L'important était de bien faire son métier

LIBRE

Il y avait une petite dizaine de choses qu’Isaac n’avait jamais cessé et ne cesserait jamais de lui répéter, même quand elle aurait vingt-cinq ans, et cela alors même qu’elle était techniquement considérée comme majeure devant la loi, même en Suède. Une des premières règles était de ne jamais faire confiance à un inconnu qui lui proposerait de venir chez lui, et dans ce cas-là de prévenir quelqu’un. Bien évidemment, dire cela à une jeune fille, presque une jeune femme en fait, c’était insultant. Très insultant pour la jeune suédoise qui ne désirait qu’une seule chose pour l’instant : choisir par elle-même. Ce désir de liberté aurait pu être considéré comme dangereux, voir quasiment stupide quand on se rappelait que l’île était contrôlée par un gouvernement tyrannique qui n’hésitait pas à sacrifier des innocents pour satisfaire ses objectifs. L’inquiétude de son cousin était donc légitime, mais je crois que tout le monde se doute qu’une adolescente avec un penchant pour la liberté ne voyait pas cela de cet œil. Pas du tout même.
Elle prit le papier où étaient inscrites les coordonnées du dénommé Weston et les inspecta rapidement, par simple curiosité. Elle remarqua qu’il avait omis son nom de famille, et supposa que c’était probablement un oubli. De toute façon, même si cela avait été volontaire, elle n’y aurait accordé strictement aucune importance. Elle vivait avec un conseiller, un psy et la majorité de sa vie, elle avait vécu auprès de personnes qui avaient bien plus de renommée qu’elle. Même Elle, pour l’amour d’Arceus, était… Non. Rien. Son esprit avait divagué sur des terrains dangereux et qu’elle ne souhaitait en aucun cas aborder, même si mon esprit, ce traître, paraissait très heureux de l’y jeter.

« Vendredi devrait me convenir, normalement. Avant quinze heures de préférence, mais je vous contacterai pour les détails. »

Un petit rictus amusé étira ses lèvres, un très petit si l’on était parfaitement honnête, en entendant Weston admettre son inexpérience totale. Bon, certes, il devait avoir des lacunes, mais elles ne pouvaient pas être si grandes que ça…. N’est-ce pas ? Elle n’avait jamais rencontré quelqu’un qui ne savait pas au moins faire cuire ses aliments. C’était principalement parce que tous les enfants de sa famille apprenaient dès leur adolescence à se débrouiller par eux-mêmes en cas de problème, et Katya remerciait grandement sa mère de ne jamais l’avoir laissé rester oisive trop longtemps quand elle pouvait apprendre quelque chose. Certes, la mère en question la méprisait allégrement maintenant, mais au moins, du haut de ses dix-huit ans, elle pouvait se débrouiller. Elle n’avait besoin de l’aide de personne.
Ou du moins, c’était ce qu’elle se disait, mais n’est-ce pas ce que se disent tous ceux qui sont dégoûtés par leur propre faiblesse ? Son arrogance d’adolescent ne lui permettait pas de le voir encore clairement.

« Je trouverai bien quelque chose de simple pour débuter. »

Bon, sa timidité avait enfin pris ses bagages et était partie. C’était bien. Cela voulait dire qu’elle avait accepté l’autre dans son champ de vision, et connaissant la froideur de Katya, c’était une bonne chose.

« Je vous appellerai dans la semaine qui suit. A Vendredi prochain, alors. »

Peut-être qu’elle arriverait à lui faire un peu confiance, si elle essayait un tant soit peu.
Bon, il allait falloir Isaac, et c’était parti pour être excessivement compliqué.

L'important était de bien faire son métier

LIBRE

Elle regarda le blond disparaître dans la foule en silence. Sans un seul mot supplémentaire, elle rangea le matériel qui avait été sorti et jeta les résultats désastreux de la cuisine de l'adulte, non sans glousser un peu en regardant à nouveau ce qui avait été fait. En effet, elle allait devoir faire un sacré travail de professeur si elle espérait pouvoir apprendre à ce parfait débutant à s'en sortir, bien qu'il paraissait être suffisamment enthousiaste pour que cela ne soit pas trop difficile à supporter. Elle qui n'avait jamais vu d'autre débutant que Nova, une amie d'enfance, cela promettait d'être toutefois quelque peu compliqué. Sans un mot, elle prépara à nouveau son stand pour accueillir un nouveau client.
Tout cela avait réveillé quelques mauvais souvenirs qu'elle aurait préféré garder enfouis au plus profond de son être. La voilà qui pensait à Nova et à Aksel maintenant, comme si elle avait vraiment besoin de ça pour se prendre la tête. Elle avait déjà suffisamment de soucis, et voilà qu'elle pensait aux problèmes qu'elle avait tenté de fuir en venant à Enola, aux problèmes qu'elle avait cru si loin d'elle maintenant qu'elle était bien éloignée de son pays natal. Les lèvres de la suédoise se tordirent une grimace et elle poussa un long soupir exaspéré avant de se masser le front.

En tous cas, il ne restait plus qu'à annoncer la nouvelle à Isaac et à tenter de le convaincre qu'il s'agissait d'une bonne idée et qu'elle ne risquait rien. Essayez toutefois de convaincre une pareille tête de mule sans désespérer ou sans avoir la migraine du siècle ! Elle allait devoir trouver un moyen d'aborder le sujet doucement, puis elle devrait persuader Faust de l'aider à convaincre l'aîné, et c'était parti pour être très, très compliqué. Suffisamment compliqué pour qu'elle ait besoin d'user de diplomatie et surtout de BEAUCOUP de patience. Génial. Elle était partie pour quelques heures de débat avec un suédois de vingt-cinq ans têtu comme une mule.
Elle réfléchit quelques instants, puis une idée lui vint. Retenant le gloussement qui voulait sortir de sa gorge, elle composa le numéro de son cousin.

« Isaac, tu veux bien me laisser donner des cours de cuisine à un adulte d'au moins vingt-trois ans seule chez lui ?
- VAD ?! »

Un petit rictus amusé étira les lèvres de la jeune pâtissière. Bah, au moins, ça serait drôle de voir sa tête.