Des promesses brisées [PV Mercy]

• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Les gouttes de pluie se fracassent les unes après les autres contre la vitre de la voiture, qui avance avec ce qui me parait la lenteur d’un Tortipouss. Le silence s’est installé entre mon ami et moi, depuis notre conversation de plus tôt, à la crèmerie. Seuls les trois enfants à l’arrière discutent tranquillement de je ne sais quoi. J’ai toujours de la difficulté à digérer ce que le jeune homme vient de m’avouer, et encore plus, je me demande comment les choses se passeront pour ma propre petite famille. Le jeune père s’est fait plutôt convainquant, et il a su sans difficulté me transmettre la gravité de la situation, à un tel point que, plus nous avançons vers notre maison, plus je me demande si nous ne devrions pas nous aussi l’imiter. Si nous ne devrions pas nous aussi faire comme des centaines de personnes, et quitter notre île avant que notre gouvernement ne nous enlève ce qui nous reste.

Dans ma vie de célibataire, jamais je ne me serais posé ces questions. Avant, cette dictature n’était rien pour moi. À l’époque, j’étais moi-même un danger pour ma vie, alors de risquer de me faire assassiner par un autre? Jamais je n’avais craint ce mouvement, et encore moins aurais-je pensé à quitter ma terre natale. Puis, quand j’ai rencontré Mercy, les choses n’ont pas tellement changé. Nous étions deux adultes consentants, chacun responsables de nos actions. Et si j’ai tenté de l’éloigner de ce danger, et la protéger au mieux que j’ai pu, cette responsabilité n’a jamais été plus loin que de m’assurer qu’elle rentre le soir, et que jamais personne ne puisse venir enquêter dans notre maison. Mais partir? Nous aurions très bien pu le faire. Lorsque nous avons quitté Enola pour nous marier au Québec, nous aurions très bien pu y rester. Nous aurions pu ne jamais revenir. Mais nous savions très bien que cela ne fonctionnerait jamais pour nous. Tous deux, nous savions que notre vie était ici, sur cette île tropicale, malgré ces dangers. Sauf que maintenant, cela ne concerne plus que ma femme et moi. À présent, la vie d’un enfant est en jeu. Benjie est là, maintenant, et jamais je ne me pardonnerais si quelque chose devait lui arriver. Je n’ai qu’à repenser aux évènements de janvier, il y a déjà quelques temps de cela, pour me poser des questions. Des centaines d’enfants étaient présents, lors de cette rafle. Des centaines de parents qui n’avaient pas cru que ce serait dangereux ont amenés leurs petits, et de nombreuses familles ont ensuite dû rentrer sans eux. Jamais je ne permettrais à qui que ce soit de m’arracher mon fils de la sorte. Alors oui, je me pose des questions.

La voiture finie par emprunter cet étroit chemin de terre, menant à la maison cachée par les nombreux arbres peuplant le terrain. Bientôt, mon ami s’arrête, et m’offre un regard, que je comprends être le dernier. Les mots sont inutiles, et ainsi, nous n’en prononçons aucun. Nous nous contentons de nous serrer la main avec force, et je quitte la voiture, m’emparant de Benjie à l’arrière, avant de courir vers la maison, pour nous mettre à l’abri. Je remarque au passage l’absence de ma Kawazaki, mais je ne prends pas le temps de m’arrêter, comme la pluie se fait toujours aussi intense. Une fois dans la maison, je pose le petit blond sur le sol, où celui-ci s’amuse à se secouer dans tous les sens comme un chien mouillé. Je lui offre un sourire rapide avant de l’envoyer dans le bain avec son Lixy, afin de se réchauffer et de laver la crème glacée rependue jusque dans son cou.

Alors que mon fils joue tranquillement dans le bain avec son petit Pokémon, je redescends vers la cuisine, à la recherche d’un petit mot qu’aurait pu me laisser mon amoureuse avant de partir. La jeune femme avait prévu passer toute la journée à la maison, alors je trouve drôle qu’elle ne soit pas là. Je ne constate toutefois aucune trace de lutte, ce qui me rassure assez rapidement. Je continue toutefois de faire le tour de la maison, jusqu’à ce que mes pas me mènent vers le salon, où un élément attire rapidement mon attention. Je m’avance vers un tas de dépliants laissé sur la table à café, proposant différents thèmes, comme la thérapie familiale, le deuil, et d’autres que je feuillette rapidement. Ne comprenant pas trop, je repose les papiers, et sors mon cellulaire, pour constater que Mercy ne m’a ni appeler, ni texter. Poussant un soupir, je me laisse choir sur le canapé, avant de commencer à lui envoyer quelques messages, lui demandant où elle est et quand est-ce qu’elle compte rentrer. Nous devons parler, c’est important.

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

La Kawasaki bondit contre le bitume humide, les roues furieuses alors qu’elles dérapent une nouvelle fois contre la chaussée. Le paysage défile à une vitesse impossible, le vent me fouette de son haleine lourde. Je m’étouffe des nuages pesants qui alourdissent le ciel, pourtant je fends la route à vive allure, laissant derrière moi des doutes qui se raccrochent, qui rendent chaque minute, chaque instant insupportable. J’ai beau supplier mentalement qu’on me libère de l’emprise mentale me retenant, les pensées se multiplient. Sous le ciel gris de ce chemin solitaire, la fine pluie s’abattant toujours ne parvient pas à dissimuler les larmes capricieuses ayant envahi mon visage tourné vers Anula. Elle se dresse au loin dans sa beauté formelle, horizontale sous son couvert forestier, au pied de ses montagnes protectrices. La moto rugit comme un animal affamé alors que je presse l’allure une nouvelle fois. Je zigzague avec adresse entre les quelques voitures que je rencontre, mais la mauvaise température semble avoir vidé les routes de quelque présence humide. Bientôt, la cacophonie de la forêt Anulianne se referme autour de moi. Un orage gronde au loin, probablement au nord. Ou peut-être est-ce simplement les élans de mon cœur balloté. Une erreur. Facile de la détecter, mais un peu moins de l’accepter ou même de mettre en branle des systèmes afin de la réparer. Comment réparer ce qui n’est au final qu’une poignée d’insécurités égoïstes? Et je tente, je tente si fort de ne plus penser à la vie dans laquelle je vais me plonger dans quelques instants.

Je pense à Carter. À la décision qu’il a dû prendre il y a des années. Au poids des conséquences. Lui qui tente maintenant de rattraper le chemin emprunté il y a ving-cinq maintenant. Il ne peut pas. Je ne serai jamais sa fille. Au moment où il a signé son nom sur les papiers d’adoption, mon sort s’en trouvait scellé à jamais. À présent, je m’apprête à prendre la décision contraire. Au tournant, Anula se dresse, ses longs boulevards tristes par ces jours de pluie, l’eau accumulée entre les dalles et les cafés et boutiques désertés des visiteurs. Je traverse la ville en ralentissant considérablement. La pluie s’est remise à sa besogne avec un peu plus de hargne. Je sens que je souffrirai plusieurs jours de cette sortie. Mes os trempés menacent de fendre et pourtant je me raccroche à la moto jusqu’à la rue menant plus au nord-ouest, à l’intérieur de la forêt. Le village se dégrade jusqu’à s’effacer, le bitume cède place à un tracé de gravier détrempé. Je bifurque sur le petit chemin menant jusqu’à la maison, abandonnant la Kawasaki sous le garage extérieur avant de courir me réfugier sous le porche. Je laisse une longue traînée de boue sur les planches. Avec une moue dégoûtée, je retire mes bottes qui s’échouent à l’entrée. Puis enfin, je pénètre dans la maison.

Je sais qu’ils sont là. Je peux sentir leur présence dans la maison, comme un long rayon de soleil ou le bruit des vagues contre les rochers. Je m’arrête pour écouter, devinant les présences dans les différentes pièces de la demeure. Je me dirige rapidement vers le salon, à quelques pas d’ici, me stoppant dès que mon regard se pose sur lui, lui en train de feuilleter ce qui désormais deviendra notre réalité. Il ignore le fardeau pesant sur nous, ou en est-ce véritablement un? Il se débrouille si bien, si bien depuis que cet enfant a envahi notre existence, comme une véritable renaissance je le vois s’épanouir et ouvrir ses ailes. Ce gamin il l’aime. Sitôt son visage dans mon champ de vision que je fonds en larmes pour traverser la pièce, pour m’échouer contre son torse qui a accueilli tellement de mes peines. Mes bras s’agrippent à lui dans mille soupirs et sanglots. Je me sens égoïste, coupable de la fuite avortée par de trop tranchantes vérités. J’ai pris une décision mais je dois encore l’assumer.

«Je suis désolée, Weston, tellement désolée.»

J’aimerais tellement que ce soit suffisant pour excuser toutes mes peurs. Toutes les fois où j’ai cédé, ou je céderai encore à elles. Toutes les fois où j’ai promis et j’ai failli, même sans le vouloir, même sans m’en rendre compte. D’avoir pensé tout plaquer parce je suis…
terrorisée.

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• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

J’ai peur. À chaque fois que je rentre, et qu’elle n’est pas là, j’ai peur. Peur qu’il lui soit arrivé quelque chose, peur qu’elle ait décidé que cette aventure était trop pour elle. Des fois, je me demande combien de temps il lui faudra pour réaliser qu’elle ne veut plus continuer. Que je représente une trop grosse charge, avec mes problèmes qui ne cessent de s’accumuler, malgré tous mes efforts pour les régler. Tous les matins, la rose doit se réveiller avec cette crainte de me voir rentrer le soir en trombe, après avoir décidé de ne pas prendre ma médication. Elle doit se demander combien de temps il me faudra, avant de retomber dans mes vices. Elle doit craindre d’avoir à répondre une nouvelle fois au téléphone en pleine nuit, pour cette fois venir me retrouver à la morgue. Et surtout, elle doit songer à ce qu’elle ferait, si j’en venais à lui abandonner la charge de mon fils, elle qui a toujours clarifié la situation en indiquant que le petit blond n’était pas le sien. Elle n’est pas sa mère, et pourtant, à mes côtés, elle doit agir comme si c’était le cas. Elle doit prendre tant de responsabilités que je ne devrais pas lui imposer. Et des fois, je me demande si le « oui » qu’elle m’a soufflé lors de notre union viendra se briser un jour.

Est-ce le cas, aujourd’hui? Est-elle celle ayant laissé ces dépliants? A-t-elle préparé son départ, en s’arrangeant pour que je puisse m’occuper de Benjie par moi-même? Je tente de me convaincre qu’il ne peut pas s’agir de ça. Je tente de me faire croire qu’elle est simplement partie chercher quelque chose pour le souper. Mais je ne parviens pas à me calmer, et je sens l’anxiété grimper de plus en plus en moi. J’alterne entre observer mon téléphone inerte et feuilleter les dépliants, à la recherche d’un indice quelconque. Mais avant que je puisse trouver des réponses à mes questions, la porte d’entrée s’ouvre d’un coup, et alors que je relève le regard, je l’aperçois. Trempée, tremblante, sanglotant. Dans un réflexe, je me redresse pour l’accueillir, alors qu’elle vient s’échouer contre moi. Sans poser de questions, je laisse mes bras se resserrer contre son corps tremper. Je tente de la rassurer, sans même savoir ce qui se passe. Sa tête enfouie contre moi, je lui chuchote des mots qui se veulent rassurant, même si cela ne semble pas fonctionner. La jeune femme s’excuse bientôt, et je comprends de moins en moins la situation. Désolé... de quoi? De quoi parle-telle? Plein de questionnements, je m’éloigne quelque peu, sans pour autant libérer la rose de mon emprise.

-Désolé... de quoi? Qu’est-ce qui est arrivé...?

Mon ton est doux, mais il n’en est pas moins ferme. Je veux savoir ce qui est arrivé. Je dois savoir. Les scénarios se bousculent dans ma tête, tous plus sombres les uns que les autres. Aussitôt, je ne peux m’empêcher de penser au pire. Mon amoureuse aurait-elle compromis sa couverture? Le Régime aurait-il fini par découvrir qui se cachait derrière le nom d’Azmitia? Dans ce cas, la jeune femme ne serait pas la seule à être en danger. Mercy aurait elle compromit ma sécurité et celle de mon fils par la même occasion, en brisant son secret le mieux gardé? Mon teint devient livide, alors que cette pensée envahie mon esprit. Je lance un regard rapide vers la fenêtre, craignant d’y voir apparaitre des hommes portant le masque emblématique de ces mêmes soldats qui auraient bien pu nous arracher l’un à l’autre en juillet passé. Les images défilent dans ma tête, toutes plus horribles les unes que les autres. Je les vois rentrer dans notre maison, armés, et mettre fin à nos vies, avant de se diriger à l’étage, pour fusiller le petit blond qui n’a jamais rien demandé. Non. Non, elle ne peut pas. Elle n’a pas le droit. N’en pouvant plus de ces images, je referme mon emprise sur ma femme, pour plonger un regard sévère, presque menaçant même, dans le sien, exigeant des réponses.

-Qu’est-ce qu’il y a, bon sang!?

À mon tour, je tremble. Qu’on s’en prenne à moi, c’est une chose. On l’a déjà fait. Je peux en prendre. Mais que mon fils soit mêlé à cette histoire? Je ne le tolèrerai pas. Ça, jamais.

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

Nous vivons dans ce monde. Un monde déchiré, un monde de guerre, de sang et de souffrance. Un monde possibilités réduites et pourtant infinies, de scénarios macabres et douloureux. Combien de fois ai-je été balayée par d’horribles pensées, par les perspectives plausibles? Adélia étant retrouvée et pendue comme le fut sa mère. Faust ou Solène écorchés vifs, leur sang sur les pavés, leurs enfants orphelins. Ou encore Weston, victime de mes imprudences, et avec lui maintenant Benjamin un simple gamin qui devrait vivre loin des violences sourdes de cette île déchirée. De mes mots, je laisse ce doute que je sens grandir en lui sournoisement, l’exposer à toutes ces sinistres hypothèses auxquelles je ne fournis aucune réponse. Ma voix s’est brisée contre mes lèvres que j’entrouvre afin de lui apporter un certain soulagement. Une fois les pires possibilités écartées, notre situation me paraît moins dramatique. Néanmoins les remords me consument, d’autant plus qu’il n’a guère besoin de parler pour me permettre de savoir que je lui ai failli, encore et encore, sur ce chapitre décisif dans notre vie qui a passé tout près de se terminer d’une tragédie. Ses mains m’empoignent avec un peu plus de fermeté, il perd patience, cède à ses innombrables craintes pour me faire violence, pour me pousser à avouer ce pourquoi je m’excuse de façon aussi intense et brutale. Son embardée provoque plus de larmes acharnées que de calme, je tente malgré tout de réduire le rythme douloureux de ma respiration afin de lui répondre. L’apaisement me vient finalement alors que je braque mon regard dans le sien, comme pour m’y raccrocher. Les mots mes viennent avec hésitation, la voix tendue de larmes et de culpabilité, celle que j’ai encore du mal à accepter.

«Tout à l’heure, le monsieur des services sociaux est passé. Il avait de mauvaises nouvelles. La maman de Benjie... ils l'ont retrouvé morte, elle s’est suicidée. Le monsieur il a dit que Benjie il aurait besoin de moi, que maintenant il est officiellement sous ta garde. Et… j’ai flippé. Je suis sortie et j’ai conduit malgré la pluie, je ne sais même pas comment j’ai fait pour ne pas me tuer. J’ai atterrit chez Carter, je lui ai tout dit ce que j’avais sur le cœur avant de me rendre compte que je suis en train de faire exactement ce qu’il m’a fait il y a vingt-cinq ans.»

Je me redresse, abandonnant ses bras pour me couvrir d’une couverture traînant sur le canapé, transie de froid. J’ai besoin d’une douche et vite, j’ai probablement pris froid déjà. Je me mets à arpenter la pièce, ne sachant que dire. Calmée, je chasse mes larmes sans véritablement oser le regarder, incertaine des mots à prononcer désormais que j’ai avoué ma presque trahison.

«J’ai pris une décision. Je veux rester Weston. Mais avant je veux être sûre que toi, tu veuilles de moi. Parce que c’est certain, certain que je vais faire des erreurs, des tas, que je vais même vous faire du mal à toi et Benjie sans le vouloir parce que tout ceci c’est bien plus gros que moi. Je voulais aussi que tu saches ce que j’ai pensé faire, même si ça fait mal de le dire et je peux imaginer de l’entendre parce que j’ai juré d’être honnête.»

Cette fois je le regarde droit dans les yeux, les tremblements et les hésitations ont cessé, je me tiens droite, affaiblie et éreintée mais sincère dans chacun de mes mots.

«Être la mère de Benjie, ça me terrorise, mais si vous voulez de moi, c’est ce que je serai. Parce que… Je vous aime tous les deux.»

Je trébuche pour le mot, encore difficile pour moi à prononcer. Je crois ne jamais l’avoir dit au sujet du petit et pourtant.

(c)Golden

• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Je n’avais jamais compris cette soudaine énergie qui anime les parents, lorsque leur progéniture est mise en danger. Je n’avais jamais compris ce puissant instinct de protection, qui pousse ces mères et ces pères à se sacrifier pour leurs enfants, à s’interposer entre leurs petits et le danger qui les entourent. Mais à présent que je suis moi-même dans ce rôle, je ne peux m’empêcher d’être animé par cette même force, même sans réellement la comprendre. Tout ce que je sais, c’est que j’aime Benjie. Je l’aime, et je ferais tout en mon pouvoir pour le protéger. Jamais je ne laisserai quoi que ce soit comme danger s’infiltrer dans ma maison et venir s’en prendre à lui. Qu’il s’agisse d’un Pokémon en furie, d’une armé du Régime, ou même… de ma propre femme…

Mon regard planté dans le sien, j’attends ses explications. Les larmes de la rose s’intensifient, et je sens qu’elle tente de rassembler son courage pour m’avouer la situation. Chaque seconde me parait insoutenable, mais enfin, mon amoureuse parvient à se reprendre, et aussitôt un flot de paroles s’échappent de sa bouche, sur un ton étonnamment calme selon la situation. Je la laisse déballer ses explications, que je ne comprends qu’à moitié alors qu’elle s’explique. Elle parle des services sociaux, de cet homme qui nous colle à la peau depuis le début de cette aventure, puis elle nomme la mère de Benjie, cette femme que nous recherchons activement depuis maintenant un bon moment. Et je ne comprends d’abord pas le lien entre ceux deux-là et ces larmes qui sont venu envahir le visage de celle qui les nomme. Les sourcils froncés, j’écoute son récit, jusqu’à ce que le tout me frappe de plein fouet. Perdant toute ma force devant les paroles de Mercy, je sens ma tête tourner violement. Les mots se bousculent sous mon crâne, mes pensées s’entremêlent, mais je peux tout de même le voir clairement dans mon esprit, au milieu de tout ce brouhaha. Ce mot. Morte. Elle est morte. Morte alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. Morte alors qu’elle lui avait promis. Elle lui avait promis qu’elle reviendrait le chercher. Je m’en souviens comme si c’était hier. La scène joue dans ma tête, et je peux la voir clairement, cette femme à l’air brisé par la vie, mais tout de même si tendre avec son petit, assez tendre pour lui offrir cette promesse qu’elle ne pourra maintenant plus jamais tenir. Morte. Les frissons viennent envahir mon corps de plus bel, alors que je tente de faire du sens de ce qui n’en a pas. Comment…? Comment pouvait-elle? Comment trahir son fils ainsi? Comment lui arracher celle dont il a le plus besoin dans ce monde? Je ne peux pas le croire. Je ne veux pas le croire, et pourtant, je sais très bien que c’est vrai. Il n’y a pas une once de quoi que ce soit dans les paroles de mon amoureuse qui pourrait me faire croire que ceci pourrait ne pas être vrai. Mercy a dû encaisser cette nouvelle la première. Elle a dû l’avaler, la digérer, et trouver un moyen de me l’annoncer. Je sais très bien qu’elle n’aurait pas inventé une telle horreur, surtout en sachant très bien ce que j’ai moi-même tenté de commettre, il n’y a encore pas si longtemps. Elle ne tenterait pas de me faire avaler que mon fils aurait pu se retrouver sans ses deux parents, si ce n’était pas véritablement le cas. Elle est morte. Elle s’est suicidée. Elle ne reviendra jamais. Et à présent, nous voilà, mon amoureuse et moi, en tant que gardiens légaux de ce petit homme qui me demande encore chaque soir quand est-ce que sa maman viendra lui rendre visite. Elle nous a laissé cette atroce tâche de lui annoncer qu’elle ne reviendra pas. Qu’elle ne tiendra jamais cette promesse qu’elle lui a faite, dans le hall d’entrée. Je voudrais hurler, frapper. Je voudrais déverser toute la rage qui m’envahie un peu plus à chaque seconde que ces mots flottent dans ma tête. Mais je me retiens, alors que mon regard se repose sur Mercy, qui n’en mène pas tellement plus large que moi. La jeune femme a beau posséder une force inimaginable, je la sens maintenant fragile, terrifiée par cette nouvelle qu’elle m’a elle-même annoncée. Je connais depuis le début ses réticences quant à s’investir dans la vie de mon fils, même si elle s’est tout de même toujours montrée très douce et chaleureuse avec le petit. Alors d’apprendre que jamais Benjie ne sortira de ma vie, ne serait-ce que pour une semaine sur deux? Je n’ose même pas imaginer que ce qui doit être en train de se produire dans la tête de mon amoureuse, si même elle accepte encore que je l’appelle ainsi après ça. Ce qui s’est produit avec la mère de Benjie l’a certainement frappé aussi brusquement que cela m’a frappée. L’agressivité sur mon visage se dissipe pour laisser place à un air compatissant, alors que la jeune femme m’avoue la suite de son récit. Elle serait donc allée voir Carter, ce père qui l’a abandonnée alors qu’elle n’était encore qu’une toute petite fille. Je connais l’histoire, et surtout, je connais la rancœur qu’éprouve la rose. Elle a beau avoir une famille adoptive aimante, je sais très bien que cet abandon la ronge intérieurement, tout comme le mien me ronge malgré mes tentatives de passer à autre chose. Mercy n’a jamais pu connaitre ce sentiment qu’éprouvent les enfants élevés par leurs deux parents biologiques. Elle s’est certainement demandé toute sa vie pourquoi ceux-ci n’avaient pas pris leurs responsabilités en main.

-Mercy… Je suis désolé…

Je n’ai pas fait le choix de lui imposer cette nouvelle, mais en m’incrustant dans sa vie, je lui ai imposé de subir à mes côtés toutes ces choses dont la rose aurait très certainement pu se passé. Je lui ai imposé de prendre part dans la vie de mon fils, et maintenant plus que jamais. Du moins, si elle l’accepte. Car même si je ne suis pas certain des raisons derrière cela, je sais que Mercy n’est pas la plus à l’aise quand il vient temps de parler ou de s’occuper des enfants. La jeune femme a beau être des plus habiles avec le petit, il persiste tout de même toujours en elle une certaine hésitation. Alors maintenant que repose entre ses mains cette responsabilité nouvelle et imposante, je ne peux m’empêcher d’être inquiet. Inquiet de la voir me demander de plier bagages, et de partir pour de bon. Après tout, Mercy m’avait déjà prévenue qu’elle ne voulait pas avoir à assumer ce rôle. Alors j’ai peur. Terriblement peur de la perdre pour de bon, cette fois, malgré toutes les épreuves que nous avons traversées ensemble. Je sais que sans elle, je ne suis rien. Je ne peux pas la perdre. Et pourtant, je sais aussi que je n’aurais pas le droit de la retenir.

Séchant ses larmes, la rose prend place sur le sofa, et se couvre d’une couverture pour se réchauffer de cette sortie improvisée sous la pluie. Silencieux, je prends place à ses côtés, en prenant bien soin de laisser un espace entre nous, afin de lui laisser la place dont elle a besoin. Sans hésitation, Mercy prend la parole, pour m’avouer sa décision. Sa décision… Ce mot me fait frissonner, alors que je m’imagine déjà la cruauté de ses mots. Mais au final, ceux-ci sont tout à fait le contraire. Elle veut rester. Elle veut essayer. Elle veut s’engager, si je promets de m’engager à mon tour. Tremblant, je m’approche de la rose, pour glisser une main hésitante contre sa joue froide. De mon autre main, je l’enlace pour la rapprocher de moi, et coucher sa tête encore humide contre mon torse.

-C’est sûr que je veux de toi, Mercy… C’est certain, jamais j’hésiterais, jamais. Des erreurs, on va en faire ensemble. On en fait depuis le début, et ça n’a jamais rien changé. Je t’aime, et je veux que tu continues d’être dans nos vies.

La jeune femme se redresse, afin de planter son regard dans le mien. Il ne reste plus aucune hésitation dans ce regard qui était quelques instants plus tôt absolument terrifié.

-T’es merveilleuse avec lui, chérie, je sais que tu vas y arriver. Sans toi moi je n’y arriverai pas. Je t’en prie, je peux pas sans toi. Je peux pas lui annoncer ça, je peux pas…. Je peux pas être son père sans toi.

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

Les mots m’écorchent vive, m’entraînent dans ce flux de conséquences que nécessairement je devais appréhender. Dépassée, je tâche de me concentrer sur les traits de mon interlocuteur afin de garder le contrôle de ma propre personne, tremblante de réaliser à quel point tout ceci est trop, bien trop pour celle qui avait juré ne jamais s’approcher d’enfants à nouveau. L’écho des douleurs passées m’étreint, me retient de véritablement assumer la décision prise contre moi-même, pourtant pour mon propre bien. Si je me suis avancée sur cette pente épineuse, sur ce terrain tout aussi inconnu que menaçant, c’est bien car quelque part subsiste une force chez moi, une détermination me laissant croire que je pourrai parvenir à remplir mes promesses. Mais pas sans erreurs. J’ai parfaitement conscience de la difficulté de ce qui m’attend au détour. Des nombreuses larmes, des nuits blanches et des migraines, et pire encore un cœur dans la balance, déjà malmené par l’annonce faite quelques heures plus tôt par le représentant des services sociaux. Par cet attachement qui me lie à l’enfant. Je ne peux réprimer un vertige lorsque me vient ce mot, celui de «mère». Je pense à la peine de Solène lorsque Crystal a disparu, la froide rage qui roulait dans son regard, je me demande comment il est possible d’aimer ainsi. Et maintenant, je vois cette même rage animer le regard de Weston, assombrir l’azur de son regard.

Je déteste tout autant la sympathie qui vient l’alléger. Je ne suis plus à plaindre, ma décision est prise et assumée au meilleur du possible. Maintenant, nous devons aller de l’avant. Je sais parfaitement de que nous entreprenons tous les deux, une vie qui ne sera plus jamais la même désormais, orientée de façon indélébile par ce petit garçon qui vient de redéfinir la maisonnée d’un duo à une véritable famille. Je sais que je viens de vendre une part de mon indépendance, une part de ma jeunesse, de ma liberté, de mes choix, de mes ambitions. De mes rêves probablement. Le poids de cette nouvelle responsabilité m’écrase, tout autant que la perspective, désormais, de toujours passer deuxième. Dans un monde où je formais un épicentre, mon époux gravitait autour de moi, de notre vie de couple, une vie qui maintenant sera toujours relayée au second rang. Car c’est bel et bien Benjie qui possèdera toujours la priorité, pour Weston surtout. Je scrute le blondin avec une première part d’incertitude. J’ai toujours pensé que le poids de ses erreurs passées m’offrait une sorte d’excuse pour racheter toutes celles que je pourrais commettre à l’avenir. Jamais je n’aurais cru ressentir cette crainte, écho douloureux au creux de mon estomac, celle de l’abandon. Malgré ses paroles rassurantes, le malaise subsiste, véritable venin qui endolorit chaque parcelle de moi-même. Je tremble sous mes vêtements trempés, d’appréhension ou de froid, je ne saurais plus même dire. Mes dents s’entrechoquent avec violence. Je tente encore d’assimiler ses mots.

Avant même d’avoir saisi l’étincelle de rassurance dans sa voix douce, le voilà qui ouvre la bouche à nouveau, exposant ses propres peurs qui ne font que s’ajouter aux miennes. Incapable de le rassurer de ma position vulnérable, je me contente de l’observer, tout en mesurant ses mots. Il se dit dans l’impossibilité de remplir ses devoirs sans ma propre présence à ses côtés. Parfois, j’en viens à me demander s’il n’espère pas inconsciemment que ce rôle de mère ne me revienne véritablement plutôt que ce mensonge que nous entretenons, s’il ne va pas même jusqu’à souhaiter que Benjamin soit mon fils de sang. Celui peut-être perdu lors de cet avortement, celui m’ayant brisé. Mon regard s’égare vers l’étage, où se trouve probablement le gamin. Je me demande s’il possède la clé pour me réparer, si avec cette seconde chance je pourrai rétablir la vie gaspillée qui me hante toujours. Un sourire faible vient éclairer mon visage, empreint de triste.

«Bien sûr que tu te débrouillerais avec lui, avec ou sans moi. Non seulement il t’adore, mais tu es aussi son père. Alors que je ne serai jamais plus qu’une belle-mère à ses yeux, que l’étrangère lui partageant son père.»

Une pointe de tristesse, voire d’amertume, teinte mes paroles, rive mon regard contre le plancher. Je réalise trop tard avoir exprimé une sorte d’insécurité que je ne réalisais pas avoir, qui me force à me lever à présent, tremblante.

«Je serai avec toi lorsque nous lui apprendrons. Et à chaque étape de sa vie pour peu que vous vouliez toujours de moi. Mais je vais avoir besoin de temps pour me faire à l’idée. Des mois, peut-être même des années. Néanmoins je ne me trouverais pas devant toi aujourd’hui si je n’avais pas pleinement envie de vivre tout ceci avec vous.»

Même si je suis terrifiée.

(c)Golden

• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Je ne peux pas le cacher. Benjie est mon fils, et pourtant, je ne suis pas toujours un père. Ou du moins, je ne suis pas toujours un bon père. Je n’ai pas cette facilité à discipliner et à écouter mon garçon comme semble si merveilleusement le faire mon amoureuse, lorsqu’elle s’en mêle. Je ne sais pas toujours punir, je ne sais pas toujours mettre des limites. La simple idée de me montrer ferme envers le petit blond me tétanise, alors que je sais très bien que c’est parfois nécessaire. Je sais que sans fermeté, sans discipline, mon fils n’accomplira jamais rien de bon dans la vie. Mais je n’y peux rien. La simple idée d’un jour devenir pour Bennie ce que mon père est aujourd’hui pour moi me terrifie. Jamais je ne me pardonnerais si le petit blond me regardait un jour avec ce regard meurtrier que j’ai moi-même offert à mon propre père à plusieurs reprises. Jamais. Et pourtant, je sais très bien que je ne peux pas simplement être son ami. Sauf que je n’y arriverai pas sans mon amoureuse. Sans elle à mes côtés, je ne peux pas être père. J’ai besoin de ses conseils quand je n’y arrive pas, et de ses encouragements lorsque je parviens à me débrouiller.

La rose est pour moi un phare dans ma vie. Elle me guide à travers ce monde dont je ne comprends au final pas grand-chose. Alors la perdre? Non, je n’y arriverais pas. Je n’y survivrais pas. Alors même si Mercy refuse d’y croire, moi je le sais. Sans elle, je ne suis rien. Ni un père, ni un champion, ni même un homme. J’aime Benjie, et je sais qu’avec lui dans ma vie, je ne serais jamais capable de tenter de m’enlever la vie à nouveau. Mais sans Mercy, je ne sais pas si je serais capable de m’en souvenir.

J’hoche la tête, alors que la rose me promet une nouvelle fois fidélité. Elle promet d’être avec moi, afin de surmonter chaque nouvelle épreuve qui s’imposera à nous. Et d’ailleurs, la première de ces étapes se fait imminente. Nous devrons lui dire la vérité. Je ne sais pas comment, mais nous allons devoir avouer à Benjie le sort que s’est infligé sa mère. La panique me reprend, alors que je m’imagine déjà la réaction de l’enfant face à nos mots. Après l’incompréhension, j’imagine les larmes envahir son petit visage angélique. Ce petit visage qui n’abandonne jamais son sourire, je l’imagine brisé par cette nouvelle qu’on ne devrait jamais avoir à avouer à un enfant. Je l’imagine crier à l’injustice. Et je l’imagine me détester. Me détester pour le restant de sa vie, pour avoir laissé une telle chose se produire. Pour ne pas l’avoir protéger, comme je devrais l’avoir fait. Je l’imagine, lorsqu’il grandira, m’en vouloir d’avoir enfanté cette parfaite inconnue sans même songer aux risques. Et puis je le vois. Ce regard dans les yeux de mon fils. Celui que je crains. Cette amertume. Cette haine.

-J’ai vraiment besoin de toi en ce moment. Spécialement en ce moment…

Alors que je prononce ces paroles, j’entends des pas énergiques dévaler l’escalier, et bientôt, le petit blond vient nous rejoindre, complètement nu, tendant sa serviette à mon amoureuse pour que celle-ci l’aide à se sécher. L’enfant lui offre un sourire radieux, et, ayant pleinement confiance en la rose, n’éprouve aucune gêne à se montrer à elle ainsi. Je sens mon cœur se serrer. L’enfant n’a aucune idée de ce qui l’attend. Il n’a pas la moindre idée des mots cruels qui viennent d’être échangés dans ce salon. Il ne sait pas. Mais il s’apprête à savoir. Je lance un regard incertain à mon amoureuse, avant d’enrouler le petit dans sa serviette et de le poser sur le canapé à nos côtés. Je tente de me faire rassurant, et de rester calme, mais la vérité, c’est que tout brasse à l’intérieur de moi.

-Hey Bennie… On… On a…

Je cherche mes mots. Je cherche un moyen d’avouer à un enfant ce qui ne devrait jamais lui être avoué. Je ne sais pas par où commencer. Je ne sais pas ce que je dois dire, et ce que je devrais garder pour moi.

-On… On va commander de la pizza, ce soir, okay?

Je n’y arrive pas. Je ne peux pas être celui qui brisera cet enfant à jamais. Je n’y arrive tout simplement pas.

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

Peut-être ai-je besoin d’affirmer si vertement de mes convictions de rester afin de m’en convaincre moi-même. J’aimerais pouvoir soutenir sans ciller de la véracité de chacun de ces mots, néanmoins ce serait mentir. Je n’ai aucune preuve, aucune conviction véritable dans cette situation, simplement mon bon désir et une détermination chancelante, qui jumelés d’un ardent amour pour l’un et l’autre des deux garçons impliqués, me permettent de prononcer ces paroles devant lui. Mais promettre? Je ne le pourrais jamais. Il ne reste plus maintenant qu’à vivre cette expérience en portant sur nos épaules déjà fatiguées le fardeau de nos craintes, que je devine dans l’azur perplexe de mon époux. Je repense à notre histoire, à tout ce que nous avons traversé tous les deux, et je vois dans nos postures brisées la fatigue émanant de toutes ces crises, ces revers, ces défaites. Chaque victoire comme rapidement savourée avant qu’un nouveau coup ne vienne nous renverser. Je nous vois, comme mûris trop vite, dans l’obscurité de la maisonnée, la pluie battant toujours à nos carreaux comme dans un rappel amer de notre insignifiance. Alors qu’il répète avoir besoin de moi, je m’empare de sa main, comme pour me convaincre qu’il est toujours présent à mes côtés. Une part de moi s’épuise, de plus en plus, de la houle omniprésente dans ma vie depuis quelque temps déjà. Je pense à cette proposition, lors de notre lune de miel, celle de réintégrer mon Québec natif, loin des conflits, du sang, des disparitions et des déchirements. Séduisante, tentatrice, l’idée ne m’a jamais paru plus accessible qu’aujourd’hui.

La cacophonie soudaine de pas dans l’escalier me tire un sursaut de surprise, accompagnée d’une douleur aigue dans l’estomac. En voyant la deuxième tête blonde apparaître, une part de moi-même en souffre violemment, dans un rappel lancinant de la nouvelle à lui apprendre. À mes côtés, Weston se crispe de façon semblable, m’adressant un regard auquel je ne sais répondre que par davantage de confusion. Encore perdue dans le flot de mes propres émotions, j’ignore encore comment faire face à ce petit être nu cherchant mon attention pour lui fournir de l’aide. Je reste ainsi, à le scruter, jusqu’à ce que de lui-même son père ne vienne le cueillir afin de le sécher convenablement. Le petit ne semble pas avoir remarqué mon trouble qui s’intensifie alors que le Champion tente lamentablement de lancer une conversation épineuse. Un vertige me prend en réalisant que le moment est venu. Rien ne m’y préparait. La fatigue s’accentue, je n’ai plus qu’une envie celle de fuir. Néanmoins Weston se désiste bien avant que mon corps exténué ne s’extirpe de sa position inconfortable. Proposant une pizza, comme à chaque dispute ou à chaque moment difficile il me semble. Comme à son arrivée, lorsque nous tentions tant bien que mal de nous reprendre.

«Excellente idée, n’est-pas Ben? Moi je vais aller à la douche, je vous reviens les garçons.»

Toutes mes articulations protestent à l’instant où je me redresse du canapé, titubant jusqu’à l’étage. Surchargée par mes émotions, je suis tentée d’appeler Faust, je crois qu’il comprendrait mieux que quiconque de se retrouver à la charge d’un enfant, surtout en sachant mon passé. Mais alors que je compose son numéro de téléphone, je me souviens de la disparition de Natsume son cousin, du poids qui pèse déjà contre ses épaules. Un autre être brisé, comme moi. Avec un soupir, je me glisse sous l’eau chaude avant de me glisser dans des vêtements secs. Ce nouveau confort m’apaise quelque peu, et je dévale l’escalier pour trouver mon amoureux à l’écart, Benjie jouant dans l’autre pièce.

«Nous n’avons pas besoin de lui en parler tout de suite si tu ne te sens pas prêt. Je ne sais pas si à son âge il saura vraiment comprendre…»

Quelle notion peut avoir un gamin de trois-quatre ans sur la mort? Je caresse le visage de mon amoureux d’un geste tendre.

«Mais il s’en remettra. Probablement mieux que ce que nous espérons. C’est plus facile à cet âge. Peut-être même qu’un jour, il n’aura plus qu’un vague souvenir d’elle. Comme je ne me souviens pas vraiment de ma vie à l’orphelinat, avant que mes parents m’adoptent.»

Je tente d’être positive, et je crois véritablement en mes paroles. Je vais chercher aussi une dose de réconfort dans chaque geste tendre envers lui, ma source de paix depuis longtemps.

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• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Je ne peux pas le faire. Je ne peux pas briser à jamais ce petit sourire angélique. Je ne peux pas être celui qui lui rappellera cette douleur à chaque fois qu’il regardera mon visage. Alors je me désiste. Je fuis lâchement pour plutôt offrir à mon fils une pizza, comme à chaque moment difficile. Le petit blond s’empresse de sautiller sur place, tout sourire devant cette proposition, mais cette fois, je ne parviens pas à lui rendre ce sourire. Je n’arrive pas à me défaire de cette nouvelle qui me hantera certainement pendant un bon moment. Peu importe comment je tente de tourner les choses, je n’arrive pas à en faire du sens. Je n’arrive pas à me l’expliquer, et cela me terrifie. Si je ne parviens pas à le comprendre, comment Benjie le pourra-t-il? Comment pourra-t-il avancer, avec ce poids qui le suivra toute sa vie? Ne se demandera-t-il pas, à tout moment, si ce qui est arrivé n’était pas de sa faute? Mon fils ne craindras-t-il pas être la cause de cette mort tragique? Et moi, alors, comment serai-je censé le réconforter? Comme serai-je censé lui faire comprendre qu’il n’a rien à voir là-dedans, alors qu’au fond, je n’ai absolument aucune réponse à lui apporter. Je ne sais pas ce qui a poussé cette femme vers ce chemin sans issues. En fait, je ne sais même pas qui est cette femme. Je n’ai aucun souvenir d’elle. Ni son nom, ni son visage ne me sont familier. Et alors, qu’est-ce que je raconterai à mon garçon, lorsque celui-ci me posera des questions sur cette mère dont il n’aura peut-être plus aucun souvenir, le jour où il sera assez vieux pour comprendre?

Mon épouse aussi ne semble pas contre cette idée d’échappatoire par la pizza, et s’empresse de filer à l’étage pour se glisser sous la douche, me laissant seul avec le petit blond, qui n’a visiblement rien remarqué de notre malaise. Je la laisse fuir sans tenter de la retenir, même si j’aurais bien aimé garder sa présence rassurante à mes côtés. Je sais que mon amoureuse a pris ce coup aussi durement que moi, et je sais qu’elle a besoin d’avoir son espace en ce moment, mais alors que je me retrouve seul avec le petit qui me propose déjà ses saveurs de pizza préféré, je ne peux m’empêcher de me sentir mal à l’aise. Comme au premier jour, alors que l’enfant est arrivé ici, avec comme seul bagage un simple sac à dos et un jus de pomme, je ne me sens pas à l’aise à ses côtés. Je finis d’ailleurs par m’éloigner, prétextant d’aller commander la pizza, et laissant ainsi le petit blond dans le salon. J’en profite pour tenter de faire de l’ordre dans mes idées. Je me répète le scénario mille fois dans ma tête, comme pour me prouver qu’il ne s’agit pas simplement d’un mauvais rêve. Tout me parait si irréel. Et soudainement, alors que je me répète la scène une énième fois, je réalise un nouveau détail auquel je n’avais même pas eu la chance de penser. Je suis à présent son seul et unique gardien légal. Le seul responsable. Il n’est plus question d’attendre le retour de la mère dans sa vie. Il n’est plus question d’éventuellement partager la garde de Benjie. Il n’est plus possible à présent que personne d’autre que moi ne prenne en charge ce rôle de parent.

Je sursaute légèrement, alors que la rose vient me rejoindre, afin de m’offrir un geste de tendresse qui vient quelques peu m’apaiser. C’est vrai, je ne suis pas complètement seul dans cette histoire. Mon amoureuse est là, à mes côtés, pour m’accompagner dans ce chemin épineux. Je lui rends sa caresse avant de l’enlacer, et de poser ma tête contre la sienne. Je reste silencieux, réfléchissant à ses paroles. En un sens, la jeune femme a raison. Benjie est si jeune, comment pouvons-nous espérer qu’il comprenne le sens de nos paroles? Le petit ne comprend rien à la vie, alors je n’ose même pas imaginer ce que peut être sa conception de la mort. Pourtant, l’idée de lui cacher la vérité m’embête. En un sens, le petit a le droit de savoir pourquoi sa mère ne reviendra jamais, dans d’un autre côté, il risquerait de ne pas le comprendre. Le dilemme me torture intérieurement, mais au final, je pense que mon amoureuse a raison, ou du moins, en partie.

-Je crois que tu as raison… On va commencer par digérer la nouvelle, et ensuite faudra éventuellement trouver une manière de lui dire…

Mercy tente de me donner de l’espoir, en suggérant que peut-être qu’éventuellement, il oubliera. Mais honnêtement, j’en doute. Benjie me parle de sa mère tous les jours. Avant chaque couché, et après chaque réveil, il me parle d’elle, que ce soit pour me demander si nous nous verrons toujours lorsqu’elle viendra le chercher, ou alors pour me raconter des aventures qu’ils auraient vécu ensemble. Mon fils n’oubliera pas sa mère, je le sais. Chaque jour où il grandira, il se souviendra d’elle, mais encore plus, il se souviendra de son absence.

-Je sais pas… Je crois pas qu’on peut vraiment oublier ce genre de choses. Par contre… On pourrait peut-être l’empêcher de toujours revivre des souvenirs douloureux… Je veux dire, maintient qu’on sait qu’elle ne reviendra jamais, on est plus obligé de rester ici…

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

Que dirions-nous de nous laisser nous apaiser, de digérer la nouvelle, un petit pas à la fois? Avant même d’envisager apprendre la chose à l’enfant, bien des éléments restent à considérer. Nous devons aussi cheminer avec la situation, l’accepter pleinement avant d’y inclure un petit garçon qui n’a rien de malheureux auprès de nous. Et même s’il parle constamment de sa mère, il ne conservera probablement pas de souvenir bien concret d’elle, du haut de ses trois ans. Des bribes, des sourires peut-être, mais de là à en souffrir véritablement, j’en doute. Plus tard, à l’adolescence, viendront les doutes, et le poids insupportable de se savoir abandonné. Alors je pourrai l’appuyer et le conseiller, étant passée par le même chemin d’acceptation. Weston lui-même ne pourra que le comprendre. Dans tous les cas, Benjie a tout entre ses mains pour s’en sortir, dont une famille qui quoique maladroite, l’aime profondément, en plus d’une ribambelle d’amis Pokémon qui toujours veilleront sur lui. À nous maintenant d’accepter notre nouvelle réalité, celle d’une parentalité à part entière chez le blondin, et pratiquement identique de mon côté. Même si pour Ben, je ne serai jamais une mère, qu’une moitié de ce qui devrait être un tout, qu’un remplacement éphémère d’une présence dont il se languira peut-être inconsciemment. Oui, je dois accepter et aussi faire taire mes peurs, celle d’un jour entendre de sa bouche que malgré tous mes efforts pour l’élever comme le mien, que je ne serai jamais aussi bien qu’un spectre n’ayant laissé derrière elle que désillusions d’un fils orphelin.

Il faudra tenter de trouver moyen de lui avouer l’inavouable, un autre jour peut-être. Nous devons être prêts nous aussi, et je ne peux que constater le soulagement de mon amoureux devant ma suggestion. Je me contente d’hocher la tête en profitant de son étreinte… il me semble que nous n’échangeons pas assez d’affection ces derniers temps dans le train infernal de nos vies. Peut-être cet incident devait-il servir à me faire arrêter, ne serait-ce qu’un instant, à penser à mes responsabilités au sein de la Résistance, à mon deuxième boulot, à mes amis, à la situation sur l’île, à tout, pour me concentrer sur mon petit noyau, celui autour duquel je gravite malgré moi. Une sorte de pause entre deux souffles, entre deux événements, entre deux traumatismes. Je ferme les yeux en dégustant la chaleur rassurante de mon amoureux, quand sa voix reparaît. L’empêcher de revivre de nouveau ses souvenirs douloureux? Oh, Weston, ne sait-il donc pas qu’il n’y a nulle part où se cacher de nos démons? Que toujours ils nous guettent de leur absolu spectral, en déterminant nos actions? Je mets un moment avant de réaliser ce que Weston veut véritablement dire, ce qu’il suggère. Je me détache promptement de lui pour considérer son visage, celui d’un père et non plus d’un amoureux. Tout quitter. Il me ferait je crois, même pour me laisser derrière, tout pour protéger son fils. Et moi je n’ai aucune alternative à lui proposer.

Car l’idée a quelque chose de profondément séduisante. S’éloigner des conflits. Qu’à chaque coup de tonnerre qui retentit, on en vienne plus à se demander où la bombe a détonné, quels de nos proches doivent encore périr. De s’éclipser vers un monde où nous pourrions vivre en paix, en parfaite paix. Aussi tentatrice soit l’idée, je ne peux m’y résoudre, comme je ne pourrai jamais exiger de mon mari qu’il ne suive mes ambitions glorieuses. Enola est dure, Enola est imparfaite, elle est menaçante et violente. Mais ce que j’y fais ici est tout ce que je désire. Marquer une différence, changer le monde de mes écrits. Chaque mot à la fois, je change le visage de ce conflit, mais aussi de l’opinion mondiale grâce à mes articles de plus en plus populaires de l’autre côté de l’océan.

«Tu veux partir?»

La question plane. J’ai envie de l’entendre de sa bouche, qu’il me confirme ce qu’il laisse candidement entendre, comme par peur de ma réaction.

«Ce n’est pas la première fois que tu m’en parles. Je me souviens, près du lac, lors de notre lune de miel. L’idée de rester au Québec, ou d’y retourner est bien tentante. Mais de mon côté, tu sais que je ne pourrais pas Weston.»

Je prends sa main. Je ne veux pas lui mettre de pression. Seulement qu’il comprenne, que là où il tentera de m’éloigner de moi-même, que je ne pourrai lui survivre.

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• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours eu cette même rigidité concernant mon île natale. Je me suis toujours dit que j’y habiterais jusqu’à ma mort, quoi qu’il arrive. Après tout, je suis né sous les tropiques, alors il me semblait logique d’y être enterré. Ou du moins, c’est ce que je m’étais toujours imaginé, jusqu’à récemment. Jusqu’à ce que je ne sois plus au centre de mon univers. Jusqu’à ce que mon monde s’élargisse suffisamment pour y laisser entrer d’autres personnes. D’abord, il y a eu Mercy, cette rose qui s’est glissé dans ma vie malgré toute l’adversité que j’ai pu lui montrer. Et pour la première fois de ma vie, j’y ai songé. J’ai pensé quitter cette île ou je m’étais juré de mourir. La jeune femme me le rappelle d’ailleurs. Ce soir-là, au bord du lac, j’avais amené l’idée pour la première fois. J’avais eu, pour la première fois de ma vie, ce flash. Celui de nous installer ailleurs, loin de toute cette violence, loin de toutes ces inquiétudes. Sans vraiment m’attendre à une réponse positive de la part de mon amoureuse, j’avais lancé cette idée un peu folle de rester au Québec. C’était pour moi le meilleur moyen de protéger la jeune femme du merdier qu’elle avait créé autour d’elle, avec ce rôle un peu trop grand qu’elle occupe au sein de la résistance.

Mais maintenant, il ne s’agit plus de simplement protéger mon amoureuse, dont les capacités à se défendre ne font plus aucun doute. Maintenant, il ne s’agit plus de juste mon amoureuse. Maintenant, il n’y a plus seulement Mercy que je dois protéger de ce qui se passe sur cette île. Maintenant il y a Benjie, ce petit homme qui pourrait se voir entrainer dans ce conflit avant même d’atteindre l’âge d’aller à l’école. Je n’ose même pas m’imaginer ce qui serait arrivé s’il était venu à la compétition de janvier, ou même à la marche sensé être pacifiste. Et je ne veux pas imaginer ce qui pourrait lui arriver, si nous nous entêtons à le faire grandir dans cet environnement hostile. Car s’il ne meurt pas aux mains du Régime, qui me dit que nous ne nous ferons pas achever par une bande de Résistants ayant mal planifié leur affaire? Mon amoureuse a beau estimer ses petits amis de la Résistance, au fond, je ne leur fait pas plus confiance.

Mais je vois bien rapidement qu’il est hors de question de partir, pour mon amoureuse. Et au fond, je m’y attendais. Mercy, depuis aussi longtemps que je la connaisse, a toujours carburé à l’action. Alors quitter Enola pour aller se réfugier dans un petit coin tranquille de ces fameux Laurentides où la traversée d’un écureuil est un évènement, je me doute bien que ce n’est pas ce que la rose recherche. Alors me vient l’idée d’y aller, moi. Juste moi et Benjie. Quitter Enola entre garçons, et aller nous installer dans un petit coin plus tranquille, je ne sais trop où. Mais j’oublie bien vite l’idée d’abandonner mon amoureuse derrière, alors que j’ai tant besoin d’elle. Nous aurions beau être plus en sécurité à l’extérieur de l’île, je sais très bien que je ne pourrais pas m’en sortir sans elle. Elle est mon phare, mon guide dans cette aventure périlleuse qu’est la vie. Et je ne parle pas juste de la paternité, bien que ce soit un gros morceau. Non, je n’ai qu’à me rappeler ce que j’étais avant de rencontrer mon amoureuse pour savoir que je ne pourrai jamais m’en sortir sans elle. Je sais très bien que, avec ou sans mon fils, sans Mercy, je retomberais rapidement aussi bas que je l’étais avant qu’elle me ramasse.

-Je sais…

Je baisse le regard, tout en poussant un court soupir. Je sais très bien que je ne peux pas empêcher la rose d’être ce qu’elle est, et de faire ce qu’elle fait. Par contre, il y a bien quelque chose que je peux lui demander.

-Mais j’ai besoin que tu me promettes un truc… Promets-moi que tu vas faire attention. Plus que d’habitude. Et que jamais il n’aura à souffrir de tes choix.

Le petit blond devra déjà souffrir suffisamment des choix de sa mère, il ne devra pas en plus souffrir de ceux de la rose…

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♦ PROMESSES BRISÉES ♦feat. Weston Elric

Mon art, mon souffle. Écrire, m’impliquer d’un mouvement comme celui de la Résistance, me convaincre que je ne suis pas aussi insignifiante que je l’ai toujours cru. J’en ai besoin. Malgré tout ce que j’ai pu subir pendant ces trois dernières années, j’y ai vécu plus heureuse que jamais auparavant. Chaque geste prenant un sens, chaque mot comme libérateur du poids indélébile reposant sur les épaules d’un peuple éteint et sans voix. J’ai entrevu ici un avenir, un avenir dans lequel je brille. J’en ai besoin, plus encore que quelconque présence. Mon travail surpasse chaque chose. J’y suis accrochée, maintenant nécessaire à ma survie. De m’en priver serait de m’éteindre. Je ne sais faire autre chose, me complaire autrement que par l’écriture de ces textes. La Compétition m’a certainement appris une part de moi-même que je ne connaissais pas encore, sans toutefois me révolutionner. Guère plus qu’un banal intérêt à côté de mon métier. Et lui, s’il me quittait aujourd’hui pour préserver son fils de mon mode de vie alarmant, je ne pourrais lui en vouloir, pas même une seule seconde. Aussi cruelle et amère cette pensée puisse-t-elle être, je me remettrais. De lui, de cette famille. Du moment où je parviens à maintenir mon cap interne, intouchable je vais, insensible peut-être. Dans tous les cas, je ne peux offrir à Weston ce qui définit mon identité même. Je l’ai fait par le passé, plus jamais je ne vivrai pour une autre personne que moi-même. L’amour n’a plus même sa place dans ce débat qui pour moi n’en est pas un. Le Champion le sait.

Néanmoins, je comprends. Parfaitement. Sa crainte d’une aube où je ne rentrerais pas. Celle de son fils coincé, victime latérale de mes actions criminelles. Puis quelque part, une rancœur, tout à fait légitime, de ne pas être en mesure d’abandonner cette part de moi-même alors qu’il a tant sacrifié pour mieux faire vivre notre histoire. Probablement qu’à ses yeux, ce choix lui paraît égoïste, et même immensément cruel. Mon combat n’a jamais fait bien du sens pour lui, la violence, le conflit. Il est de ceux qui comme moi jadis, s’évertuent de vivre à son propre rythme, sans risquer la confrontation futile entre deux partis puissants. Je n’ai pas l’aveuglement de croire que la Résistance n’a que du bon, bien au contraire. J’ai souvent décrié les actions de mes frères et sœurs d’armes. Mais ce combat, je dois le mener, plus encore que pour la gloire ou la libération de l’île. J’ai besoin de me sentir impliquée, au-delà de mon simple cercle familial. Je sais qu’il m’en veut, quelque part, de ne pas me suffire. En m’épousant il connaissait parfaitement cette part de moi, l’acceptait même. Sauf Benjie est venu tout changer. Aujourd’hui il n’a pas que moi à préserver, mais sa chair et son sang, un enfant qui n’a rien à voir avec le Régime ou la Résistance. En tant que sa belle-mère, sa figure maternelle même désormais, j’ai un devoir envers lui, et Weston s’empresser de me quémander une promesse que je ne pourrai pas lui refuser. Les mots m’échappent d’eux-mêmes alors que je sers le blond dans mes bras.

«Je ne mettrai jamais Benjie en danger, et jamais de sa vie, il devra souffrir de mes décisions.»

Sitôt les mots prononcés que je réalise le mensonge. Comment promettre alors que je n’ai aucun contrôle sur ses variables? Je baisse les yeux, tout en espérant que mes mots s’avèrent vrais, que Benjamin pourra vivre une vie paisible malgré mon statut de Résistante. J’ai toujours procédé ainsi sans qu’il ne m’arrive quoi que ce soit, et je n’aurai qu’à redoubler d’efforts pour brouiller les pistes menant jusqu’à moi.

«Je te le promets.»

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• Des promesses brisées •feat. Mercedes Blanchett

Je ne peux pas lui demander d’abandonner tout ce qu’elle est, ça je le sais bien. Mais je peux lui demander de ne pas nous forcer à le vivre avec elle. Je peux lui demander de nous épargner, mon fils et moi. Je n’ai jamais voulu me mêler à toutes ces histoires politiques dont je ne comprends de toute manière pas grand-chose, même si au final, l’éviter s’est avéré plutôt impossible, et cette large cicatrice qui couvre mon dos en est la preuve. Malgré ses efforts, mon amoureuse n’a pas vraiment réussit à me tenir à l’écart de cette guerre jusqu’à présent, mais aujourd’hui, je me dois de le demander. Aujourd’hui, je n’en ai plus le choix. Je ne peux pas mêler Benjie à cette histoire. Je ne peux pas l’obligé à se mettre en danger, et je ne peux plus risquer de moi-même me mettre en danger. Le petit souffrira déjà assez de la mort de sa mère, je ne peux me permettre de lui imposer le statut d’orphelin. Je n’hésiterais pas une seconde à nous éloigner de Mercy, si celle-ci devait refuser de se plier à ce compris. Je sais que la perdre m’anéantirais. Je le sais, et pourtant… Pourtant, je n’aurais pas le choix. Perdre Mercy, ce serait dur. Très dur. Extrêmement dur même. Mais perdre Benjie… Perdre mon fils, c’est tout simplement inimaginable.

Mais la rose promet. Elle se fait rassurante en me serrant contre elle, et en me glissant ces mots. Elle me promet tout ce que je veux entendre, sans qu’il y ait une seule once d’hésitation dans sa voix. Et ces mots me suffisent. J’ai entièrement confiance en mon amoureuse, et ainsi, je lui rends son câlin sans demander plus. J’ai tellement besoin d’elle. J’ai tellement besoin qu’elle garde cette promesse. En guise de réponse, je glisse un baisé contre les lèvres de mon amoureuse tout en la serrant dans mes bras. Et pour le reste de la soirée, nous n’en reparlons plus, car plus rien n’a besoin d’être dit. Peut-être un jour aurons-nous besoin de rouvrir sur le sujet, mais pour l’instant, je me contente de faire confiance en mon amoureuse. De toute manière, nous aurons bientôt à ouvrir sur un autre sujet tout aussi douloureux. Éventuellement, je sais que nous devrons annoncer à Benjie le sort que s’est réservé sa mère. Mais encore une fois, il n’est pas nécessaire d’ouvrir sur ce sujet ce soir. Non, ce soir, je veux n’avoir à me soucier de rien. Je veux passer une de ces soirées à manger une pizza devant un film, avec ma petite famille. Je veux voir les deux êtres que j’aime le plus au monde me sourire d’un sourire honnête. Je ne veux voir aucune once de tristesse sur leurs visages. Et je veux être capable de leur sourire en retour sans aucune hésitation. Ce soir, je veux que nous soyons heureux. Et le reste, laissons cela pour une autre journée.

(c)Golden

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Des promesses brisées [PV Mercy]

Des promesses brisées [PV Mercy]

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