Une idée stupide parmi tant d'autres

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Quatre jours déjà que Natsume a vu toutes ses certitudes s'écrouler et son monde se fragiliser, blessé par les révélations qui avaient été faites il y a peu. Depuis ce jour, il n'est plus que l'ombre de lui-même ; ses sourires sont quasiment inexistants et ont perdu toute luminosité, ses yeux se sont ternis de fatigue et de lassitude, et il est presque sûr qu'il a dû perdre au moins un peu de poids, étant donné qu'il refusait de manger puisqu'il n'avait plus du tout d'appétit. Oh, sur ce dernier point, disons que quand Katya était arrivée avec un plat qu'elle avait concocté elle-même, elle l'avait poussé à manger sous peine de le nourrir de force, en l'attachant à une chaise au besoin. Sur le moment, il avait cru qu'elle blaguait, mais le regard sévère qu'elle lui avait jeté lui avait fait comprendre qu'elle était tout à fait sérieuse, et il avait obéit, non sans grogner et pester, ce dont la suédoise n'avait pas eu cure. Au final, il n'avait réussi qu'à manger la moitié de son assiette, et encore. Toute envie de faire autre chose que traîner avait disparu, quoique il s'était forcé à bosser le premier jour, ce qui avait fait naître chez ses proches un certain agacement, et Faust avait été le premier à réagir en menaçant d'aller cacher tout ce que Natsume aurait pu utiliser pour travailler. La menace avait fait son effet, et même si le lapin s'était réfugié dans le jardinage et le soin de ses pokémon pour oublier le reste, il n'en restait pas qu'il grognait un peu. De toute façon, il était extrêmement irritable ces derniers temps, à son grand regret, étant donné qu'il se rendait vite compte après s'être agacé pour un rien que c'était puéril de sa part.

Le fatigue, quant à elle, est peut-être la pire des choses ces temps-ci. Entre la déchirure horrible sur son cœur et toutes les émotions négatives qui venaient remettre du sel sur cette plaie, les cauchemars affreux et qui ramenaient à la mémoire des souvenirs qu'il aurait préféré oublier et son asthme qui prenait de la force à cause de son état, Natsume se demandait de temps en temps comment il arrivait même à tenir debout tant l'envie de s'écrouler au sol était tentante, parfois. Il se forçait à laisser le moins paraître possible, puisque voir son copain (qu'il estimait déjà trop coller et qu'il pensait qu'il allait déranger, à la force) horriblement inquiet était désagréable au possible et qu'il le réveillait indirectement déjà bien trop de fois durant les nuits. Il s'en voulait d'inquiéter autant ses proches, et désirait retrouver la forme pour qu'ils cessent de se faire du souci, mais c'était plus facile à dire qu'à faire et au final, il n'arrivait qu'à pester contre son impuissance à se reprendre en main.
Cet état l'énerve ; Natsume déteste se lamenter et se laisser aller, alors cette situation est encore plus horripilante à ses yeux. Frustré, fatigué et peiné, il ne sait plus vraiment ce qu'il est supposé faire et se demande peu  à peu si il n'est pas dans une impasse. Depuis la mort de sa mère et l'abandon de Nagisa, il s'était reconstruit sur une base de hargne et de rancœur envers le monde, avait façonné une carapace d’acidité et de désinvolture pour s'épargner davantage de peine, ce qui lui avait donné une protection suffisante pour se reconstruire comme il le pouvait, seul et en tentant de recoller maladroitement les morceaux de son esprit brisé. Le résultat n'avait pas été très sympathique, et il avait un peu honte de son comportement lors de son premier mois sur l'île, puisqu'il avait tellement eu envie de s'éloigner de tout qu'il s'était montré désagréable, incisif et quelque peu arrogant. Le temps avait fait qu'il s'était calmé, et maintenant... Maintenant, tout ce qu'il avait construit avait été brisé, envoyé en l'air par les derniers événements. Il ne savait pas si c'était un bien ou un mal, au final, mais peu importe.

Un énième cauchemar l'avait réveillé, cette nuit-là. Pour une fois, ce n'était pas en sursaut qu'il s'était réveillé, et ses poumons l'avaient laissé tranquille. Il avait d'ailleurs remercié Arceus que son petit-ami, malgré le fait qu'il avait le sommeil léger, n'avait pas été réveillé. Déjà, il se serait senti mal de l'avoir encore une fois troublé, et deuxièmement l'idée qui commençait à germer dans sa tête n'aurait pas pu se réaliser dans le cas contraire. Après avoir essuyé les quelques larmes qui coulaient et s'être mordu les lèvres jusqu'au sang pour ne pas sangloter, il s'était repris en main et avait, le plus discrètement possible, quitté le lit. Ça n'avait pas été chose facile étant donné qu'il dormait du côté du mur, mais avec beaucoup de patience et surtout de chance, il avait réussi à se tirer des draps sans que sa petite excursion ne soit remarquée. Une fois cela fait, il s'était rhabillé assez chaudement, avait enfilé une veste noire bien chaude que lui avait prêté Faust un jour et avait saisi trois pokéballs. Après avoir jeté un regard hésitant sur la forme de son copain endormi, il avait finalement quitté la pièce et était sorti de la maison.
Au départ, Kaito avait refusé de l'emmener dans la forêt, mais un regard suppliant et une promesse de faire attention l'avaient apaisé. De toute façon, vu l'état de son dresseur, une sortie ne pourrait pa lui faire de mal, même si l'Alakazam estimait à juste titre qu'il aurait tout de même pu attendre le lendemain et ne pas partir en plein milieu de la nuit, vers trois ou quatre heures du matin à peu près. Mais bon, c'était trop tard de toute façon.

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Une fois arrivé en forêt, il constate qu'il ne sent pas forcément mieux. Bien sûr, l'air frais de la nuit et le calme religieux qui plane sur les lieux sont apaisants, mais il n'y a pas de soulagement dans sa poitrine contrairement à toutes ces fois où rien qu'une petite sortie avait réussi à le tirer de sa morosité. Pour beaucoup, la forêt en pleine nuit, c'est un endroit horriblement dangereux et flippant au possible, d'autant plus que mille et unes créatures devaient se terrer ici. Mais pour Natsume, ce n'était pas la même histoire ; aussi dangereuse que soit la forêt pour quelqu'un qui ne s'y connaissait pas ou quelqu'un qui était expérimenté, l'éleveur se sentait plus à l'aise ici qu'en ville. Même si certains éléments n'étaient pas très ragoûtants, il préférait de loin la boue au manque d'air frais, enfin vous voyez ce que je veux dire. Si il y avait une chose qui n'avait pas changé entre maintenant et le jour de son départ du Japon, c'était son amour pour la nature. La solitude et la paix amenées par la nuit lui plaisent, et il s'étonne à esquisser un faible début de sourire, qui disparaît pourtant bien vite. Un regard vers les étoiles le fait soupirer ; la contemplation du ciel étoilé, ce n'était quelque chose qu'il ne faisait que très rarement, voir quasiment jamais. Mais maintenant, allongé sur une pierre couchée avec la tête calée sur son sac, il se surprend à le faire. C'est horriblement con pourtant à ses yeux, et il se rabroue bien vite en grommelant des injures incompréhensibles envers lui-même.

Se redressant, il rapprocha ses genoux de son torse et cacha sa tête dans ses bras, se demandant ce qu'il pourrait bien faire. La fatigue avait déjà laissé ses traces sur son visage sous la forme de grosses cernes grisonnantes qui alourdissaient son regard, et il tremble vu le froid qui le parcoure. Il hésite un moment avant de faire sortir Suzaku de sa pokéball, soupirant de soulagement en sentant la chaleur émise par le Mélancolux à quelques centimètres de lui. Le pokémon spectral, inquiet mais plus intéressé par le fait de l'aider, se rapprocha de son dresseur jusqu'à se mettre juste à côté, de sorte qu'il ne l'importunait pas mais ne le réchauffait au moins un peu. Tandis qu'une Nirondelle passait au dessus d'eux en chantant quelque chose de très joli mais qui ne suffisait toutefois pas à lui extirper les idées de ses pensées noires, le Mélancolux se mit à dessiner avec ses flammes des motifs de feu bleuté. L'éleveur observa sans rien dire, quoique un peu fasciné par ce talent dont Suzaku faisait soudainement preuve, étant donné qu'il ne l'avait jamais vu faire un truc pareil. La fumée émise par les flammes paraissait danser avec celles-ci tandis dans un un motif que Natsume ne parvenait pas à reconnaître. L'adolescent se tut et se contenta de regarder, ayant pour une fois autre chose sur lequel se concentrer que ce que ce qu'il avait appris il y a peu.

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Qu'est-ce qu'il fout ici, sérieusement ? Il ne le sait pas lui-même, et se complaît à ne pas se poser de questions en observant ce que fait Suzaku, sans réfléchir un seul instant à tout ce qu'il devrait faire par la suite. Son regard se porta alors sur sa main bandée, et il grimaça un peu ; lorsqu'il avait 'explosé' suite à la lecture du journal, il avait eu l'idiotie de tout envoyer voler et... S'était coupé avec du verre. Détail stupide, mais qui l'handicapait quelque peu, quoique il refusait totalement qu'on le prenne davantage en pitié, ce qu'il exécrait de tout son être ; un seul commentaire de Faust à ce sujet sur le fait qu'il devrait faire plus attention lui avait valu un regard noir et une réponse sèche, ce que l'adolescent regrettait un peu, mais qu'il referait si le besoin venait à arriver. Peut-être qu'au bout du compte, ce qu'il cherchait maintenant était d'être véritablement seul avec ses pensées. N'allez pas vous méprendre, la compagnie de ses proches l'aidait à garder la tête hors de l'eau, mais il sentait ce besoin de faire le point, de calculer ce qui était encore à faire et de prendre une décision. Parce qu'il sait qu'il ne fait que rester à un point statique de lamentation pitoyable qu'il déteste, mais qu'il ne parvient pas à trouver ce truc qui lui permettrait de remonter la pente, et cela seul.
C'est important pour lui, ça. Cela peut sembler puéril, idiot et bien trop inspiré par une fierté mal placée que Natsume ne niera jamais avoir étant donné la taille de ladite fierté, mais il sait que si il ne parvient pas à se relever tout seul, alors il n'aura pas progressé, et c'est quelque chose qu'il ne peut pas supporter. De toute façon, cet état dans lequel il est était déjà source d'une immense frustration chez lui. Mais la fatigue, la peine et l'incompréhensible poids sur sa poitrine étaient des freins certains, dont l'éleveur aurait bien aimé se débarrasser, mais aussi malin qu'il soit, même lui ne pouvait pas faire grand chose face à ce genre d'émotions. De toute façon, sur ce terrain-là, il n'avait jamais été doué et ne le serait jamais, c'était sûr et certain. C'était bien plus facile de penser à autre chose et à faire comme si rien n'était là, mais maintenant, ce n'était pas possible, et cet état de fait l'agace encore plus.

Assis sur sa pierre, il contemple les motifs dessinés par le mélange de flammes et de fumée provenant de Suzaku, mais même la danse des couleurs et des teintes de lumière ne parvenait pas à lui donner envie de sourire. Il est rare qu'il en ai l'envie ou la force de toutes façons ces derniers temps, bien qu'il se pousse à le faire devant ses proches pour ne pas les inquiéter ; il n'est pas assez naïf pour espérer qu'ils y croient, mais au moins, il n'a pas à les voir s'attrister davantage. Le Mélancolux finit rapidement par remarquer que son dresseur ne porte plus tant attention à ce qu'il fait, et il s'arrête, soucieux. Natsume tente de le rassurer d'une maigre et faible esquisse de sourire, puis se relève avant de jeter un regard circulaire dans les environs. Cet endroit le calme, d'ordinaire,  mais aujourd'hui il n'y a pas l'effet apaisant qu'il croyait pourtant trouver, à tort certes. Au fond, il ne savait pas vraiment ce qu'il cherchait, si ce n'est quelque chose à faire puisque le sommeil refusait de venir à lui. Ou peut-être essayait-il encore une fois de fuir un peu, ou bien même de se convaincre lui-même que rien n'avait changé en venant ici, dans ce coin familier et sympathique à ses yeux. Mais peu importe ; ces questions n'allaient rien changer à la situation, et très certainement pas arranger son humeur.
Des bruits agaçants attirèrent son attention, et il constata qu'il s'agissait d'un Statitik qui s'évertuait à parler, bien que Natsume ne comprenait rien à ce qu'il disait et l'observa en clignant des yeux, confus. Suzaku, toutefois, ne parut pas apprécier les propos venant de l'araignée et lui répondit par une gerbe de flammes, qui ne fit que frôler le Statitik, comme le souhaitait le Mélancolux. Effrayé, l'insecte partir sans demander son reste.
En temps normal, l'éleveur aurait rabroué son compagnon d'un pareil comportement, mais n'étant définitivement pas d'humeur, il n'y accorda pas plus d'importance que ça et se contenta d'un gros soupir et d'un regard lassé que Suzaku interpréta bien vite, vu qu'il détourna le regard à peine quelques secondes après.
Une seule question subsistait toutefois : que faire ? Sans trop d'enthousiasme, il décida qu'il pouvait bien commencer à faire quelques croquis en s’éclairant avec la lumière de Suzaku, si il allait doucement avec sa main, bien qu'au fond il se foutait complètement de la possibilité de rouvrir sa blessure en forçant un peu trop. Une fois ça fini, il ferait sûrement le tour. C'était déjà ça.

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Sauf que bien évidemment, comme toujours, la réalité a vite fait de se rappeler à Natsume qui grimace en constatant que sa main refuse de coopérer, et que la désagréable sensation qu'il ressent quand il commence à dessiner le persuade de s'arrêter. Si il rouvrait ses cicatrices, il doutait que sa situation s'arrangeait, et il n'avait pas envie de se prendre des sermons une fois qu'il serait rentré. Rentré... Le mot passe dans son esprit et il fronça les sourcils, comme soudainement ramené à la vérité. Il se mordit les lèvres, essayant de repousser au loin le sentiment d'angoisse qui lui serrait l'estomac et la gorge alors qu'il pensait à ce qui arriverait une fois qu'il oserait remettre les pieds à la maison. En hésitant, il rangea ses crayons et son début de croquis, puisque de toute façon il n'arriverait à rien vu l'état de sa main. Il soupira et se dit qu'il pouvait bien faire une petite balade, et que cela n'aurait pas pu le tuer. Il le fit donc, sans trop regarder les environs, en se contentant d'avancer droit devant lui. Même si il tente de s'intéresser au coin, il n'y parvient pas, et même son esprit refuse de le suivre dans cette affreuse lâcheté qui est la sienne. Sa balade dure une heure au moins en tout, jusqu'à ce qu'il décide de retourner vers les pierres et prenne un autre détour qui lui fit perdre une demie-heure de plus. Ce sont ses pieds qui finirent par lui faire se dire qu'il devait arrêter ses bêtises et s’asseoir, ce qu'il fit une fois de retour à son point de départ. Depuis tout à l'heure, Suzaku l'accompagnait dans un silence religieux, éclairant d'une douce lumière bleutée les côtés de son dresseur, sans une seule fois l'embêter ou le tirer de ses pensées.
Pour ça, Natsume était reconnaissant. Il y a des fois où il avait juste besoin de silence, et le Mélancolux était un de ceux qui comprenaient le plus facilement cela. Une fois de retour, il baissa les yeux sur sa montre, tout ça pour constater qu'il était au moins quatre heures du matin. Il ne s'était pas rendu compte que le temps était passé à une vitesse folle, et même si la fatigue alourdissait chacun de ses muscles et ralentissait même son esprit, il était tout de même très hésitant à l'idée de rentrer. Se cacher sous les draps et se blottir contre son copain pour dormir paraissait être très tentant, mais une toute petite partie de lui-même le poussait à rester. Comme si il avait besoin de quelque chose d'avant. D'une raison, d'un but à trouver pour se permettre de continuer. Dépasser une étape, en somme, mais Natsume n'avait aucune idée du quoi et du comment, ce qui était sûrement la pire des choses.

Perdu dans ses réflexions, il ne remarque le Vipélierre qui traînait autour d'eux que lorsque celui-ci tomba dans une flaque d'eau. Le bruit fit sursauter Natsume et l'adolescent se retourna brusquement, tout comme Suzaku, tous deux méfiants et alertes. Ce ne fut que lorsque le regard du japonais se posa enfin sur la source du bruit qu'il se détendit, tout comme le Mélancolux à ses côtés. En temps normal, voir un pareil pokémon aurait sûrement amené des étoiles dans ses yeux et l'aurait fait gagater comme un enfant, mais pas aujourd'hui. Une esquisse de début de sourire se dessina sur son visage, avant de disparaître comme elle était apparue lorsqu'il s'accroupit pour se mettre à hauteur du pokémon.
Les yeux du Vipélierre se posèrent sur lui, le détaillant de toutes parts, et Natsume laissait l'autre le soumettre à cette observation minutieuse, conscient qu'il avait besoin de ça pour se détendre. Le regard du serpent rencontra le sien et ils restèrent à se fixer pendant une minute, s'étudiant tout deux minutieusement. Puis, finalement, sans crainte aucune, le japonais étendit une de ses mains sur la tête du Vipélierre avec douceur, tout ça pour lui offrir une caresse douce. Ledit Vipélierre se laissa faire, non sans fixer attentivement le jeune humain, avant qu'un rictus ne se forme sur son visage et qu'il ne recule un peu, prenant une position combattive.
Natsume cligna des yeux, ne comprenant pas en premier lieu. Ce ne fut que lorsque Suzaku lui montra les balls à sa ceinture que le lapin comprit, et il saisit alors la première, sans la moindre hésitation. D'ordinaire, les combats lui hérissaient le poil, mais il avait comme l'impression qu'il devait le faire. Comme si quelque chose d'autre lui soufflait que c'était la meilleure des décisions, qu'il ne devait pas passer à côté de cette occasion. Qu'il avait besoin de ce Vipélierre autant que celui-ci avait besoin de lui, car il ne croyait pas se tromper sur le sens de la petite taille et la faiblesse physique apparente du serpent.

C'était comme si une autre partie de lui-même avait pris place, car ce calme qui est le sien l'étonne. En même temps, vu son état émotionnel ces temps-ci cela n'était pas si surprenant que ça, mais... Natsume eut comme l'impression que ce n'était pas tout. Mais ça, il ne pouvait pas encore le comprendre, ou du moins ne le désirait pas.

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Si Toshiro n'est pas aussi fréquemment de sortie que les autres membres de l'équipe et préfère rester en retrait, c'est en revanche l'un de ceux en lesquels Natsume a le plus confiance. Aussi ronchon et désagréable que puisse être le Chamallot parfois, et d'un côté il ne ressemblerait pas autant à son dresseur si ce n'était pas le cas, il était le seul à l'avoir vu à son pire et à l'avoir sauvé à ce moment. Le seul pokémon qui l'avait accompagné suite au décès de sa mère, et qui l'avait aidé à se relever alors qu'il n'en avait lui-même plus l'envie. Alors bien sûr, de par sa fainéantise, il est de plus en plus rare qu'il l'accompagne dans ses sorties, mais si il ne marche pas, c'est toujours dans sa ball qu'il reste lorsque l'éleveur doit partir. Beaucoup parmi les compagnons de Natsume préfèrent rester à la maison ou à la pension, rien que pour profiter de l'air frais et se reposer convenablement. Mais Toshiro avait toujours refusé,  et ce n'était très certainement pas ces temps-ci qu'il avait besoin de lui que le Chamallot allait partir.
Beaucoup auraient hésité à combattre vu l'état de l'éleveur, et auraient sûrement préféré s'inquiéter que quoi que ce soit d'autre. Mais pas Toshiro. Le Chamallot l'observa sans rien dire pendant quelque secondes, avant de hocher de la tête et de se placer devant le Vipélierre ; il savait déjà ce qu'il avait à faire, de toute façon.

Le combat est à armes égales. Aussi peu impressionnant que soit le Vipélierre par son corps inhabituellement petit pour un membre de son espèce, il suffit toutefois que le combat soit lancé pour qu'il se révèle aussi redoutable que n'importe qui d'autre. Toshiro n'est pas habitué à combattre, mais cela ne veut pas dire qu'il ne fait pas de son mieux et ne prouve pas qu'il est tout à fait capable de se débrouiller, si bien qu'au bout d'un moment, Natsume n'a plus qu'à lui donner des signes quant aux directions à prendre. Au final, tout cela ne dure pas plus de quelques minutes. C'est l'éleveur qui donne le signal d'abandon, en levant la main ; vu l'état de Toshiro et du Vipélierre, qui respiraient tous deux de manière irrégulière et grimaçaient, il aurait été inutile de continuer ce combat stérile, né simplement du désir du Vipélierre de juger le japonais et de prouver sa propre force.
L'abandon est accepté par des hochements de tête, et Natsume fait signe aux deux de se rapprocher pour qu'il les soigne. En leur faisant manger quelques baies qu'il avait ramassé durant sa balade et en prenant soigneusement le temps de vérifier que rien n'était cassé, et en les remettant en forme, Natsume prend son temps. Pour une fois depuis quatre jours, il se sent... Non, bien ne serait pas la bonne définition. Disons qu'il ne sent rien, et que c'est bien mieux que d'avoir mal. Mais elle est là, au fond, cette peine qui le ronge ; il peut juste oublier le reste en s'occupant de ces deux pokémon, ce qui l'arrange bien.
Pendant qu'il s'occupe de ça, il fait malheureusement un geste un peu trop brusque et il retint un geignement de douleur en se mordant les lèvres en sentant sa cicatrice s'ouvrir. Un liquide chaud se mit à couler dans sa paume alors que ses bandages blancs s’obscurcissaient pour prendre une teinte carmine. La douleur le fit sursauter, et Toshiro ainsi que le Vipélierre le fixèrent d'un air quelque peu inquiet. Il serra la main et grimaça. À cause de cela, il allait devoir rentrer immédiatement. Il n'avait pas de quoi traiter ça ici et il savait plus que bien que ce n'était pas quelque chose à négliger. Il poussa un long soupir, ne souhaitant vraiment pas reposer les pieds à la maison pour l'instant ; qu'allait dire Faust, ou bien même Sam qu'il avait lâchement laissé durant la nuit sans explications ?  Il se mordit les lèvres, sentant la honte remonter en houles nauséabondes dans son esprit, et baissa les yeux, sa poitrine se comprimant sous l'effet des émotions négatives qu'il ressentait. Mais quel imbécile il faisait... Un imbécile égoïste et stupide, incapable de faire quoi que ce soit d'intelligent quand il le fallait, ou bien même de cesser d'être un pleurnichard inutile. Rageusement, il pesta et envoya voler un caillou contre un des arbres.

Toshiro ne dit rien, reconnaissant ce comportement chez son dresseur, et étant donné qu'il voyait que le Vipélierre se rapprochait de l'autre, il jugeait qu'il pouvait attendre. Natsume ne le remarqua que lorsque le pokémon plante grimpa sur une des pierres les plus petites, de sorte qu'il se retrouvait dorénavant à la hauteur du visage de l'éleveur. Le japonais ne dit rien, hésitant. Lorsque son regard rencontra celui du serpent toutefois, il ne parvint pas à s'en détacher et sentit plus calme, comme un peu apaisé par sa présence. Le Vipélierre lui tendit alors sa main, et l'éleveur la considéra dans un silence religieux, sans briser le contact oculaire.
Il aurait été incapable de dire si il était conscient de ce qu'il fit à ce moment-là, lorsqu'il saisit la main tendue avec un sang-froid indéniable. Mais quelque chose lui disait qu'il ne faisait pas d'erreur, et qu'il avait toutes les raisons du monde de croire qu'il avait trouvé quelque chose auquel se raccrocher au moins un peu, et ce qu'il cherchait dans cette escapade. Un objectif, un but, dont les esquisses maladroites commençaient enfin à se tracer dans l'esprit de Natsume. Il ne pouvait pas encore saisir ce qu'il y avait de si important dans cette poignée de main et dans cet accord silencieux entre eux, mais pour une fois, l'adolescent eut l'impression de faire quelque chose correctement, d'avancer au moins un peu. Et les mots sortirent de sa bouche sans qu'il ne les ait pensé auparavant, comme si ils attendaient l'occasion d'être libéré depuis longtemps.

« Tu m'as vu à mon pire, alors... Je te promets de te montrer ce que je peux faire de mieux, un jour. »

Silence. Le Vipélierre hocha de la tête, un léger sourire aux lèvres. Natsume prit une rapide ball à sa ceinture et la tendit au serpent, qui posa une main dessus et se laissa être aspiré à l'intérieur. En contemplant la ball, l'éleveur eut un léger, très léger sourire. Il la posa à sa ceinture, et grimaça en constant que l'écoulement de sang de son autre main n'avait pas cessé. Après avoir remercié Toshiro et avoir fait sortir Kaito pour qu'il le téléporte à la maison, il posa une dernière fois ses yeux sur la ball bicolore nouvellement remplie. Quand la porte fut devant ses yeux toutefois, il hésita, priant pour que sa sortie n'ait pas été repérée. Bien sûr, ce ne fut pas le cas. Mais il n'eut, à sa surprise, pas eu à subir une engueulade de la part de Faust, hormis un soupir las et une promesse à faire de ne plus jamais recommencer.