Sous ces débris se cache la vie (Part I) [OS]

Sujet: Sous ces débris se cache la vie (Part I) [OS] Sam 11 Jan 2014 - 23:14

Sous ces débris se cache la vie

Je peux encore entendre leurs cris résonner dans mes oreilles. Je peux encore sentir l’odeur de la chaire brûlée. Peut-être aurais-je dû attendre encore quelques jours avant de revenir sur les lieux du crime. Pourtant, je n’ai pu m’en empêcher. Quelque chose me pousse à revenir en ces lieux. À me mêler aux familles des défunts. À porter un bouquet de fleurs sur cette pile qui s’agrandit chaque minute. Je ne peux m’empêcher de survoler les photos de ceux qui ont péri, cherchant peut-être des visages familiers. Je reconnais celui de la jeune femme qui était assise à mes côtés, lors de la compétition. Elle est souriante, sur la photo. Maintenant, elle ne l’est plus. Comme tous les autres. Des enfants, entre autres. Je n’ai pas de mots pour décrire ce que je ressens. S’en prendre à des enfants… Ça dépasse tout ce que j’ai vu dans ma jeune vie.

Je me joins aux personnes déjà silencieuses, qui prient ensembles pour leurs proches disparus. Certains retiennent des larmes alors que d’autres se laissent aller à leurs émotions. Moi, je me tiens silencieux. Je contemple l’ampleur des dégâts. La plupart des corps ont déjà été ramassés, mais certains jonchent encore le sol. Certains sont enfouis sous des débris, rendant leur récolte trop difficile. Je m’avance, faisant mon possible pour ne piétiner aucun cadavre, par respect pour eux et leurs familles. Je tente de ne pas regarder. La mort n’est pas ma plus grande amie, disons. Alors je tente de ne pas trop me mêler à elle. Je dévie ma route à chaque fois qu’un décédé s’impose devant moi. Je bifurque ici et là, pour enfin me retrouver au siège que j’ai occupé la veille. Je tente de comprendre. Comprendre comment je me suis retrouvé à assassiner un homme, alors que quelques instants plus tôt, la seule chose à laquelle je pensais, c’était à ce match. Aucun souci. Juste du pur bonheur, de l’insouciance. Et maintenant, me voilà dans un endroit en ruines, entouré par la haine et la mort. Brisé par la perte d’êtres aimés.

Je me laisse tomber brutalement contre ce qui reste de mon siège. Une barre de fer tordue me rentre dans la colonne vertébrale, mais je n’en ai que faire. L’inconfort physique est le moindre de mes soucis en ce moment. Je pense surtout à Yumi, à Sam, à Victoria. À ces gens dont je ne connais pas le sort? S’en sont-ils sortis? Qu’est-ce que ces soldats sont en train de faire subir à ma petite Yumi? Je suis dans l’ignorance. C’est encore pire que de savoir qu’elle est morte. Parce que là, je m’imagine le pire. Je les imagine profiter de son innocence, de sa pureté. Je les imagine la forcer à faire des choses, et ça me dégoute, ça m’enrage. Peut-être que je m’imagine des choses, peut-être qu’ils la relâcheront dans quelques jours. Peut-être même est-elle en train de sortir à ce moment même, je ne sais pas. Mais même s’ils la relâchent, elle, il y a tous les autres. Il y a tous ces gens merveilleux que j’ai rencontrés sur cette île. Ces gens qui m’ont aidés à évoluer, qui m’ont aidés à apprendre à me connaitre. Qui m’ont sauvés, pour certain. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus, après ce qui s’est passé ici. Je me demande entre autre ce qu’est devenu cet homme blond, celui qui m’a arraché aux griffes des soldats du Régime. Je ne l’ai pas vu, au centre d’aide de la ville. S’en est-il sorti? Je n’ai pas vu sa photo avec celles des défunts, mais ça ne veut rien dire. Rien ne veux plus rien dire, à présent.

Mon dos est endolori, à cause de la barre qui pousse avec de plus en plus de force sur ma colonne. Je décide de me lever. De toute manière, je ne devrais pas rester ici. Ça me fait du mal plus qu’autre chose. Alors je me remets à marcher, las. Poussant un soupire, je donne un petit coup de pied dans un débris, qui revole à quelques centimètres de là. Je remarque à cet instant qu’il y a quelque chose, sous les débris. Un petit objet ovale, d’une teinte mauve. Intrigué, je me penche pour le déterrer. Un… un œuf? Surpris de ma trouvaille, je sors le petit œuf de son trou pour retirer la poussière qui le couvre. À mon grand étonnement, il n’est pas brisé. Je ne sais toutefois pas s’il est vivant. Inquiet de m’apercevoir qu’il est mort, je le pose sur mes genoux, et pose mes mains sur la coquille légèrement abimée. Il est encore chaud. Il ne peut donc pas être mort, alors. Enfin, j’espère. Mais je dois le mettre à l’abri. Je dois le ramener chez moi. Je dois le protéger. Je dois le ramener chez moi.

Envahi par une soudaine adrénaline, je me relève d’un bond. Je cours, à présent, l’œuf protégé entre mes bras. Je cours sans me soucier de ce qui se trouve autour de moi. Je ne fuis plus les cadavres, je les enjambe. Tout ce que je veux, c’est rentrer. Rentrer pour mettre cet œuf en lieux surs.

(c)Golden

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