« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Il y a de ces vérités qu'il nous faut connaître

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Mercedes L. Blanchett
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Mercedes L. Blanchett
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MessageSujet: Il y a de ces vérités qu'il nous faut connaître   Il y a de ces vérités qu'il nous faut connaître EmptySam 19 Oct 2013 - 1:29


Il y a de ces vérités qu'il faut connaître
"feat. Shadaya & Galia"

J’erre dans les rues sombres de Baguin, sans but précis, semble-t-il. Pourtant, je cherche. Mes pas me mènent dans ce no man’s land, cet amalgame de bâtiments éventrés, leurs briques encore fumantes inondant les ruelles insalubres où gisent encore quelques combattants blessés. Mon appareil photo repose contre ma poitrine, inerte, alors qu’il devrait se trouver dans ma main, à mitrailler ce qui est déjà mort. À pousser plus loin sur ce carnage pour ma propre gloire. Mais pour une fois, je ne peux pas. Parce qu’en passant par ce vieux quartier détruit la veille par de violents affrontements, je ne cherche pas seulement Damien, ce garçon à la chevelure, père de Crystal, frère et fils pour les Weber. Je me cherche moi. J’ai besoin de réfléchir à ce que je viens tout juste de faire. Galia me suit, telle une ombre, ressentant probablement chacune de mes sombres émotions, qui ruminent dans une spirale effrénée. Mes mains se posent sur les murs, comme pour en deviner le sens impénétrable et des larmes inexpliquées roulent sur mes joues froides. Mes doigts caressent les rebords carbonisés des trous béants dans leurs ventres, mes pieds contournent des corps méconnaissables, humains et Pokémon. Un silence atroce, assourdissant, me donne le tournis et se répercute en mille échos les sons intrus de mes pas sur les débris.

Je suis déjà venue ici. J’en suis convaincue. Mon instinct me pousse toujours vers l’avant alors que tremble la photographie entre mes doigts. Je cherche quelque indice architectural qui pourrait laisser penser que la prison se trouve tout près, mais j’en doute. Je suis venue à Baguin rencontrer mon bon vieil ordinateur qui m’a dirigé vers l’Ouest plutôt que le Nord de la ville. Alors pourquoi suis-je ici? À entendre vainement que quelque chose se produise? À m’emplir de l’odeur âcre de la chair brûlée? À trembler, malgré les quelques caresses rassurantes que m’offre le Pokémon de mon amie? Je devrais bifurquer vers ma destination réelle et cesser de m’exposer à ce cauchemar bien trop réel. À l’intersection de la ruelle, m’apparaît une vision. Un ballon qui rebondit, les pieds d’enfants qui s’élancent à sa poursuite. Des rires et des pleurs. Je m’avance vers l’immeuble. Très ancien, déchiqueté par le feu. Il prend les allures d’une maison et il se dégage de cet endroit une aura chaleureuse et effrayante tout à la fois. Mes pas m’y mènent, comme s’ils ne m’obéissaient plus. Je connais cet endroit. J’y suis déjà venue. Je le sais, je le sens. Mais comment est-ce possible. J’entre par la porte qui me résiste un moment avant de capituler devant mon insistance. J’envahis les couleurs, me remémore une odeur qui provient de mon passé. L’écho de mes souvenirs se fait plus intense alors que je revois des visages, des sourires.

Je sens une chaleur contre ma main. Shadaya. Apparue de nulle part pour venir se blottir contre mes jambes. Je la caresse distraitement alors que je remarque d’autres indices annonciateurs de ce que je vais découvrir : cet endroit a été abandonné depuis un certain temps. Il est évident qu’il s’agit d’un orphelinat. Pas de n’importe quel orphelinat. De mon orphelinat. J’en reconnais chaque recoin, même si mes souvenirs se sont quelque peu effrités depuis tout ce temps. Je continue ma visite et trouve un peu plus loin cette grande pièce où s’enlignent des lits et où les petites filles en jaquette blanche se reposaient autrefois. J’entre comme à contre courant, me sentant fléchir à chaque pas. Cette vision. Cet endroit. Je suis née, j’ai grandi ici. Je suis Enolianne. Je ne suis pas Mercedes Blanchett. Je suis cette fillette qu’on a abandonnée dans cet orphelinat lugubre. Pourquoi? Pourquoi moi? Qu’ai-je fait pour mériter cette peine? Mes genoux se posent sur le sol, s’y fondent, ou c’est plutôt moi qui fonds. Qui fonds en larmes. Je m’écroule contre le sol poussiéreux et je pleure comme je n’ai jamais pleuré. Cet endroit, cette île… Je viens d’ici. Je viens d’Enola. Je fais partie de son histoire, je suis interpellée par ce qu’elle vit. Son sang coule dans mes veines et comme eux, je suis une fille d’Eliza Turnac. Comme eux, je souffre de ma liberté perdue. Je ne voulais pas savoir. Je n’ai jamais voulu savoir. Je voulais penser être née au Canada, auprès de ma famille aimante, mais ce ne sont que des mensonges. Mercedes cherche pourtant toujours la vérité. Je me suis menti de belle façon.

Un museau se pose dans mes cheveux, tentative vaine de me consoler. Mais je suis un château de cartes qu’on a soufflé au vent et mes particules qui se sont éparpillés aux quatre coins de la pièce. Le museau se fait insistant, se mute en léchouille contre ma joue. Ne sait-elle pas que je suis morte à l’intérieur? Que j’ai découvert la clé du seul mystère que je désirais voir scellé à jamais? Le museau insiste d’avantage, se fait brutal contre mon flanc. Je le repousse d’un grognement avant d’être secouée d’un nouveau sanglot. Un feulement me parvient et je sais qu’elle perd patience. Dans un éclair blanc, elle se recule et je relève enfin la tête. Elle est si près que je dois fermer les paupières en vitesse pour éviter l’aveuglement complet. La lumière estompée, elle se tient de nouveau devant moi, le menton haut, le regard fier et pur et sauvage et fort. Elle ne me quitte pas des yeux, comme pour tenter de m’analyser. Sa fourrure sombre luit encore d’étincelles d’électricité. Son museau revient à la charge. Il dit : relève-toi. Debout. Accepte-toi.

Et je me relève. Accepter, cependant, prendra du temps. Je caresse sa crinière, goûtant avec délice à sa douceur. Luxray. Le lion qui toujours se bat. Moi aussi, je dois me battre. Maelys, Solène, Crystal… ils ont besoin de moi. J’ai aussi besoin d’elles, maintenant que je sais. Je n’ai plus de remords à me mêler au conflit. Même que je suis impatiente d’en finir. Avant de quitter cet endroit, cependant, je me dirige vers les bureaux administratifs pour fouiller les bureaux de dossiers, dans l’espoir de retrouver le mien. Introuvable. Les classeurs ont été vidés depuis longtemps, depuis très très longtemps. Shadaya ne m’abandonne pas. Elle sait maintenant que je ne m’arrêterai pas à cet orphelinat sans réponses. Je dois savoir. Je dois savoir pourquoi, même si c’est douloureux. Je dois voir le visage de ce qui aurait pu pour me comprendre. Pour cesser de me chercher et me réfugier dans des mondes de faits rapportés et de journalisme. Je ne pourrai exceller qu’une fois que j’aurai compris, pleinement et que j’aurai assumé.

Je suis la lionne électrique hors de la bâtisse, tournant le dos à un passé pas très éloigné. À cette Mercedes qui a posé le pied sur cette île pour la première fois. Celle-ci génère, produit une force électrisante. J’ai faim d’investissements, de contacts, j’ai faim de changement, j’ai faim de vivre. Mes pas se font pressants et je rejoins Galia en courant avant de retirer la carte du Nord d’Enola de ma poche.

«Je sais où il est, Galia. Ces routes, non réparées depuis cinq ans… C’est là qu’ils les gardent emprisonnés.»

La réponse, venue d’elle-même, telle une évidence. Le fruit d’une investigation de plusieurs semaines dont la venue de la photo a rendu pressente. La réponse, venue d’elle-même changer tant de vies, tant d’espoirs. J’attrape sa main et je me sens comme aspirée dans un long tunnel, je perds pied avant de retrouver mon équilibre sur un sol meuble. La téléportation. Je ne m’y habituerai jamais vraiment. Je remercie la Gardevoir qui reste près de moi pour assurer ma sécurité. Une clôture électrique se tient là, confirmant toutes mes hypothèses. L’endroit est piqué de soldats. Mon ordinateur est sorti en quelques secondes et déjà, je cherche à m’infiltrer dans leur système. Je ne suis pas des plus douées, ainsi je me butte à plusieurs obstacles qui rendent la chose impossible. Il me faudra improviser… mais comment? Je rage. Je sais que la prison secrète se trouve ici, mais comment être certaine que Damien y est incarcéré? Des bruits de pas attirent mon attention et je me précipite vers l’arbre le plus près pour m’y dissimuler. Heureusement, la végétation luxuriante me dissimule du regard des deux soldats qui approchent, en discutant gaiment. Je tends l’oreille, car un nom me parvient. Dip. Le surnom de Damien. Ils parlent de lui!

«Une fois que ses mollets auront guéri, il faudra bien lui casser quelque chose à nouveau! Dio Silvery s’en chargera, haha!»

«Ouais, et nous, on sera là pour l’écouter brailler!»


Un rire gras me parvient aux oreilles. Me fait frissonner. La bêtise humaine. Elle me pue au nez. Je leurs cracherais bien ma haine au visage, mais morte, je ne vaux pas grand-chose. Je compte deux fois soixante secondes après leur disparition avant de demander à Galia de nous rammener. Dans un bruit sec, nous disparaissons à nouveau.

La Mercedes qui paraît devant Maelys, dans la résidence des Weber a le visage couvert de larmes séchées et de suie. Ses vêtements sont sales, déchirés par endroit. Cette jeune femme n’a pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures, n’a pratiquement rien mangé et tombe de fatigue. Mais une lueur toute neuve luit dans ses prunelles bleu-vert. Une détermination, une renaissance, un changement trop radical pour ne pas être remarqué. Se tient près d’elle une lionne tout aussi déterminée. Ensemble.  

«Je l’ai trouvé.»


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