J’aimerais vraiment qu’un de ces fichus mini-crocos finissent par monter le bout de la queue. Cette espèce est rare, je le sais très bien, et je ne lâche pas l’affaire, car c’est dans ma nature d’être persistant. Cette nouvelle promenade est bien calme, sans la présence de Marilyn et donc assez reposante pour nous trois. Même Riku est silencieuse, mais il faut la voir, depuis la fin de son match contre son Monsieur Image. Apparemment, elle va rejoindre l’Elite de la compétition, elle en parle comme si c’était déjà accompli. Enfin, vu son cas, cela ne m’étonnerait pas plus que ça si la chose se produit finalement. J’avoue qu’une pointe de jalousie m’a envahi quand elle a fini par m’annoncer la nouvelle (et m’a donc vite pardonné de ne avoir pu venir voir son match contre le » Maître), enfin. Elle ne se rend de toute manière pas compte de ce qui lui arrive, et passe ses journées à rêvasser comme une midinette. C’en est un peu navrant, on dirait une gamine de 6 ans qui pense à son Prince immaginaire. Les gens doivent s’imaginer bien des choses à propos de la relation totalement platonique qu’entretient ma cousine avec Mawell Roméo Young… Enfin, ce dernier aurait bien mieux fait de la choisir que passer son temps avec cet espèce d’Idéal Juste Desjolisjardins nommé Rainbow. En fait… Tout aurait été mieux que cette saloperie de joie et d’hypocrisie et de gentillesse de façade exacerbé au possible. TOUT. Il a des gens comme ça qui ne devraient pas exister.  

« Eh, dude, pourquoi tu tires cette tronche? T’es constipé? »

Hein? Je lève mon visage effectivement très froncé vers Riku qui m’observe l’air perplexe ; Bordel, ce type m’exaspère tant, je devrais vraiment envisager de le zigouiller simplement pour le plaisir. Je crois que ça réglerait un certain nombre de mes petits malaises. Une bonne thérapie, donc. Et puis, ce n’est pas comme si l’avis de Sky m’importait toujours. Ahah. Quel abruti j’ai été, décidément. Mais enfin, c’est pas faux, ce qu’elle dit la cousine. A force, je vais faire pleurer Ludwig. D’ailleurs, ce dernier s’est déjà éloigné quand j’avais un peu beaucoup resserré mon poing sur sa main. Comme toute réponse à ma cousine, je hausse les épaules.

« Boaff. »
« Comment ça, boaff? Qu’est-ce que tu caches, encore? »
« Rien, tu me saoules! »
« J’ai rien dit, putain, t’es tendu du string, aujourd’hui! »
« Un string? C'est quoi? »

Je roule des yeux et répond de manière détachée et concise à la question de mon jeune frère. Ce dernier tire alors une mine dégoutée et n'a pas l'air de comprendre le concept, quant à Riku, elle continue de chigner et d'insister.

« C’est parce qu’on trouve pas Kaiminus! »
« … Ah, oui. Voila! EXACTEMENT, Ludwig! C’est parce qu’on a toujours pas trouvé Kaiminus! »
« Bah voyons! »

Ma cousine est de trop bonne humeur pour qu’on commence à s’engueuler sur le sujet, et elle se contente de grogner que je la prend encore pour une conne, et je sais bien qu’elle est assez lucide pour comprendre que je lui cache la vérité. Mais bon, je ne crois pas qu’elle veuille vraiment l’entendre.

Au fond, il n’a pas tord, Ludwig. Et lui aussi, il veut rencontrer un de ces petits crocodiles bleus dont je commence à faire une véritable obsession. Mais dans mon armée de tyran, même si ça ne manque pas de grosses dents, je trouve que ça manque cruellement d’alligators méchants. Les type aquatiques ne sont plus ce qui manque, en revanche, surtout avec les deux loutres que Ludwig a ramenées. Et encore, ils ne prennent pour l’instant pas de place, mais attendons que ces deux-là évoluent. Je conserve bien entendu la surprise à mon jeune frère, pour qu’il ait le plaisir de les voir changer de lui-même, sans s’attendre à la suite. Cet énorme jardin fourni avec le château est décidément une bénédiction, bien qu’il manque de végétation, désormais, et bon courage avec la sécheresse des environs pour faire pousser quelque chose. J’imagine qu’il faudra attendre des temps plus humides pour faire repousser tout ça. Certains de mes alliés sont bien perdu, sans cette végétation forestière, ils doivent aller dormir dans les bois adjacents.. Pas loin de feu mon Bloc R, tiens. Repenser à ce bâtiment qui aura toujours une place spéciale dans mon cœur me fait toujours soupirer. Je réajuste mes lunettes sur l’arrête de mon nez et relève le visage vers la végétation luxuriante. J’explore en détail autour de moi, au cas ou si un croco bleu m’échappait. Les arbres ne sont jamais pareils ici, c’est tellement humides qu’on pourrait les voir pousser à vue d’œil. Par une certaine prudence, nous restons près des bords du lac, histoire de ne pas se perdre à nouveau. Ces derniers sont bien calmes maintenant que la Compétition touche à sa fin, quasiment tous les touristes ont fini par se barrer. Le lac est d’un calme olympien, c’est beau, c’est relaxant-

« ALEX PUTAIN REGARDE CET ARBRE ON DIRAIT UNE TEUB! »
« … »
« PWAHAHAHAHAA! »
« … C’est trop te demander de garder le silence 5 putain de minutes, quand certains sont occupés à essayer de se détendre?! »
« Mais… c’est vrai! Regardes! Ça te fait pas marrer? »
« Qu’est-ce que vous racontez en français? »
« Rien, Ludwig, rien, ta cousine est une abrutie. »
« Eh, moi j’comprends l’allemand, enfoiré. »
« Tu fréquentes bien trop Onizuka, si tu veux mon avis. »
« J'vois pas le rapport. Un coincé du cul comme toi peut pas comprendre. Elle est sympa et cool et… Bah, elle fait jeune, elle, et on peut discuter. »
« Dis plutôt que c’est une gamine de 8 ans dans le corps d’une femme de 40 ans. Moi j’trouve ça pathétique. Et t'as plutôt intérêt à te méfier. »
« Tu veux qu’on parle de TON âge mental? »

Je n’ai pas vraiment envie de l’entendre aller jusqu’au bout de ses insinuations, et roule des yeux dans un soupir, puis fais volte-face pour partir dans vers un autre endroit avec Ludwig. Quoi qu’elle en dise, je n’aime vraiment pas le fait qu’elle fréquente Shizune de trop près. Je sais qu’elle adore Soltan et sa famille, et que c’est certainement elle la plus ravie de les voir réunis, mais plus elle se tiendra loin de cette nana, mieux ce sera. Et le moins de risque elle aura de découvrir le pot-aux-roses.

Le fait que Riku s’entende si bien avec Shizune m’inquiète quelque peu. Je n’ai pas de raisons de ne pas me méfier de la japonaise. Bien entendu, je crois qu’en tant que deux tueurs lunatiques, on devrait bien s’entendre. Mais, on est tous les deux relativement solos également, et ça, ça peut poser problème. Soltan m’a souvent parlé d’elle, et bien que je ne préfère pas juger sans connaître une personne comme elle, j’ai du mal à ne pas la voir comme une présence nuisible pour RIku. Je sais que depuis un certain évènement ou Riku s’était retrouvé seule perdue dans le désert, chose qui lui fit rencontrer son Drascore chromatique (c’est une autre histoire), les deux femmes ont commencé à communiquer plus aisément et s’entendent plutôt bien. Les mains dans les poches, je prends mon air boudeur, plutôt agacé de la tournure des évènements, et sans bien me rendre compte ce que tout cela signifie.

« Attends… T’es en train de faire la gueule car je traine souvent avec Shizune, là? »

Aaaaaah. Ok. C’est donc pour ça, l’air boudeur. J’arque un sourcil l’air de dire à ma cousine de ne pas me chercher. Ludwig ne comprend pas bien ce qui se passe, mais se place devant moi, puis alignes quelques mots de français en articulant avec application.

« Riku, n’embêtes po Alexander! »
« Putain la honte, tu te fais protéger par un gamin de 6 ans. »
« TA GUEULE! »
« Rooooooh! »
« Ça me fait juste chier qu’il reste toujours de la bouffe en trop et que je gâche du temps et de la nourriture quand tu ne préviens pas que tu reviens pas le soir! »
« Oh, pardon, papy-Lex! Fallait le dire tout de suite que tu t'inquiétais! »

D’un air blasé et lassé des débilités de ma cousine, je continue mon chemin avec Ludwig qui me colle au train. Je suis devenu un vieux con ou quoi? C’est quoi, ce sérieux, d’un coup? Elle a pas tord, Riku, pour une fois, je dois me dérider. Alors que je passe devant elle et que ma cousine grogne en me traitant de rabas-joie, je compte jusqu’à trois à voix basse, et je me jette sur la rouge suivi de mon jeune frère. Riku se retrouve à terre et gesticule en tous sens en ricanant comme une débile.

« HEEEELP! I’M BEING DOUBLE-TEAMED BY BLONDIES! »
« Ach, nous zaurons fou faire parler, ja! Ludwig… ? On commence la torture? »
« C’est l’heure de la torture! »
« Hein, quoi?! NON NON NON! »
« Oh que si. »

Torture de chatouilles, bien entendu, Ludwig s’en donne à cœur joie, et je n’ai presque rien à faire vu comme Riku se trémousse et glousse grassement, servant de spectacle à une Mustébouée occupée à prendre comme déjeuner des montagnes de poissons.

La torture s’arrête quand Riku commence à m’implorer car elle n’arrive plus à respirer. Satisfait, je me relève et l’observe en train de ricaner encore en se roulant par terre. Au moins, on dirait qu’elle a oublié ce dont on parlait il y a encore deux minutes, et ce n’est pas plus mal. C’était le but, en fait. Au moins, je connais assez ma cousine pour savoir ce qui la fait passer à autre chose. Bien sur, je continue d’être vert, et si j’assumais, je dirais aussi que je n’ai pas franchement envie qu’elle se barre dans un logement de fonction microscopique si elle obtient son amphithéâtre. Quoique retourner à Zazambes l’éloignera de l’autre conasse. Un mal pour un bien, j’imagine. Quoique, non, je ne pourrais plus la surveiller. Je me fous que Riku découche, et peut-être que je la surprotège. Non, pas « peut-être », c’est exactement ce que je fais. Contrairement à Ludwig qui est encore trop peureux, Riku a pris une confiance en elle inouïe depuis qu’elle est arrivée sur Enola, et j’ai la sensation de ne plus être grand-chose pour elle. Oh, bordel, j’ai pas envie d’aller dans cette direction là, je n’ai pas du tout la tournure que prend ce chemin de pensée. Fermes cette porte, Alex, fermes cette porte. Pendant que mes pensées tournent de manière infernale, je nargue ma cousine bientôt accompagné de Ludwig qui m’imite comme à son habitude.

« Vos gueules! Wankers! »
« C’est quoi, wank.. »
« Eh, Riku, ça, je vais pas l’expliquer, c’est dégradant. »
« Le string de tout à l’heure c’était pas dégradant, peut-être ?! »
« Y’a une certaine différence. Et toute façon c'est moi qui décide. »
« Si tu l’dis… Aides-moi à m’lever, le blond. »
« Démerdes toi. »

Ma cousine assise par terre parmi les feuilles me lance un regard blasé.

« Tu fais encore la tronche? »
« Nan, tu m’fais juste chier, l’assistée. »
« Eh, oh, j’suis pas une assistée! »
« Oh, voyez-vous ça. »
« Bah euh je… je … »
« Arrêtes, si t’as ton amphi tu reviendras manger et faire ton linge tous les deux jours quand même. J’le sais. »
« … Pff… C’est pas toi qui m’avait fait le discours "on sera une famille avec Ludwig", y’a deux mois? »
« J’vois pas le rapport. »
« Ça veut juste dire arrêtes de t’inquiéter. J’vais pas m’envoler comme ça. »
« … T’es pas chiée, tu le sais, ça? »
« Mouais. On rentre? »

C’est vrai qu’il commence à faire faim. Et quelque part, j’ai obtenu ce que j voulais, comme d’habitude. Je pourrais m’en contenter et oublier le reste. Ouais, on va faire comme ça.