Trois kilomètres à pied, ça use, ça use

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D'ordinaire, Faust ne se mêle pas trop des activités scolaires de sa fille, en dehors des moments où elle demande expressément sa présence. Pas qu'il n'ait pas envie ou que cela l'emmerde, car étrangement même un atelier de fabrication de colliers de nouilles le passionne quand il s'agit d'Alice, mais disons qu'il préférait d'éviter à sa fille la présence pesante des curieux. Être la fille de Méphisto ne vient pas sans certains inconvénients liés à sa célébrité, que Faust essaie de lui éviter le plus possible, bien que ce soit impossible. Malgré les innombrables lois conçues pour protéger la vie privée des mineures, la fillette a bien évidemment été affichée dans de nombreux magazines, malgré tous les efforts du conseiller pour réduire cela. Que les « journalistes » (car ils l'étaient autant que lui était ingénieur) s'imaginent des fictions sur sa prétendue relation amoureuse passionnelle avec Isaac, il s'en fiche copieusement, et s'en amuse même très fréquemment. Mais qu'ils se mettent à diffamer ou s'approchent un peu trop de sa fille, et il montrait les dents assez rapidement. Quelques attaques en justice (merci à son avocat pour ça d'ailleurs) et l'aide de Winter pour brouiller les pistes, et le tour était joué Bien sûr, il ne pouvait pas tout faire disparaître, mais au moins elle n'était pas poursuivie en permanence.
L'idée était donc d'éviter que la gamine ne soit dérangée à l'école par la présence d'un père de renommée trop grande. Généralement, c'était Natsume qui était de corvée, ou Sam, ou Isaac, bref, tant que le conseiller pouvait éviter les grosses sorties, il le faisait. Ou alors il venait avec les cheveux lissés à l'arrière, en disant aux enfants qui lui demandaient avec de grands yeux si il était bien le père d'Alice, que ce n'était pas le cas et qu'il était un cousin distant. Étant donné que les institutrices jouaient le jeu (calmer une bande d'enfants surexcité ne leur plaisait pas trop), cela passait, généralement.

Mais aujourd'hui, c'était légèrement différent. Pour accompagner les enfants lors de leur sortie scolaire, on lui avait demandé de ne pas se soucier des détails, et ils avaient précisé que savoir qu'un bon dresseur se tenait parmi eux aurait pu rassurer les gamins effrayés à l'idée d'explorer les ruines.Inutile de s'embêter avec cinq tonnes de gel et de gomina pour tenir ses pics à l'arrière donc, et autant dire qu'il appréciait. Enfin, disons que si il se doutait que sa présence allait causer quelques blablas, il était loin d'imaginer qu'il aurait sur le dos une bonne dizaine de gosses aux grands yeux émerveillés...

« Les enfants, laissez un peu d'air à monsieur Donovan, s'il vous plaît ! »

Des geignements déçus répondirent aux paroles de l'institutrice. Souriant comme d'habitude, Faust rigola ouvertement, pas gêné pour un sou de toute cette affection. Bon, par contre, Notte était un peu moins friand du traitement qu'on lui réservait. Voir ses oreilles tirées et malmenées par des gamins de primaire ne lui plaisait pas, mais il ne pouvait pas vraiment se venger... Alors il endurait, sous le regard amusé d'Alice qui ricanait bien.

Trois kilomètres à pied, ça use, ça use

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Même si sa présence avait ameuté une foule de minimoys (regardez qui parle, tiens), leur attention s'était vite portée vers autre chose, car les enfants ont après tout une capacité de concentration sur une seule chose plutôt limitée, il faut l'avouer. Très vite, ils avaient fini par se regrouper sous les cris de « tenez vous les mains pour ne pas vous perdre ! » de la part des institutrices, et écoutaient pour la plupart d'une seule oreille ce que déblatérait le guide au sujet des diverses fresques et vestiges. Faust savait déjà la plupart des choses qui étaient dites, car même si il n'a jamais été une lumière en cours il a tout de même un minimum de culture général, et oui en dehors de la pop-culture également. Ce qui expliquait son ennui, en un sens, et donc ce qui le poussait à discuter de tout et de rien avant une partie des gamins, ou même avec Alice qui gloussait parfois un peu trop fortement devant les blagues et bêtises de son père. Le regard noir d'un des autres accompagnateurs le fit sourire bêtement, ce qui devait être une excuse puisque quelques secondes après il s'était tu, amusé par la « tête de constipé » du professeur qui l'avait rappelé à l'ordre silencieusement.

Dalhia accompagnait le premier groupe, en retenant comme elle le pouvait ses envies de meurtre et de barbecue pour les enfants qui s'amusaient à lui tirer la queue ou à tripoter ses cornes. Gardant un œil protecteur sur les gamins, elle finit tout de même par remarquer une petite silhouette jaune qui, plus loin, se cachait d'un air peureux derrière un rocher. La chienne fit une moue amusée, pas très apitoyée par la crainte de ce pokémon même si elle compatissait un peu ; elle avait été faible et fragile, à une époque. Comme tous ces petits, elle avait eu une période où elle aurait pu être mise à terre par une simple morsure. Tandis que ces pensées traversaient son esprit, ellle fixait les enfants, l'air étrangement calme et pensive. Lorsque Faust lui fit signe de revenir vers l'autre groupe, Dalhia bougea sa patte arrière d'une certaine façon, signalant à son dresseur qu'elle ne l'écouterait pas. Le conseiller plissa les yeux, surpris.

« Papa, elle vient pas Dolly ?
- Elle, euh... Elle essaie de voir si il n'y a pas des pokémon près d'ici, c'est tout. »

Le mensonge parut passer auprès d'Alice, même si elle avait l'air un peu suspicieuse. Évidemment que quelque chose clochait. Mais il savait mieux que quiconque qu'il valait mieux laisser la Démolosse seule avec ses pensées quand elle le désirait. Et heureusement pour lui, une distraction permit de changer le sujet, puisque Notte se ratatina au sol, sous les gloussements amusés des enfants.

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Belle diversion que cela, en tous cas, puisque la chute cartoonesque du Noctali avait attiré toute l'attention sur lui, à son grand dépit. En grommelant un peu, il se releva et reprit une marche à peu près normale, hormis pour les quelques petits malins qui s'amusaient à tirer sur sa queue de temps à autre. Faust, qui gardait un œil attentif sur Dalhia depuis tout à l'heure, soupira en constatant qu'il faudrait certainement qu'il tente d'approcher la Démolosse plus tard, mais c'était plus facile à dire qu'à faire... Sérieusement il aurait préféré manger du verre pilé que d'essayer ça, vu à quel point Dalhia acceptait qu'on s'interroge sur ses pensées, c'est-à-dire pas du tout, et encore pire quand la chienne était de mauvais poil. Mais bon, pour l'instant, il en était dispensé et tant mieux. Une sortie scolaire n'était pas vraiment le meilleur lieu pour une séance de thérapie non plus.
Après un long moment de blabla de la part du guide et des adultes présents hormis lui-même, et ils avaient déjà fait le tour d'une salle, sans que quiconque n'ait pris des notes pour le questionnaire qu'ils feraient ensemble. Faust pouvait comprendre ; qui aimait s'emmerder à répondre à des questions inutiles lors d'une sortie hormis un masochiste pur et simple ? Il aida quelques uns des enfants en leur donnant les bonnes réponses, quoique à plusieurs occasions il avait hésité, puisqu'il n'écoutait pas complètement.

Toutefois, leur petite séance de remplissage de cases avec des croix (passionnante) fut interrompue lorsqu'une Tutafeh un peu inconsciente vint tenter d'effrayer le groupe. Faust haussa à peine les sourcils et soupira en voyant Notte lever les yeux au ciel, vaguement agacé. Il ne put s'empêcher de glousser en voyant le Noctali rembarrer la spectre par une attaque Vibroscur à peine concentrée, bâclée même. Cela suffit tout de même à la fois à faire fuir la Tutafeh et à impressionner les enfants qui poussèrent des 'oh' et autres 'wah'. Bon, d'un coté, impressionner des petits, ce n'était pas vraiment difficile, qu'on soit d'accord.

« Dis dis dis papa, tu as des crayons, j'ai oublié les miens ? »

La voix d'Alice le surprit, et il constata avec amusement que la fillette n'avait même pas bougé ou été dérangée par la Tutafeh. Il fallait dire qu'avec tout ce qu'elle voyait tous les jours, ce n'était pas un petit spectre qui allait la perturber...

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Tandis que les gamins se mettaient à dessiner pour représenter grossièrement certaines images des ruines sur leur carnet, le regard de Faust s'était fixé sur Dalhia, qui même si il s'était assise près des enfants, était encore perdue dans ses pensées. Alice n'y faisait pas trop attention, ne connaissant pas encore assez la Démolosse pour savoir que quelque chose clochait. Notte, innocente petite chose qu'il était sous sa façade décontractée et relax, paraissait plus occupé à admirer les dessins sur les ruines. Le hérisson n'y avait jamais trop fait attention, contrairement à Clive. Lui adorait ces gribouillis et passait des heures et des heures dans des ouvrages parlant du passé. Il était même le seul de leur famille à regarder les documentaires soporifiques des chaînes culturelles, tous racontés par Edouard VonDelaPataterie en personne, en affirmant encore et toujours que c'était « certes brouillon mais intéressant ». Si les périodes telles que la révolution ou la mythologie avaient su suscité son intérêt, c'était avant tout pour le côté fantaisiste, plus que pour les répercussions politiques, sociales, sociogéographicojensérienco. Franchement, quand Clive se mettait à déblatérer pendant des plombes sur l'importance capitale du traité mesdeux de chépaquoi, en bavassant sur la vie des protagonistes, Faust ne l'écoutait pas, simulant l'intérêt par un « hn hn » pour ne pas le blesser. Alors cette sortie, en fait, était plus pour faire plaisir à Alice que pour son intérêt personnel.

Pourtant, à l'instant, l'attention du conseiller était plus porté vers la chienne. Non pas que les dessins d'Alice au feutre rouge et vert (charmant mélange caca d'oie, d'ailleurs) étaient chiants, mais il passait de beaucoup de temps à émerveiller dessus à la maison. Faust finit par indiquer discrètement à Notte qu'il revenait, et le Noctali hocha de la tête pour lui dire silencieusement qu'il avait compris.
Une fois à côté de Dalhia, après avoir souri bêtement aux enfants qui lui faisaient des grands signes de la maison, il resta sans rien dire durant quelques secondes à observer le mur.

« Donc. Tu vas me dire ce qui déconne ou tu comptes continuer de faire la même tronche que si on avait fait des scoubidous avec ta queue ? »

Pour une fois, la Démolosse n'affichait pas son air blasé et distant, comme elle aimait bien le faire pour paraître froide aux yeux des autres. Non, cette fois-ci, elle regardait nerveusement les enfants, son ventre, puis les gamins, et ensuite son ventre bizarrement plus gros que d'ordinaire et-
Oh.

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Un jour ou l'autre, il fallait bien que ça arrive. Faust aurait dû s'y attendre, et c'était loin d'être la première fois qu'il était mis devant cette situation (il riait toujours lorsque Fae et Arthur lui ramenaient un œuf, après tout), mais imaginer Dalhia dans cette position ? Si la Démolosse n'était pas la dernière qu'il aurait pu imaginé mère, le fait que ce soit déjà... Disons que ça aille commencé le surprenait. Dalhia, après tout, avait grandi avec lui ; il l'avait connu quand elle n'était qu'une petite Malosse maigre, malingre et faible, qui avait besoin de lui même pour se nourrir. Mais même alors qu'elle était quasiment aussi connue que lui (après tout il n'y avait pas de Méphisto sans sa Démolosse), il n'arrivait pas à concevoir l'idée. Toujours sur le choc, il observait sa vieille amie, les yeux grands écarquillés, en continuant de la dévisager. Dalhia finit par s'en agacer et lui écrasa la patte, le sortant immédiatement de ses rêvasseries.

« AÏEUUUUH ! »

Sa plainte, plus que sonore, fut entendue par tout le monde, si bien qu'une trentaine de regards se tournèrent alors vers lui. Pas qu'il était gêné par le fait d'avoir autant d'attention sur lui, hein, ça l'amuse, mais disons que pour le coup, c'était plus maladroit que flatteur. Le sourire satisfait de Dalhia en disait long sur ce qu'elle pensait, en tous cas.
Elle a beau être enceinte, ça ne la rend pas plus douce... Des fois je me demande comment Seth fait pour pas être castr-
Le conseiller leva les yeux au ciel. Puis, après quelques secondes, il se décida à reprendre la parole lorsqu'il remarqua que le regard de la Démolosse était toujours fixé sur les enfants. Les gamins paraissaient émerveillés par un Cacnéa qui réalisait quelques tours dans le but de les amuser. Dalhia, elle, semblait plus anxieuse.

« Dolly ? »

La chienne ne fit pas un geste au départ. Puis elle détourna légèrement le regard, l'air triste, avant de faire signe à son dresseur de la suivre car elle rejoignait le gros du groupe. Celui-ci la suivit en reprenant peu à peu une façade joyeuse pour dissimuler son inquiétude aux yeux des autres, sans pour autant oublier que durant un bref instant, Faust avait vu la chienne se montrer mélancolique durant quelques secondes. Dès qu'il fut à quelques pas du groupe, Alice lui sauta presque dessus pour agripper sa main et l'agiter. Juste à côté d'elle, le Cacné qui faisait rire les gamins quelques instants plus tôt l'observait d'un air plein d'espoir qui en disait long sur les intentions de la petite brune.

« Papa ! On peut l'emmener, dis, s'il te plaiiiiiit ? »

Qui était-il pour résister aux yeux doux d'Alice, après tout ?