Celui qui dit que trouver un cadeau est facile est un menteur
Évolution de Daisy
«
Nat, je ne pense pas que-
- Arrête de faire ta chochotte, Faust, et passe-moi cette partition !
- Mais, euh, je veux dire... T'es pas obligé, hein...
- ... C'est bien beau de dire ça APRÈS m'avoir fait du chantage, hein. »Le regard agacé et blasé de Natsume le fait tout juste grimacer, et Faust sent une pointe de honte montrer le bout de son nez en se rappelant que oui, en quelque sorte, il l'a un peu forcé à lui donner ce coup de main. C'est-à-dire que depuis un mois, il se casse la tête à trouver quelque chose d'à peu près correct, et disons qu'il avait sévèrement séché. Prévoir les anniversaires, il sait faire. C'est même facile pour lui, sauf que quand vient la partie 'cadeau'... C'est autre chose. Il y a bien sûr le cas où la personne de qui on fête l'anniversaire ne veut pas de cadeaux et il faut alors organiser tout un stratagème pour que la personne en question ne soit en rien au courant de l'existence des cadeaux avant qu'elle soit devant, mais Faust a appris à passer au dessus de ces petits contretemps ; il faut bien traficoter un peu de temps en temps, mais nous nous éloignons largement du sujet. Ainsi, ce n'est pas d'organiser une fête, aussi compliqué et fatiguant que cela pourrait être, qui le dérangeait tant que ça. Non, ça, ce ce n'était RIEN comparé à la torture qui lui prenait autant la tête ces derniers temps.
Quelle est donc cette torture, me direz-vous ? Le choix du cadeau, tout simplement. Faust était une quiche absolue en matière de cadeaux ; pas une seule fois il n'avait réussi à trouver quelque chose qu'il aurait jugé comme parfait. Il s'était même tant de fois demandé comment les autres faisaient, pour toujours trouver des cadeaux originaux, sympathiques et bien vus. Et maintenant qu'il devait trouver un cadeau d'anniversaire pour sa fille, il était perdu, et le temps n'avait pas du tout l'attention de ralentir sa course parce qu'il était complètement stupide et incapable de prendre une décision pourtant simple. Ainsi, vu que malgré tous ses efforts il ne parvenait pas à trouver l'idée de cadeau parfaite pour sa fille chérie, il était devenu désespéré. Lorsqu'il avait trouvé la guitare de Natsume en cherchant un truc dans son armoire (plus précisément un t-shirt qu'il lui avait prêté il y a de cela quelques mois et qu'il tenait à récupérer puisque c'était un collector, tout de même), sans lui avoir demandé son autorisation au préalable d'ailleurs, il s'était tout d'abord demandé pourquoi il n'avait jamais entendu parler du fait que son cousin savait en jouer, et en plus de ça qu'il avait emmené la sienne ici. La réponse avait été très simple à trouver néanmoins, puisqu'il était lui aussi du genre à cacher un des 'talents' par honte, et il n'avait au départ vu cela qu'avec un certain amusement, et avait rangé la guitare en se disant qu'un jour au moins, il pourrait surprendre le cadet en révélant qu'il savait, juste pour le plaisir de voir sa tête éberluée. Et très probablement embarrassée.
Mais, inévitablement, ses pensées avaient lentement commencé à dériver et avant qu'il n'ait pu comprendre quoi que ce soit, il s'était retrouvé à penser à son père. Père qui, en tant que chef d'orchestre, avait tout fait pour initier ses fils à l'art musical, et vu qu'il avait un peu plus de temps avant la naissance d'Eliott, il s'était permis de prendre quelques heures chaque semaine pour leur apprendre ce qu'il savait. Clive, lui, s'était révélé assez doué et passionné, allant même jusqu'à surprendre son paternel en posant des centaines de questions, tandis que Faust, eh bien... Uhm, disons que parfois, il y a des domaines dans lesquels on est vraiment pas doué, ou tout simplement qu'on ne veut pas s'y intéresser, et les instruments faisaient partie de ça. Même si son père avait été un peu déçu, il s'en était au final fichu.
Toutefois, après une stupide dispute avec Clive, son jumeau avait lâché la vérité que le châtain tentait désespérément de garder ; il savait chanter. Et assez bien, en plus de ça ; il l'avait découvert en cours de musique au collège, et avait tout fait pour garder ça loin des oreilles de son père, rien que par gêne. Mais néanmoins, la frustration occasionnée par un 'vol' du dernier cookie aux noisettes de la boîte (et Faust insisterait toujours sur le fait qu'il était légitimement à lui, ce cookie) avait poussé Clive à avouer la vérité, rien que pour agacer Faust.
Et, contrairement à ce qu'il aurait pensé comme le tout jeune pré-ado stupide qu'il était (bien que l'état n'a aucun rapport avec l'âge, comme il l'avait prouvé avec le temps), son père ne l'avait pas poussé à prendre des leçons, ni à chanter si il ne le désirait pas. Et bizarrement, en observant les répétitions de son jumeau et de son père, il avait eu envie de participer ; une chose en entraînant une autre, il s'était retrouvé à apprendre et à apprécier ce qu'il faisait.
Sauf que, depuis la mort de son père et le fait qu'il ne voyait plus Clive... Toute envie de chanter était partie en fumée, et personne n'avait pu le convaincre de recommencer, même avec beaucoup d'insistance. Mais maintenant qu'il était acculé contre le mur et à la recherche d'un cadeau, il en était arrivé à ça. Oui, il avait l'intention, au lendemain de l'anniversaire de sa fille, de lui chanter une chanson. Déjà, il trouvait ça extrêmement mièvre...
« Euhm.. Comment j'suis supposé faire ça ?
- Bordel... Bouge pas, j'vais te montrer. »… Et en plus de ça, il se sentait très con. Sa brillante idée (remarquez le sarcasme ici, il est important), impliquait aussi qu'il prenne des cours de guitare auprès du Shimomura, qui apparemment avait déjà Katya comme élève, tout ça pour apprendre à jouer un morceau en moins de deux semaines ; autant dire que lorsqu'on a le peu de talent de Faust, c'est mal barré. Il l'avait en quelque sorte forcé à dire oui en le menaçant de révéler le 'talent musical' du lapin, et ça avait marché.
Avait-il honte ? Un peu, oui. Mais il fallait dire que la motivation de faire quelque chose de correct pour le premier anniversaire qu'il passait avec sa fille lui faisait oublier la certitude qu'il allait très certainement se ratatiner. Et au fond, même ça, il s'en fichait ; si il parvenait même à la faire rire, il aurait été content.
« Faust, tu essaies d'étrangler cette pauvre guitare ou quoi ? Tes doigts, bon sang ! »… D'un autre côté, il ne dirait pas que découvrir que son cousin ressemblait vraiment au cliché du prof sévère une fois agacé, et qu'en plus les lunettes n'arrangeaient rien, n'était pas drôle. Bon, en toute honnêteté, le fait qu'il était obligé de faire ça n'adoucissait sûrement pas son humeur, mais bon, c'était pour la bonne cause.
Et très sincèrement, les quinze jours suivants furent... Disons, compliqués. Entre le stress et toutes les préoccupations du quotidien, Faust ne savait plus vraiment comment il ferait pour gérer quand le moment viendrait, mais puisque le temps est le plus brutal et le moins tendre des coachs, il avait dû se forcer à travailler et à éviter de penser au moment fatidique, ce qui l'aurait poussé à faire tout et n'importe quoi pour ne pas se rendre compte qu'il avait une montagne de boulot à porter sur ses pauvres épaules.
Mais pourtant, malgré l'anxiété qu'il sent en lui, les jours passèrent. Et bien sûr, l'anniversaire d'Alice finit par arriver, et se déroula sans accident majeur (bien que le Banshitrouye de Natsume avait encore fait des siennes). Avec l'espace disponible dans la maison, il n'avait pas été compliqué d'organiser une fête, et même si Alice n'appréciait pas trop qu'il y ait trop de monde d'un coup, le fait que ce furent des personnes qu'elle considérait comme des proches l'aida beaucoup.
Et pour son anniversaire, elle avait même eu le droit à un œuf de Tarsal de la part d'Isaac, qui ne lui avait toutefois rien dit quant à ce que l’œuf contenait, bien que comme l'avait découvert Natsume une heure plus tard, elle l'avait déjà deviné.
Au lendemain, il avait eu le droit à un 'bonne chance' de la part du lapin, un gloussement amusé d'Isaac et beaucoup, beaucoup d'angoisse. Une fois le déjeuner passé, il avait emmené Alice avec lui dans un coin tranquille de la clairière d'érode, persuadé que ce serait le meilleur endroit pour ça.
Et honnêtement... Ce fut niais. Très niais. Faust était même persuadé que si quiconque apprenait un jour qu'il avait fait ça, il mourrait de honte. Lentement. À petit feu. Non parce que mine de rien, si son idée de base paraissait jolie dans les détails, dans les faits... C'était très mièvre et honnêtement, le conseiller savait qu'une fois qu'il eut fini, sa tête était aussi rouge qu'un Electrode et qu'il était soudainement paralysé, incapable du moindre mouvement autre que de rougir comme une tomate. Il avait posé la guitare, pesté intérieurement contre le fait qu'il avait l'air d'un hippie stupide et avait caché son visage avec sa main. Si jamais quiconque apprenait ça...
Il se massa la nuque, mal à l'aise, alors que ses joues flambaient toujours. Il avait voulu faire plaisir à sa fille, même si la méthode était extrêmement nyannyan, tout ça parce qu'il ne savait vraiment pas quoi offrir ; il fallait dire que les jouets n'étaient pas les trucs d'Alice, et que question bouquins, elle avait déjà largement de quoi faire. Et puis très sincèrement, offrir autre chose qu'un truc amusant à un gosse, c'est de la bêtise totale, point.
… Et moi, j'ai fait un truc niais et pas amusant du tout. Ouaip. Putain que je suis con.« Pourquoi tu m'as jamais dit que tu savais faire ça, papa ? »La question le prit par surprise, et il cligna des yeux avant de poser son regard sur la fillette, oubliant subitement sa gêne. Alice l'observait avec de grands yeux écarquillés et émerveillés.
« Euhm, euh...
- J'veux dire, c'était super joli ! Pis tu chantes très bien aussi ! »Faust n'est pas facile à embarrasser, mais aujourd'hui, il passe par toutes les notions de rouge. Et sûrement du violet à ce rythme, même si ce serait biologiquement impossible. Il se mit à balbutier, toujours assis sur le sol. Alice vint s'asseoir contre lui, et lui fit alors les yeux de chien battu, signe qu'elle désirait quelque chose et qu'elle ferait tout pour l'avoir.
« Dis... Tu m'apprendras ? »Et là, Faust aurait dû réfléchir quinze secondes. Se dire que vu qu'il n'était qu'un parfait débutant et qu'il n'y connaissait rien, il vaudrait mieux qu'il la redirige vers une école ou encore même supplie Natsume de s'en occuper, mais la simple pensée de passer un peu plus de temps avec sa fille et de partager le peu de connaissances qu'il avait suffit à le convaincre et à le faire répondre quasiment immédiatement
« Ah, euh... Oui, sans soucis ! D'ailleurs... »Il attrapa la guitare par le manche et la posa devant la fillette, un grand sourire aux lèvres.
« Bon, tu es encore un peu jeune pour l'utiliser et c'est sûrement très prématuré, mais... J'te la laisse. Bon anniversaire ! »Et vu la façon dont Alice souriait, il se disait que ce moment gênant valait vraiment le coût, et que même si il devrait prendre des cours en secret avec Natsume plus souvent, ce qui signifiait se faire taper sur les doigts parce que le lapin était vraiment un prof très méthodique et intraitable, il ne regrettait rien.
Une plume noire tomba sur sa tête et il fronça les sourcils, surpris, avant de constater qu'il s'agissait d'une des plumes de Daisy, qu'il avait emmené avec lui avant de venir ; la Vautrutrice nouvellement évoluée poussa un croassement sonore, avant de se poser sur la branche d'un arbre et d'observer son dresseur et la fillette d'un air attendri.
Faust dirait, en toute honnêteté, qu'il n'aurait pas pu être de meilleure humeur, et ce n'était même pas le jour de son propre anniversaire ; pourtant, il avait comme la sensation que c'était tout comme.