« Bon ça suffit maintenant, depuis combien de temps vous la soignez, là, ça va au moins faire trois… quatre heures! Qu’est-ce que vous fichez hein, vous êtes médecins et vous vous croyez tout permis hein, oh, laissez-moi vous dire que ça va pas se passer comme ça… Lana ne va PAS vous servir de cobaye pour vos expériences dégueulasses, je vous préviens! NON, NON, je veux pas vous entendre! Laissez-moi aller la voir, je veux avoir le cœur net que vous ne lui faites rien de mal! Je vous préviens si il lui manque ne serais-ce qu’un seul cheveu quand elle sortira de chez le docteur, je vous… Je vous… Euh… Je vous casse la figure, VOILA! Et je connais des gens trèèèèès haut placés si vous savez! BANDE DE… NON N’APPELEZ PAS LA SÉCURITÉ JE SUIS CALME! Très très calme. Super calme. Pardon pour les autres patients… Oui, non, je veux juste savoir ce qui se passe depuis… Hein? Qu’est-ce que vous avez dit madame? »
« Mademoiselle Chastel n’est en consultation que depuis quinze minutes, Madame Eriksen… S’il vous plaît, laissez passer les gens derrière vous qui attendent. »
« Euh… Oh. Pardon m'sieurs dames, j’me suis emportée… Ahem. »

Piteuse, Julianne dégagea le plancher de devant le comptoir d’accueil et les mains dans les poches, elle se mit à faire les cent pas dans le couloir adjacent à la salle d’attente… Un quart d’heure seulement, mais pourquoi avait-elle l’impression que cela faisait des heures qu’elle s’était séparée de la jeune fille pour la laisser aux mains des médecins. Lana avait été blessée à plusieurs endroits de son corps pendant la rafle et surement à cause du choc, de l’hémorragie ou encore d’une légère commotion, elle avait soudain eu un coup de barre, normal après tout, après tous ces événements. Du coup, la soldate du Régime l’avait emmené aux urgences et on avait rapidement pris en charge la jeune fille. Par ce biais, Julianne avait pris rapidement connaissance des coordonnées de Lana et de celles de ses parents, néanmoins, elle attendrait que la petite aille mieux pour leur passer un coup de fil. Finalement, l’ingénieure se posa sur un siège et attendit patiemment. Elle n’avait même pas le cœur à sortir sa console portable tant elle s’inquiétait, si ça continuait, son joujou allait perdre toute sa batterie parce qu’elle l’avait laissée allumée et effacer des données non sauvegardées mais franchement, elle s’en foutait complètement, actuellement. Puis, finalement, la dame de l’accueil décrocha un téléphone et interpella Julianne en lui indiquant une salle ou elle pourrait retrouver Lana.

D’un pas pressé tout en esquivant les passages dans le couloir, la brunette se retrouva vite dans un couloir enchainant des cabines de repos plus que des chambres, réservées à des patients provisoires qui ne restaient que quelques heures. Elle trouva rapidement Lana qu’on avait fait asseoir sur une chaise, on lui avait mis une perfusion pour lui prescrire quelques antibiotiques. Un médecin arriva pour lui faire un topo de la situation de la jeune fille mais Julianne n’écoutait à peine, trop occupée à s’assurer que son amie se portait correctement.


« Lana, ils t’ont gardée des heures, bon sang! Ça va? T’as encore mal? T’as faim? Je vais te chercher quelque chose? »

Sans même s’en rendre compte tant le geste lui avait paru naturel sur le moment, Julianne avait commencé à enlacer Lana, peut-être un peu brusquement, mais la sincérité y était. Elle se remis face à elle en prenant une de ses mains dans les siennes, dans une attitude rassurante. Elle lui offrit un faible sourire.


« Ça… Ça va aller maintenant, hein? Je n’ai pas encore appelé ta famille, j’attendais de voir comment tu allais. »

Elle va bien? Elle va bien! Chouette! Sûrement dans les vapes à cause de ces foutus médocs, mais si c’était vraiment nécessaire… Ouais nan, j’aime vraiment pas l’idée qu’on la bourre de trucs médicaux qui sont surement pas des bonbecs. J’aime pas les toubibs, j’les ais jamais aimés, je sais pas trop pourquoi. Peut-être à cause des nombreux avortements de Reine qui allait à la clinique pour se faire retirer… Enfin, vous voyez. Avec l’état dans lequel elle en revenait systématiquement, en plus, c’était pas très marrant. Cet exemple triste est toujours resté gravé dans mon esprit…

Même à l’époque, Julianne comprenais de quoi il s’agissait bien que sa mère ne lui eut jamais expliqué pourquoi elle faisait ça systématiquement. Et surtout, Reine ne lui avait jamais dit pour quelle raison elle l’avait quand même eue, elle, et élevée du mieux qu’elle pouvait, mais peut-être trop bien, pour la surprotéger. Sa mère était un presque aussi grand mystère que son père, parfois. Agir de telle façon, presque maternelle envers Lana, ça la renvoyait à son enfance, ces années tellement étranges, ou elle n’aurait jamais cru qu’elle serait arrivée là aujourd’hui. Et rien que d’entendre Lana lui dire qu’elle allait bien, ça la rendait plus heureuse et paisible. Elle desserra doucement son étreinte et Lana demanda alors au médecin d’aller chercher son Lainergie, elle devina qu’il tardait à la jeune fille de s’en aller d’ici, probablement rentre chez elle et… Oh. La question que Julianne se reçut droit dans le cœur. Pourquoi s’en faisait-elle tant pour la jeune fille? L’ingénieure eut un petit sourire triste alors qu’elle regardait la main de Lana qu’elle tenait encore dans la sienne, un court tremblement envahit la brunette… Si Lana savait à quel point, pour toutes les fois ou Reine ramenait ses « maris » à la maison, et que quelques jours plus tard elle prenait rendez-vous chez son médecin, combien de fois la jeune Julianne avait désiré une petite sœur ou un petit frère pour la tirer de sa solitude. Au fond d’elle, bien que ses recherches étaient plus importantes que quelque idée de vie sentimentale, Julianne avait l’envie d’être mère, d’aimer ses enfants, si elle en a un jour. Et en rencontrant Lana c’était ce sentiment familial, doux qui l’animait pour prendre soin de cette petite.

« Je… Je t’aime beaucoup Lana… En fait, t’es un peu… La petite sœur que j’ai jamais pu avoir. »

Le médecin revint avec une capsule en main et la tendit à Lana pour qu’elle retrouve sa compagne. Julianne rougit un peu de ces  mots qu’elle ne prononçait jamais, elle se sentait toute bizarre et en même temps complètement sereine et ne pouvait plus s’empêcher de sourire d’un air épanoui. Elle eut une moue curieuse et inquiète quand Lana lui confia qu’elle ne voulait pas appeler sa famille… Tiens ?... N’importe quelle adolescente de son âge, même en pleine crise d’adolescence aurait voulu voir ses parents. Elle le savait car il lui était arrivé une certaine expérience juste après s’être engueulé très violemment avec sa mère, et résultat des courses, elles avaient fini par s’enlacer en pleurant de longues minutes. Pourtant, à l’accueil, Julianne avait bien vu que la jeune fille vivait chez ses parents, qu’ils étaient apparemment encore mariés, et finalement, qu’ils étaient une famille tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Du moins, sur le papier, ils semblaient l’être.

« Tu ne veux pas rentrer chez toi… ? Mais pourquoi? Tes parents sont surement morts d’inquiétude! »

Elle avait déjà entendu ces mots-là quelque part, dans cette caverne sombre, lors de sa fausse fugue. C’était il y a presque 10 ans qu’elle avait rencontré ce type bizarre… Pourquoi elle le répétait-elle, alors… Bonne question.

« Euh… Ça ne me regarde pas vraiment, après tout mais… J’sais pas, c’est ta famille… »

L’ingénieure se tut et alors une infirmière vint les voir et retira doucement la perfusion de Lana, plaçant par la suite un pansement sur les restes de la piqûre, et annonça à Julianne que la petite pouvait partir quand elle se sentait mieux. Petite… Pff. Cependant, la dame s’interrompit et demanda à Julianne qui elle était pour Lana, comme si sa présence aux côtés de la jeune fille fut suspicieuse…

« Euh ben je suis, euh… »

Oui, qui au juste? Julianne était atrocement nulle pour les mensonges...

Hein, hein, hein? Majide?! Je suis la… La grande sœur de… Lana? Oh my… Gunbuster! Que dois-je faire, mon cœur s’est arrêté de battre et je suis trop heureuse! J’ai une petite sœur ya-haaaaaa! Calme, calme, calme ton sourire là tu dois commencer à faire peur, Juju. On a dit. Calme. Ce. Sourire. De. Psychopathe. On dirait Dio-sama. Le vrai Dio-sama, pas celui du Régime, hein. Enfin, lui aussi, mais surtout le vrai. Hinhin. Alors, c’est qui la grande sœur de Lana? KONO JULIANNE DAAA! Ahem. Du calme, du calme. Je vais faire peur à ma petite sœur si ça continue. Petite sœur. Gniiiiiiaaaaaah! Trop, trop, trop heureuse! Ah non, j’vais pas pleurer de joie quand même! Ce serait pire qu’embarrassant pour Lana-chan.

Avec un sourire gâteux, Julianne regardait Lana qui venait de prononcer des mots qu’elle avait tant voulu entendre, toute sa vie. D’un revers de manche elle essuya ses yeux humides et se leva face à Lana tandis que cette dernière parlait encore une fois de ses parents. Le sourire de l’ingénieure du Régime s’effaça peu à peu en réalisant le poids des paroles de la jeune fille. Ne pas pouvoir faire confiance a ses parents, c’est grave… Vraiment fâcheux. Et si une fille aussi gentille que Lana dit ce genre de choses qui semblent la peiner, Julianne ne pouvait pas croire une seconde qu’il s’agissait d’un mensonge ou d’un caprice. Elle n’avait donc pas envie de voir ses parents. D’ailleurs, eux non plus ne s’étaient pas manifestés ou renseignés sur l’état de leur fille, simplement lui passer un appel sur son portable, si elle en a un ou n’importe quoi. Donner signe qu’ils s’inquiètent un minimum. La scientifique se mordit la lèvre tout en prenant Lana par la main pour l’accompagner à l’extérieur, comme elle l’avait demandé. Prendre l’air ferait du bien à tout le monde, et elle pourrait s’assurer de l’état de ses Pokémon, ainsi. Une certaine colère avait envahi Julianne, après avoir entendu les mots de Lana.

« Dis, Lana-chan, pourquoi tu ne leur fait pas confiance? Ils ont fait quelque chose de mal? »

C’est grave indiscret ce que tu demandes, là, Julianne. Immagine que Lana t’interroge sur ta vie de famille, ça te gênerait peut-être. Enfin, non, pas si c’est Lana qui demande. Mais j’veux savoir, j’veux savoir si ses parents sont des enfoirés ou pas. Et si ils sont vraiment des enfoirés, je… Je sais pas, mais je les laisserais pas s’approcher de la petite.

Les deux filles arrivèrent finalement dehors, devant l’hôpital, les sirènes d’ambulance retentissaient au loin, mais la cacophonie s’était grandement atténuée. Elles étaient loin du centre-ville ou s’était produit là rafle, et les soldats du Régime ou des barrages ne devraient pas les gêner.


«  T’es pas obligée de me le dire, hein. Mais tu peux me demander ce que tu veux, Lana-chan. Je suis sérieuse. »

Oui, parce que pour une fois, l’ingénieure avait quelqu’un qu’elle aimait et qu’elle avait envie d’aider, elle le ferait. Et elle ne voulait pas que Lana porte sa peine toute seule. Buster le Marisson était sorti lui-même de sa capsule bicolore pour s’approcher de Lana et enserrer ses jambes doucement, sentant probablement la peine de la jeune fille et aussi, et mine de rien, même si sa maitresse lui avait interdit de sortir quand elle avait trouvé Lana sur la Grand Place, il n’était encore qu’un bébé, Julianne ne voulait pas qu’il voit les choses. Le Marisson était trop clairvoyant pour son jeune âge et sentait même depuis sa Ball les inquiétudes de sa dresseuse et des autres. Trop adorable pour son propre bien… Julianne passa une main dans les cheveux de Lana avec un sourire doux.


« Ça va aller? Tu veux qu’on aille quelque part manger quelque chose et se poser? »

Lana, une folle ? Ahah. Si c’était dans un autre contexte, l’ingénieure aurait certainement ri. Julianne n’était pas vraiment saine d’esprit elle-même, parfois. Qui n’est pas un peu fou, d’ailleurs? Les humains sont tous un peu détraqués, non, enfin, quand elle y réfléchissait, Julianne se disait que si personne n’était taré, on s’ennuierait à mourir sur cette planète Terre. Un faible sourire compatissant un peu gêné s’étira sur les lèvres de la jeune femme tandis que Lana hésitait à se lancer dans des explications trop longues, elle ne voulait pas forcer Lana à dire des choses peu plaisantes pour elle.

« C’est… euh… Tu n’es pas obligée Lana… Vraiment. Je m’en voudrais si tu te forces. Ce doit être important pour toi, après tout, alors… Enfin. »

Lana pouvait avoir confiance en elle. Julianne était du genre à garder les secrets mieux qu’une tombe, elle n’était pas du genre indiscrète, disons plutôt qu’elle n’avait pas beaucoup d’amis ou de gens a qui raconter sa vie ou a qui elle se permettrait de poser des questions intrusives. Et même très proche de quelqu’un elle ne sait pas si elle oserait. Alors elle ne tourmenterait pas Lana plus que ça de questions sur sa famille. Ce genre de choses avait l’air douloureux pour la fille aux cheveux d’argent, et si elle ne se sentait pas en sécurité avec sa famille, Julianne avait de bonne raisons de ne pas la laisser aller entre leurs griffes. Elle avait eu un mauvais pressentiment vis-à-vis des mystérieux parents de la jeune fille dès que cette dernière avait rechigné les voir. Lana lui confia alors que Buster la câlinait et qu’elle lui proposait d’aller manger quelque chose qu’elle n’avait pas vraiment faim après tous ces évènements. Même ses blessures et sa perfusion ne lui avaient donc pas creusé l’estomac? Ou alors, son appétit était tout bêtement coupé. En repensant aux évènements, Julianne n’avait pas très faim elle non plus, en fait. Elle baissa la tête un instant et c’est Lana qui remit un peu de couleur dans la conversation et l’ambiance avec une question la renvoyant à leur première entrevue, dans le parc. Ce n’était il n’y a pas si longtemps. Et l’ingénieure n’aurait pas cru s’attacher autant à Lana, alors. Ses intentions étaient même assez égoïstes alors. Juste car elle avait peur d’être doublée par une fille de l’âge de Lana. Pfff. De quel orgueil n’était-elle pas capable, des fois.

« Ben, oui, ma proposition tient toujours tu sais! De toute façon, tu pourrais passer quand bon  te semble à mon labo. Mais, ça me fera vraiment très plaisir de t’apprendre des choses sur mon métier. Si ça t’intéresse toujours. »

Julianne passa spontanément une main dans les cheveux de Lana, dans un geste affectueux. Buster souriait encore à la jolie fille et tentait de la réconforter de plus belle. L’ingénieure leva un œil vers la colonne de fumée qui n’avait pas disparu à l’horizon et soupira. Il ne faisait pas bon rester devant cet hôpital.

« On va marcher un peu, d’accord? Je connais un endroit cool. »

Après avoir eu l’accord de Lana, a qui elle pensa que cela ferait le plus grand bien de marcher et tourner un peu le dos à la Grand Place, Julianne prit la jeune fille par la main pour l’entrainer le long d’une rue qui partait vers la sortie de la ville. Quand elle ne se sentait pas bien, il arrivait à la scientifique de sortir de chez elle et de se rendre à cet endroit. Il n’avait rien de si particulier mais elle s’y sentait bien. Probablement car il lui rappelait un peu la ville ou elle a vécu toute son enfance. Les deux sœurs spirituelles arrivèrent vers le port de plaisance de la ville, complètement vide en cette fin d’après-midi, et surtout avec les évènements récents. Là, elles montèrent sur la digue qui avançait dans la mer et Julianne guida Lana jusqu’au bout, ou le vent marin soufflait fort, juste au pied du phare. Ce n’était pas un endroit magnifique en soi, il y a avait quelques déchets ça et là, mais d’ici, la vue sur le coucher de soleil était magnifique, et quand on se retournait vers la ville, on pouvait voir les lumières s’allumer petit à petit, Julianne pouvait rester des heures à observer ce spectacle.

« Bah, voila. J’viens ici, parfois, quand j’ai le cafard. C’est tout con, mais je me sens bien. »

Le vent soufflait fort et Buster se rapprocha de sa maitresse pour se tenir à sa jambe de peur d’être soufflé par la petite bourrasque. Un peu éloignées de la civilisation, Julianne espérait que cette excursion ferait plaisir à sa petite sœur de cœur. Ou du moins, qu'elle lui ferait un peu de bien.

Le but de Julianne ici est de parvenir à faire sourire Lana, juste un peu, elle espère que cette marche et le fait d’être là lui ferait plaisir. Bon, pour la marche, elle va passer, parce que bon, Lana a l’air fatiguée juste  après ça. Pas très consciencieux de l’avoir faite marcher alors qu’elle sortait tout juste de l’hosto. Mais les gaffes, il parait que c’est de famille, donc bon. Enfin, Lana prit le temps, comme Julianne d’inspirer l’air iodé qui les enveloppait, puis observa quelques Krabby en bas qui leur envoyait des bulles. L’ingénieure ne savait pas trop si cet endroit était joli, a vrai dire, elle n'accorde que peu d’importance a l’aspect extérieur des gens et des lieux qu’elle croise. Elle a tendance a plus se baser sur son instinct et ses sensations que sur ce qu’elle voit en direct. Et puis, se fier a ce qu’on voit quand on est borgne… Ahah.

Julianne vit enfin se dessiner un petit sourire sur les lèvres de sa petite sœur spirituelle. Cette dernière vient de lui demander quand est-ce que l’ingénieure qu’elle est serait d’accord pour la prendre comme apprentie ou comme stagiaire. Bah, si c’est Lana, Julianne serait plus heureuse encore de lui montrer ce qu’elle fabriquait et de lui apprendre sur le tas à manier le matériel. Bon, en revanche, elle devrait vraiment faire attention à ce que Lana n’y perdre pas un œil comme elle l’a fait! Julianne se met soudainement a penser que ses collègues allaient trouver fort exceptionnel et étrange de la voir, elle, Noriko, se balader avec une stagiaire. Dans son travail, elle se rabattait toujours derrière un mur de vanité et de froideur. Il faut dire que le succès de la Eriksen, voir son nom en couverture des journaux avec sa photo, ben, ça lui était monté à la tête. Du coup, elle s’est mise à penser qu’en ce qui concerne son métier, elle pouvait se la jouer madame je-sais-tout. Et il faut bien le dire, dans son domaine, Julianne sait beaucoup, énormément de choses. Mais avec Lana, c’est différent, elle a envie de partager sa passion avec elle, de lui apprendre et de lui transmettre. Enseigner c’est une toute autre paire de manche, pourtant…

« On pourrait commencer, disons, quand tu te sentiras prête à retourner dans un endroit qui appartient au Régime? Parce que ça voudra dire de les rejoindre, tu t’en doutes. »

J’tiens à dire « eux » et pas « nous ». Je ne me rallie pas à leur cause, je me sers simplement de leur consentement pour faire ce que j’aime. Je sais, je crée aussi des armes pour eux, on peut pas dire que c’est bien, mais le bien et le mal, chacun les voit différemment. Je me nourris de ce qu’ils me demandent, je vois pas ou est le soucis, bien que la majorité des gens penseraient que c’est mal, moi je m’en fiche. Probablement parce qu’à quelques exceptions près, dont Lana fait désormais partie, je me fous pas mal du sort de mes semblables.

« J’espère que je serais une bonne professeure… »

Dit-elle avec un sourire en coin. Jamais elle n’a enseigné de sa vie. Elle a donné quelques conférences, des choses comme ça, mais c’est vraiment loin de l’enseignement. Elle ferait de son mieux, quoi!

« Dis, Lana, je sais que tu ne veux pas rentrer chez tes parents mais… Tu comptes dormir ou ce soir? »

La fatigue de Lana se faisait ressentir, et cette journée avait été éprouvante pour tout le monde. Buster, le bébé Marisson bâilla aussi et tira la blouse de l’ingénieur pour signifier qu’il voulait rentrer à la maison.

« Je veux bien t’héberger, si tu veux. C’est juste que… C’est pas très bien rangé chez moi. »

C’est certain qu’il faut la passion pour transmettre son savoir, et ça, Julianne l’avait. Mais toute la subtilité de la chose était de savoir mettre ce qu’on a en tête en phrases et en mots compréhensibles, et surtout, d’être assez patient pour se faire. Et la patience, Julianne n’était pas sûre de l’avoir. Enfin, ça dépend, elle avait bien réussi a attendre presque dix ans la suite du manga Five Star Stories, et beaucoup d’autres séries trop méconnues sur lesquelles elle ne s’attardera pas car là n’est pas la question. En attendant, Julianne eut un sourire un peu mielleux, embarassée par les propos élogieux de la jeune fille… Disons qu’elle ne savait pas vraiment si elle était communicative, en dehors des contextes ou sont uniquement concernés des spécialistes… Si son charabia parlait à une fille de l’âge de Lana alors… Enfin, c’est tout à fait possible, comme l’ingénieure devait avoir a peu près l’âge de Lana quand elle attrapa le virus de la mécanique et tout ce qui s’en suivit.

« Si… euhm… Si tu le dis… J’espère que j’pourrais t’apprendre des choses! »

Encore gênée, Julianne détourna un instant son visage rougi par les compliments, elle sentait que même avec Lana, elle pouvait prendre la grosse tête. Enfin, c’est plutôt que venant de Lana, les compliments faisaient mouche bien plus aisément, ils ont bien plus d’impact que les propos tous semblables de ses supérieurs et de ses collègues. Constructifs, mais rarement sincères, souvent remplis d’envie et de jalousie. Et le ton de la jeune femme était complètement vierge de tout cela.

Julianne se retourna au bon moment pour voir Lana esquisser un des plus beaux sourires qu’elle avait eu le loisir de voir. Vraiment, est-ce qu’en dehors de sa mère, quelqu’un lui avait souri comme ça?

Kawaiiiiii… Lana-chan est trop kawaiiii… Nyuyaaaaaaa! Ahem. Du calme Julianne, calme-toi bon sang!

Oui, mais non. Julianne avait déjà enlacé Lana, complètement gaga. Elle commençait à émettre des « kawaii kawaii kawaaaaaii » à tue-tête, mais eut la présence d’esprit de se ressaisir vite, pour éviter d’effrayer Lana de sa bizarrerie (on sait que c’est de famille mais bon). Elle décida de reprendre le chemin inverse pour rentrer à la maison avec Lana, la soirée était déjà bien avancée et diner bientôt ne serait pas une mauvaise idée.

« Tu as encore un peu de force pour marcher? Il nous faudra un petit quart d’heure pour gagner mon appart… »

Sur ces mots, elle reprit la main de Lana dans la sienne et la guida a travers Amanil encore une fois, jusqu’à ce qu’elle arrive devant le building ou elle vivait. Tout en appellant l’ascensceur, elle se dit que le frigo devait être assez plein comme ça. Peut-être se donnerait-elle un peu de mal pour cuisiner… Bah, elle ne savait pas cuisiner grand-chose a part des sushi, il faut dire. Mais c’était déjà pas mal. Une fois dans l’appartement pas très  bien rangé, Julianne dégagea le bazar présent sur le canapé et invita sa petite sœur spirituelle a s’y reposer. Elle fit également sortir Enkidudu et Gat de leur capsules qui s’affairèrent dans l’appartement pour l’aider à ranger et à ouvrir la porte-fenètre sur la grand balcon.

« Est-ce que tu as faim, Lana? Ou soif? J’ai bien envie de faire des sushi ce soir, t’en as déjà mangé? »

Dit-elle tout en enfilant un tablier à l’effigie du manga Evangelion. L’ingénieure se sentait toute joyeuse d’acceuillir Lana chez elle. Elle lui laisserait surement sa chambre pour la nuit, pour dormir sur le canapé. Elle pourraient aussi s’endormir tranquillement devant un dvd d’anime bien bêbête. Bref, Julian ne voulait que Lana se détende tant qu’elle était là.

La seule peur de Julianne en proposant à Lana de faire la cuisine avec elle était qu’elle se coupe le doigt avec le grand couteau qui lui servait à mettre les sashimi en pièces. Mais Lana semblait vraiment tenir a lui venir en aide, et comme d’habitude, l’ingénieure ne pouvait pas refuser grand-chose à sa petite sœur spirituelle. Elle l’invita donc à venir dans la cuisine avec elle et lui refila un autre tablier, semblable au sien, sauf que Lana avait Gurren Lagann sur son tablier, la veinarde. Bien qu’elle ne fasse jamais la cuisine, la jeune femme avait des tas de tablier-promo pour divers séries manga, anime et jeux vidéo, récupérés lors de conventions, et elle avait beaucoup hésité avant de faire son choix… Bah oui, quoi choisir entre Go-Gai-Gar, Giant Robo, Aquarion, Mazinger ou Goldorak? Choix cornélien, n’est-ce pas. Enfin, retournons à nos sushi, plutôt. Julianne alla chercher dans le frigo quelques morceaux encore bien frais : maquereau, saumon et dorade leur permettra de faire quelques bonnes choses

« Bah, tu sais, à part les sushi, je sais pas cuisiner grand-chose, en fait. M’enfin, je crois que c’est à peu près mangeable quand j’en prépare. »

Enfin, selon elle, comme elle est quasiment la seule et unique gouteuse de sa propre cuisine, avec Reine qui avait déjà eu l’honneur de gouter. Elle avait plutôt bien aimé d’ailleurs, mais le poisson cru, ce n’était pas son truc. Julianne en revanche… Elle en mangerait bien tous les jours, d’ailleurs, la scientifique mangeait très souvent japonais, en dehors des fast-food et des nouilles instantanées. L’ingénieure fouilla alors dans les placards pour sortir un paquet de riz, le vinaigre ainsi qu’un peu de sucre.

« Alors, alors! L’étape délicate, c’est la cuisson du riz. Il doit être collant pour qu’on puisse l’utiliser et en faire des boulettes de riz. »

Elle guida alors Lana pour mettre le riz directement ans l’eau pas encore portée à ébullition, a feu doux, avec un couvercle par-dessus. Il fallait ensuite s’atteler au découpage du poisson. Julianne se chargea de la tâche le plus embêtante qui était d’enlever la peau des steaks de poisson, surtout celle du saumon, particulièrement glissante. Les morceaux étaient maintenant bien plus faciles à découper. La jeunne femme fit glisser un couteau vers Lana et lui indiqua la méthode à adopter.

« Le mieux, pour la découpe, c’est de couper en suivant les petites séparations blanches qu’il y a dans la chair du poisson, comme ça, c’est bien plus agréable à manger. »

Encore, elle montra à Lana comment découper le poisson, en appuyant une main sur la chair, et en faisant glisser le couteau par-dessous. Pendant que Lana était attelée à couper le saumon, Julianne s’en alla vérifier le riz, et donna quelques coups de cuillère en bois pour se mettre elle aussi a découper les autres poissons. Le temps qu’elles aient fini leur découpe, le riz était prêt et Julianne le mit à égoutter puis a reposer dans un grand saladier, sur le balcon.

« Il faut laisser le riz reposer pour qu’il soit à température ambiante, si il est trop chaud ou trop froid, ça fiche tout en l’air. »

Il n’y avait plus grand-chose à faire en attendant, alors Julianne décidé de trouver une occupation pour que Lana ne s’ennuie pas. Elle se sentit tout d’un coup bien moins assurée que quand elle faisait la cuisine.

« Dis Lana euhm… Je ne sais pas grand-chose de toi, en fait… Tu voudrais bien me raconter un peu ? Et je me demandais, aussi : pourquoi tu fais tant confiance à quelqu’un comme moi? Enfin, j’sais pas, je me croiserais dans la rue, je suppose que j’aurais pas franchement l’envie de… Rah. Bref, désolée, c’était une question bizarre… Tu veux jouer à la console? Ou regarder un DVD? »

C’était confus. Totalement confus.

L’ingénieure était occupée a éventer le riz pour le faire refroidir à température ambiance et avait tout un coup le teint un peu rougi et par la vapeur d’eau qu’elle avait en partie prise en pleine figure , mais aussi car elle était embarrassée et confuse par ses questions posées dans le désordre, et qui étaient potentiellement aptes a mettre Lana mal à l’aise. Alors que l’ambiance allait au mieux et qu’elles faisaient la cuisine tranquillement toutes les deux en parlant de tout et de rien, Julianne s’était sentie obligée de tout plomber avec des interrogations étranges. Heureusement, il semblerait que Lana n’ait pas pris la chose vraiment à cœur ou ne se soit pas formalisée pour autant. Bref, Julianne n’avait pas réellement plombé l’ambiance parce que voila que la jeune fille s’était mise à rire. Et l’ingénieure en entendant et en voyant Lana rire aussi naturellement, ne put retenir un sourire attendri de se former sur ses lèvres. Lana qui riait, c’est une des choses les plus gagatificatrices du monde. Si, si, ça existe comme mot. Et puis tant qu’à faire des néologismes, autant pas lésiner. Mais par la foreuse de Simon le foreur… Précieuse!? Julianne est précieuse? Vraiment? Et digne de confiance? Et était-elle assez bien pour faire office de grande sœur, surtout?

« Euh je euh je-euuuuh… HEIN, QUOI?! Mais non, euh si, mais non, mais c’est… »

Oui sauf que là, elle s’embarrassait plus toute seule qu’autre chose. Sa main agitait frénétiquement l’éventail au dessus du riz comme si cela allait atténuer le rouge de ses joues. Elle dessinait aussi des petits cercles avec son doigt sur le bas-relief de la cuisine et pinçait les lèvres, tout cela lui donnait un air tout sauf intelligible mais c’était bien la dernière de ses préoccupations vu la vague de bonheur qui l’envahissait actuellement.

« Ça me rassures, tu sais et… Ça me fait plaisir… Très plaisir. Je suis fière de toi Lana, tu sais. Tu as été vraiment courageuse aujourd’hui et… euh… Je suis heureuse d’être ta grande sœur aussi. Et, et… Et que tu me considères comme telle c’est… Bah, c’est cool. »

Ah ben bravo, vive la poésie dans les grandes déclarations! Ce serait tellement plus simple d’écrire ici que Julianne aurait voulu faire un facepalm mais elle se contenta d’envoyer un sourire nerveux à Lana, gênée qu’elle était par sa petite tirade. Son sourire n’en était pas moins sincère, mais Julianne n’avais jamais été quelqu’un qui sourit beaucoup, et il fallait parfois qu’elle s’y réhabitue. Le riz était désormais à bonne température et tandis que Lana semblait s’intéresser à la console, Julianne eut une pensée pour Aloïs à qui elle avait aussi offert son « baptême de jeux vidéo », mais quelle est cette génération de jeunes qui ne jouent pas à la console, bon sang? Bien sûr, pour elle qui avait toujours été accro a ces trucs-là, c’était un peu surréaliste, mais peut-être qu’elle devrait donner des cours de jeux vidéos, qui sait. En tout cas, un plateau-jeux vidéo-télé, ça sonnait bien comme petite soirée entre sœurs. Hihi. Julianne aurait presque ricané en gagatisant sur ce concept. Julianne fit quelques boulettes de riz collant et posa au dessus des tranches de poisson cru, invitant Lana a faire de même pour former les sushi et bientôt se mettre à table. Julianne sortit aussi la sauce soja et les divers choses qui allaient bien avec des sushi, de la salade, du gingembre rose… Elle installa le tout sur la table basse du salon, face à la télé, et partit fouiller dans ses étagères remplies de jeux divers. Elle fut plutôt préoccupée de voir qu’elle n’avait pas trop de jeux multi-joueurs ni de jeux très « fille », Lana n’aurait peut-être pas très envie de jouer à des jeux avec des robots géants en train de se taper dessus. Julianne lui présenta donc un certain nombre de jeux ou elles pourraient jouer ensembles, vendant le jeu a la façon d’une démarcheuse commerciale professionnelle et attendit que Lana fasse son choix. Cette soirée entre sœurs pourrait finalement commencer !