« Je veux pas aller chez le docteur! Y’a des aiguilles et pleins de vieux bizarres! »
« Bah voyons! Tu n’iras pas à la fête de ta copine Ariane si tu es encore malade samedi prochain! »
« Pff… Toute façon j’suis sûr que tu seras encore pas là pour me conduire et que j’irais pas… »

Il me gonfle, ces derniers temps. Je crois qu’il m’en veut encore d’avoir été en retard à la fète de Noël qu’il avait organisé à la maison avec Riku. Et aussi pour la fois ou j’ai été en retard pour venir le chercher à l’école et pour toutes les fois ou je suis parfois trop brusque en m’adresser à lui… Ok, j’assure pas tout le temps! Mais comme si je pouvais être le grand frère parfait! J’ai jamais dit que c’était gagné. Mais je ne pensais pas Ludwig si rancunier… Même si vu la famille d’où il vient, c’est assez logique. On est pas trop du genre à oublier, chez Nagel. Ludwig est de plus en plus désagréable ces derniers temps, moi qui pensait avoir enterré la hache de guerre en lui offrant ce magnifique Onix chromatique qu’il a adoré. Cette soirée de Noël était vraiment sympa, en plus, même si je suis arrivé 3h à la bourre car je devais gérer une situation qui a dégénéré au Bloc puis m’emmerder à expliquer aux supérieurs qu’on avait un mouchard parmi nous… Enfin, bref, longue histoire, des corps à ranger, des formalités. Ca tombait juste mal. Mais on a quand même fait la fête, Riku et Ludwig pourraient passer au-dessus. « C’est toujours comme ça avec moi », c’est complètement faux je… Je dois arrêter de me trouver des excuses en permanence, maintenant que je vois la situation avec du recul. Depuis quand suis-je devenu aussi superficiel et pourquoi est-ce que je commence a traiter Ludwig de la même façon qu’Helmut me traitait.. En pensant qu’un simple don matériel suffit à rendre le gamin plus docile. Alors que je tirais sur la main de Ludwig encore en train de s’acharner à se tenir à sa ceinture à l’intérieur de la bagnole, je desserre les doigts. Suis-je si nul que cela? Pourtant, je fais énormément d’efforts. C’est véridique. Je tiens bien plus à ce gamin que je n’ose me l’avouer. Alors pourquoi avec tout cela en ligne de compte, tout se passe de plus en plus mal?

« Lulu, j’ai pas envie que tu tombe encore plus malade. »
« Mais j’suis pas malade! J’me sens bien, moi! »

Le gamin semble terriblement frustré et un peu coupable. Peut-être bien qu’il joue la comédie pour attirer l’attention, ce serait bien son genre. On en est donc là.

« Tu es sûr? »
« Moui… »
« Bon.. On est dans le centre ville et on a du temps. Tu veux qu’on aille se promener? »
« Mais, tu avais pas dit que tu avais du travail, après…? »
« C’est pas grave. »

Si, ça m’embête beaucoup, et je n’aime pas ça, de faire passer certaines choses devant mon boulot habituel. Mais là, si je n’essaie pas un peu de recoller les bouts et de me comporter autrement que mon échec parternel Helmutien, y’a des choses qui seront de plus en plus dure à rattraper. Et les yeux de Ludwig brillent de nouveau, ce qui me tire un sourire. Il y a quand même de bons moments, j’imagine. Le blondinet descend enfin de la voiture et reprend ma main, toujours souriant. Nous commençons à marcher dans la rue, en s’arrêtant devant les magasins du centre magasiner Amanillois, suivis de Sophie, Berthold, et des deux loutres inséparables de Ludwig.

Il en faut peu pour être heureux, paraît-il. Oui, tout à fait, il ne faut vraiment pas grand-chose. Et ce n’est pas une histoire d’enfance ou de naïveté exclusivement. Parfois, il faut juste accepter, comme je me fais violence en ce moment pour mon jeune frère. Et faut bien l’avouer, quand je me laisse aller, ça ne fait pas de mal. Bon, j’ai d’autres façons de ma laisser aller et d’être heureux également, mais bon, inappropriés dans le contexte actuel. Nous continuons de remonter la grande rue commerçante aux vitrines encore dressées aux couleurs des fêtes de fin d’année, sans prendre garde aux quelques soldats blancs qui patrouillent dans le coin. Ludwig ne pose pas de question sur tout ça, depuis les évènements de juillet. Il n’y a pas assisté, mais il m’a vu partir au combat malgré tout. Je sais à quel point on sent tout quand on est gosse, et même si il préfère ne rien dire et ne pas poser de question, je pense pas que Ludwig soit totalement dupe. Il n’y a qu’à voir la façon dont ses doigts se serrent un peu plus sur ma main quand les soldats nous croisent. Aujourd’hui je ne suis qu’un passant, un citoyen comme les autres qui se balade avec son petit frère juste pour le plaisir. Le silence s’allonge et j’aimerais trouver quelque chose à dire au blondinet. J’ai l’impression d’avoir déjà posé toute les questions qui existent pour ce qui est de l’école et de ses amis. Quelque soit ma question, le gamin sera aux anges, en effet mais… Je ne sais pas. Heureusement, la solution se présente d’elle-même.

« Alex, regarde! »

Ludwig a les yeux qui brillent en désignant du doigt cette jeune Evoli énergique qui charge vers nous d’un air mutin.

« Ouille! Doucement! Faut pas foncer des les gens comme ça, Evoli! »

Je suis surpris que Ludwig ne se formalise pas plus du coup de tête joueur que lui a porté le jeune Evoli. D’un air un peu sévère, il lui fait la leçon et le petit renard châtain fait mine de l’écouter, en penchant la tête sur le côté. Quelques seconde après, le voila qui gratte le sol de nouveau, et Ludwig grogne, en tirant sur le bas de ma veste, comme pour me poser une question muette. Et cette fois-ci, je suis hyper fier d’avoir visé dans le mille.

« Eh, tu veux que je t’aide à le combattre pour le capturer? »

Comme si ma proposition était exactement ce qu’il voulait entendre, Ludwig se mit à sourire comme si son rêve venait de devenir réalité. Je le surpris même en train de se pincer la main. Il rosit un peu et s’embrouilla dans un bafouillèrent euphorique, témoin de sa grande joie.

« Bon, bah, alors, à ton avis, lequel de tes Pokémon peut t’aider à le capturer? »
« Euh… Loulou il peut le rendre confus, non? »
« Bien vu! Et avec quelle attaque? »
« Euh, euh… Vibra… qua? »

Je lui mets une Rapide Ball dans la main et hoche la tête en surveillant le combat qui se prépare. Ludwig a les cartes en main, et je sais qu’il entraine beaucoup Loulou en secret. Il est temps de voir ce qu’ils ont dans le ventre.

Ludwig m’a souvent vu combattre ou entrainer mes Pokémon. Il est très attentif quand il le veut, et j’imagine qu’il a beaucoup appris ainsi. Il n’aime pas spécialement se battre, d’ailleurs, je crois qu’il fera en sorte de blesser le moins possible l’Evoli par le biais de son Moustillon. Le blondinet fait appel à Loulou d’une voix timide à la loutre qui s’avance l’air mutin, paré à combattre. Il semble vouloir mon approbation à chaque phrase qu’il prononce pour le combat, et je me contente de croiser les bras sous mes bras et de hocher la tête à chaque fois. Il faut que ce soit son combat, pas le mien. Et si il emploie la stratégie dont il a parlé, il ne devrait pas avoir trop de soucis. Enfin, aucun combat n’est jamais gagné, après tout, c’est ça qui est bon : la surprise. Enfin, pas sûr que ce soit la façon dont l’entende Ludwig, à son âge. Il doit vouloir gagner sans faire de mal à personne, lui.

« Loulou, attaque Vibraqua! Allez! Et ne fais pas trop mal à Evoli, essaie juste de la rendre confuse.. »

Tiens, qu’est-ce que je vous disais. Je tire un petit rictus en coin, mi moqueur, mi attendri. Je ne tiens pas à ce qu’il devienne comme moi ou son père, après tout, c’est bien s’il reste doux et gentil comme ça. Tant qu’il reste lui-même, il grandira bien et deviendra une personne.. Une personne. C’est déjà pas mal d’être un être entier pour soi-même. Après qu’on nous appelle bon ou mauvais ou normal ou rien du tout, ce n’est pas ça, l’important. Loulou est efficace dans son attaque, et l’Evoli s’en sort confuse comme prévu. Je souris malgré moi et échange un regard avec mon frère qui se réjouit aussi ; bien joué. Le Pokémon Normal ne se laisse pas faire et riposte immédiatement, pour sa part, et pendant l’inattention de Ludwig et du Moustillon, elle charge avec un Damoclès de toutes ses forces. Ludwig pousse un cri de surprise et d’effroi en voyant son allié voler quelques mètres plus loin et se relever péniblement. Il fronce les sourcils et ses yeux s’humidifient. Il frappe du pied par terre et ne va pas me pleurer dans les pattes comme je l’aurais cru, mais soutient à la place le regard d’Evoli, tout en geignant un peu.

« Non! Loulou! Tu vas bien? »

N’osant pas reculer devant l’Evoli, il appelle son Moustillon qui se relève, visiblement encore assez fort pour combattre. Ce dernier saute sur ses pattes et rejoint l’aire de combat improvisée en quelques cabrioles souples, en un éclair, son corps s’est assoupli et a pris de la hauteur pour devenir celui d’un Mateloutre dynamique. En tirant tel un samourail le coquillage tranchant à sa cuisse, Loulou envoie une lame d’eau vers l’Evoli sur les ordres de mon petit frère déterminé à reprendre l’avantage. Sans attendre que le petit renard châtain ne riposte, le blondin lance la sphère bicolore en direction du Pokémon sauvage essoufflé, avec une précision impressionnante. La chance du débutant? Le combat est gagné!

« Alex, Aleeeeeex! J’ai reussi! T’as vu, j’ai capturé Evoli!! »
« Bien joué! »
« T’es fier de moi, dis? »

Ah, je suppose qu’il a envie de l’entendre, cette phrase, hein! Il en a besoin ,et en plus, c’est vrai, je suis fier du glorieux premier combat qu’il vient de mener.

« Très très fier! Puis, tu t’es tellement entrainé avec Loulou que c’était sur que tu réussirais! »

Le gamin rougit et se tortille en passant ses bras derrière sa tête et se détourne de moi en ricanant pour continuer de gambader dans les rue après s’être assuré que son Mateloutre n’était pas sérieusement blessé.

Bon, bah, voila, maintenant que ça, c’est fait, le silence s’allonge de nouveau. Je devrais trouver des choses à dire au gamin, dans ce genre de cas, non? Ça devrait pas être bien sorcier, en soi. J’ai la sensation que Ludwig me raconte des tonnes de choses mais je ne retiens qu’à peine, c’est assez ingrat de ma part. Enfin… essayez, vous de retenir parfaitement les prénoms et noms de dizaines de gamins d’un coup, je vous jure que c’est pas facile. Ah, j’aurais préféré qu’on me refile un associable… Enfin, ça, j’en sais rien. Qu’est-ce qui aurait été le plus simple entre un autre moi et un gamin fondamentalement et sincèrement adorable comme Ludwig? Avec le premier choix ça aurait certainement tourné vers le crime, donc bon, j’imagine que je ne m’en sors pas si mal. Enfin, dans le cas du premier choix, j’aurais surtout pas essayé de le sauver! Nan mais! A force j’essaie de l’oublier, mais même après presque 6 mois, m’adresser à mon petit frère reste quelque chose qui n’est pas naturel chez moi. Ainsi que tous les gestes que je lui adresse, des gestes attentionnés au possible, de l’aide, des câlins quand il en réclame. Pas que je fasse semblant ou que ça ne m’ait jamais fait plaisir.. Car oui, dire que le fait que mon jeune frère me saute parfois au cou en sortant de l’école de me fait pas un peu plaisir serait de la mauvaise foi tout à fait putribonde. J’essaie de faire fi de tout cela, bien évidemment, mon malaise peut très bien passer outre. Néanmoins, dans ces moments, les jugements de Riku me reviennent. Je veux bien l’ignorer car ces derniers temps elle a toujours la même rengaine égocentrique de princesse pour qui rien n’est assez bien.  Elle répète détester me voir faire semblant quand je fais réellement de mon mieux, et en plus, elle me renvoie l’évidence que je ne serais pas un meilleur tuteur que mon père l’a été. Tout cela est faux, même si élever un gamin ne sera jamais naturel pour moi, que je ne suis pas fait pour apprendre à quelqu’un a vivre mais pour donner la mort, en quoi est-ce que cela m’empêcherait d’être un bon grand frère. On ne peut pas faire exclusivement ce qu’on veut dans la vie, et j’ai fait le choix de faire ce sacrifice tout à fait normal et partiel de mon propre gré. Je ne l’ai jamais obligée à faire de même comme elle semble aimer le penser. Je ne lui jamais imposé ce monde moooonstrueux qui est le mien.

« ….Lex? »

Une petite voix me tire de mes pensées. Pas difficile de découvrir son propriétaire qui m'a rejoint et tire sur le tissu de ma veste. Je secoue la tête et tente de dissiper mon irritation derrière un sourire nerveux (ça on ne pourra pas dire que ce n’est pas typiquement moi, cet air coincé entre la chaise colère et la chaise embarras).

« Hein--? Quoi? »
« … Tu m’écoutes pas… »
« Mais si, mais si, je t’écoute! C’était quoi la question? »
« Non mais… Toute façon tu veux jamais répondre. »
« Tu as fini de dire que je ne veux jamais rien, quand il s'agit de toi? C'est faux, tu sais. »
« Bah… c’est vrai. »

Je roule des yeux et pose mes mains sur mes hanches. Je ne pense pas vraiment éviter tant de question que ça. Je suis simplement distrait, et ça, ce n’est pas nouveau. Mais ça ,a toujours l’air de le déranger autant quand je ne répond pas.

« Bon. Je t’écoutes, balances! »
« ..C’est sûr? »
« Oui, oui, regardes, j’ai ouvert en grand mes oreilles! »

Dis-je en désignant mes oreilles tout en m’accroupissant devant le blondinet hésitant et l’air sceptique. Il fait un peu la moue, méfiant, puis pose enfin sa question.

« Dis, Alex, quand est-ce que c'est que Irina elle va passer nous voir? »
« ... Bon alors, déjà, on dit pas "quand est-ce que c'est que", c'est moche. »
« ... »
« ... Euh, t'as pas une autre question? »
« T'es vraiment trop nul!! »

Non mais attends, poses-moi toutes les questions que tu veux mais pas celle-là!

Je n’ai pas entendu cette question lalalala! C’est certainement moi qui ait interprété, certainement que Ludwig disait plutôt.. « Quand est-ce que c’est que… Iguolta va passer nous voir? », hahaha! Ah, l’imagination des enfants, hein! Enfin, les Iguolta ne viennent pas chez nous, il n’y a pas d’Iguolta dans le coin! Les derniers qui ont été vus sur cette île, c’est dans le desert du Titak! Et pourquoi Ludwig voudrait voir un Iguolta… Bon, euh, qui c’est le gamin , maintenant, on se le demande. Je crois que j’ai l’air très embarrassé, désormais, et Ludwig a même lâché ma main pour s’éloigner de moi de quelques mètres. Roh. Il va bouder longtemps, encore? Surement, ce moment était surement idéal pour que je lui en dise plus sur sa grande sœur, c’est normal qu’il soit un peu déçu. Encore une responsabilité à laquelle je ne pourrais pas trop échapper j’imagine.. Grandir, c’est quand même vachement difficile. Je préfère tellement trainer avec Cassey, Aloïs, ou même Azazel ou Lady G, au moins, je peux être moi-même et retrouver le gamin en moi, avec eux. Même Riku commence à prendre la grosse tête et à me prendre de haut ou à s’agacer toute seule, lorsque j’ose faire l’andouille avec elle, alors que j’en ai justement besoin pour me débarrasser de la lourdeur du rôle de grand frère que j’ai à assurer avec Ludwig. Bon, allez, Alex, un petit effort. Tu dois assurer, ça va être un moment un peu relou à passer, et…

« Loulou, Pistolet à eau! »

Une jet d’eau m’arrive dans la face genre, comme ça! Malpoli, va! Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel?! Le temps que je me débarrasse de mes lunettes trempées qui m’empêchent alors de voir, que je les essuie, et que je les remette pour reprendre mes esprits, eh bien, le gamin s’est mis à courir dans la rue, et vient de tourner dans une ruelle étroite adjacente. J'aperçois sur ses pas le Mateloutre qui vient de m'asperger la tronche qui commence à me narguer. Saloperie de loutre! Ah, non, je ne veux pas qu’il me refasse ce coup.

« LUDWIG REVIENS ICI TOUT DE SUITE!! »

Dis-je en me lançant ventre à terre à sa poursuite. Espèce de petit Tritonde! Il va pas me refaire le coup du Lac!!