Rentrée tôt du boulot, pour une semaine de congé qui sera exclusivement réservée à mon entrainement. Les premiers combats du Grand Festival ont commencé il y a peu et je dois être au top pour le moment ou, j’espère, je pourrais enfin affronter Mr Image de nouveau. La rencontre avec cet homme a changé ma vie, et m’a convaincu du fait que je voulais vivre pour la coordination. Depuis ce constat, il m’aura fallu du temps pour l’assumer et m’en convaincre. Même si au fond, je savais déjà ce que je voulais. Depuis le jour où j’ai pu voir cet homme sur un écran, j’ai su ce que je voulais faire. J’étais encore jeune, et il m’a été difficile de m’avouer pleinement cette évidence, car pour cela, il fallait que je me décide a quitter quelque chose que je considérais comme une autre partie de moi. Ce qui est plutôt stupide, car considérer mes addictions à la poudre et aux joints comme des parties de moi est franchement débile. Je commence à laisser ces choses néfastes derrière moi désormais, je me sens avancer, changer. Grandir un peu.
Une fois sortie dans le jardin, et remarquais l’absence de mon cousin. Je ne m’en soucie guère, ne sentant pas vraiment la nécessité d’être inquiète. C’est un grand garçon. Ripper à mes côtés, je pars pour donner à ce petit dinosaure son entrainement du soir. Ce dernier, après que j’ai pu le voir en concours contre Ash, a cessé de s’exercer dans son coin et brûle désormais de me montrer tous ses nouveaux tours. Le voir si enjoué me remplit de joie, et le regard qu’il m’envoie ce soir-là me fait penser que sa démonstration de ce soir sera spéciale. Je regarde avec fierté son corps qui s’est épaissi et à gagné en muscle depuis sa naissance. D’un hochement de tête, je lui fait signe qu’il a toute mon attention. Le Kranidos entame alors une course endiablée, parsemée d’acrobaties exécutées à la perfection, ses écailles chromatiques brillant d’une aura violette étendue par Psykoud’boul. Il se stoppe dans sa charge brusquement, et va pour sauter vers l’arrière, exécutant plusieurs saltos pour retomber sur ses pattes, laissant derrière lui une trainée mauve et noire. Revêtu d’une cape et sa tête surmontée d’une couronne d’ombre des mêmes coloris, ses yeux rougeoyants se mettant à luire, et le voila qui frappe le sol de sa petite pate, avec un hurlement d’une puissance phénoménale pour un être de sa taille. Ce fut son signal pour finalement évoluer. Sa silhouette changea, toujours recouverte de sa cape et de sa couronne de ténèbres et de violet. Le sol qu’il frappa fit sortir des piques du sol, piques qui se rassemblèrent pour façonner une sorte d’estrade. Non. C’est un trône. Son trône. Le voila qui vient de terminer son évolution, et alors, le Charkos se perche sur son trône, fier pour un paon, il se dresse et rugit de nouveau, majestueux vêtu de sa cape et de sa couronne sombre. Je me mets à applaudir, et saute sur l’estrade de fortune pour me jeter à son cou. Il secoue sa grosse tête et me fait un peu voler dans les airs, déclenchant mon hilarité.
« Fuck yeah, Ripper! T’es le meillleur, dude! You’re a king! »Notre moment dure encore un temps, puis Ripper me repose à terre, attirant mon attention sur le blond qui vient de rentrer. Tiens, il ne vient pas me déranger? Quelle délicate attention de sa part. Comme je suis d’excellente humeur, je le rejoins alors qu’il marchait à côté d’un Viktor fraichement évolué qu’il laisse aller barboter dans le bassin. J’ai un sourire en constatant que c’est la journée des évolutions. Mon cousin semble quelque peu plongé dans ses pensées, et il me faut l’appeler plusieurs fois par son prénom complet pour avoir son attention. Au point qu’il sursaute presque en me remarquant.
« T’as vu un fantôme, Blondie?! »
« … Ah, c’est toi, Riku. »
« Qu-quoi? Tu vas pas m’emmerder pour t’avoir appelé Blondie? Hm? »Apparemment, non. Alex roule des yeux et m’envoie un étrange sourire. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que quelque chose occupe son esprit. Probablement pour ça qu’il est étrangement calme. Je ricane un peu bêtement, mise un peu mal à l’aise par son regard fixe. Je n’aime pas trop quand il m’observe de la sorte. Mais ce serait bien son genre de me fixer uniquement pour le plaisir du jeu. Avec cet air sérieux, pour me faire croire des choses et me faire m’inquiéter inutilement. Pourquoi, pourtant, il me donne l’impression de vouloir me dire autre chose? Quelque chose d’important. Je préfère pas y penser!
« Arrêtes de m’regarder comme ça, hé! On dirait que t’as un truc super sérieux à me dire! »Le silence qui suit achève de m’inquiéter. Un frisson s’empare de moi et je reviens au sérieux, l’air légèrement soucieux. Je le connais. Il ne rigole pas.
« Bah, oui, Riku, j’ai quelque chose à te dire. »Et merde. Je le sens pas, bizarrement. Vraiment pas. Car je sais bien à quoi c’est lié. A tout ce bordel familial qu’il a déclenché. Il pose une main qui se veut certainement rassurante dans mon dos pour me pousser doucement et m’accompagner vers le château, ou nous rentrons finalement, devançant Ripper qui m’a suivi jusqu’ici, et à lui aussi perdu son air farceur. Je lance un regard à mon cousin. Ok, that’s the real deal. Il est foutrement sérieux. Si il m’a parfois confié des trucs qu’il trouvait futiles, là, ça ne l’es absolument pas. On arrive finalement dans le salon et il me laisse prendre place. Je sens déjà que je risque de peut-être accuser le choc, et je m’assois d’avance dans un des fauteuils confortables du salon. Le blond reste quand à lui debout, et s’appuie sur le canapé.
« 'Va falloir que tu partes d’ici un moment. »Normalement, il sodomise un peu plus les mouches avant d’être aussi direct. Mon cœur s’affole immédiatement ; je m’attendais à tout, sauf à ça. Je croyais qu’il me ferait une autre scène de drama queen et qu’il me confesserait une de ses conneries, mais apparemment il s’agit de moi. Je le dévisage. Je ne comprends pas ce qu’il entend par « ici ». J’espère qu’il parle juste d’ici, le château… pas d’Enola. Bordel, faites qu’il ne parle pas d’Enola.
« Q-quoi… j’ai fait quoi? »
« Je te demande de partir d’Enola, le temps que toute cette histoire avec Helmut et Ludwig se tasse. »Et merde. Putain de bordel de merde! Je tente de retenir les larmes qui me viennent, et porte machinalement une main a ma ceinture ou s’alignent des sphères bicolores ou se reposent mes alliés qui m’ont tant aidé à concrétiser mes rêves. Il peut pas faire ça. Merde, mes yeux me brûlent, ma gorge se serre. Je veux pas. Je veux pas partir d’ici.
« Tu peux pas me demander ça, Alex, putain. »
« Tu sais bien pourquoi il le faut. Je te promets que ça ne durera pas longtemps. Je ferais tout pour régler ça au plus vite, et pour que tu reviennes réaliser tes rêves. »
« Et sinon? »
« Sinon, quoi? »
« Ouais, « sinon, quoi? », Alexander?! »Je me relève les larmes aux yeux et me dirige comme une furie vers Alex dont j’attrape le col. Ce dernier ne cille même pas. Il est foutrement décidé et dans cet état, il ne changera jamais d’avis. Quel connard…
« Et si tu y arrives pas? Tu vas crever comme un chien, c’est ce que tu veux?! Tu veux m’éloigner pour me laisser dans l’ignorance de ta mort si cela arrive, connard? Tu crois que ça va me protéger, hein? A quel point je suis une putain de gêne pour toi? Désolée d’être un boulet, hein! Je vais pas fuir, Alex, tu piges, ça?! Je vais pas fuir parce que tu me le demandes! Je suis pas… une lâche. Si tu sais pour mes rêves, tu sais que je ne peux pas me barrer comme ça. C’est ici Alex… C’est ici que j’ai trouvé…! Va te faire foutre… va te faire foutre, putain… Tu m’as jamais demandé ton avis avant de te mettre dans la merde… Ce te préoccupes, d’un coup, que je puisse être une victime collétérale?! Me fais pas chialer! »Mais voila, je chiale pour de bon. Pourquoi, et comment peut-il me faire ça. Je sais quelles sont ses motivations, il me les a rabâchées des milliards de fois. Il veut me protéger. Mais sait-il seulement ce que c’est, protéger quelqu’un? Je m’effondre contre le blond et ses main se referment sur mes épaules pour me redresser et me force à le fixer.
« Tu n’es pas un fardeau, ni une lâche, Riku. Et je ne vais pas échouer, je l’ai promis à Ludwig, à Soltan, et je te le promets à toi. Je t’accueillerais à nouveau dès que tout sera fini. Je t’appellerais. »
« Et si tu m’appelles jamais? »Silence. On sait très bien tous les deux ce que ça voudrait dire. Pourtant, le regard de mon cousin ne dévie pas, et ne perd absolument pas de sa force. Il me force à continuer de le regarder, toujours l’air le plus déterminé du monde.
« Je t’appellerais. Quand ce sera fini, je veux vivre avec toi, et avec Ludwig. J’en ai marre de me voiler la face, je sais ce que je veux. C’est débile de choisir : je choisis mes ambitions, et je vous choisis, vous. Mais d’ici là, je ne pourrais pas être là pour toi, retournes quelques temps voir Klaus et Liza, tu en as besoin, et ce sera toujours mieux que rester ici si Helmut est dans les parages. Je te promets de t’appellerais. Mais mainten- »Alex s’interrompt et se redresse brusquement, resserrant la prise de ses mains sur mes épaules. Son regard à changé, se dirige vivement vers la fenêtre. Il est plus affutés, comme celui d’un prédateur qui vient de sentir sa proie, et dont les instincts sont de nouveau éveillés. Non… Me dites pas que…
« …Il est là. »Mon sang se glace. Alex me relâche et va écarter les rideaux le plus discrètement possible. Je le vois écarquiller les yeux trembler de colère en regardant dehors. Mon cœur s’affole lorsqu’il se retourne vers moi. Une lumière étrange filtre par la fenêtre, et un éclair orangé semble s’étendre au dehors. Alex court vers moi et prend mon poignet dans sa main, dans l’urgence.
« Pars, maintenant. Prends quelques affaires et casses-toi immédiatement! Sors par derrière et va chez Soltan, il t’y attend et t’expliquera tout. »J’y arrive pas. Mes jambes n’avancent plus. Je suis pétrifiée sur place. Alex me secoue pour me rappeler à la réalité.
« Riku! Vas-y! Grouilles! »
« …Alex…! »
« Vas-y. Dépêches-toi. »Alors, je reviens à moi et m’exécute. Je cours dans ma chambre ou je prends le strict nécessaire, le reste de mes compagnons avec moi. Joan qui se trouvais là en train de glander avec la batterie ne fait pas exception malgré son insistance à vouloir que je lui dise ce que je ne veux pas à travers mes lourdes larmes. J’ai peur. Je dois partir d’ici, Alex a raison. Ce n’est pas pour déconner. Ça va péter d’une minute à l’autre, et je ne veux pas être dans les parages. Mon sac à dos plein, je cours plus vite encore vers la porte arrière. Arrivé au rez-de-chaussée, un tremblement de terre me lance en avant, et j’entends un bruit de verre brisé. Les vitres… Oh boy. Je me relève immédiatement et sors par la porte de derrière, enfin. Je fais sortir Yui à mes côtés, et jette un œil en arrière. Au dessus de l’ombre du toit du château, la couleur du ciel semble avoir rougi. Ma Lakmecygne n’a pas besoin de beaucoup de temps pour comprendre que la situation est grave, et me fait grimper d’elle-même sur son dos. Elle s’envole le plus furtivement possible. Je me retourne encore une fois et mes yeux s’écarquillent quand j’aperçois les flammes qui ont gagné les petits bois qui bordent le portail, et les silhouettes qui s’agitent dans le jardin.
« Holy shit… »C’est la guerre. Je comprends mieux les décisions d’Alex. Il ne m’a pas éloigné en me pensant faible, ou car il me pense un fardeau, mais car il le fallait, et qu’il ne pouvait véritablement pas me protéger dans un tel contexte.
There's no sense
The fire burns
When wisdom fails, it changes all
The wheel embodies all that keeps on turning
Blood red skies, I feel so cold
No innocence, we play our role
The wheel embodies all, where are we going?
Yui fonce dans la direction des montagnes du nord. Après un peu plus d’une heure de vol, j’atterris enfin devant la ferme, et je tambourine contre la porte, pour m’écraser contre l’homme qui m’ouvre. Les yeux encore rougis, je crie, je frappe, je ne me contrôle plus. J’ai tellement peur. Soltan me demande de me calmer et me sert à boire en me faisant m’asseoir sur le canapé. En inspirant profondément, ma tête cesse de tourner. Soltan met un verre d’eau dans les mains, et reste à mes côtés jusqu’à ce que je me calme.
« Ça va aller. »
« J’ai peur, Soltan… Qu-quand je suis p-partie… La terre a tremblé… Il y avait du f- feu partout… J’ai tellement peur… »Je n’a pas pu toucher à mon eau, et je m’écrase contre lui, sanglotant sans que les larmes me reviennent. Terminator ne dit rien, reste un moment ainsi, puis s’éloigne pour aller chercher quelque chose sur la table de la cuisine. Je comprends rapidement qu’on a pas assez de temps à perdre ici. Il me tend l’enveloppe qu’il vient de récupérer, m’expliquant que Alex l’a laissé pour moi. Dedans, il y a un billet pour Londres. A la maison. Je vais rentrer à la maison. Je n’en ai pas envie, mais il le faut. J’en reviendrais grandie. Mais je ne peux m’empêcher de craindre de ne jamais recevoir d’appel de la part d’Alex. J’inspire de nouveau profondément, contactant l’horaire de mon départ inscrit sur mon billet. Dans deux heures. Je ne peux toujours pas bouger.
« Je pars avec toi. »Mon regard se lève vers Soltan. Lui aussi va partir? Je ne comprends pas. J’aurais pensé qu’il serait resté pour aider Alex.
« Je dois aller en Allemagne. Grâce à Alex, j’ai retrouvé la piste de Shizu. »
« Shizu… Shizune? Tu l’as retrouvée ?! »
« C’est une putain de coïncidence. Elle et son organisation se sont mis à dos l’embassade au Japon et… c’est un peu long à expliquer, mais s’est mis les magouilles de Nagel et Helmut à dos. »
« Merde… »
« Elle est là-bas. Ma présence chez les Nagel mettra une pression supplémentaire sur Helmut en cas de besoin. »Je ne réponds pas. Mais Alex n’est pas totalement seul dans ce combat, et cela me rassure grandement. Finalement je me sens moi aussi comprise dans ce combat, d’une certaine façon, je ne suis pas mise en dehors comme un ignorante comme je le fus autrefois, et il me faut supporter mes deux amis tant que je le pourrais. Je hoche finalement la tête.
« On y va? »Sans perdre de temps, Soltan s’empresse d’aller fermer les issues et nous partons immédiatement vers l’aéroport. Le temps passe lentement, et la peur de croiser Helmut me tient toujours. Et s’il m’avait vue partir? Alex a du surveiller mes arrières. Je dois avoir confiance en lui. Puis, Soltan est là. Mon avion est annoncé le premier, et Soltan m’accompagne jusqu’ou il lui est possible d’aller. Une dernière fois, je me jette contre lui pour l’enlacer, demandant ainsi un nouvel élan de courage qu’il me donne par les mêmes mots que tout à l’heure. Ca va aller. Je l’espère. Puis, j’embarque à bord de l’avion. Mon cœur se serre de nouveau quand les turbines de l’avions se mettent en marche, et je me remets à pleurer en silence lorsque nous décollons et que je vois Enola s’éloigner peu à peu, redevenir un minuscule point dans l’océan.
« Bye-bye, Enola. I’ll be back, I promess. »We should have known better, 'cause…
What about us?
Isn't it enough,
No we're not in Paradise
This is who we are
This is what we got
No, this is not our Paradise
But it's all we want,
And all that we're fighting for
Though it's not paradise