« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

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Alexander Nagel
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MessageSujet: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyLun 7 Sep 2015 - 18:03

(Don't) Save me.

« Ma belle Sandra, mais qui t’as mise dans un état pareil? »

Les doigts de ma main se resserrent avec une délicatesse malsaine sur le menton de ce jouet qui fut autre fois si joli. Désormais son visage maculé de sang et d’ecchymoses n’a plus grand-chose d’humain. La jeune femme n’a même plus la force de se libérer de la si petite étreinte que j’exerce sur son visage. Elle ne me défie même plus du regard et tremble de tout son corps face au ton doucereux mais pas moins menaçant que j’emploie en m’adressant à elle. Arrivée depuis le 10 juillet, la jeune femme a très vite appris a déceler l’agressivité et la colère derrière ma façade de contrôle. Elle a compris quand les coups les plus douloureux étaient le plus susceptible de lui arriver dessus. Néanmoins, ce n’est pas moi qui aurait eu raison de sa santé mentale. Et là, elle a bien raison de craindre mon courroux, car derrière les apparences, mes mots et mon regard ne sont que des lames de métal glacé, n’ayant pour seul but que de répandre plus encore de douleur. Les réponses que je reçois ne sont que gémissements et silence, et affectent ma patience déjà nulle.

« Qui d’autre que moi as-tu autorisé à te toucher? »

Ma prise se raffermit, et ma voix se fait plus insidieuse. Les réponses ne viennent pas, et je repousse avec violence la jeune femme au fond de sa chambre minuscule. Elle n’oppose pas de résistance. Sandra est brisée, je le crains. Du moins, les coups répétés qu’elle a reçu sur le crane lui auront fait perdre la raison et probablement transformée en légume en l’absence de soins. Elle n’est plus bonne à grand-chose pour moi, donc. Sauf que, je ne suis pas la cause de sa déchéance, et j’enrage. Pendant que je fulmine muré dans mon silence glacial, je me repasse les visages des visiteurs que j’aurais vu passer au Bloc pendant mes heures de présence.

« Machin, va me chercher le registre. »

Machin s’exécute et je continue de ruminer ma fierté de prédateur et de tortionnaire en train de crier vengeance. Parce que oui, ce ne serait pas la première fois qu’un supérieur extérieur au bloc ne se gêne pas pour moi, en profitant de son aval hiérarchique. Néanmoins, je dois savoir quand même, pour être fixé, bien qu’il me faudra lutter et défouler mes nerfs sur une autre tête pour ne pas aller m’en prendre directement à la personne. Finalement, le registre atterrit entre mes mains, et je pointe du doigt les visites ayant eu lieu peu de temps avant que je ne retrouve Sandra aux frontières de la mort. J’ai un moment d’arrêt lorsque je croise un nom un peu trop bien connu.

« ..Gwen…? Qu’est-ce qu’elle foutait là? »

Les horaires concordent, et Machin confirme ma pensée. Il aurait pas pu causer dès le départ, lui, au lieu de me forcer à réfléchir?! Le lui renvoie le registre dans la face, et fais volte-face vers la silhouette difforme tapie au fond de la cellule, dont les lèvres ont recommencé à tenter de former des syllabes, quelques mots.

« G-Gwen… Cassey… B-Banks… »


Le temps de retrouver l’adresse que la jeune femme m’avait passé il y a quelques temps en me proposant de venir chercher un tableau (pour lequel je devais être un peu bourré pour poser a moitié à poil, cela dit en passant, pour mes circonstances atténuantes), je suis déjà en route vers son appartement amanillois. Je fulmine au volant. Les supérieurs anonymes profitent bien pour me faire des emmerdes, mais Cassey me connaît depuis assez longtemps pour savoir qu’il y a une limite à ne pas franchir avec moi. Je compte bien lui rendre le fond de ma pensée. Sur le chemin, ma colère grandit ainsi qu’un sale pressentiment non-identifié. Les deux commencent à se taper dessus comme des abrutis dans ma tête, et je cherche alors à analyser mon léger malaise. Ce qui n’arrange en rien mon humeur lorsque je me gare comme un barbare au milieu du parking. Non, une seule place large, ça ne me suffit pas, ce soir.

C’est dans l’ascenseur que je relativise quelque peu. Je connais Gwen depuis un bout de temps, désormais. Et un tel comportement venant d’elle me semble soudainement suspect. Je l’ai suffisamment fréquenté et eu des discours de sourds concernant nos points de vue différents pour savoir qu’elle n’est pas exactement du genre à s’acharner sur un humain déjà condamné à crever (et probablement partiellement innocent) pour le sport. Je serait prêt à prendre du recul sur cette histoire si il s’agissait d’un truc personnel. Quoique même ainsi, cela reste bizarre et continue de m’agacer. Je peux également faire le lien avec l’état récent de la rouge, pas vraiment brillant, et son absence partielle depuis le 10 juillet, et même avant. A-t-elle pété les plombs pour en oublier qu’il ne faut jamais toucher à un de mes jouets sans mon autorisation, à moins d’avoir envie de crever, ou au mieux, se faire engueuler bien sèchement? L’élévateur s’arrête et me voila devant la porte que j’attendais de voir. C’est fermé, bien entendu. Je frappe du poing sur la surface claire et gueule le prénom de la jeune femme, manifestement de mauvaise humeur. Lorelei à mes côtés depuis que nous sommes arrivés, toujours de bonne volonté, me voit m’agacer contre la porte. Le Mysdibule interprète mes intentions, les extrapole peut-être un peu, et charge la porte sans même que je ne lui ordonne. Bon. Euhm. A part le fait qu’on a réveillé tout l’étage et que leur crie à la face que y’a rien à voir, je rentre quand même. Ouais. Effraction. J’en ai rien à branler. Maintenant que la porte est ouverte, on va pas rester sur le pallier, de toute manière. Et puis si j’étais de meilleure humeur, Lorelei m’aurait probablement fait craquer avec son air tout fier. En voyant l’appartement sombre et sans vie, j’arque un sourcil. Cassey peut-être absente, mais quelque chose me pousse à explorer tout ça de plus près, encore cette sale impression. Je referme comme je peux la porte sur mes pas, et progresse sans prêter attention aux tableaux divers et au mobilier chic du lieu. J’aurais également pu appeler, mais c’est pas mon genre. Je croise finalement une cloison qui semble donner sur la cuisine… Pour me tourner vers le plus intéressant de la scène. Ah bah. Voila, elle est là… Sur le balcon.. Enfin… Elle est sur le point de sauter, là, ou je rêve?! Bordel, mais quelle conne. Si j'en avait eu le temps, je me serais facepalmé.

Je ne perds pas un instant et franchis les quelques mètres qui me séparent du balcon. J’attrape la jeune femme par le col de son haut et la tire sans aucune délicatesse vers l’intérieur. Le suicide, hein? Ah, ouais, superbe idée. Révolutionnaire. Bordel, ce que ça m'insupporte, ce genre de geste de « démerdez-vous, je n’assume plus rien ».

« Qu’es-ce que tu branles, enfoirée?! »

Ma rage revient et je gueule bien sèchement à la face de la rouge qui réagit à peu près autant qu'une marionnette a qui on aurait coupé ses fils. Ses yeux sont aussi vides que ceux d’un poisson crevé. Tss.. Pas besoin de se jeter du balcon si t'as déjà cette tronche de zombie avant. Visiblement, se faire gueuler dessus ne va pas la réveiller. Aussi, je la rejette sur le sol de l’appartement avant d’aller fermer la fenêtre. Je grogne et darde un regard froid sur le corps plus mort que vif de la jeune femme à terre.

« Je te pensais pas conne à ce point. »


Mes mots on beau filer, mais c’est le mépris qui grandit en moi, en ce moment-même. Quelle connerie, le suicide. Je peux encore le concevoir chez les gens qui n’ont plus rien de rien. Un minimum de jugeote suffit dans la majorité des cas à renoncer pour des milliards de bonnes raisons. A commencer par ma préférée : continuer à empoisoner le monde. Ce n’est pas comme si l’abrutie que j’ai laissé tomber à terre était seule au monde, pour sa part. Quel genre d’histoire de merde a-t-elle pu s’inventer pour en venir là. J’en oublie presque l’affaire Sandra, mais me mettre à mépriser, être déçu de cette personne que je pensais apprécier m’envenime plus encore. Franchissant le mètre qui nous sépare, je me baisse et l’attrape par le col.

« Si tu veux crever à ce point, je peux t’arranger ça. Au moins, ta petite Marie-Flo aura un os à ronger et quelqu’un sur qui jeter la pierre autre que sur elle-même… Qu’est-ce que tu veux, hein? Tu fais cette connerie car t’assumes plus? Tu juges que Ta Majesté n’a pas été assez aimée, et qu'il faut que tu te fasses remarquer?! Voila ton câlin, pauvre conne! Et regardes-moi quand je te cause, bordel! »

Fis-je en dirigeant son visage vers moi sans délicatesse, attendant juste que la vie revienne un peu dans ces yeux. On pourra dire ce que l’on veut concernant ma mauvaise foi, si cette abruti attend des consolations, il y a des manières plus appropriées de les obtenir que juste crever. Aussi, elle se contentera d'une baffe dans la face, ça lui redonnera du cœur à l'ouvrage. Quelle pauvre conne. Je soupire, exaspéré. Les réponses ne viennent pas. Tant pis pour elle. Je me redresse sans ajouter mot et me dirige vers la sortie de la cuisine, hésitant un moment pour une raison que je n’ai pas envie d’aborder. L’idée d’avoir aidé un humain, ou peut-être essayé de quelconque façon n’éveille en moi que de l’irritation, aucune satisfaction. D’autres auraient pensé faire leur BA, moi, j’ai juste envie de me casser. Et je ne veux pas analyser la nature des sentiments qui me dérangent tant.

« Donnes moi une excellente raison de pas te laisser finir tes conneries. Je te laisserais bien dans ta merde mais une punk idiote me ferait chier si je te donnais pas cette putain de chance. »


Mais fais-vite, Gwen. Car tu connais ma patience inexistante. Trois secondes, c’est la limite. Et c’est déjà passé, mes pas raisonnent déjà sur le carrelage de la cuisine, et ne tarderont pas à s’éloigner.

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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMar 8 Sep 2015 - 22:23



(Don't) Save Me
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Amanil. À mes pieds. Ses voitures, ses cris, ses sirènes, sa cacophonie platonique. Sa vie qui danse sous mes yeux, que je surplombe, gagnée du vent des hauteurs, puissante comme un souffle que l’on retient avant l’instant fatidique. Il se dessine dans un grand vertige, je tente de ne pas craindre, de ne pas ressentir la peur qui accompagne l’existence humaine, les derniers relents de survie qui s’acharnent, qui me retiennent, derniers filons qui me rattachent à cette balustrade où viennent s’abîmer mes doigts. Mes pieds glissent contre le dernier remblai qui prévient ma chute, ma chute, ma chute. Suspendue à plus de quatre-vingt mètres du sol, je me penche vers l’avant, me laissant emporter par le vide. Le regard sombre de ma guide illumine le chemin qui doit nous mener toutes les deux vers la rédemption, la vérité, vers un monde où n’aurions plus à vivre dans la séparation. Un monde où je n’aurai plus à me battre entre elle et les autres, un monde où je n’aurai plus à choisir car la décision sera prise. Une décision sans lendemain. Aimee me tend toujours la main avec un sourire brutal, sauf que j’ai rivé mon regard vers l’abysse à mes pieds, vers ses rues qui zigzaguent, ces silhouettes minuscules qui me semblent humaines, comment savoir de si haut, retenue entre ciel et terre par une mission qui ne semble pas sur le point de s’achever, ces doigts qui doivent être les miens solidement arrimés à leur prise contre la balustrade, comment…? Une hésitation dans un voile de convictions.

Ce qui la provoque, je n’en saurai probablement jamais. Car la force retenant mes mouvements vers le précipice, vers la solution que j’ai désignée comme la meilleure pourtant, suffit à me suspendre contre mon perchoir assez longtemps pour qu’on vienne m’en détacher. Je me sens soulevée avec violence, traînée telle une coquille inutile contre le plancher jusqu’à la cuisine où on m’abandonne à mon sort comme un tas de guenilles chiffonnées. Dans ma tête, tout oscille, tout s’emmêle, je réalise que je tremble, que je transpire, je réalise la nausée et le tambourinement cruel contre mes tempes. Un haut-le-cœur me saisit, je m’agrippe au pied du comptoir sans rien rendre, car je n’ai plus rien. Plus rien, plus rien. Je m’y terre, je fuis la voix qui me parvient en dissonance d’un lointain qui me parvient dans un écho insaisissable. Je cherche mon air, l’oxygène encore présent dans cette pièce. J’ai si froid que mes dents claquent. Je ferme les yeux comme pour qu’il se taise, mais ses mots m’atteignent tels des poignards fumants, tout autant que la gifle qu’il m’assène comme son regard injecté de mépris. Impassible, j’aimerais m’y rattacher à ce grand vide qui lentement se laisse envahir de la sensation brûlante d’une colère d’abord diffuse. Marie-Florianne. Il devait la nommer bien sûr, il devait m’imposer son souvenir trop douloureux, ranimer en moi des sensations parfaitement humaines et réelles comme la culpabilité et les remords. Je sers les dents, tâchant de trouver un souffle que je voulais voir s’éteindre un instant plus tôt. La pièce tangue toujours, j’ai l’impression de voir ses voitures danser encore sous mes yeux, leur danse mortelle m’appelant à elles sous fond d’une chanson sinistre, les paroles d’une amie qui…

«Tu l’as fait partir.»

Un rire m’échappe, franchit mes lèvres, jaillit en venant couvrir le silence qui a envahi la pièce après le passage de ses souliers cirés contre les parquets abîmés là où Hayim a chuté. Aimee, je ne la sens plus, elle a quitté la pièce, l’appartement peut-être. Elle a terminé ses indications, elle finit de me harceler, du moins pour un instant.

«Hé, connard, tu peux pas me laisser, reviens ici. J’ai besoin d’une clope, t’as pas une cigarette?»

Parce que je tremble tellement que je m’en retourne l’estomac, tout en moi n’est plus qu’une immense cacophonie de merde, une putain de tempête qui ne fait aucun sens. La colère, lentement, accomplit son œuvre, déchirante, un poids tout nouveau sur un corps déjà brisé. Mon épaule m’élance là où j’ai cru qu’elle avait guéri. Parfois je crois que le coup de couteau a loupé le bras pour s’enfoncer plutôt au creux de ma poitrine. J’ai tellement mal que je parviens à peine à respirer. Si cette colère me pousse à l’affronter du regard, je n’ai pas envie qu’il s’en aille, sans parvenir à identifier pourquoi. Mais Alexander vient de mettre un frein à mon existence et lentement, la machine cesse sa progression, ses grandes roues crissent sur les rails. Je ne sais pas ce qui viendra ensuite, mais je me sens encore pire qu’au lendemain de ma plus grande cuite à vie. Je le regarde, je ne sais même pas quoi dire, je ne sais pas si je devrais pleurer ou gueuler. Sauf que mon regard se rive sur lui, sur une personne, sur un être de chair, de vie, de souffrances et de joies, un être dont je devine aisément la colère, la déception, autant d’armes qui, bientôt, peut-être, me couvriront de honte. Pendant ce temps, je fais dos au balcon pour scruter son visage. Je me fiche de ce qu’il aura à dire, je veux juste qu’il… Parle.

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Alexander Nagel
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMer 9 Sep 2015 - 9:59

(Don't) Save me.

Et merde… Fallait qu’elle soit encore assez vive pour parler et me retenir. Mes épaules se soulèvent alors que je soupire bruyamment, résigné. Aucune envie de savoir si c’est d’exaspération ou de soulagement que je souffle ainsi. Probablement un peu des deux, à un certain nombre de niveaux différents. Je n’ai pas envie de m’aventurer au-delà des paroles de la jeune femme qui vient de s’adosser contre la paillasse de la cuisine, l’air encore perdue. Oh que non, je n’ai pas envie de savoir que j’ai peut-être fait peur à sa pseudo-providence ou je ne sais quoi. Comme si ce n’était pas sa faute. Ca non plus, elle ne compte pas l’assumer? Mais peut-être devrais-je prendre ça comme un compliment : je peux même effrayer et faire fuir les choses qui n’existent pas! Enfin, j’imagine que je me sens également quelque peu fatigué, actuellement. Fatigué de faire ce genre d’efforts pour cette humaine qui semble finalement implorer ma présence, mon aide. Ou plutôt, crevé d’avance car si on en vient à causer, ça risque d’être éprouvant. Oh, et accessoirement, n’importe qui aurait été plus sain à ma place. Je ne sais pas ce qui est le plus agréable entre se fracasser la gueule sur le bitume que parler de problèmes existentiels avec moi. Je ne dis pas ça pour me flageller, comprenez bien, mais j’ai conscience que du fait qu’il faille déjà avoir un traducteur intégré pour voir derrière le sens apparent de mes paroles. Et donc, c’est toujours chiant. Finalement, je ne me sens pas d’humeur à lutter contre ma mauvaise foi ou quelque connerie du genre. Je vais donc m’appuyer sur la cloison et mon regard revient finalement vers la rouge à terre. Elle fait pitié à voir. Elle devrait vendre des allumettes pour aggraver son cas, tiens. Je peux pas la laisser, à ce qu’il paraît. Ah, si, je pourrais. Complètement. J’ai beau avoir suggéré de laisser une chance, je peux tout à fait la reprendre sur le champ. Mais à la place, j’ai la meeeerveilleuse opportunité de rester là pour en griller une avec elle et la distraire dans sa foutue déprime, car je suis encore et toujours son bouffon de service. Un gout amer remonte le long de ma gorge. Pour qui se prend-elle, cette pouffiasse? J’aurais pu la laisser crever. Elle ne se rend pas compte de la chance qu’elle a eu et des efforts surhumains que je fais actuellement pour ne pas la laisser dans une mare de sang avant de partir, plutôt que rester à faire le fanfaron pour ses beaux yeux. Quelle ingrate.

« Tu te crois où? Va te faire foutre, je suis pas ton bouffon. »

Certes, j’en suis pas à mener un interrogatoire comme j’en donne tous les jours. Mais l’envie de lui mettre mon pied dans la face reste très forte. Sauf que là, plus que pour la faire parler, ce serait pour la faire taire. Ou pas. Je sais pas vraiment si je veux qu’elle se taise ou qu’elle vide son sac, histoire de satisfaire ma soif de tout savoir sur cette affaire. Mais visiblement, elle s’en fout. Et à un moment donné, je dois avouer qu’elle a raison sur un point. Griller une clope, ça détendrais peut-être les nerfs de tout le monde. Je n’ai jamais été un gros fumeur mais il m’arrive de chouraver des paquets à Riku, plus pour le sport que par réelle envie de tabac. Lançant tout d’abord un doigt d’honneur en guise de réponse à Cassey, je me sors finalement une cigarette et lui envoie le matériel sur le carrelage, ce qui me permet de ne pas avoir à m’approcher. Si Gwen-la-Rouge est farouche, je le suis au moins tout autant, et je n’ai aucune envie de m’approcher plus, au delà d’une limite qui pourrait se vouloir « réconfortante ». Je ne suis pas là pour le réconfort. Elle n’est pas stupide au point de croire que je lui donnerais des câlins ou une affection quelconque. Elle ne se prendra que des saloperies à la face… Mais c’est manifestement aussi ce qu’elle attend. Pendant ce temps, je me suis déplacé pour m’installer à quelques mètres, une distance raisonnable pour que je n’aille pas finir de l’étrangler sur-le-champ. J’inspire profondément plusieurs bouffées en observant la vile qui s’étale à mes pieds derrière la baie vitrée. Cet endroit me fait presque me languir de mon ancien duplex amanillois. Je reviens aux paroles de la jeune femme aux cheveux rouges et balaye l’appartement du regard. J’en reviens toujours au même point, je tourne en rond si je cherche à dire quelque chose qui ne me ressemblerait pas. C’est pour ça que je ne veux pas m’attacher aux gens. Car même ceux que j’apprécie deviennent à un moment ou à un autre des cibles comme tous les autres. Je n’y peux rien, je suis né ainsi, et je ne cherche pas à lutter.

« J’hésite entre te crever les yeux pour ne plus voir ton regard pathétiquement coupable, ou te trancher la gorge pour que tu cesses de dire des conneries, Cassey. Ou alors, je pourrais t’écouter en te faisant cracher ce que tu crèves d’envie d’hurler. Pourquoi ça ne serait pas plutôt à toi de gesticuler dans ta merde pour mon amusement, hein? »


Mon regard ne lâche pas le sien qui s’est finalement pointé dans ma direction, téméraire. Un rictus malsain se forme sur mon visage. Je vois. Elle veut réellement m’entendre énoncer mon enfer à voix haute. Je continue de me demander ce qui a pu la pousser à cette connerie, et en suis toujours déçu et irrité au plus au point. Mais ce n’est pas en cherchant de mon propre point de vue que je trouverais la réponse. Et ses premiers mots continuent de me hanter, me sont un peu trop familiers. Qui ai-je fait partir? Un frisson me parcoure en repensant aux propres trucs que Irina me fit faire, ou plutôt, ce que je me suis infligé par le passé, tout cela car l’esprit est l’arme d’autodestruction la plus puissante qui existe. Je baisse le regard en ayant peur de comprendre, mais c’est probablement la seule façon de savoir. Doucement, regagnant un certain calme qui ne fait que cacher un instant la tempête, je me laisser glisser à terre dos à la vitre, tirant toujours sur la cigarette, d’un geste devenu machinal. Tant pis, si elle ne veut rien dire, je poserais les questions, et je lui arracherais ses réponses.

« Commences par répondre à ça : qui est parti quand je me suis ramené? »

J’émets un claquement de langue. Je ne sais plus s’il y a peut-être une once de plaisanterie dans ma voix… Enfin, le sérieux chez moi est une denrée qui s’est faite rare avec le temps, aussi, je ne me pose plus la question. Je suis en permanence en équilibre sur cette lame constituant la frontière entre démence et pseudo-lucidité. Aussi, j’ignore si cela est un jeu foutrement irritant, ou une discussion qui pourrait devenir sérieuse… Et encore plus insupportable qu’elle n’est déjà.

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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMer 9 Sep 2015 - 13:57



(Don't) Save Me
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Drôle comment cet appartement me paraît vide à présent, probablement aussi vide que ma poitrine. Dans l’un comme dans l’autre, les paroles d’Alexander résonnent, envahissent l’espace en y laissant un subtil écho, celui qui bat dans ma cage thoracique. La sensation s’avère intrusive, presque désagréable, et pourtant je cherche cette vibration, je l’attends, je veux que ses mots pleuvent et emplissent le trou béant en moi, ne serait que quelques instants, quelques minutes avant qu’il ne m’abandonne à mon sort. J’ignore si je mérite qu’on me tourne le dos, je ne parviens pas vraiment à mesurer les effets permanents qu’un tel geste aurait causé sur mon entourage, et encore moins sur ce tortionnaire dont la colère et le mépris me submergent, me poussent dans mes retranchements à préparer une contre-attaque qui finira bien par surgir dans une éruption à laquelle il ne s’attendait pas, tôt ou tard. Mes pensées s’emmêlent trop pour formuler la question qui, d’elle-même, m’aurait offert la réponse à son comportement, la raison qui sous-tend ses cris, sa haine, ses mots qui pourraient me blesser mais qui ne font qu’effleurer ma conscience brouillée. Je ne parviens plus vraiment non plus à savoir pourquoi je tiens tant à ce qu’il reste à terrer comme un pantin désarticulé sur le plancher de ma cuisine plutôt que de puiser dans les derniers élans de ma fierté pour le faire disparaître et l’accuser d’avoir délié mon plan juste au moment où je m’apprêtais à sauter, enfin. Ou est-ce le cas? Je ne veux même pas me poser la question. C’est plus facile de me croire, de toute façon.

Sitôt il rebrousse chemin, même si c’est pour m’offrir un doigt d’honneur, que j’avale une nouvelle goulée d’air. Chaque sensation me parvient avec une netteté presque douloureuse, la lumière du lustre me brûlant les yeux, le plancher écorchant vive ma peau, ma respiration saccadée un bruit gênant et violent. J’ai l’impression étrange de ressentir pour la première fois depuis des années, chaque nouveau message de mes sens plus tranchant que le dernier, et tenter de faire le tri entre ses stimuli physiques et le flot de pensées que je refuse de formuler s’avère un immense défi que seule une cigarette pourrait régler, en engourdissant une part de mes sens et de mon activation charnelle de façon générale. Je soupire de soulagement en le voyant balancer à mes pieds ce que j’ai réclamé, je n’ose même plus dire «merci», je me contente de l’allumer, les doigts tremblant tant que je parviens à peine à brandir le feu contre son embout. J’en tire ensuite une longue bouffée, appuyant ma tête contre le comptoir avec satisfaction et aussi, il faut l’avouer, une grande fatigue. Je ne me souviens pas avoir dormi ces derniers jours, ni même mangé, ni même ri, ou espéré, ou tempêté ou… Rien. Des jours entiers engloutis par les méandres de l’oubli, autant d’instants que je ne récupérerai jamais et qui m’ont filé entre les doigts. Je tire une nouvelle bouffée nerveuse de la clope alors que me traverse l’esprit l’idée qu’en me sauvant de ma perdition, Dio m’y a probablement condamné. Je ne veux pas passer mes journées ainsi.

Des journées entières dans un trou noir, à ne plus savoir qui je suis, ce que je fais, ce qui m’allume ou me dégoûte, des journées à n’être plus qu’une coquille vide. Je n’en veux plus, la douleur a bien finit par faire de moi son pantin et je n’en peux plus. Alors qu’il me dise ce qu’il veut, je ne me sens pas coupable. Oh oui, je devine aisément ne pas en mener large en ce moment, avec mes traits pâles tirés par l’épuisement, tenant ma cigarette comme une adolescente en pleine introspection. Je me contente d’hocher la tête paresseusement, avec une légère toux causée par les fumées toxiques de la cigarette.

«Je ne me sens pas coupable. Je ne sens rien du tout. Personne ne t’a demandé d’écouter mes conneries de toute façon, tu peux juste rester là et fumer, ça me va aussi.»

Je ne veux pas être seule. Je le comprends de plus en plus. Je me fiche qu’il s’en prenne à moi, qu’il me laisse me terrer dans ma merde, mais je ne veux pas être seule et constater le bordel, je veux repousser le moment de la décision, encore et encore. Car ce qui m’apparaissait clairement quelques instants plus tôt s’est teinté d’un nouvel angle qui ne s’agence plus avec mon mode de pensée initial. J’ai beau tenter de me justifier tout autant que je le souhaite, je mettrai un moment avant de retrouver l’état d’engourdissement et de docilité qui a permis aux spectres de mon passé de me jeter dans l’abysse. Et je me demande à quel moment j’ai cessé de m’en soucier, de me soucier de moi-même. Mes mains tremblent encore plus contre la cigarette que je peine à tenir entre mes doigts. Puis la question me parvient, telle une gifle encore plus douloureuse que celle qu’il m’a assénée tout à l’heure. Qui est partie? Ma poitrine se gonfle d’une douleur atroce. Paradoxal ce soulagement qui m’habite de la voir partie alors qu’elle me manque autant. Je baisse les yeux. Je n’ai jamais confié à qui que ce soit pour Aimee, je n’ai jamais osé, même à mes proches les plus intimes, j’ai toujours cherché à les repousser depuis son décès, probablement pour qu’ils ne voient pas, je veux des gens qui font semblant, pas des questions du genre. Car non, je n’assume pas, je n’assume plus ce que je suis devenue à sa mort, je n’assume même pas de la voir partie. Je le regarde, un rictus amer aux lèvres. J’hésite à ne rien dire, mais je sais que mon silence le ferait déguerpir, et que d’une façon qui m’échappe encore, je lui dois encore. Car en me sauvant du précipice, il s’est fait juge de mes actions. L’heure du jugement est venue.

«Aimee. Qui d’autre?»

Je porte sa question presque en dérision, ainsi que moi-même, peut-être en pensant que la gravité de la situation s’en trouvera amoindrie, qu’il oubliera quoi que je parle d’une fille décédée il y a plus d’un an. Je me couvre les épaules, prise d’un frisson qui me raidit de froid.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMer 9 Sep 2015 - 19:11

(Don't) Save me.

Je pourrais retirer ce que j’ai pensé et dit. Enfin, non, je n’ai aucune raison de  faire ça, j’ai pour habitude d’être du genre franc et cru (ce qui ne veut pas dire honnête et sincère pour autant). Mais tout ça pour dire que plus que pathétique, cette situation en devient caricaturale, autant de mon côté que celui de Cass. Eh, ouais, regardez comme on a l’air de deux êtres tro d4rk. Ouais, non, quand même, ma colère est réelle, et la détresse et la culpabilisation de mon interlocutrice également, je le sais. Mais dans un certain sens, j’ai toujours aimé être un acteur. Me donner des airs, jouer la comédie, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. Une façon d’être moi-même, de montrer mes différents visages. Probablement que le fait d’avoir été éduqué par des personnes toujours forcées d’être en représentation joue, et que cela me rend donc distant de ce que je ressens réellement… Et d’où une certaine maladresse, aussi. Je suppose. Donc, oui, vu d’un œil distant, la situation actuelle doit peut-être ressembler à un épisode de soap opéra un peu trop dramatique. N’empêche que c’est la réalité. Et je ne suis pas la personne la mieux placée pour parler de cette frontière entre monte réel et fictif, car j’ai conscience que ma façon de voir les choses est un filtre que je pose sur ce que je vois pour arranger les choses à ma façon. C’est normal de faire ce genre de choses pour que le monde corresponde à sa propre réalité.

Finalement, ce n’est pas que je ne prends plus toute cette scène au sérieux, c’est simplement qu’après ma dernière question, et avec la réponse que j’obtiens, les remarques de ma vis-à-vis, j’ai envie de prendre de la distance. Fuir, oui, peut-être. Fuir ces souvenirs et le fait que je peux parfaitement concevoir et ressentir la douleur que Cassey a sentit lors de la perte d’Aimee. Et surtout, cette détresse lorsqu’on cherche partout cette partie de soi qu’on a perdu pour de bon, que l’on cherche à tout pris à recréer, qui nous renvoie l’image de soi-même qu’on ne veut absolument pas voir, qui rappelle simplement la mort d’un être qu’on a aimé au même prix que sa propre vie. Sauf que dans le cas de Cassey, elle était requise et attendue aux côtés des son amie. Celle-ci ne l’a jamais rejetée, ne lui a jamais fait croire qu’elle l’aimait. Mes doigts se resserrent sur la cigarette en tremblant d’envie et de haine, de la pure jalousie.

« Évidemment. »

Cassey ne m’en voudra pas si je n’ai l’air aucunement surpris, mais simplement résigné et volontairement impassible maintenant que nous sommes arrivés sur le sujet. Libre à elle de voir ça comme un fouttage de gueule ou un détachement inintéréssé. Car ce n’est pas exactement ça. C’est plus un désir de rester en dehors de quelque chose qui me parlent pourtant très intimement. Finalement, maintenant que ce fut annoncé, la chose coule de source et se suffit à elle-même pour expliquer tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant. Je lâche un nouveau soupir.

« … Et merde. Ça explique bien trop tes conneries. J’ai toutes mes réponses d’un coup. Trop facile. Les humains, c’est tellement lassant et prévisible. »

Dis-je, l’air absent en regardant la fumée s’élever et se dissiper vers le plafond. Je me sens vidé, blasé, désormais. Tout ça pour ça. Bien entendu, c’est pas quelque chose de négligeable, même si cela peut sonner ainsi à travers mon ton monocorde et désormais déconnecté. Je suis peut-être le mieux placé pour concevoir que le fait que Aimee apparaisse dans l’imagination de Cassey n’est pas innocent. Certainement que la jeune femme lui parle, elle aussi, qu’elle pense pouvoir la toucher, elle l’imagine lui répondre, ou renvoie tout bêtement la balle à sa place. Je crois sincèrement que dans le même ordre d’idée, la présence d’Irina à mes côtés est bien réelle, peu importe si elle est le fruit de ma psyché malade et de mon égocentrisme, je veux juste qu’elle soit là. Un silence glacé et piquant s’instaure en moi. Je ne veux pas en dire plus, ni demander d’avantage de choses qui me feraient me dévoiler moi-même. Trop prévisible, oui. Bien trop pour notre propre bien , et pourtant fascinants quand on se dévoile. Bien, Cass n’a qu’à continuer de me regarder fumer, si ça la chante. De toute manière, elle non plus n’est pas là pour entendre d’autres paroles que les siennes. Parler ne changera rien à cette situation de surdité malsaine et réciproque. Et personnellement, je juge en avoir bien assez entendu dans toute ma vie. Paradoxalement, c’est probablement pour ça que j’aime tant me faire entendre, et continuer de parler malgré tout.

« Quand j’étais gamin, un mec s’est foutu en l’air dans mon école. Ce con a sauté du toit. J’ai tout regardé, alors que les autres se retournaient dans la direction opposée. Pas le premier contact que j’avais avec la mort, à ce moment déjà. Sa chute avait eu un truc fascinant, il a brillé et emmerdé le monde entier pendant une seconde à peine. Et puis plus rien. Deux jours plus tard, tout le monde l’avait déjà oublié. »


Je suis ainsi qu'il me faut parler pour me retrancher derrière quelque chose. Mon ton monocorde ne cesse son flot de mots, n’est pas affecté du moindre sentiment apparent. Je ne sais même pas où je veux en venir.

« T'es pas une exception. Tu seras peut-être le roi du monde pendant une fraction de seconde, mais après, y’a plus rien. On t’oubliera, on fera sans. Ou alors on fera un bouquin de merde sur ta vie, et tu deviendras un putain de martyr, tu seras ce qu’ils auront toujours voulu que tu sois. »

Et après la fin, ce que l'on trouve, ce n'est ûurement pas Irina. Ni Aimee. Ni nous-même. Il n’existe malheureusement aucun endroit ou elles apparaitront de nouveau, mis à part notre imagination. Finalement, mourir ne sert à rien, car si on les fait apparaitre, c’est justement pour vivre plus fort encore ce qu’elles n’auront pas pu vivre avec nous. Je suis trop optimisme pour penser que la vie est merdique. Car, non, ce n'est ni le monde ni la vie qui est en tord, mais bien l'humanité qui n'a jamais été à sa place de toute manière.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyJeu 10 Sep 2015 - 16:49



(Don't) Save Me
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Son nom comme une évidence, son nom marqué au fer rouge contre les parts les plus vulnérables de mon esprit. Une entité, une hantise, une obsession probablement, une maladie d’apparence sans symptômes, du moins c’est ce que j’aime me faire croire dans mes heures perdues, quand dans mes errances on me surprend à échanger toute seule avec ce qu’on perçoit comme du vide. Ce que je vois pourtant, aussi réelle que n’importe quel autre être humain, n’a rien d’une apparition, d’un fruit de mon imagination. Impossible. J’ai encore besoin d’elle, ce sera toujours le cas. Alors tant qu’à en souffrir, qu’à s’en laisser mourir, un jour après l’autre, aussi bien la rejoindre. J’ai confiance en elle, en son raisonnement qui me paraît implacable et irréversible. Inévitable même. Je ne me suis sentie véritablement compris que d’une seule personne depuis ma naissance, jamais trahie, une présence à laquelle je pouvais m’abandonner sans barrières ni remords, une amie certes, mais aussi d’avantage. Quant à moi, nous aurions aussi bien pu être sœurs séparées à la naissance, sœurs de l’âme du moins. Arrachée à moi trop rapidement et qui maintenant revient me hanter. Mais je danse avec cette hantise, probablement que je la souhaite moi aussi, probablement que j’ai un peu envie de mourir moi aussi pour la retrouver. Ce qui m’attend après ce grand saut, je n’en ai que des suppositions, des idées, des tentatives hésitantes. Je préfère me convaincre néanmoins qu’après je pourrai la revoir. Peu importe le royaume dans lequel nous devons nous retrouver.

Facile? Probablement. Pourquoi choisir le chemin tortueux quand l’avenue toute tracée s’étend à ses pieds? Ma vie ne fut qu’une longue bataille, contre un monde que je n’ai jamais vraiment compris, contre moi-même, cette inconnue qui n’est jamais parvenue véritablement à se forger. Tant pis s’il doit me trouver prévisible avec son sarcasme, son mépris ne m’atteint pas. J’ai déjà assez de mal à garder contenance sur mon propre corps, alors son jugement, qu’il se le garde. Dans tous les cas, la vie ou la mort, je préfère qu’il s’agisse de ma propre décision. Je n’ai jamais demandé à venir au monde, mais au moins je pourrai avoir mon droit de regard sur l’instant précis de mon décès. Mon décès. Putain. Je tire une nouvelle bouffée de cigarette. Lentement, j’ai conscience de reprendre possession de mes sens, de mes pensées. Comme un iceberg qui, échoué contre la plage, fond lentement sous les lueurs ardentes d’un soleil indifférent. L’étau glacé se détache de plus en plus de ma poitrine, y exposant la douleur que j’ai tenté d’engourdir m’effaçant jusqu’à l’abdication. Je respire doucement, une main contre mon cœur agité. Je regarde Alexander avec colère. Tout ceci est de sa faute. Encore une fois, il s’est probablement convaincu se trouver meilleur que moi, de posséder le pouvoir de remettre en doute une décision probablement prise d’avance, il s’est permis, il s’est permis… de me faire douter.

Puis il raconte une histoire. Comme un vieux pépé sage de merde. S’il pense qu’il m’amuse. Je me fiche du pauvre môme qui s’est lancé du toit de l’école. À chaque histoire ses circonstances, les siennes n’égalent en rien les miennes. J’ignore même ce qu’il cherche à accomplir en me racontant tout ceci, probablement pour me faire changer d’idée, probablement pour causer ma culpabilité. Oui, j’ai conscience que de n’être qu’une parmi tant d’autres. Un produit, remplaçable, échangeable, consommable. Un numéro rapidement oublié au coin d’une table. Si je saute ce soir, on finira bien par laisser mon nom tomber dans l’oubli. Ce que je peux m’en ficher. Je n’ai jamais recherché la gloire. Ou à être le roi du monde comme il l’avance. Il ne comprend, n’a rien compris. Je me redresse avec difficulté, tirant plusieurs bouffées de ma cigarette à la suite pour calmer les élans de mes nerfs qui m’élancent douloureusement. Je braque un regard sévère, animé, destructeur vers lui. Probablement ai-je envie de casser quelque chose maintenant qu’on m’a empêché de faire de même avec moi-même.

«Non mais t’es naïf putain, tu te crois dans tes balivernes? Tu crois que je fais ça pour qu’on me construise un temple? Tu penses que je suis une martyr? Non, putain, j’ai juste plus envie de me trouver ici et d’avoir mal! Tu ne… tu ne comprends vraiment rien de rien, personne t’a sonné petit enculé de merde. Je me fiche des autres.»

Je me retourne pour ne plus lui faire face.

«Je fais ça parce que de toute façon, je suis en train de me perdre. Alors à quoi bon hein? Sauter c’est juste un moyen pour me mener à autre chose. À elle.»

J’ai la nausée putain, ma tête tourne horriblement et je transpire en m’appuyant contre le comptoir, le regard rivé vers l’endroit où Hayim s’est écrasée suite à l’état d’endormissement causé par la drogue. La drogue que j’ai moi-même glissé dans sa nourriture. J’ai l’impression que de sa Poké Ball, presque entièrement recouverte de ruban adhésif, elle me regarde. Me jauge. Elle attend.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyJeu 10 Sep 2015 - 19:44

(Don't) Save me.

Quand on est pas né dans le monde qui nous aurait convenu, on n’a pas d’autres choix que de croire à ses propres conneries, au risque d’en avoir l’air naïf. Pauvre de moi qui n’ai rien compris, ce n’est pas comme si on m’avait donné le moindre chiffre pour résoudre l’équation nommée Cassey. Et je suis fier de mes conneries. Je suis atrocement fier car elles me permettent de survivre et de croire que le futur m’offrira quelque chose si je persiste. Je suis fier de survivre à ma façon entre ces humains, et dans ce monde qui m’est hostile, pour lequel je ne suis pas fait. Je suis fier de ma folie, je suis fier de ce que je suis devenu, et fier d’empoisonner la vie des gens. Aussi, quoi de plus efficace pour me prouver que j’existe que voir l’effet de mes « balivernes » sur autrui. Je n’ai jamais prétendu porter la vérité. Si ma version des fait était généralisée et approuvée, ce serait le paradis, et probablement que je m’emmerderais un peu. Je ne m’étais jamais trop vu comme naïf, car de manière générale, c’est moi qui envoie cette insulte à la gueule des gens. Maintenant que la rouge s’est levée, elle se sent puissante et me crache à la gueule. Cédant à sa provocation, je lâche un « aoutch » sarcastique à la suite de ses mots et me relève pour la surplomber à mon tour d’une dizaine de centimètres, ravi comme un italien quand il a de l’amour et du vin. Je ne nierais jamais être un sale gamin de merde, une vraie plaie au cul.  Et la preuve, c’est que le mot « enculé » qu’elle lâche me fait lâcher un rire de gros débile profond. Enculé, oui, mais pas si petit que ça. Huhu. « Enculé ». C’rigolo. Et puis merde, tout ça devient foutrement ridicule. Je suis content que l’autre idiote réagisse finalement, j’envisage d’être un peu plus généreux, désormais. Je n’ai rien à donner aux gens qui se morfondent, mais il y a une toute petite amélioration depuis quelques secondes. Enfin, c’est beaucoup dire.

« Bah voyons. Ma pauvre fille, faut savoir ce que tu veux. Si tu veux avoir la sensation d’être comprise, trouves toi un plan cul assez hypocrite pour t’écouter,  faire semblant de comprendre, et te baver dans l’oreille. »

Bah, elle s’attendait à quoi, hein? Je suis pas de ceux qui comprennent, écoutent, et compatissent. J’ai cessé de tenter de comprendre quand personne n’a jamais essayé de fait une telle chose à mon encontre. Et pourtant, malgré mon arrogance, ça me rattrape toujours quand j’ai Cassey face à moi. Je comprends qu’elle veuille à tout pris retrouver Aimee. Sa moitié. Elle a perdu son amie la plus chère, et j’ai perdu ma jumelle. Je grince encore. Non, elle au moins, elle n’est pas coupable de la mort de son amie. Retrouver Aimee, hein. Je suis convaincu qu’il n’y a rien après la mort. Ou s’il y a quelque chose, ce ne sont que des regrets. Si Cassey était la seule au monde à être paumée, ça se saurait, ça ferait la une des journaux depuis une bonne paye. Je suis fatigué de tourner autour du pot, et de la voir nier ce qu’elle crève d’envie de gueuler. Même si au fond, muette, elle l’a déjà bien assez fait. Ouais, je suis fatigué. Et moi aussi, je veux finir par assumer de deuil qui ne finira jamais de toute manière.

« T’as rien à payer pour sa mort. Tu t’es paumée en la réinventant, pour retrouver la moitié que tu as perdu, car tu peux plus avancer avec ce vide béant en toi. Mais t’es conne ou quoi? Bordel, Aimee aurait… a pas envie de te voir crever. »

Voila, j’y arrive. J'ignore le nœud de douleur qui s'est formé en moi comme à chaque fois que je m'évoque Irina. Je serre les dents. Je vais arriver à ce point de départ pour moi. Peut-être l’arrêt pour Cassey. Quoique c’est à elle d’en décider, de ça. On survit à tout si on le veut bien. Crever c’est l’abandon, et je ne cautionne pas ce genre d’acte, ça me met hors de moi.

« Crèves donc si ça te chante, mais elle sera pas derrière pour t’attendre. »

Je ne sais pas ce qu’il y a derrière. Mais pour l’avoir déjà frôlé, je sais que c’est pas là que je voulais être, jamais de la vie.

« Je sais, Cassey. On recherche quelqu’un qu’on retrouvera pas. Réinventes-là, fous-là à vivre dans ta baraque, on s’en fout, si t’as l’air de parler aux murs. Personne viendra jamais combler le vide, alors démerdes toi pour le faire toi-même. Y’a pas de mal à sombrer si c’est pour survivre. De toute façon, elles reviendront jamais. »


Ce n’est qu’après coup que je me rend compte d’avouer parlé d’Aimee au pluriel. Je l’associe à Irina sans la nommer. Je n’ai même plus envie de nier, car je connais par cœur ma propre réalité et j’ai suffisamment vécu dans le déni. Nos sorts restent similaires bien que l’histoire soit différente. Aujourd’hui encore je continue de faire le deuil de ma jumelle, et je ne cesserais probablement jamais de le faire. Je la ferais toujours vivre  avec moi, je la ferais exister. C’est mon fardeau, c’est ce que j’assumerais toute ma vie, car j’ai foutu en l’air la sienne. Le seul fardeau que j’accepterais jamais de porter. C’est irréparable de toute manière, mais j’ai réussi à combler le vide avec ce qui me restait de raison. Je n’ai plus aucune conscience, plus aucune limite, plus d’empathie ni d’éthique, plus grand-chose d’humain dans cette démence. Mais, au moins, après cette traversée du désert à chercher Irina dans un monde ou elle n’est plus, je vis. Je vis. Pour personne d’autre que moi-même.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyDim 13 Sep 2015 - 20:34



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La mort n’est qu’un voyage, j’ai dû entendre ces paroles des milliers de fois dans mon parcours houleux. Drôle, ce rapport que j’entretiens avec la Faucheuse, avec la grande dame de la nuit éternelle. Elle a teinté mon enfance, avec cette notion de deuil, toutes les pertes que j’ai essuyées et qui ont fait de moi ce que je suis à présent. Tout d’abord, celle d’une mère dont je ne connais encore que des sourires malaisés et des bribes de mensonges supposés de me décourager d’une curiosité qui a bel et bien finit par s’éteindre. Puis celle d’une nouvelle mère, par adoption, par affectivité, celle que j’ai choisie plutôt que subi, ma tante Lucy qui m’a quittée pour une autre famille, pour élever une autre gamine, pour aimer quelqu’un d’autre que son propre frère. Puis j’ai côtoyé la mort, tous les jours ensuite, un père desséché, se laissant emporter probablement un peu plus tous les jours par une mélancolie dont je n’ai jamais connu ni la cause ni l’étendue. Dans mon adolescence, j’ai souvent jonglé avec la mort, ai trouvé un certain réconfort dans ses bras même en adoptant le mode de vie le plus autodestructeur possible, dont la seule présence d’Aimee, d’Hayim mais aussi de ma passion pour l’art l’ont freiné jusqu’à mes débuts dans l’armée, où j’ai encore dansé avec la mort, jusqu’à ce qu’il en devienne une habitude, désensibilisée face aux horreurs perpétrées et qui toujours finissent pourtant par me rattraper. Cette valse doit se terminer, je me dois d’emprunter ce chemin. Nous devons tous le parcourir un jour où un autre n’est-ce pas? Rien vaudra toujours mieux que la souffrance ressentie à cet instant de toute façon.

Ce que je souhaite à présent? La question s’avère trop épineuse pour même la formuler et je grimace simplement à l’entendre prononcée d’une autre bouche que la mienne. Son ton sarcastique me heurte, me chamboule, me brasse inlassablement, j’ai envie qu’il continue simplement pour avoir une raison supplémentaire de le détester, un combustible à ma haine que j’entretiens dans le silence. Sincèrement, je ne parviens pas à assimiler les raisons qui le poussent encore à rester, hormis celle que de s’approprier ma peine pour servir ses petits vices personnels. Il doit l’amuser, lui qui se plaît dans la douleur et les cris, lui dont la misère humaine le berce toutes les nuits dans un monde qu’il s’est créé pour lui-même. Je ne comprends pas, je ne comprends pas pourquoi il est venu ce soir, pourquoi ce devait être lui ayant bousculé le fil de mon existence, l’essence de mon destin il me semble. Une question restée sans réponse, qui ne fait qu’augmenter un malaise qui prend lentement place au-dessus du tumulte de ma colère, de mon irritation, de mon impuissance. Un nœud qui se forme dans ma poitrine, venant se suspendre dans le vide qui y règne, rendant tout mouvement difficile. J’ai cherché à l’écraser de ma présence, de ma colère, mais rien n’y fait. Il s’est levé à son tour, cherche physiquement à me faire comprendre que les élans colériques que je lui réserve ne l’atteignent nullement et pourtant je sais bien que c’est faux.

Je crois qu’il ne se fiche pas de ma détresse. Car il reprend la parole, me parle d’Aimee, tente de me convaincre peut-être, qu’elle ne voudrait pas de moi ainsi, dans une misère impossible de par son absence. Des mots interdits, des mots qui me coupent le souffle, qui me forcent à me rasseoir auprès du comptoir en ne quittant plus la balle d’Hayim des yeux. J’ai envie d’hurler putain, j’ai envie de crever, j’ai envie de vivre aussi, mais je ne sais pas à quoi me raccrocher, je sais simplement que plus rien en moi ne fait du sens, que la logique qui me soutenait jusqu’à présent perd du souffle, s’amenuise. Ce vide. Est-ce qu’il en sait quelque chose? L’a-t-il vécu? De sombrer, encore et encore, un peu plus tous les jours, dans une longue descente aux enfers? Pourquoi nomme-t-il Aimee au pluriel, comme si lui-même s’était dépossédé d’une ombre d’un passé dont je ne connais rien? Toutes les questions se bousculent sur mon crâne et je n’ai même plus la force de gueuler, pourtant je voudrais hurler à pleins poumons. Je lève les yeux vers lui, luisant de larmes, d’incompréhension, de rage et de peine, surtout de peine.

«Alex… je ne sais pas comment faire.»

Ma voix se brise, je me mets à trembler. Je crois qu’il m’a brisé, qu’il a brisé le mensonge et la mauvaise foi, je crois que cette fois, je n’ai plus envie de me battre.

«Tous les jours je me dis… Je me dis que ça ira… Je me dis que je suis plus forte que ça, mais je vais de mal en pire. J’ai comme un trou béant dans la poitrine, j’en suis venue à ne plus rien ressentir du tout, et peut-être que j’ai cru que ce serait plus facile de me jeter du balcon…»

Je tente de ne pas pleurer, je croyais qu’il n’en restait plus une seule, qu’elles s’étaient taries, et pourtant une d’entre elles roule contre ma joue dans un silence sinistre.

«Mais maintenant j’en ai plus vraiment envie, Alex. Je veux dire, ce serait bête. C’est juste que là maintenant, je vois pas d’autres solutions possibles.»

Help.

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Alexander Nagel
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMar 15 Sep 2015 - 14:55

(Don't) Save me.

Je me sens toujours vide après m’avoir remémoré la perte de ma jumelle. Vide face à la réalité qui me revient en pleine face. Cassey n’a pas entièrement tord, car si je n’avais pas eu la force mentale de me créer ce monde et ma propre version du "vrai", je ne sais pas ce que j’aurais fait. Rêves et cauchemars me permettent de masquer la douleur, bien que celle-ci se réveille parfois comme ce soir. Finalement, la chose qui m’a retenu en vie, qui m’a poussé à survivre est une pensée qui m’est insupportable : la pensée de devoir vivre invisible. Peut-être est-ce par indignation ou par fierté, mais je ne peux supporter que les humains vivent dans l’ignorance volontaire et hypocrite de ce qu’il sont réellement. Et en me donnant cette mission de leur enseigner cette notion selon moi vitale, j’ai trouvé une raison de ne pas mourir. J’ai trouvé ma place dans ce monde hostile, malgré mes anomalies. J’ai tout fait pour éviter la détresse que vit actuellement Cassey, en me mentant à moi-même, car je ne voulais pas crever comme ça, sans avoir trouvé ce que je voulais atteindre, et peut-être ai-je également appelé à l’aide à une certaine période de ma vie. Je me remémore parfois ce moment passé avec Sky à l’onden, où avec une mauvaise foi monstrueuse, je lui ait demandé de rester, attendant certainement un secours quelconque à ce brave type qui tentait de me comprendre. Ouais. Un type trop brave pour moi, probablement.

Les doutes de la jeune femme partie se recroqueviller dans la cuisine sont légitimes, je pense. Ces questions de « comment vivre, comment exister sans elle, et dans quel but? », je me les suis posées et je n’ai pas trouvé mes réponses. Il me fallait encore une fois inventer. Tout recommencer et tout réinventer. Probablement aussi que je n’ai pas assez de foi spirituelle ou religieuse pour espérer trouver le salut et la paix dans un "après la mort". Probablement que je n’ai jamais voulu la paix intérieur. Probablement qu’il n’y a jamais eu le moindre semblant de paix en moi depuis le début. Ce sont des interrogations dont je n’ai pas cherché la réponse car tout cela était inné. Face à moi, dans la pénombre, les iris de la rouge s’humidifient et commencent à briller  par la lumière citadine filtrant vers l’intérieur. Oh merde. Elle va pleurer. Je suis censé faire quoi? Ma mauvaise foi voudrait que je me casse maintenant, mais c’est bien le signe que je devrais reste Et que quelque part, je suis ici de mon bon vouloir. Je ne saurais pas encore dire si c’est pour elle, pour moi, ou un peu des deux, et je ne pense pas que ce soit réellement important. Parce que cet échangé initialement stérile est devenu lourd de sens pour nous deux. Après tout, tout désir humain part d’un certain égocentrisme, d’une certaine vanité, et les degrés de sensibilité au sort d’autrui est différent selon les individus. Mais tout ça fera pas avancer le schmilblick, et le fait que je ne trouve rien à répondre à mon amie. Je ne sais pas rassurer ou réconforter, et si j’essayais, ce serait forcé et pas sincère.

« C’est… »

Je sais pas. Y’a pas de bonne solution, à part prendre ses couilles et tenter de vivre quand même quitte à devenir maboul. Mais je sait pas si c’est ce qui aidera Cassey, car elle juge apparemment avoir assez lutté comme ça.  

« J’en sais rien, de ce que tu pourrais faire. Là, tu vois, je pourrais aussi te sortir un discours lyrique sur ta valeur à mes yeux et des conneries du genre, enfoncer le couteau en persistant à dire que Machin, Truc et Bidule te regretteraient… Mais ça me fait chier. Et je crois qu’en te servant un peu de ta tête tu pourras trouver ça toute seule. »

J’ai beau être bavard, il y a des fois ou je préféré les gestes au parole. J’ai envie de me distraire avec autre chose, sinon je vais reparler de mes soucis et c’est très loin de mon but initial. D’un pas ankylosé, je m’en vais à mon tour dans la cuisine. J’observe mieux les lieux en rallumant la lumière, car marcher dans l’obscurité, ça m’amuse plus trop au bout d’un moment. Je ne fais aucune remarque en observant le carrelage mis à mal par un choc lourd récent, ni sur les capsules des alliés de Cassey condamnées par un épais ruban adhésif noir. Elle avait tout prévu, ça doit vraiment être sérieux. Sans trop me gêner, je fouille les placards à la recherche d’un cendrier dans lequel j’éteins ma cigarette, et continue d’explorer après lui avoir refilé l’objet à récupérer les cendres cancérigènes.

« Je sais pas comment on peut remplir le vide mais… J’ai rien bouffé depuis ce midi. Tu veux grailler un truc? »


Bah… ouais, j’ai un trou dans l’estomac aussi. Ce n’est pas ce qu’elle a dit, je sais, et je vais passer pour un pauvre con car je sais pertinemment ce qu’elle entendait par « trou dans la poitrine ». Quand même. Mais bon… J’en sais rien. Mais au moins, je suis bon pour cuisiner et j’aime entendre du bien de mes moyens culinaires. Ok, c’est débile et égocentrique, car j’ai envie de passer à autre chose et que cette conversation me met mal à l’aise et me renvoie à Irina, à ma propre douleur. Je sais pas. Peut-être que j’imagine que la bouffe ça remplit un peu. Eh, en plus, si elle s’était foutue en l’air, eh bah, elle n’aurait jamais gouté ma cuisine! Eh, si c’est pas une bonnes excuse pour éviter ça! C’est ça, Alex, meubles. Meubles tes pensées qui se tournent irrémédiablement vers le souvenir douloureux de ta défunte jumelle, dont tu as déjà trop parlé. Meubles le vide.

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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyJeu 17 Sep 2015 - 14:51



(Don't) Save Me
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Je ne parviens plus qu’à formuler des idées à tâtons dans l’océan tumultueux de mes questionnements existentiels. Chaque interrogation pourrait prendre des semaines à décortiquer dans son ensemble, voir certaines des années, et j’ai l’impression qu’à force de repousser ces questions j’en suis parvenue à un point où je ne peux plus les éviter. De l’extérieur, je parais aux autres telle une personne certes bouillante, imprévisible et émotive, mais aussi détachée, souriante, toujours prête à s’amuser. J’ai la certitude à présent que cette personne, qui n’est en fait qu’une part de tout ce que je ressens, que je me suis contentée d’orienter la pointe de l’iceberg sans me concentrer sur tout ce qu’on ne peut voir en surface. J’ai l’impression désagréable de m’être menti pendant des années, de me retrouver emmêlée dans une situation où je ne connais pas l’issue. Impossible, même si certaines pistes timides s’ouvrent à moi, quelques idées générales et floues me parviennent, je n’arrive plus à formuler de véritable solution à un problème que j’ai déclaré irréparable. Lui qui paraît si sûr de lui, a-t-il trouvé? Ce qui dans ce monde le raccroche, malgré la souffrance qu’on peut y ressentir? Je l’ai souvent cru inatteignable, je réalise que c’est faux. Il cache une part d’un passé dont je ne pourrais soupçonner la nature, mais j’ai conscience à présent de ne plus être la seule à avoir perdu un proche, plus la seule à avoir cru tout perdre à cet instant. Cette idée me rassure dans un sens. À présent je ne demande qu’à ce qu’il m’expose son secret, si telle chose est possible. Je me sens trop lasse, trop lourde, trop désespérée, trop profondément enfoncée dans les ténèbres pour trouver moi-même mon chemin.

Sauf que lui aussi se trouve un peu désemparé. S’ouvrir au sujet de la vie, de la mort, de ce qui nous fait vibrer, ce qui nous fait exister, rien n’est aisé dans le tout et je dois avouer ne jamais en avoir discuté avant qui que ce soit d’autre avant. Même avec ma meilleure amie, j’évitais consciencieusement le sujet, jusqu’à ce que celui-ci devienne inévitable à aborder aujourd’hui. Je peux sentir notre malaise à tous les deux, mais ce qu’il avance tient la route. Je n’ai pas envie non plus d’un discours larmoyant dont je ne croirais pas un mot. Je suis trop en colère, trop braquée derrière mes propres barrières, en tendant la main derrière les barbelés. De toute façon, même dans le tumulte écoeurant de mes émotions, j’ai au moins compris que, même s’il n’ose pas le dire (et c’est tant mieux car j’ignore si je suis vraiment prête à l’entendre), qu’il tient à moi. Pour le reste, la culpabilité qu’il pourrait me faire ressentir ne me permettrait pas vraiment d’avancer. Je ne veux pas vivre pour mes proches, je veux…

«Je veux vivre pour moi-même de toute façon. Et je ne veux pas mourir pour Aimee.»

Et voilà, un morceau de robot pour Cassey! Je jette un coup d’œil au balcon, cette fois sans la moindre hésitation, cette fois ma décision est prise pour de bon, celle de peut-être me condamner, mais au moins de choisir par moi-même, et non pas sous l’influence d’un spectre qui pourrait aussi bien se retrouver être le fruit de mon imagination. Quel bordel. Je soupire, transie de froid soudainement. Je m’extirpe du comptoir, la tête lourde et douloureuse, le cœur toujours agité et les mains tremblantes, mais bien plus calme qu’un instant plus tôt. Je regarde Alex alors qu’il propose de faire à manger, je sais que lui aussi cherche à s’occuper maintenant que le pire est passé.

«Sers-toi, tu peux commander un truc, cuisiner ou manger des restes, je reviens tout de suite.»

J’accours à la salle de bain pour saisir dans la pharmacie des cachets anti-douleur que j’avale pour faire taire la migraine. Je vais ensuite à la cuisine pour me servir un grand verre d’eau que j’avale d’une longue traite, comme si je n’avais pas bu depuis des jours.

«Alex?»

Je relève le menton vers lui, bien plus calme, assidue, concentrée à ce que je veux demander et qui le prendra de court.

«Tu as fait comment toi, quand elle est morte?»

Bien sûr, je ne parle pas d’Aimee, mais de celle qu’il a nommé probablement sans le vouloir tout à l’heure. Il me faut savoir à présent, non pas par curiosité mal placée, je n’en ai que faire des détails de sa vie. Il me faut plutôt savoir pour être certaine qu’on peut s’en sortir après un tel deuil. J’ai besoin de l’entendre de sa bouche.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyDim 20 Sep 2015 - 16:21

(Don't) Save me.

J’ai appris avec le temps à être peu expressif quand il le faut. Le mur de glace, j’ai appris à le dresser au bon moment. Mais Cassey me connaît trop pour que je lui fasse ce coup-ci. J’ai beau être un bon acteur, il y a des personnes avec qui ça ne marche plus. J’imagine donc que nier en bloc jusqu’au petit matin ne servirait qu’à maltraiter plus encore les pauvres mouches déjà malmenées sur cette île. Et si je venais à ne plus assumer après tout ce que je viens de dire, eh bah ça le ferait pas trop. Tout cela n’empêche que je suis mal à l’aise à l’idée de vider mon sac. Ce n’est pas faute de relever que quelqu’un d’aussi imbu de lui-même que moi rechigne à parler de lui quand il le faut. Pourtant, parler de moi-même ne m’a jamais véritablement exalté. Je préfère que mon entourage se pose par-lui-même les bonnes questions pour comprendre s'il le faut, et restent silencieux quand les réponses leur arrivent. Une patience de longue haleine et un véritable challenge est lancé quand quiconque souhaite s’intéresser à moi. Pour ma part, je préfère poser les questions, pour le meilleur et pour le pire. Mais dans le moment présent, rien ne me force à tout dire et je crois que continuer de procéder par allusions sera bien assez pour parler de la façon dont je me suis sorti de cette merde. Si l’on peut dire que je m’en sois jamais sorti. Écouter le silence serait plus agréable que.. Non. M’arracher les ongles serait surement plus plaisant que déballer tout ça, j’imagine.

Mais ce n’est pas un Sky, une Weber, un Helmut ou un Djaymes, qui se trouve face à moi ce soir. C’est Cassey, Gwen-la-Rouge. Et j’aurais plus tendance a faire confiance à cette dernière qu’aux quatre autres pour ne pas les citer. Pour apprécier quelqu’un, la confiance n’est pas nécessaire, mais quelques rares cas dans mon mince "entourage" sont recensables. Conscient de tout cela, je nourris tant bien que mal l’espoir que mon amie jette l’éponge en se remettant à parler, et affirme au passage sa volonté d’avancer pour elle-même, mais je continue de me méfier. Elle n’est pas du genre à oublier un truc certainement trop apparemment significatif, curieuse comme elle est. Je ne réagis pas plus que ça à son affirmation, ne tirant pas de réelle satisfaction de l’entendre faire autre chose que chouiner ou se la jouer mauvaise foi. Quelque part… j’ai la sensation qu’avec notre relation, j’ai fait ce qu’il fallait de mon initiative, rien de plus ou de moins. De mon côté du comptoir, je fouille à la recherche de quelque chose qui me donnera faim, plus pour m’occuper l’esprit que véritablement chercher quelque chose à consommer. L’autorisation de cuisiner tombe et Cassey part vers le couloir, l’air plus animée que tantôt. Elle semble reprendre forme humaine petit à petit. Je ne sais pas si cela me réjouit ou non, et si je regrette ou pas mes actes. Dans tous les cas, la voila qui disparaît et me laisse un peu de répit, avant de certainement devoir livrer plus de choses à la jeune femme, des choses que j’ai déjà abordées. Je perds quelques instants le contrôle. Un système de défense tout ce qu’il y a de plus normal, face à un aveu que je redoute encore de faire. Au fond de moi, je me dis encore que j’aurais probablement du la tuer. Une de plus ou de moins, ça change quoi? J'en trouverais d'autres. Mais je ne l’ai pas fait. Il y a des jours comme ça, ou ce n’est pas pareil, et ou je ne le fais pas. Je lutte quelques secondes, mais décide plutôt d’ouvrir furieusement le frigo, sortir quelques aliments et utiliser le couteau qui me faisait de l’œil pour couper des échalotes et quelques pommes pour agrémenter un boudin pris un peu au pif dans la banquise (le premier qui dit que c’est parce que je suis allemand que j’aime les choses de type longues et molles de cochonade, il a intérêt à bien assumer ses clichés car je lui ferait bouffer). Elle l’avait prédit mais la rouge ne tarde par à revenir pour se poser face à moi, alors que je joue au petit chef avec mon poulet coupé en petits cubes bien égaux et propres et mes morceaux de pommes tranchés tout à fait symétriquement. Ça sert, de savoir jouer du couteau.

En dépit de tout cela, je lève les yeux vers ma vis-à-vis quand elle formule mon prénom. Ce n’est pas difficile de comprendre ce qui va venir maintenant, je l’ai redouté les dernières dizaines de minutes. La question est donc la suivante : comment ai-je procédé pour passer au-dessus du décès d’Irina et comment ai-je survécu à la souffrance? J’ai assez tenté de réviser les façons d’éviter de répondre, et encore une fois, tourner des heures durant à changer de sujet pour y revenir ne me tente pas. Une fois de plus, je fais de mon mieux pour ne pas paraître perturbé et continue ma découpe dans un silence concentré en train de s’alourdir seconde après seconde. Le repas est désormais sur le feu et commence à sentir la viande et les épices, mais ne réchauffe pas l’atmosphère. Je finis par soupirer en m’installant à nouveau face à la jeune femme.

« C’est vague, comme question. Et, à vrai dire, sa disparition de ma vie ne date pas exactement de sa mort. C’est… compliqué. »

Je sens déjà ma voix hésitante, et un tic nerveux me fait porter une main nerveuse à ma nuque. Répondre à ça, c’est véritablement difficile, et je ne sais comment mettre de l’ordre dans mes mots pour parler ensuite. Je pourrais aussi lui raconter ma vie, la souffrance que j’ai traversé à vivre dans le mensonge. Dans tous les cas, je ne suis pas enclin à entrer dans les détails, je ne peux pas tout lui raconter, alors autant aller à l’essentiel. Beaucoup de choses se sont enchainés à la suite de l’accident, si l’on considère que c’était le point de départ. Cette nuit où j’ai couru dans le fossé comme un débile, blessé et avec une nausée qui ne me lâchait pas. Ces premiers mois autour de l’Europe en compagnie de Soltan qui m’a en quelque sorte poussé à regarder l’incident en face, de ne pas tourner le dos à cette réalité désormais mienne. Puis, mon départ vers le pacifique et Enola après avoir pris en pleine face le fait d’avoir perdu ma jumelle à jamais, mais déjà en train de la réinventer totalement à mes côtés. J’ai cru par la suite vivre des années tranquilles, dans le mensonge. Mais cela se brisait chaque soir quand la dernière photo de nous ensembles qui me retombait sous la main de manière systématique me remettait simplement les yeux en face des trous.  J’ai tellement chialé comme un con devant cette foutue image datant de maintenant 7 ans, qui ne reflète qu’une réalité de sourires figés.. Mais j’aime autant croire que même si ce n’était pas le cas, on était heureux en prenant cette putain de photo d’ados naïfs avec leurs appareils dentaires. Et après, j’ai voulu m’éloigner du mensonge, j’ai voulu avancer, et je suis tombé de haut, j’ai ouvert les yeux sur le fait que je me méprisais sur les sentiments qu’Irina me portait, de la peur que je lui inspirais, sur ma culpabilité d’avoir gâché sa vie. Je me suis perdu, je ne l’ai pas supporté, je m’en suis pris à elle tant que je pouvais en l’insultant de traitrise, elle se vengeait sur moi par le mépris de ce que je suis.

« A vrai dire, sa mort a plus été un déclenchement qu’une vraie fin en soi. Vivante ou non, je l’avais déjà inventée telle qu’elle n’était pas, au mépris de ce qu’elle éprouvait. C’est à partir de là que j’ai compris sans pouvoir l’accepter que je vivais dans un mensonge permanent en ce qui la concerne, car je ne trouvais personne pour me comprendre, j’avais inventé en elle une sorte de… De double de moi-même pour m’encourager, car j’en avais besoin à l’époque. Mais c’était juste un rêve qui cachait le cercle vicieux réel dans lequel je me trouvais. Comment j’ai fait, alors, c’est… J’ai juste fait tout ce que je pouvais pour trouver un but qui serait véritablement le mien, tout en ne l’oubliant pas, car elle me permet de ne pas crever à cause de mon manque de cervelle. C’est une question d’équilibre, je crois. Si on peut parler d’équilibre dans mon cas! Finalement, ce que je veux dire… oui, c’est plus ça que je voulais dire, c’est qu’y’a pas de mal à vivre dans son propre monde… Tant qu'il s'agit pas de celui d’une autre. »

Si ça c’est pas de la grosse chiasse verbale je sais pas ce que c’est! Mon débit de parole déjà rapide qui enchaina toutes ces phrases bordéliques dont je ne suis même pas certain de pouvoir faire une synthèse, je n’ai aucune idée de si Cassey à pu saisir quoique ce soit. J’imagine que ce qui me reste en tête, c’est la fin. Probablement que c’était le plus important dans mon blabla sans queue ni tête. Lâcher tout ça ne me soulage pas vraiment, c’est juste un truc au quel je me suis fait, ça me suivra toute ma vie, alors autant m’y tenir. Un silence pesant s’installe suite à mon soliloque étrange, et la poêle sur le feu se met soudainement à siffler et les odeurs épicées se font plus fortes, indiquant que le plat doit s’annoncer bientôt prêt. Toujours aussi tendu, je me relève et m’extirpe quelques secondes de cette ambiance bien trop sérieuse et over-dramatique, pour me diriger vers les fourneaux. J’éteins donc le feu et soulève le couvercle pour découvrir la préparation prête…. J’ai parlé sur longtemps que ça?! Et… là, je sais pas, mais je pense que ce sont les nerfs qui finissent par lâcher, car j’explose tout bonnement de rire en observant le contenu de la casserole, brisant au passage l’ambiance quelque peu froide. Une main plaquée sur ma bouche je me plie en deux en m’appuyant sur le plan de travail.

« Pfffrrrttt… Casseyyyyyyy! »

M’étouffant toujours de rire, je ramène la poêle sur un dessous de plat sur la table haute et en désigne le contenu à ma vis-à-vis. Attention amateurs de poésie, la réplique suivante est pour vous. Personne ne s’excusera en cas de déception sur le manque de finesse déjà déplorée par sa joueuse (qui m'accuse maintenant de la faire passer pour ce qu'elle n'est pas).

« … R-Regardes! Le boudin, les pommes c’est… Disposés comme ça… On- On dirait une BITE! »

Oui, non, je confirme, ce sont les nerfs, j’ai une résistance un peu faible à ce genre de situations, et là, je crois que c’est trop… Et n’empêche que je suis toujours aussi pété devant ma blague vaseuse que je m’affaisse sur le bas-relief en tapant du poing. Non, ça, je l'avais pas prévu.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyVen 25 Sep 2015 - 1:13



(Don't) Save Me
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Appuyée contre comptoir de granit, d’apparence sereine, je lui fais face en sachant pertinemment que la question le dérange. Sans connaître les secrets profonds qui drapent ce personnage qui s’est fait mon sauveur ce soir, je reconnais en lui une résistance semblable à la mienne, des hauts murs invisibles, barbelés, là où il retient prisonniers peut-être le poids de ses propres doutes, de son deuil qu’il n’est plus parvenu à me cacher en trouvant quelques points de ressemblance entre nos deux histoires. Pourtant, j’ai du mal à me l’imaginer. Non pas parce que je le crois plus fort qu’un autre, au contraire. Je ne connais rien de ses limites émotionnelles, elles ne concernent que lui. Au final, ma question ne visait nullement à le déstabiliser, à l’embarrasser ou à assouvir quelconque curiosité. Simplement j’ai besoin d’entendre qu’on puisse s’en sortir après un tel événement, d’en avoir la peur solide devant mes yeux sans qu’on me couvre d’attentions et d’encouragements inutiles, ou de remords qui ne feraient qu’alourdir ma tâche. De me savoir aimée ne m’aidera nullement aujourd’hui. Paradoxalement, cette perspective provoque d’avantage d’émoi, une souffrance que je ne saurais m’expliquer. Parfois, j’ai l’impression que les attentes d’autrui m’étouffent plutôt que de m’élever. L’absence d’émotivité de la part d’Alexander me comble, me force à m’apaiser moi-même, à relancer ma propre guérison. C’est difficile, néanmoins. J’ai besoin d’une preuve tangible que tous les efforts à déverser prochainement ne s’avéreront pas en vain, qu’au bout de ce long chemin tortueux que j’ai décidé d’ignorer pendant si longtemps, une autre vie m’attend. Je me trouve à la croisée des chemins en lui tendant la main. Lui qui l’a déjà emprunté pourra me guider, n’est-ce pas?

Son discours s’avère plus complexe que les phrases toutes construites à laquelle je m’attendais. Il me parvient cette fois de façon sincère, un peu déstabilisé peut-être tout en étant parfaitement maître de lui-même. Le contrôle, une notion étrange chez ce jeune homme n’est-ce pas? Je retiens néanmoins que sa relation avec sa sœur n’avait rien de bien simple, qu’elle prenait probablement même des proportions quelque peu malsaines et destructrices pour Alex, mais dans tous les cas, il conserve encore une part d’elle en lui, sans toutefois se laisser subjuguer par sa présence. Je crois qu’il s’agit d’un idéal tout à fait adéquat, un nouveau but à me fixer. Je dois parvenir à calmer la présence qui m’entoure, apaiser ce spectre qui, ne se remettant probablement pas de sa propre mort, a choisi de m’emporter avec lui. J’ai encore une vie à vivre, des projets à construire pour moi-même. Si j’ignore encore quelle forme ils doivent prendre, je dois me raccrocher à… ce que Alex appelle «mon monde». Une entité intime que seule moi peut allumer et protéger, comme une flamme cachée dans ma poitrine. Je ne sais pas encore comment faire, mais au moins je sais que c’est possible. Mon regard s’égare contre le parquet alors que je réfléchis aux possibilités qui m’attendent, timides et menues encore.

Je sursaute lorsque Alexander attire mon attention sur le contenu de la poêle contenant sa préparation d’où s’échappe, je dois l’avouer, un savoureux fumet qui m’ouvre presque l’appétit. Son changement d’attitude m’intrigue et je me penche à mon tour vers la concoction alors qu’il éclate d’un rire très bête. Je constate alors qu’il dit vrai et j’éclate de rire à mon tour, un geste qui relâche une bonne part de pression contenue dans mes épaules et ma poitrine. Le relâchement provoque à la fois un rire tonitruant et sincère, un rire tel qu’il vous en crispe le ventre douloureusement, et un excès de larmes que je croyais avoir taries, dues à toute cette pression relâchée en moi. Je prends la poêle des mains du tortionnaire avant de la poser sur le four. Le prenant de court, je viens l’entourer de mes bras et poser ma tête sur son épaule dans un câlin qu’il détestera probablement. Mais sincèrement, je m’en fiche.

«N’essaie pas de te désister ou je sers plus fort. Et me demande pas pourquoi je pleure, c’est juste ta bite qui m’a émue.»

Ne pas prendre la phrase hors contexte. Je serre un peu, tentée de m’éterniser contre lui, simplement pour sentir que quelqu’un est là à mes côtés. Mais je sais qu’il n’aime pas énormément les contacts humains, du moins pas ceux aussi tendres que ceux-ci. Je me retire donc comme si de rien n’était en le regardant sérieusement.

«Merci blondie. Je t’en voudrai probablement longtemps mais je sais que c’est pour le mieux. Du moins… j’espère.»

Je soupire avant de reporter mon attention sur la casserole.

«Alors… on la mange ta belle saucisse? Elle a l’air juteuse.»

Bien sûr que je fais exprès. Oui, je crois que Cassey Banks est de retour. Pour le meilleur et pour le pire.

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyDim 27 Sep 2015 - 15:36

(Don't) Save me.

Tiens, voilà du boudin! Voilà du boudin!

Breeeef.
Mon effet dramatique, mature et sage a certainement été affecté par ma blague de bite qui clôt mon soliloque posé qui aurait certainement été classe dans un autre monde. Ce qu’on retiendra de moi ce sera certainement mes associations débiles et mon rire nasillard ponctué de bruits bizarres ressemblant à un cochon rieur et non pas ce qu’il m’arrive de véritablement important, mais ce n’est pas plus mal. Je préféré que l’on connaisse cette partie joyeuse de moi, et c’est également ma propre façon de me protéger, de rester plus ou moins un mystère aux yeux de mon entourage. De plus, moins les gens se méfient, le meilleur c’est pour mes affaires. L’important est que je sache qui je suis réellement,  non? Et l’interlocutrice à qui j’ai affaire cette nuit comprend certainement ce genre de précautions de me murer derrière le rire, si on peut appeler ça comme ça, et vu comme elle glousse comme une dinde, elle a certainement retenu mon discours mais saisi qu’il ne faisait pas bon s’appesantir dessus trop longtemps. Des ricanements débiles ça vaut mieux qu’un gros blanc où on a l’air de vieux chiens de faïence dégarni, ou encore qu’une chambre miséricordieuse où l’on chiale comme des vielles sur la statue de feu Liberace. Si on arrête de rire de ce monde absurde où l’on a pas d’autre choix que de vivre, qu’est-ce qu’il nous reste? Je suis tellement occupé à me tordre tout seul en remplissant l’espace vide d’un rire tonitruant que je ne sens qu’à peine la rouge se glisser jusqu’à moi pour m’offrir un câlin. Rien que penser la chose, ce mot particulier, juste le formuler par simple pensée me donne du mal. Brrr… N’empêche qu’il me faut du temps pour réaliser et finir de pleurer de rire et comprendre que je suis prisonnier d’une étreinte spontanée, qui réchauffe un peu trop à mon goût (sans équivoque, je vous vois venir, no hétéro, c’est Cassey dont on parle). Qu’importe ce qu’elle me dira, je peux bien me débattre, je ne suis plus aussi frêle qu’il y a un an et demi, il fut un temps où elle pouvait réellement me serrer fort. Cette fois, je lutte plutôt aisément, même les bras pris, probablement que le fait que j’ai pu prendre en masse musculaire la surprendra, et cela ne m’étonnerais pas qu’elle vienne palper de plus près pour m’ennuyer… Attends, je sais pas si je veux ça, moi! Encore gloussant de mes conneries, je m’offusque dans un vocabulaire assez peu agréable, soulignant que cette étreinte n’est agréable que pour elle, et me débat alors que Cassey continue de serrer, la tête posée sur mon épaule comme une bienheureuse. Je me fige un moment en apercevant ses larmes couler sur le tissu de ma veste. Ah, non, hein, elle va pas… Quoi? Elle peut répéter son explication, là, j’suis pas sûr d’avoir pigé. Elle a vraiment dit « ta bite m’a émue »?! Oh, bordel. Après un blanc et d’autres remerciements je m’effondre de rire sur la table après la fin de l’étreinte, reparti de plus belle dans un fou rire, en tentants de glisser quelque réplique cinglante, pas très glorieusement. Dans mon état, je ne trouve pas grand-chose de mieux que ça :

« … That’s… That’s what she saiiiiiid! »

Oui, oui, je sais, ma bite est toujours très émouvante et surprenante la première fois, Cassey, je sais. Tu n’es pas la première à la penser… Mais certainement la première à le dire à voix haute.. Sauf que no hétéro, tu n’as même pas besoin de l’avoir en vraie pour t’en apercevoir. Hm… Je suppose que selon ce raisonnement je fais un très bon pote gay. Cassey ne m’en voudra pas si ses remerciements ne me restent pas autant en tête, et ma foi, qu’elle boude ou non, je m’en bats les reins. Je n’ai pas l’intérêt ni l’envie de parler de cette soirée à quiconque, d’autant plus que cela ne me mettrait pas trop en valeur non plus… Je finis par hausser seulement les épaules en continuant de ricaner plus bas.

« C’est bon, j’ai compris, hein. »


Dis-je seulement, plutôt sincère. Je serais le premier à probablement éviter Gwen-La-Rouge après ça, et serais donc très mal placé pour lui faire la morale ou l’emmerder sur le sujet. Bon, à nous voir nous éviter de manière embarrassée comme ça, les gens vont certainement s’imaginer des choses quand même, m’enfin. Cette fois la rouge s’éloigne pour de bon, et un frisson chaleureux que je ne sais pas agréable ou désagréable me reste sur l’épaule, et me provoque un tic d’inconfort du bras. L’appétit semble revenir en même temps que le boudin sur la table, et je relève un regard sournois vers la Rouge en train de me tendre une nouvelle perche assez alléchante…

« Dès qu’on parle de saucisse, tu commences à t’affamer, hein? Vilaine fille, tu te contenteras de la moitié. »

Car l’autre moitié est pour moi, cela va sans dire. Voila, équitable, pas de jaloux. Ma routine familiale me tape sur les habitudes, ma parole. Je partage donc le contenu de la casserole, la viande ainsi que les pommes un peu caramélisées par la cuisson directement dans la en trouvant simplement des couverts, trop flemmard pour chercher les assiettes. Nouveau regard narquois vers ma vis-à-vis.

« Dis… Tu prends bien soin de cette grosse saucisse en la mangeant, hein? Je l’ai astiquée tout seul dans la poêle juste pour toi avant de la servir, tu sais. »

Zut alors, j’ai l’impression que ça va être le running gag de la soirée. Même pas navré pour les gens qui lisent.


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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyJeu 1 Oct 2015 - 15:16



(Don't) Save Me
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Étrangement, ces quelques blagues très douteuses me permettent quelque peu de me raccrocher à l’être que j’étais il y a quelques semaines, à celle qui n’aurait jamais même pensé une seule seconde se suspendre dans le vide. Cette personne me paraît lointaine et inaccessible, un mirage ou un vieux souvenir rouillé par le temps et la fatigue. Je cherche à la happer de mes doigts hésitants, de lui saisir la main, de m’en rapprocher du moins. Un gouffre nous sépare, il s’étend à mes pieds et avec lui la promesse d’une longue épopée. J’ignore où mon chemin me mènera à présent, mais j’ai la certitude de le trouver sinueux et complexe, parfois même carrément difficile, un chemin dans lequel je trébucherai souvent, qui m’essouffle déjà. Une longue montée vers une destination inconnue, une destination qu’Alex, de par son intervention, m’a forcée à emprunter. Quelque part dans le secret de mon esprit, j’ai peur de jamais me retrouver. À vrai dire, je ne suis pas convaincue de vouloir retourner à celle que j’étais avant toute cette expérience. J’ai l’ambition de grandir, de sortir de ce trou sans lumière mieux outillée, mieux préparée, allégée de ce poids qui me retient depuis des années. Je veux être cette adolescente dépravée à nouveau et pourtant j’ai le souhait intime de m’assagir, d’ouvrir les yeux et d’affronter ce monde pour de bon plutôt que de me voiler la face. Je soupire en réalisant la taille colossale de cette tâche qui m’attend. D’autant plus qu’après un si moment passé sans bouger, j’ai oublié comment on esquisse les premiers pas.

«C’est tellement généreux de ta part mais ne t’inquiètes pas, je vais en prendre grand soin.»

Même à moi, cette réponse me paraît fade, sans vie, sans saveur. Je fuis son regard en prenant place près de lui sur le comptoir où nous allons manger à même la casserole. Il s’échappe de celle-ci un doux fumet dont je me délecte et qui dénoue progressivement mon estomac peu emballé. Je goûte à son plat, rapidement impressionnée par son talent culinaire qui éclipse largement le mien. Je ne concocte que des plats simples et qui demandent peu de surveillance, car une tête en l’air telle que la mienne oublie rapidement la préparation du repas. Depuis son arrivée, Marie-Florianne s’occupe majoritairement de la cuisine, ce qui me soulage. Je mange d’ailleurs bien mieux depuis son arrivée. Si la nourriture préparée par l’allemand est chaude, rassurante et goûteuse, je perds l’appétit rapidement devant ce silence causé par l’ingestion de cette nourriture. Perdue dans mes pensées, j’envisage cette nuit, seule et grise, avec énormément d’angoisse. Par excès de fierté probablement, je refuse d’appeler mon amant au regard sombre. Je n’ai pas envie de combler ce vide par une affection qui m’effraie un peu plus chaque jour. La possibilité d’inviter Alexander à rester me paraît néanmoins encore plus saugrenue, même si je dois avouer souhaiter ardemment qu’il reste. Sans sa présence humaine ici, j’ai la certitude de me replonger dans mes démons. Il est paradoxalement cette lueur de clarté qui me permet de maintenir le cap en ce moment.

Avec un soupir, je m’éloigne de la casserole, puis vers ma chambre, où je récupère une veste. De manger m’a causé comme une vague de froid dont je ne semble pas capable de me départir. Je pense avec regret que Sia serait parvenue à me réchauffer. J’observe sa Poké Ball tristement en rejoignant Alexander. Je me sens de nouveau très vide, malgré mes bonnes convictions. Après tout, je ne me sentirai pas mieux du jour au lendemain. Ce processus prendra du temps et sera particulièrement douloureux. Je soupire à nouveau en me dandinant d’un pied à l’autre, incertaine de ce qui se passera à présent. Va-t-il partir? Je crains de le demander. Je sais qu’il n’est pas exactement… affectueux ou démonstratif, ou même concerné. Mais il est tout ce que j’ai en ce moment.

«Dis Alex… tu voudrais bien m’accompagner au Centre pour récupérer mes Pokémon? Je… enfin… Et on pourrait… regarder un film débile tous ensemble… Si tu veux… Enfin laisse, c’est con.»

J’hausse les épaules, prise de remords d’avoir demandé. Mais parfois tout ce qu’on parvient à faire est de tendre la main.

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Alexander Nagel
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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyDim 4 Oct 2015 - 16:24

(Don't) Save me.

Je l’avoue, il y a bien un lien qui nous unit, moi et Cassey. Pour elle je suis probablement un ami, et je suppose que pour moi aussi, elle est ce genre de relation plaisante. J’ignore ce que je serais prêt à donner pour ce lien que nous partageons. A vrai dire, dans de très nombreux cas, je ne suis pas prêt à donner du tout. Néanmoins, pour Cassey, j’ai déjà dansé comme un con, et relevé bien des défis honteux qu’elle me lançait pour se venger de ceux que je lui avais soumis. Ce soir, pour ce lien, j’ai trop parlé, je me suis dévoilé. J’ai donné. J’ai aussi retenu cet être à laquelle je me suis lié de tomber dans le vide, la sauvant par le même coup d’une mort certaine à la suite de cette chute. Et par la suite, j’ai gaspillé salive et minutes en sarcasmes, en menaces, en humiliations comme je sais si bien le faire. Que dire d’autre? Pour elle, j’ai été moi. Cette énergie gâchée en rires forcés, et en confessions que j’aurais préféré ne jamais faire, à quoi bon? La réponse à cette question se trouve bien vivante à moins d’un mètre du moi, en train de piocher dans la mixture de saucisse étrange que j’ai préparé, et sur laquelle nos rires finissent par se tarir, lassés d’être forcés, et témoignant d’une fatigue caractéristique dans les deux camps. On se sent vide après ce genre déclarations et de lâchage de nerfs. Et bordel, ça me coûte, faut bien le dire. La rouge en remet une nouvelle couche, et la chose est forcée comme ce qui avait précédé. Je ne réagis plus vraiment, la plaisanterie fut de courte durée et c’est comme si elle venait de s’essouffler tout net pour laisser place au vide qui, en plus de nous envahir, a commencé à squatter l’espace. C’est étrange comme me vide peut être si lourd et encombrant, pas vrai?

Je finis le contenu de la poêle, plus par horreur du gâchis que par réel appétit, et parce que je ne parviens plus vraiment à lever mon cul de cette chaise. Je me sens lourd, et pas parce que le boudin était un peu gras, hein. Je me sens ankylosé par cet espèce de vide en moi, comme chaque fois que je me retrouve devant. J’aime mieux que mon amie ait eu l’air de penser que je suis confiant en mes paroles, que j’ai eu l’air d’avoir fait le tour de la question, car c’est en l’inverse de ce qui est en réalité, en grande partie. Je ne serais jamais entier, je ne comblerais jamais ce vide autrement qu’avec ma propre démence et mes illusions. Je ne sais pas si Cassey est folle, elle aussi, mais elle a assurément trop perdu pour rester totalement saine d’esprit. En voulant lui donner des réponses -qui restent entièrement subjectives-, je me suis mis à douter moi-même, et à m’en retourner dans une certaine torpeur. Je n’ai plus soufflé mot et commence à espérer à une certaine délivrance de cet endroit lorsque la jeune femme se lève la première pour enfiler sa veste, manifestement prête à partir quelque part. J’imagine un instant, avant qu’elle ne me révèle ses intentions, qu’elle compte me raccompagner à l’entrée. Mon regard de glace se darde sur ses propres pupilles pour les fixer suite à sa demande incongrue. Les mots sont entrés par une oreille pour sortir par l’autre, j’ai compris sans entendre, c’est une sensation bien étrange. Je ne parviens plus à me lever, et je laisse Cassey sans réponse pendant de longues secondes de silence. Je ne parviens plus à sortir de ma torpeur, ni à esquisser un geste, j’ai la sensation qu’en me livrant, je ne suis plus rien. Ou plutôt que ma vis-à-vis me connaît trop, et que je n’ai plus lieu d’exister. Elle connaît presque mon secret, une des racines de ce qui fait m’a fait ce que je suis… Cela me démystifie complètement, et je n’en suis pas fier. Plus encore, après avoir confessé tout ça, j’ai soudainement peur de l’absence d’Irina si je me mets à suivre Cassey. Ce n’est pas mon genre d’être généreux, d’aider, ou « d’être là » pour autrui, et Cassey ne fait pas exception. Même par rapport à Aimee, je n’arrive pas à être empathique, ce n’est juste pas moi. Mon silence s’allonge et n’épargne pas la rouge à qui il a déjà dû coûter en fierté pour formuler telle demande. Soudain, je me réveille, et cligne des yeux, respire à nouveau.

« Euh… »

A mon réveil, je ne trouve rien de mieux que cela. Je me sens complètement désemparé. De plus, je n’ai pas de raison de refuser. Je suis crevé, que je rentre au château maintenant ou demain matin ne changera rien vu l’heure déjà tardive, et Riku était prévenue que je faisais des heures sup. J’ose juste espérer que je ne retrouverais pas encore mes caleçons sur le papier peint du hall comme la dernière fois. Mais présentement, je m’en fous. Je passe une main sur mon visage, massant mes tempes tout à coup légèrement couvertes de sueurs froides pour reprendre mes esprits.

« Un film débile, avec moi, donc. T’as de ces idées. Je me demande si tu sais à qui tu t’adresses, parfois. »

Dans un grognement, je finis par me décoller de mon siège, et fais craquer ma colonne vertébrale qui fait un joli son également peu ragoutant. Je manque d’exercice. Je récupère la poêle pour la mettre à tremper dans l’évier avec un peu de produit vaisselle, histoire que ce soit clean et que ça n’empeste pas tout l’appartement. Puis je me redresse en réajustant ma veste, reprenant contenance, et une forme d’autorité que je souhaite visiblement posséder sur la jeune femme, que je prends par le bras pour l’entrainer vers la sortie, avec une délicatesse assez absente, pressé de changer d’environnement.

« Sortons, d’abord. J’ai besoin d’air. »

Je n’ai jamais été spécialement aimable dans le ton que j’emploie pour m’adresser à autrui, et dans l’immédiat, j’ai besoin de me secouer les puces. Les bras croisés sur le torse, je suis quelque peu grognon et ne souffle mot alors que nous entamons la descente vers la rue. Une fois à l’air libre, je me mets à marcher rapidement, mains dans les poches et l’air probablement contrarié dans la direction du centre ou Cassey a déposé ses Pokémon. Quoique… C’est dans l’autre direction, et je dois faire volte-face avec la même attitude rigide. Et me retrouvant à la hauteur de la jeune femme, je me remets à la fixer de nouveau intensément tout en continuant de marcher rapidement.

« Sérieux… T’attends quoi, de moi, là, en fait? »


Je suis trop méfiant, c’est une évidence, et je presse le pas en direction du centre Pokémon, me défoulant par la même occasion par ce walking de digestion improvisé. Oh, je ne sais pas si c’est bon pour Cassey, tout ça, si ça continue, je vais me mettre à frapper sur le premier passant qui croisera mon chemin, vu mon état actuel. Le centre approche mais autre chose attire mon attention, à savoir le mini-parc désert juste près de l’entrée. Je dois dire que grimper dans la cage à poule me ferait pas grand mal, ce que je  fais d’un coup de tête pour le moins lunatique, chassant par la même occasion les deux pochetrons occupés à glandouiller dans le petit square en gueulant comme un porc. Une fois  debout en équilibre sur la cage à poule, j’étends les bras, ravi de me sentir le roi du monde, enfin, de ce petit parc, pour le moment. Dans les faits, on ne peut pas dire que j’aie une vue hyper prenante, à part que je vois le centre Pokémon d’un peu plus haut.

« Ah, vas chercher tes potos, t’en fais pas pour moi, je suis en train de me faire plaisir, là. Aaaaaaaaah, que je suis puissant, dans mon palais! T’as vu, t’as vu? »


J’exalte dans mon coin et lance quelques regards un peu narquois à la jeune femme, oscillant toujours entre agacement, sarcasme, et euphorie. J’avais oublié combien c’était fun, ces jeux à la con! N’empêche, que pour le moment, c’est moi le plus haut, et c’est moi le plus fort!

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MessageSujet: Re: (Don't) save me. {pv. Casslabaraque   (Don't) save me. {pv. Casslabaraque EmptyMer 7 Oct 2015 - 18:56



(Don't) Save Me
feat. Alexander Nagel

À la réponse d’Alexander, je regrette déjà ma demande. Un sentiment diffus de honte m’abîme, me repousse dans mes retranchements tel un animal blessé. Bien sûr, je n’ai pas réfléchi. Car le blond n’a aucune envie de servir de baby-sitter ce soir. Il a déjà fait beaucoup trop, il a déjà lié nos existences sans même le chercher, sans même le savoir, ou alors peut-être en a-t-il conscience et réalise enfin à quel point cette idée l’emprisonne. Qu’elle le condamne même, qu’elle l’expose. J’en connais encore peu sur mon interlocuteur, malgré nos années passées à se côtoyer, sauf que j’ai la certitude de retrouver chez lui quelques caractéristiques tout aussi présentes chez moi. Cette façon de se protéger, de n’en dévoiler que le minimum, de se mêler de ce qui nous concerne sans se soucier des autres. Au final, je réalise qu’il me ressemble beaucoup, ce qui ne rend que cet échange plus douloureux, honteux et déstabilisant. Je me sens me raidir à ces mots, je recule de quelques pas et le foudroie du regard, non pas parce qu’il a envie de refuser, mais parce que je me sens vulnérable, et un peu rejetée aussi. Peut-être que j’ai plus besoin de soutien et d’affection que je me laissais croire, une perspective encore plus déroutante que son refus de passer le reste de la soirée avec moi. Je refuse d’avoir besoin de lui, ou de quiconque. Je me sens me refermer telle une huître sitôt ces quelques paroles prononcées.

Une attitude qui ne fait que se renforcer à son contact intrusif alors qu’il resserre une emprise désespérée sur mon bras, un contact qui me chauffe, qui me brûle, qui me violente et dont je me détache prestement en grognant presque. S’il pense posséder le moindre pouvoir sur moi, sur ma personne, sur mes émotions et mes ambitions, il se trompe, il se trompe. J’ai déjà levé les étendards de guerre, cloîtrée derrière mes remparts farouches, prête à lui remettre la monnaie de sa pièce, de me montrer tout aussi détestable qu’il parvient à être en descendant dans la rue avec une suffisance qui froisse l’irrespect. J’ai déjà eu à faire à lui, à ce côté détestable mais aussi fortement vulnérable, cet Alex hérissé qui croit faire peur au monde entier. Il pourrait m’ouvrir le ventre et déguster mes tripes que je n’aurais jamais peur de lui, que je ne le laisserais jamais l’emporter, et s’il croit que c’est ce que je cherchais en lui demandant de l’aide, à le soumettre je veux dire, eh bien il se trompe. Quel paumé. Pas mieux que moi. Je ne sais même pas lequel d’entre nous est le plus pathétique. Je m’en rends compte probablement, mais j’ai si mal que je ne vois qu’une issue à ce problème, celle de passer à l’attaque. Je n’attends qu’une occasion pour le faire, une occasion qui se présente très bientôt. Alexander m’offre la question de lui-même, une question qui me fait perdre toute notion rationnelle. Lentement, je perds le contrôle sur des émotions déjà sans dessus dessous.

Je l’observe alors qu’il s’éloigne, qu’il grimpe sur la cage à poule et scande qu’il est le roi du monde. Il me rejette une fois de plus, et cette fois j’en ai assez. J’ai envie qu’il comprenne que je n’ai pas besoin de lui. J’ai envie de lui faire du mal.

«T’es vraiment un connard de première, c’est pas possible. Tu penses que quoi? Que j’ai envie de passer la soirée avec toi? Avec un pauvre mec qui a besoin de grimper sur sa cage à poule pour se convaincre qu'il est le roi du monde? Je sais que ça te fait chier de t’occuper de moi, tu peux aussi bien le dire, ça sera réglé. J’ai pas besoin de toi de toute façon.»

Rabattant les pans de ma veste contre ma poitrine, je me détourne de lui et continue mon chemin dans la nuit noire, comme toujours il me semble. Seule.

(c)Golden
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