Je la hais. Par Darkrai ce que je peux haïr cette petite… Cette petite insolente, impertinente, agaçante, avec ça. J’en foutrais de ses encouragements. Je suis sure que tout ce qu’elle cherche, c’est bien me foutre les glandes. J’en foutrais aussi des claquements de langue suffisants d’Alexander quand je me mets à grogner. Depuis trois mois… bientôt quatre… Je ne peux à peine bouger. Bientôt quatre mois bloqué dans ce foutu appartement, entre ces quatre murs haïssables. Quatre mois juste à attendre comme un con, et à chier sous moi, à voir le regard de pitié d’Irma, la compassion que tente tant bien que mal de cacher Alex autant que son dégout et que ce début de résignation. Pourquoi il ne me zigouille pas tout simplement?! Si comme ils le pensent tous, je suis devenu un boulet? De toute façon, ils ont trouvé ma remplaçante. Ils ne peuvent plus supporter mes colères, même Irma me tourne peu à peu le dos, me dégoute. Je ne lui ait adressé que des mauvais mots ces derniers jours. Et je n’arrive pas à culpabiliser. Sa foutue pitié, je me torche avec. Elle ne m'effleure même pas. Ces mois auraient pu passer infiniment plus vite si il n’y avait pas eu cette foutue chauve souris, qui réduit ma place ici à néant. Et mon désir d’en faire mon dernier repas est plus fort que jamais, ce soir. Lizbeth semble surexcitée. Encore à me narguer a voler au dehors, au dessus de ma tête. Mais oui Chris, regardes, tu pourras de nouveau voler un jour, j’ai hâte de pouvoir voler dans le ciel avec toi! On pourra aller super loin, faire le tour de la terre en quelques heures! Chris, tu m’apprendras, hein? Je te rattraperais. Pauvre conne. Tes saloperies cachées sous tes bons mots, garde-les pour ta gueule. Aucune chance que je t’offre le moindre sourire, que je me plie devant toi, que j’accepte tes conneries un jour… Tais-toi… Pourquoi tu ne veux pas juste la fermer une bonne fois pour toute?! Pourquoi tout le monde essaie encore de me sauver?!

Puis, la seconde vient. Cet instant que je redoute tant depuis deux mois… La petite chauve-souris semble d’un coup grandir, elle se met à briller et ses ailes grandissent tout comme ses oreilles, son corps s’allonge pour devenir plus agile et rapide. Seule l’amertume reste quand je vois la Sonistrelle devenue Bruyverne se mettre à voler a toute vitesse dans les cieux, elle peut maintenant les explorer aussi loin qu’elle le désire. Et moi… Oui, ma place ici touche à sa fin. J’aurais jamais cru m’attacher autant a ce lieu, à Alex, a Irma, Ginette, et à tous les autres. Enfin, faut pas exagérer, Justin et Léonhart je les emmerde profondément quoi qu’il arrive, ils peuvent crever. Comme tous les autres l’ont fait, je m’approche de la baie vitrée en rampant à terre, m’approchant moi aussi de la rambarde qui donne sur le vide. Je veux voler, moi aussi. Juste un dernière fois, sentir le vent me porter.

« Chris? EH... CHRIS! NON! »

Vain. Je ne jette pas un regard derrière moi au moment ou je veux m’élancer vers le vide. Mais quand je suis dans les airs a tomber comme un merde, il est trop tard pour me rendre compte que je ne suis pas seul.

« ESPECE DE CON DE SCORVOL J’ESPÈRE QUE T’ES CONTENT ON VA CREVEEEEEEEEEEEER! DAAAAAAAAAAAAAAAAH! »

Je déploie mes ailes engourdies et tente de les faire battre pour repousser l’air, et si possible, le sol qui s’approche inexorablement.

« Chris… Putain, Chris, c’est le moment ou jamais la! VOLES! VOLES QUE J’TE DIIIIIIIIIS! »

Évidemment que je veux voler espèce d’humain débile a trois neurones blonds! Une ombre noire descend vers nous a toute vitesse et ses ailes cessent de battre à leur tour. Elle se laisse tomber à mes côtés. J’ai soudain l’impression que le temps s’arrête,  ralentit. Je n’entends plus rien, je ne vois qu’une chose, le sourire confiant de Lizbeth. Me dites pas que… Lizbeth, tu pensais vraiment tout ce que t’as pu me dire? T’étais pas en train de me narguer, de te foutre le ma gueule? Ce soir… C’est pour moi que t’as évolué? Parce que tu savais que je volerais de nouveau, tu l’as toujours su? Tu m’a attendu?  Est-ce que t’es débile?! Je t’ai envoyée chier un nombre incalculable de fois et… Je suis un foutu sanguinaire, tu ne vas pas m’aimer, je te préviens! Ouais, c’est ça, continue de me détester, j’y crois pas une seconde! Comment ça tu me déteste pas?! Mes ailes se mettent enfin à bouger et elles repoussent le vent avec violence, toutes les deux d’un même mouvement, et ça y est… Je me sens monter vers le haut. Vite… Encore plus vite… Plus haut encore…. Je vole. Je vole de nouveau. Je ris. Mon rire résonne dans la nuit. Le démon qui hante le ciel d’Anamil est de retour! Voila, je suis aux côté de Lizbeth et… Merde j’ai pas oublié quelque chose? Ah, si l’espèce de blond qui tombe encore et nous insulte en allemand. Pf. Ça va, j’ai tout mon temps. Je plonge vers le bas et l’attrape par la ceinture et l’envoie crapahuter sur son dos. Voila qu’on se fait de nouveau insulter, Lizbeth et moi, jusqu’au moment ou je repose le blond à son étage et qu’il dégringole sur le plancher et filer tout de suite vers les toilettes en continuant de beugler comme un cochon qu’on égorge. Quoique je suis sûr que les cochons sont plus gracieux. J’adresse un sourire a Lizbeth qui m’attend plus haut, au dessus des nuages. Désolé de t’avoir fait attendre, beauté. Vraiment désolé. Je suis de retour. Je vole. Et c'est bon. Bon d'être soi à nouveau.