamations régulières qu'à son silence à la limite du dérangeant. Assis sur un tronc coupé, l'adolescent caresse nerveusement son Chamallot couché sur ses genoux tandis que son Chenipotte s'est posé au dessus de sa tête, comme si il s'agissait du meilleur des nids. Nerveusement, Natsume déglutit. Il se demande, très brièvement, si cela a un rapport avec l'appel téléphonique qu'il a eu il y a une dizaine de minutes à peine ; le moment où il a commencé à agir aussi bizarrement correspond, après tout.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Faust soupire. Il s'adosse à un arbre, puis après quelques petites secondes de silence lourd, très lourd, finit par parler.

« Natsume, où est-ce que Nagisa est partie étudier ? »

Si il y avait bien un sujet que Nat' n'avait pas envie d'aborder, c'était bien celui-là, mais étrangement, Faust paraissait décidé à obtenir une réponse. C'était comme si quelque chose le poussait à agir ainsi, et l'éleveur ne préférait pas deviner quoi.

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Silence. Lourd, pesant et inconfortable silence, de sorte que Natsume aurait de loin préféré discuter du temps de cuisson des pâtes pour détendre un peu l'ambiance au lieu d'aborder un tel sujet. Il ne sait pas vraiment si la tension qu'il sent dans l'air, si épaisse et bourrée de maladresse, vient de sa propre personne ou du regard perçant de Faust qui l'examine en détail, cherchant la trace de quelque chose que Nat' aurait été incapable de définir. Jamais avant, ou du moins depuis qu'ils avaient eu leur conversation à son arrivée, Faust n'avait osé même prononcer le prénom de Nagisa. Il y avait comme un tabou, une forme de respect que le hérisson avait imposé pour ne pas le gêner et l'attrister que l'éleveur respectait énormément, et il lui était reconnaissant de ne pas chercher à jouer les psychologues de supermarché pour se rassurer. Toutefois, aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Il savait que la curiosité n'était pas la motivation principale de son cousin, sachant que celui-ci, lorsque Nat' lui avait raconté les raisons qui l'avaient poussé à venir, n'avait jamais cherché à le pousser à parler pour satisfaire les nombreuses questions qui avaient dû naître dans son esprit. Alors que Faust se mette soudainement à s'interroger ainsi l'intrigue plus qu'un peu.

Il y a comme une sensation désagréable dans sa poitrine, une bulle d'amertume et de mauvaise humeur qui n'attend qu'un seul mauvais geste ou une mauvaise parole pour se percer et déverser son flot d'anciennes rancœurs et de vieilles peurs. Il déglutit. Machinalement, sa prise sur son Chamallot se raffermit un peu, de sorte que Toshiro doit repousser légèrement sa main pour lui indiquer que la sensation est plus désagréable qu'autre chose. Natsume s'excuse rapidement, puis pousse un grand soupir. Il sent Faust s'appuyer contre lui, de sorte qu'ils sont maintenant dos à dos, et il expire profondément, l'air mal à l'aise d'avoir causé une tristesse certaine à son cousin.

« Je sais que tu n'as pas envie d'en parler ; je t'assure que je ne te questionne pas pour rien, néanmoins.
- Alors pourquoi … ?
- Fais-moi confiance. S'il te plaît. Je t'expliquerai tout quand il le faudra.
- Comment suis-je supposé te faire confiance quand tu ne veux rien me dire ? »

Il sait que sa voix est devenue plus acide. Qu'un petit aspect d'amertume y traîne comme ça, et devant cette répartie cinglante, Faust soupire tout juste, las, comme habitué à avoir cette discussion dorénavant. Natsume ne connaît pas assez Faust pour ricaner de l'ironie de sa supposition pourtant hasardeuse et naïve.
Un petit silence est revenu. Néanmoins, l'adolescent sent le besoin de parler.

« Sinon, t'es sûr que t'as mis du déo avant de partir ? J'dis pas que tu fouettes, mais y a comme une odeur de m...
- Nat'... » soupira l'aîné, las.

Plaisanterie née uniquement dans le but de se rassurer. Faust, toutefois, ne rentre pas dans son jeu, l'air morose. Cela ne fait que l'angoisser davantage, se demandant ce qui peut bien causer une pareille préoccupation chez lui qui est pourtant si souriant et plein de bonne humeur d'ordinaire. Même apercevoir une Moufouette de loin ne fit pas bouger le conseiller.

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Il aimerait désespérément pouvoir s'enfuir en courant, à l'instant. Ne pas avoir à penser à ça, pouvoir s'enfuir et ne jamais, ô grand jamais regarder derrière lui car il sait qu'il n'est pas capable de gérer ça. Ça n'a jamais été le cas. Il a bel et bien fui du Japon après tout, même s'il préfère dire qu'il est parti uniquement pour ne plus avoir à regarder son père et à supporter sa présence qui devenait insupportable, et ce malgré tous ses efforts les plus intenses. Peut-être que c'est ça, la haine. Natsume n'est du pas genre à haïr ; il n'a jamais rencontré personne qui puisse ainsi provoquer de pareilles émotions amères en lui. Pourtant, il est du genre à se battre et à se disputer souvent, tellement souvent qu'il allait probablement encore s'engueuler avec Faust dès ce soir au sujet de l’assaisonnement du popcorn. Mais néanmoins, aussi rancunier qu'il soit (et bon sang d'Arceus il l'est), il n'a pas une seule fois autant désiré frapper quelqu'un que son propre père. Ce n'est pas leur lien de sang qui va arrêter Natsume dans sa haine ; les gens peuvent bien dire que 'le sang est plus épais que l'eau', mais le yaourt l'est aussi. Enfin bref. Tout ça pour dire que même si il abhorre son père, c'est véritablement le départ de Nagisa qui l'a, par son absence en fait, poussé à partir. La simple vision de sa chambre vide suffisait parfois à lui mettre les larmes aux yeux lorsqu'il était d'humeur mélancolique et qu'il devait y faire le ménage. Difficile de ne pas pleurer lorsqu'il faisait la poussière de son bureau et y trouvait une photo laissée là, représentant sa sœur et lui avec leur mère, d'ailleurs.

Ils ne font aucunement attention à la Parecool qui est tout près d'eux. Ce n'est pas ça qui les intéresse, du tout. Faust ne dit rien depuis tout à l'heure, attendant un signe de l'adolescent ; signe qui ne viendra jamais étant donné son entêtement, mais le conseiller veut tout de même, autant pour satisfaire son propre ego que pour donner un signe de respect au cadet, lui accorder le temps nécessaire pour répondre. N'obtenant pas ce qu'il désire, Faust poussa un énième soupire excédé et se décida à parler, un peu las d'avoir en arriver à de telles extrémités, d'autant plus qu'il aurait préféré que cette conversation se termine rapidement pour ne pas avoir à mettre des tonnes de sel sur une plaie béante et loin d'être en voie de guérison.

« Nat', s'il te plaît. »

Silence, encore. Le conseiller ne peut que se demander s'il n'a pas été maudit par les dieux avant de naître, ce qui ma foi expliquerait ses cheveux très discutables.

« … Madrid. Elle est partie à Madrid. »

Calme. Faust ne dit rien et essaie d'ignorer le fait que Natsume a dit ça d'un ton à la limite du geignement.

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Depuis tout à l'heure, il n'y a plus que le silence inconfortable dans lequel ils sont plongés depuis que Natsume s'est enfin décidé à parler. Rien qu'une phrase et voilà, bombe larguée. Faust soupire profondément et enfouit son visage dans ses mains, plongé soudainement dans une réflexion intense. Il a besoin de prendre un bon bol d'air et se lève avant d'étirer ses muscles sous le regard inquiet et attentif de Dalhia qui, elle aussi, a senti que quelque chose d'important était en train de se passer. Nat' ne chercha pas à poser davantage de questions, sachant pertinemment que le conseiller refuserait totalement de donner une réponse concrète et acceptable à ses nombreuses questions. L'adolescent décida lui aussi de se lever et s'approcha d'un buisson, décidé à ramasser au moins quelques baies pour commencer à se faire une idée concrète de l'endroit où se trouvaient les différentes plantes qu'il désirait se procurer assez souvent et à moindre prix. Pas qu'il trouvait que les prix pratiqués dans les différentes boutiques spécialisées étaient absolument révoltants vu la rareté des produits, mais si. Il avait même failli faire un scandale en voyant qu'une herboristerie vendait un plant de baies sitrus à peine bien traité à un prix pharamineux. Enfin bref. Se changer les idées avant tout. Penser au reste après.

Sauf que voilà, alors qu'il s'apprêtait à faire un croquis rapide de la zone sur son carnet à dessins pour retenir l'endroit où se trouvait ce coin à cause de son sens de l'orientation discutable ('discutable' voulant plutôt dire 'tellement désastreux qu'il était capable de se perdre dans un couloir'), un grognement rauque et bourré d’agressivité arriva à ses oreilles. Nat recula à peine, et ce malgré le fait qu'il reconnaissait ce son. C'était comme si toute la peur qu'il aurait dû ressentir avait entièrement disparue.

« Nat', bou-
- Reste là où tu es. » rétorqua-t-il sèchement.

Faust voulut se rapprocher de lui, mais se calma immédiatement lorsqu'il vit la source du bruit. Une petite Medhyena bien amochée et visiblement apeurée malgré tout ce qu'elle voulait montrer. Les yeux de l'éleveur étaient posés sur la louve grognante, complètement dénué de tout effroi. Où était passé le gamin qui s'était limite fait dessus après avoir rencontré son Grahyena (bien qu'il avait une raison, il fallait l'avouer)?

« Hey. »

Pas de descente dans le volume de ces grondements. Ils parurent même s'intensifier. Natsume ne reculait toujours pas foi, paraissant même plus blasé et agacé qu'autre chose par ces inconvénients sonores qui venaient le déranger.

« Tu veux me mordre ? Vas-y. Essaye au moins de faire mieux que celui de la dernière fois. »

Son ton est narquois alors qu'il s'accroupit et met en évidence son pied bien marqué est plus qu'une marque de condescendance. Il y a encore une assez large cicatrice, bien qu'elle commence à disparaître peu à peu. D'après Faust, il faudrait au moins six ou huit mois pour qu'elle disparaisse. Devant cela, la Grahyena se calma un peu, et l'éleveur remarqua enfin la large cicatrice qui se trouvait sur son flanc gauche. Vu son état de nutrition (il pouvait quasiment voir ses os), l'état de ses pattes et le fait que son poil ait été coupé il y a de cela environ deux mois (chose ô combien facile à deviner vu l'état de celui-ci) et cette blessure, il fut facile de faire le capture et de comprendre que cette femelle n'avait probablement pas été très bien traitée par un individu détestable.

« Qu'un membre de mon espèce t'ai fait mal et donc que tu te méfies, je le comprend. Mais c'est la même chose pour moi. Alors rassure-toi, je n'ai aucunement l'intention de m'attaquer à toi car j'ai tout autant peur, mais ça tu dois le sentir. » expliqua-t-il calmement.

Il fit une courte pause. Le silence était revenu et la louve se contentait dorénavant de le regarder dans le blanc des yeux.

« Maintenant, vas-tu partir, nous attaquer ou rester et comprendre que nous n'avons aucun intérêt à te faire du mal ? »

Finalement, elle ne dit rien mais se contenta de prendre une pose plus neutre. Puis, une idée vint à l'esprit de l'éleveur qui se décida à l'expliquer.

« … Dis-moi, Medhyena. »

Voilà, il avait retenu son attention. Bien, il pouvait commencer maintenant.

« Je te propose quelque chose ; d'après ce que je vois, tu ne dois pas manger souvent et vu l'état de tes muscles, tu ne risques pas d'attraper une proie. Est-ce que venir avec moi t'intéresserait ? Je compte devenir éleveur, et un gardien serait sympathique. Je te nourrirais et prendrais soin de toi, si tu acceptes. De toute façon, quel que soit ton choix, tu auras de quoi manger. Hors de question de te laisser repartir alors que tu pourrais t'attaquer à quelqu'un une fois trop affamé. »

Contemplative. C'est ce qu'est la Medhyena, actuellement, alors qu'elle considère les mots de l'adolescent ; c'est plus qu'un très bon signe. Natsume, devant le silence auquel il est opposé, décidé de prendre les devants et présente une rapide ball à la jeune femelle, et tout ça sous le regard ébahi de tout le monde. Même Kae qui observait tout en se tenant du haut d'un arbre.

« Donc, tu viens ? »

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L'assurance. Difficile, même pour le principal concerné, de croire qu'il est capable d'en montrer, et ce malgré ses gênes et l'habitude quasi-systématique de sa famille de produire des murs de glaces sarcastiques comme être vivants. Il a toujours été arrogant et sûr de lui, mais ne pas détaler devant une situation vraiment importante et demandant courage ainsi que force de caractère ? Natsume n'était pas fait de ce bois-là, et n'avait jamais eu à vivre de pareilles situations, si bien qu'il ne s'était jamais vraiment développé intérieurement. Oh, la répartie désagréable et la fierté extrêmement mal placée, ça il connaissait. Il en était même devenu un expert avec le temps, surpassant parfois même celle de Faust par moments, si bien que la majorité des personnes le connaissant un tant soit peu avait appris à ignorer ses crises de gamin de cinq ans. Petit à petit, après chaque erreur, il se rendait compte de ses défauts, aussi insignifiant que ce soit lorsqu'il était dans un état de telle colère qu'il n'arrivait pas à surpasser sa mauvaise foi. Alors certes, présenter des excuses était encore rare, mais à force de temps et surtout de patience, il y avait parfois des progrès. Le mot clé étant 'parfois', vu que Faust paraissait encore décidé à l'appeler amicalement6 ) trouduc trop têtu' lorsqu'il devait le désigner à Isaac quand il était en colère. Il n'allait pas être trop mesquin, mais le voir s’époumoner restait hilarant, même si rien que de l'entendre glousser mettait Faust, dans ces cas-là, dans une colère noire et pour dire toute la vérité et il ne l'avouerait jamais à haute voix, les regards noirs de son cousin lui faisait peur. Il avait beau ne pas avoir la carrure d'un Rambo ou d'un Rocky, restait qu'il savait être sacrément menaçant quand il le désirait et, malgré ce qu'il faisait croire, ce n'était pas uniquement par dédain qu'il rentrait parfois rapidement dans sa chambre en claquant la porte. Un poil pas courageux sur les bords, lui ? Tout à fait.

Tout ce tango à deux avec les mouches pour dire qu'en fait, Natsume lui-même ne savait pas ce qui lui avait pris de partir dans un tel discours. Il avait juste su, au moment où il avait dit à Faust de reculer, ce qu'il avait à faire. Rien ne lui avait paru impossible ou trop compliqué, il s'était juste dit qu'il devait le faire. Courage. Voilà ce qu'il a ressenti, aussi étrange que cela soit pour lui qui était plus habitué à la fuite lâche qu'à la véritable force de caractère. Pourtant, il a peur. Son cœur bat à un rythme anormalement rapide et il sent comme un malaise dans sa poitrine. Néanmoins, malgré le fait qu'il repense encore à la douleur qu'a provoquée la morsure du Medhyena qu'il a rencontré le jour de son arrivée sur l'île et la cicatrice qui restera probablement longtemps ici, il n'a aucunement envie de reculer.
Son regard rencontre celui de la louve et il y a un bref échange, rapide et décisif, qui fait que la jeune femelle entre d'elle-même dans le sphère de capture et n'en sort plus, probablement trop fatiguée et affamée pour chercher à se balader.

Natsume réfléchit brièvement. Puis, après un soupir et avoir rattaché la ball à sa ceinture, prend ses affaires et se prépare à partir. Faust hausse les sourcils.

« Tu veux vraiment y aller et abandonner maintenant ?
- Je reviendrai dans quelques jours. Pour l'instant, il faut que je m'occupe de cette Medhyena, je verrai le reste après. »

Faust ne pu cacher le sourire empli de fierté qui dansait maintenant sur son visage.