Tenter de réparer

« Natsume, ouvre la porte. Dernier avertissement ! »

Ironie magnifique de constater que c'est Faust qui prononce ces mots, effectivement. Mais Natsume ne relève même pas les propos et se contente d'enfoncer un peu plus sa tête contre ses genoux, repliant ses épaules et baissant les yeux avant de les fermer. Il prend une grande inspiration et se mord les lèvres une nouvelle fois, se fichant complètement du goût de sang dans sa bouche qui reste à force, et il passe ses mains dans ses cheveux pour en saisir quelques poignées et les serrer sans d'autre but que de tenter de se ramener à la réalité, et ce par tous les moyens nécessaires. La veut-il vraiment, la vérité, ou cherche-t-il tout simplement à oublier ? Il ne sait pas et il ne veut pas le savoir. Il ne veut plus rien savoir. Il en sait trop maintenant, et il désirerait juste ne jamais avoir ouvert de maudit journal, ni avoir laissé ses yeux vaguer sur les trop nombreuses lignes qu'il a lu et dont le sens s'est à tout jamais gravé dans son esprit au fer rouge, laissant derrière elles la marque indélébile de la douleur. Il entend des voix derrière la porte, mais il n'y porte pas tant attention que ça. Il reconnaît d'ici celles de Katya, Faust et parfois brièvement celle d'Isaac dans des murmures qui se veuillent discrets mais qui n'ont pourtant pas lieu d'être puisque Natsume n'accorde plus aucune importante au monde qui l'entoure. Il s'est replié sur lui-même aussi mentalement que physiquement, et refuse ainsi implicitement de voir quiconque. Il a comme tout oublié hormis la douleur qui le ronge, dans un égocentrisme inhabituel mais amené par la surface par le chagrin qui lui comprime la poitrine. Il voit la clenche de la porte bouger, mais la chaise posée là pour bloquer tout mouvement possible sert bien les buts du hérisson. Même les bruits répétés de grincement liés aux tentatives des autres de rentrer ne le font pas sourciller.

« Il a barricadé la porte. Cet ABRUTI a barricadé la porte !
- Regardez donc qui parle... »

Il y a un moment de silence inexplicablement long. Natsume sent que quelque chose ne va pas et qu'il devrait s'inquiéter, mais il n'en a pas la force. Il expire et ferme les yeux, désireux de tout sauf de sa peine. Ce silence ne tarde pas à être brisé, puisque la porte est alors défoncée par la Feurisson de Katya. Le bruit sourd et puissant que produit ce choc tire l'adolescent de sa torpeur et il fixe les nouveaux arrivants avec de grands yeux écarquillés, porteurs d'une lueur de peur au fond. Il n'ose rien dire, et même si les regards mi-sévères mi-emplis de pitié de Katya et de Faust le couvrent de honte, il ne démord pas de sa position. Il aperçoit Isaac au fond qui l'observe d'un air attristé, positionné juste à côté de sa Gardevoir. Il aimerait reculer mais se rend bien vite compte que ce n'est pas possible, et jette des regards venimeux à la suédoise et au conseiller.

« C'était pas la peine de...
- Je n'ai pas l'intention de le laisser se lamenter, peu importe la raison. Si il faut laisser un peu la douceur de côté, alors soit. De toute façon avec vous, ce ne sont pas les avertissements qui marchent. »

Faust grommela, mais n'en rajouta pas, étant donné qu'il perdrait vite la bataille et qu'il savait que Katya avait raison. La priorité pour l'instant, c'était l'adolescent qui les fusillait du regard dans l'espoir de les faire partir, ce qui ne fit que faire lever les yeux au ciel aux concernés. Le conseiller s'approcha doucement, mais la tension en Natsume ne disparaissait pas et on aurait cru qu'il allait se mettre à mordre, comme un animal acculé. Le hérisson plus âgé posa une main sur l'une des épaules de l'adolescent, l'air neutre, et que celui-ci se contracta brusquement, comme brûlé, avant de se pousser le plus loin possible du toucher de son cousin. Faust fronça les sourcils, reconnaissant ce comportement comme mauvais signe.

« Dégage ! »

Le cri était sorti de la bouche du japonais comme une sorte de menace, mais ce n'était pas ça qui allait faire peur au conseiller, loin de là. En cet instant, avec ses yeux rougis et humides, les sanglots qu'il réprimait en se mordant les lèvres jusqu'au sang et les sursauts ainsi que les nombreux tremblements qui l'animaient, l’adolescent n'avait jamais eu l'air aussi brisé. Tandis que l'éleveur essayait de s'éloigner, Faust le saisit par l'épaule pour le forcer à reste près d'eux et le souleva sans porter attention à ses protestations et toutes les insultes qui sortaient de sa bouche. Le mélange de pleurs et de rage était tel que même Katya se demanda si l'adolescent était même conscient de ce qu'il faisait. Il fallut qu'elle aille aider Faust en essayant de calmer Natsume, qui continuait de gigoter dans tous les sens en grognant et pestant. Isaac, soupirant, décida alors de se rapprocher et de faire ce qu'il se refusait à faire tant qu'il n'aurait pas de preuves que le plus jeune n'était pas dans un état proche de l'hystérie. Il laissa Thalie se mettre devant le japonais, releva le visage du gamin avec une grimace attristée sur son visage et hocha de la tête pour que la Gardevoir lance l'Hypnose. L'effet fut quasiment immédiat, puisque le lapin ferma peu à peu les yeux, avant de se laisser tomber. Katya et Faust le rattrapèrent, inquiets.

Isaac étant le plus fort physiquement, ce fut lui qui se chargea de porter Natsume jusqu'en bas ; ils le descendraient dans la chambre de Faust pour l'instant, le temps qu'ils comprennent ce qui s'était passé. Étant donné qu'ils ne savaient pas (mais avaient une bonne idée, vu le coup de fil que Faust avait reçu de la part de Nagisa pour le prévenir de son passage et des risques quant à l'état mental de Natsume), ils ne pouvaient que faire le nécessaire, soit sortir l'adolescent de son enfermement puis chercher des solutions.
En voyant Isaac descendre, Faust soupira lourdement, et prit dans ses mains le journal qui était resté à terre. Il n'avait rien dit à Isaac et Katya pour l'instant, étant donné qu'il se doutait que Natsume n'apprécierait peut-être pas qu'ils sachent. Il n'avait jamais parlé à Nagisa avant, et il se demandait même comment elle avait obtenu son numéro de téléphone, mais restait que la jeune femme l'avait prévenu de ce que Natsume trouverait dans ce journal qu'elle lui avait donné. Dès qu'il avait appris, il avait accouru, en appelant au passage Isaac et Katya pour les prévenir de l'urgence de la situation, et éloigner Alice de la maison tant que possible.
Autant dire que maintenant, il meure d'envie d'administrer la baigne de sa vie à sa petite-cousine. Par Arceus, comment allaient-ils faire pour qu'il se relève de ça... ?

« Qu'est-ce qu'on fait, donc ?
- Dans l'ordre ?
- Oui, dans l'ordre.
- Déjà, voir ce qui s'est passé et attendre qu'il se réveille. Thalie va fouiller un peu dans sa tête pendant qu'il est inconscient pour comprendre. Ensuite, virer les restes de la porte, elle est foutue. Et enfin... Prévenir Mina, puis Sam, une fois que Natsu sera réveillé et dans un état à peu près stable.
- On ne devrait prévenir Samaël plus rapidement ?
- Et lui dire quoi ? 'Coucou, ton copain est dans un état mental catastrophique et je crois bien qu'il vient de subir un des pires traumatismes de sa vie, enfin on sait pas trop mais on sait qu'il n'arrête pas de pleurer et est presque hystérique en plus de repousser chaque tentative de l'approcher. Ah et oui aussi, est-ce que j'ai mentionné qu'il est détruit mentalement ? Nan parce que je peux le redire hein.'. Brillante idée, Katya.
- Ça va, ça va, j'ai compris. Donc tu vas le faire en personne ?
- J'irai parler à Mina demain. Quant à Sam, je lui dirai de me rejoindre dans un coin pour lui apprendre la nouvelle, en douceur. Enfin, autant que je puisse le faire. »

Faust soupira, puis expira profondément, fatigué. Tandis qu'au salon Natsume dormait, le conseiller se demanda brièvement ce qu'ils allaient faire, et ne trouva pas de réponse. Si il y en avait un qui pouvait faire quelque chose pour l'aider, c'était bien Natsume lui-même. Faust poussa un long soupir, et tandis qu'il descendait les escaliers pour rejoindre le salon et le canapé où se trouvait (temporairement, soit juste quelques minutes pour que la chambre soit rangée et préparée) le gamin, un sourire triste se dessina sur le visage. Il ne fut même pas surpris lorsque le lendemain, il fallut le forcer à se nourrir. Son teint livide, son absence d'appétit, son silence et sa lenteur, tout ça, Faust savait que c'était le résultat inévitable de ce qui s'était passé. Après avoir observé attentivement le visage du lapin et l'avoir vu se contracter, car même avec l'attention de Thalie les cauchemars parvenaient quand même à le martyriser, il serra les poings rageusement et sortit en claquant la porte. Une fois les autres prévenus, il aurait quelqu'un à aller voir, et une colère à exprimer.