« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Rouge |OS Part 3| (contenu violent, langage vulgaire)

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Mercedes L. Blanchett
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Mercedes L. Blanchett
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Métier / Études : Journaliste, mannequin en tant que couverture
Pseudonyme(s) : Victoria Hills, ma fausse identité sur l'île d'Enola.
Azmitia, surnom de journaliste qui protège mon identité, et mon nom au sein de la Résistance.

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Kinu, Aligatueur ♂, Rigide, Torrent

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Shadaya, Luxray ♀, Joviale, Intimidation

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Hercules, Minotaupe ♂, Gentil, Baigne Sable

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Nemeroff, Drattak ♂, Naïf, Intimidation @Drattakite

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Silver, Dimoret ♂, Mauvais, Attention

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Jeda, Steelix ♀, Brave, Tête de Roc



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MessageSujet: Rouge |OS Part 3| (contenu violent, langage vulgaire)   Rouge |OS Part 3| (contenu violent, langage vulgaire) EmptyVen 28 Avr 2017 - 3:04


♦ ROUGE ♦Part III
Les jours ont passé. Identiques. Sans saveur. Une pause inutile. On ne peut pas se reposer de soi-même. Et j’ai tenté. Tenté si fort de sourire et de rire, de poursuivre Benjamin dans la maison en poussant des hurlements de lion, de sortir avec des amies, de vivre mon intimité auprès de mon époux. Rien n’y fait. Inlassablement, les démons me rattrapent, et avec eux la soif du mouvement, la culpabilité humaine de l’existence et de l’immobilité. Si je veux avancer, tant de choses m’entravent désormais. Les pensées se bousculent contre mon crâne, le temps et la réalité m’échappent. Je parviens si bien à jouer le jeu, celui des apparences. Un sourire sitôt le regard de Weston levé vers moi, un trouble chassé d’un mouvement de main alors que son fils pénètre dans la pièce où j’ai pensé me réfugier quelques instants… mais malgré mon expertise dans l’art prenant des jeux d’ombres, rien au monde ne saurait dissimuler le manque. L’éclat sauvage de mon regard, le combat qui me déchire. Je veux me battre. Je dois me battre. Aujourd’hui, l’épuisement me fait tituber. Je n’ai pas beaucoup dormi. Ni mangé. Aujourd’hui, la personne qui me scrute dans ce miroir est maigre, émaciée, perdue, nerveuse. En dissonance. Et encore ce chemin pour m’apaiser, ce même où je marche depuis des mois maintenant comme on emprunte la voie de sa perdition. Je me souviens des mots d’Hiba, mon collègue, quelques jours plus tôt. Nous devons tous mourir. Parfois j’en ai même envie. Lorsque la perspective de vivre ainsi me poursuit, chaque instant dépourvu de sa saveur, et seule la rage pour m’animer. Ce même feu qui m’asphyxie un peu plus chaque jour. Je veux me battre, je dois me battre.

Notre base se situe à Vanawi, dissimulée en pleine rue. Un escalier mène à l’intérieur de la bâtisse, une vieille école recyclée en locaux commerciaux. Nous occupons le sous-sol, une pièce inaccessible pour ceux ne la connaissant pas. J’ouvre la porte grâce à ma clé et longe le long couloir plongé dans l’obscurité. L’air dense et humide sent mauvais, comme à son habitude. Je me dirige à tâtons vers la porte de notre local après avoir passé un faux mur. Mes collègues m’attendent depuis des jours, je le soupçonne. J’ai rarement l’habitude de m’absenter si longtemps. En trouvant la porte, je remarque que celle-ci ne résiste pas à ma poussée comme à son habitude. Elle glisse contre ses gonds avec une lenteur macabre tandis que je scrute prudemment l’intérieur. Une faible lueur éclaire la pièce. Je remarque d’abord avec inquiétude les écrans des ordinateurs, éventrés, fils et verre juchant les bureaux, les papiers éparpillés, et puis le sang. Il recouvre le sol là où plusieurs corps s’entassent, criblés de balles. Morts. Hiba. Philenon. Trois autres Résistants. Ils sont morts. Je me retiens de hurler en reculant, me bute contre quelque chose de mou et de froid, le corps inanimé de la Psystigri de mon ami. Je ne peux réprimer un regard vers elle, sa carasse brisée par la forme ensanglantée d’une morsure mortelle. Mes doigts l’effleurent doucement mais tout mon être me pousse loin d’elle. L’instinct, plus fort que la raison, plus fort que le chagrin, me pousse à la fuite. La fuite.

Le bitume défile contre mes roues. La moto rugit, son vacarme étouffé par la symphonie parfaitement orchestrée de mes angoisses. Parfois, au détour inhabité d’une colline, un cri de rage et d’incompréhension me saisit. Et devant mes yeux effarés danse encore la vision impossible des corps inanimés de mes compatriotes, de tant de jeunes gens innocents aux regards éteints et avec eux leur existence. Soufflés. Comme une bougie, un coup, une balle, pour tout changer. La peur m’écartèle, je respire à peine, les mains tremblant contre le guidon de l’appareil qui me mène docilement sur cette route parcourue des centaines et des milliers de fois. Pourtant ne m’a jamais semblée si étrangère. Les ombres me coursent, me dépassent, me laissent perdante dans la plus profonde des désillusions. N’est-elle pas naïve, l’existence humaine, de se croire inépuisable? Éternelle. Ne se complaît-elle pas dans son immobilité? Combien j’ai cru que chaque jour s’écoulait pour se ressembler, que jamais la différence ne s’accrocherait à la mienne, à moi, à mes proches. Malgré les risques, ce jeu insaisissable du risque, je ne pouvais envisager perdre. Tout perdre. Et pourtant, alors que le rugissement de la moto s’apaise, la route devenue sauvage et rassurante, je réalise ne comprendre qu’une fraction du mot défaite. Le chemin menant à ma demeure se fait sombre. L’interférence se fait sentir aussitôt. Ce détail dans l’immensité d’un portrait qu’on scrute tous les jours sans plus vraiment le remarquer. Une tache.

Rouge.
Je dérape devant une nouvelle silhouette brisée. Les ailes repliées dans la poussière, il gît, le poitrail parcouru de rouge. La moto s’arrête, abandonnée contre la terre fraîche, retournée, brûlée par endroits, là où mon compagnon aura tenté de se défendre. Je cours à lui, en titubant, le sang battant à mes tempes affolées. Chaque pas comme pour m’enliser plus dans la démence. Mes genoux s’écorchent à ses côtés, mes mains tremblent de saisir son corps inanimé. La plaie, béante, me sourit. Je n’ai pas même la force de souffler un nom. Pharos respire encore, faiblement, à sursauts. Mais aucune réaction. Près de lui, je discerne finalement la forme de Sirius, son corps violemment brûlé. Lui aussi, le rouge. Sa queue à moitié arrachée a été abandonnée dans la boue. Je lève un regard vers la maison, touche, effleure, secoue. Devant la véranda, Nueria et Wanda, sonnées, désarticulées. Mais ils sont en vie. Ils sont tous en vie. Qu’en est-il des autres? Les poutres du balcon extérieur arrachées, l’escalier en ruines. La porte pend contre ses gonds, laissant entrevoir un couloir sombre à l’intérieur. Dernière défense de cette ouverture sur un tout autre monde, je reconnais Shadaya, les flancs déchiquetés par le passage de griffes. Elle aussi respire, un œil levé vers le ciel, l’autre, inutile, dans une mare vermeille. Je la rejoins, son œil maintenant unique me transperce et je parviens à articuler avec peine son nom. Mes doigts engourdis viennent jouer contre ses longs poils dévastés, à la recherche d’une explication.

J’aurais préféré qu’il n’y aille rien à défendre. Qu’un amas fabriqué, un objet tel un autre, une habitation vide. Mais je sais, je sais qu’à l’intérieur d’autres corps comme celui-ci m’attendent. Je sais que parmi eux, le risque de retrouver ceux de mon époux et de son fils. La peur luit parmi l’iris pourtant habituellement brave de ma compagne. La lionne électrique m’effleure de son museau, perdue, en proie d’une douleur que je devine aux spasmes qui agitent ses jambes. Malgré sa souffrance, elle me repousse, de ses dernières forces. M’intime à agir. Mais je suis immobile. Je retiens un sanglot, mais je n’ai rien à pleurer. Je refuse de la laisser ainsi et pourtant je dois l’abandonner à son sort. À l’intérieur, un tout autre combat m’attend. Je prie Arceus pour que les autres furent aussi chanceux. Pour que Weston et Benjamin soient en sécurité à l’Arène. Où n’importe où ailleurs. Les questions, elles viendront après. Je me contente de me relever, comme résignée. Marionnette de mon destin. En laissant derrière moi mon amie, ma protectrice, celle à qui je dois la vie et qui cette fois seule m’a failli. La maison m’attend, et avec elle des réponses auxquelles je ne suis pas préparée.

Auxquelles je ne serai jamais. Hercules, Silver et Teigon m’attendent dans l’obscurité du long corridor. Les murs, déchirés de traces de griffes et d’éclats brûlés. Le combat fut rude. Chaque coup donné plus violent que le dernier. Un combat pour la vie. Si Hercules est aussi inconscient que ses précédents camarades, Teigon tremble contre le plancher, retenant dans ses bras un corps inanimé. Son regard, rouge, injecté de sang, ce regard épuisé, vaincu, hagard. Ce regard qui a vu la mort. Je réalise trop tard qu’il s’agit de celle du Dimoret qui repose, sans vie, contre sa poitrine. Le choc est tel que je titube. La négation me heurte, l’éternité s’effrite entre mes doigts. Le Zoroark pleure. Je ne l’ai jamais vu pleurer. Pourquoi faut-il qu’il pleure?

«Teigon…»

Ma voix me paraît si raide. Lointaine. Mon cœur n’est plus qu’un tambourinement inégal tandis que je me penche pour récupérer la pauvre créature entre ses bras. Je me souviens de notre première rencontre, parmi les montagnes enneigées, de ce jour où il a choisi de me suivre parmi ma vie mouvementée, parmi mon existence de dangers et de vérité. À présent, celle-ci doit-elle se résumer en une énumération de victimes? Les larmes ne viennent pas même, simplement une immense douleur. Un vertige. Une impossibilité. Pourtant bien réelle. Je n’ai plus la force de continuer, pas avec la culpabilité qui enfin me regagne, qui m’étrangle. S’il est mort, c’est par ma faute. Et son meurtrier, probablement pas bien loin, un lâche.

Et elle lève les yeux, elle n’est plus que feu et rage, destruction et honte. Elle n’est qu’une ombre, ce murmure qui vous tire un frisson, celui qui vous éveille au fond de la nuit.

Continuer. Hantée, toujours, par les cadavres jonchant mon passé récent. Contre ce couloir soudain inégal, je m’avance, cette fois encadrée de mes deux seuls alliés présents sur ma personne au moment de mon arrivée. Aria ouvre la marche, ses épaules tendues de douleur tandis qu’elle repense à Silver que nous avons laissé à son protecteur. Golden me suit de près, trop près, prête à me rattraper. Mais je ne vais pas tomber, pas maintenant. Avancer demeure la seule solution, même si je dois courir à ma perte. Dans la grisaille régnant sur la demeure, je murmure le nom de mon allié tombé, la poitrine contractée dans un étau. Le choc, trop difficile à accuser. Je poursuis ma progression vers la cuisine, chaque pas teinté d’horreur devant les vestiges des combats qui auront laissé la maison abîmée. Une trace de sang contre un mur me tire un frisson. Mais la cuisine est vide, presque intacte. De la grande fenêtre, offrant une vue sur le patio et la cour, je constate autre chose. Dans la piscine repose la carcasse de Jeda, vaincue, son expression encore plissée de douleur. Je l’entends gronder, appeler, mais personne ne vient pour elle. Non loin d’elle, je vois Nemeroff, Nemeroff qui est si jeune, recroquevillé contre elle. À l’instar de Pharos, on lui a brisé les ailes. Je me détourne de cette vision tandis que Aria grogne, incapable de faire face à la souffrance de ses camarades. Je ne cherche pas à la calmer. La même fureur me dévore. Golden nous observe, d’apparence insensible et détachée. Je sais qu’elle flanchera à son tour, plus tard. Pour le moment, elle réfléchit.

«Je ne vais pas partir, Golden, pas maintenant. Je dois m’assurer que Weston et Ben… Je dois retrouver Kinu, Dot et Peach. Et le responsable de tout ceci.»

Au-delà de la crainte de retrouver le meurtrier de mon allié, l’angoisse de ne pas le faire me pèse. Jusqu’à présent, je n’ai pas cherché les réponses qui s’imposent d’elles-mêmes. Car je sais. Je sais très bien qui. Je sais très bien pourquoi. Après avoir détruit mes camarades, ils m’ont cherchée. Un d’entre eux m’aura vendue. L’Alakazam hoche la tête et je discerne dans ses prunelles sombres la flamme de la colère et du désespoir. Je me détache d’elle de quelques pas, ouvre un tiroir du comptoir de la cuisine. Dans un compartiment secret, elle m’attend. Elle me scrute dans l’obscurité, éclair argenté que je retire de ma main tremblante. L’arme pèse lourd contre ma paume. J’en défais la sécurité, parcourue d’un frisson de terreur et de remords. Le métal du pistolet me paraît glacé, un froid qui me consume à mon tour. Alourdie, je fais signe à mes alliées de me suivre tandis que je m’engouffre dans l’escalier en direction du deuxième étage. Chacun de mes pas grince contre les marches de bois. L’étage supérieur m’accueille par un silence. Le soleil en déclin projette des ombres à mes pieds. Je progresse dans l’obscurité éclairée par les flammes de la Roitiflam qui ouvre la marche. Et à l’extrémité du couloir, une lumière. Une voix. Un coupable.

Mes pas accélèrent. Je dépasse Aria qui cherche à me rattraper. Je dévale le couloir, mon arme à la main, prête à ouvrir la porte. Mais un grognement m’en empêche. Je fais volte-face. Dans l’entrée de la chambre de Benjie, deux silhouettes familières sont étendues. Peach semble presque dormir, enroulée contre elle-même, son pelage en désordre. Kinu, lui, me scrute intensément. De ses yeux ambrés je lis la détresse, la honte et la culpabilité. Du sang s’échappe de sa gueule et de trop nombreuses coupures et brûlures. Je caresse son museau, défaite. Mon héros est tombé, que puis-je contre l’ennemi qui nous attend derrière la porte? Dans un murmure, je lui demande ce que je n’ai osé réclamer savoir jusqu’à présent.

«Weston et Benjamin…?»

Ma voix s’étrangle. Je combats les larmes. Lentement, Kinu secoue la tête et je mets un moment à comprendre sa négation. Ils ne sont pas ici. Ils ne sont pas ici. Ils sont sains et saufs, pour le moment. Je ferme les yeux, chassant les larmes que je retenais jusqu’à présent. De l’autre côté, mon ennemi a gagné. Je n’ai pas l’intention de l’affronter. Pour protéger les miens, je devrai me rendre.

«Je suis désolée, Kinu. Tu veilleras sur eux, n’est-ce pas?»

Sa carcasse s’ébroue tout à coup. Son regard rivé dans le mien, il m’affronte, refuse ce que je viens de lui nommer. Refuse mes adieux. Je pose mes mains contre son dos, tendre, compatissante. D’entre tous, il aura été le plus dédié, mon meilleur ami, mon protecteur. Je ne sais pas si les vivants manquent aux morts. L’hésitation s’effrite entre mes mains tandis qu’avec une lenteur accompagnée de soubresauts, je me redresse. Malgré les protestations étouffées de toux du reptile, je lui fais face, solidaire dans sa misère. Soudain le temps m’alourdit, synonyme de souvenirs. Tant de chemin parcouru et nous voici à la croisée des chemins, incapables de livrer le combat auquel nous nous préparions depuis longtemps. Déployée, vaincue, mon armée a failli et son général doit aujourd’hui se rendre. Mon capitaine a rendu les armes, ne combat plus que pour me dissuader. Au-delà de la porte à mon opposé se tient un ennemi que je ne pourrai pas vaincre. De le réaliser me couvre de peur. Que pourront Aria et Golden pour se défendre contre ceux ayant détruit le plus fort d’entre eux? Mes poings se serrent, la rage m’anime. Tant de sang innocent écoulé. Je scrute la porte en me demandant le véritable responsable. Ne suis-je pas complice de son œuvre, moi qui les ai tous menés dans ce combat? Cette décision doit mettre fin à la souffrance de ceux que j’ai entraîné malgré moi dans ce monde de terreur et de désillusions. Je veux me battre, je dois me battre. Mais ce soir je dois renoncer à ma lutte. Pour Weston et Benjamin. Pour tous mes proches qui risquent de subir le même sort. Ce soir, je dois mourir.

La porte s’ouvre sur une chambre intacte hormis quelques détails. D’abord, une présence bordant la fenêtre, la silhouette d’un homme de taille moyenne, aux prémices de la trentaine, portant un manteau noir où repose un masque blanc. L’encadrant de sa haute stature, un Pokémon que je ne reconnais pas, à mi-chemin entre l’homme et le félin, ainsi qu’un autre, un Drakkarmin. Tous deux portent d’importantes marques de blessures. J’y reconnais les marques désespérées de mes compères s’étant défendu pour leur vie. Lorsque l’homme se retourne, sa manche porte une trace de dents qu’il tient de ses doigts tremblants. Kinu. Une satisfaction éclate au creux de mon ventre tandis que je braque mon arme sur la tête du responsable. Au moins il l’aura eu. Goûté sa chair. Je me ravis de la souffrance évidente sur les traits de mon adversaire, qui m’accueille d’un sourire posé, presque accueillant. Un long frisson me parcoure devant la familiarité que ce visage m’évoque. Car cet homme, je l’ai déjà rencontré, quelques fois. Adam Bradford, tout comme moi Gagnant d’une Compétition passée. Je constate qu’il s’est récupéré en soldat du Régime. La honte et le dégoût me consument désormais. Je ne peux oublier avoir serré la main de celui ayant désormais ordonné la mort de Silver. Mon doigt hésite contre la gâchette du pistolet qui tremble entre mes mains. Je veux me battre, je dois me battre.

«Victoria. Bienvenue. Je t’attendais, heureusement tu n’as pas été longue à arriver.»

Dans sa voix je devine un effort mesuré pour contenir la douleur qui lui déchire le bras. Je connais parfaitement cette douleur. Lors d’un cauchemar de l’Aligatueur, j’ai eu droit au même traitement. Une simple erreur dans mon cas. Dans le sien, une intention féroce de défendre sa demeure, ses proches et sa maîtresse. Si je ne peux que deviner la plaie sous les pans déchiquetés de sa manche, je m’imagine sans mal l’état lamentable de la chair en dessus, broyée par les mâchoires destructrices de mon allié. Muscles et nerfs pour y passer, sa peau plus qu’un lambeau ensanglanté. Son membre ne sera plus jamais le même. Il n’oubliera jamais, même s’il doit souffler nos existences ce soir. Je tremble désormais, la colère presque suffocante au creux de ma gorge. Entrave profonde empêchant le passage de mots ou protestations. Devant mon mutisme, il poursuit.

«Enfin, Victoria… Nous pouvons dire les vraies choses, désormais. Azmitia. Tes camarades Résistants ont couiné comme des porcs.»

Ma main frémit avec une telle intensité que je redoute de lâcher mon arme. À mes côtés, Golden et Aria attendent mon commandement. Si l’Alakazam exprime le même calme résigné, sa comparse Roitiflam brûle de haine. Le félin et le Drakkarmin me surveillent sans s’alerter. Ils sentent ma peur, savent que malgré l’envie, je ne tirerai pas.

«Je me demande ce qu’ils m’offriront pour toi. Tout un honneur que tu m’offres d’être celui ayant finalement découvert la vérité.»

Il s’exprime de phrases courtes, d’un fort accent anglophone. Lui comme tant d’autres aura cherché la gloire au sein de la Compétition avant de se retrouver mêlé des histoires politiques de l’île. Néanmoins, il a choisi le mauvais camp. Adam sourit de nouveau, s’approchant de quelques pas qui tirent un grondement à la guerrière à mes côtés. Golden lui lance un regard lui intimant au calme. Déjà, elle calcule les possibilités et trajectoires de cette rencontre. Encore, elle cherche à me protéger. Elle n’aurait qu’à tendre la main pour me téléporter loin d’ici, à la recherche de renforts. Mais je n’ai pas le luxe d’attendre de l’aide. Weston et Benjamin pourraient rentrer d’une minute à l’autre et courir le risque de subir le même sort.

«Tu ne parles pas? Tu peux baisser ton arme, je ne suis pas venu ici pour te causer le moindre mal.»

Je m’enflamme. Le sang envahit ma bouche là où j’ai entravé ma langue de mes dents.

«Tu as tué Silver.»

Ma voix n’est qu’un faible murmure abîmé contre la rage au creux de ma gorge. Ma phrase fait naître dans ses prunelles pâles une once de surprise, comme s’il l’ignorait.

«Oh. Une commodité nécessaire. Je ne suis pas venu ici pour faire semblant, Azmitia. Tu comprendras que j’ai une mission, un devoir. Silver… well he was in my way.»

Je respire à peine, le sang contre mes tempes m’étourdissant de sa fureur.

«You fucking asshole.»

Mon tour de parler anglais. Ce juron me paraît si faible, si faible pour exprimer ma douleur et ma rage. Néanmoins, l’insulte le rend mal à l’aise. Il s’assoit contre le lit pour me scruter, comme calculant ses prochaines paroles.

«Donc… qu’est-ce que tu veux faire maintenant?»

Lui éclater la tête. Réduire sa cervelle en une bouille épaisse de neurones et de cendres. L’esprit d’un être comme lui doit nécessairement s’en constituer. Je scrute prudemment mon ennemi, incapable de comprendre le sens de son questionnement.

«Nous n’allons pas nous regarder comme ça toute la journée, hein? J’ai une proposition à te faire, j’apprécierais que tu baisse ton arme.»

Ma main hésite tandis que la Roitiflam se remet à gronder. Le sourire qui anime le félin aux côtés de l’homme me distrait de ses paroles. Peu importe ce que son maître s’apprête à me proposer, je doute d’apprécier l’offre. Néanmoins je baisse mon arme, tout en la gardant contre ma cuisse, avide et tremblotante. Un nouveau soulagement se peint contre les traits de mon ravisseur tandis qu’il replace une mèche de ses cheveux bouclés contre son crâne. Ses gestes se font nerveux, imprévisibles. Je les guette un à un, protégée désormais de la seule présence de mes alliées à mes côtés.

«Dis toujours.»

«You know we don’t have to fight on different sides. You and I, we are the same. Winners. Fighters. We…»

«Tu dis «nous» encore une fois et je te jure, je tire.»


Il se tait prestement, ses lèvres pincées dans un rictus pensif et insatisfait. Cet échange me rappelle les combats que je livrais, il y a une éternité me semble-t-il, au cœur des Arènes d’Enola. Le jeu, la stratégie, l’exercice psychologique se livrant deux adversaires. Et moi avec comme seul rempart que ma force brute qui s’oppose à ses tentatives tentaculaires de m’atteindre. Nous comparer, et puis quoi encore? Se croit-il dans un mauvais film? Il change aussitôt de tactique, testant mes défenses d’une offensive qui me tire un sourire narquois.

«Vas-tu te taire, you bitch? You guys think we are the bad guys. Vous vous pensez si purs, regardez-nous, les héros de la nation! But, we all have our needs. Yours is to protect your family. Weston et Benjamin, those are their names, right?»

Si je n’ai de réponse qu’un profond silence, tout en moi hurle et se débat. Ces noms, dans sa bouche, tempêtent sous mon crâne. Ces objectifs, ces promesses faites à mon époux de ne jamais les mettre en danger, maintenant inaccessibles.

«Ne sois pas stupide. Je t’offre une place parmi nos rangs, éponger tes crimes, let’s say we are friends now, that sounds good right? But you work with us, you train with us. And that family of yours well… is finally safe.»

Safe. En sécurité. Le mot me paraît si lointain, l’expression même de mes désirs depuis des mois et des années maintenant, une utopie que je caresse du doigt, charmée malgré moi par la perspective.

«Je sais que tu crois faire la bonne chose, Azmitia. Mais sérieux, ce peuple que tu défends n’en a rien à foutre. People don’t care about what happens to you. At least now you can protect the ones who actually give a damn about you. Ça n’a rien à voir avec la justice ou l’égalité ou la dignité humaine. It’s about what’s important.»

Rien au monde ne m’importe plus que ma famille. Mais les joindre serait tout autant de les condamner.

«Tu crois vraiment que je vais croire ta foutaise, Adam? Soyons réalistes ici. Le Régime ne pardonne pas les offenses. Les articles que j’ai écrits ne s’effacent pas, les écrits restent. D’une façon ou d’une autre, je paierai, et mes proches avec.»

«Pas si tu travailles pour nous. Immunité pour le gamin et ton époux.»

«J’en une autre proposition à te faire. Je me rends. Tu auras ce que tu veux, tu veux ta promotion, ta gloire, tu l’auras. Mais vous les laissez tranquilles.»

«Well… that I can’t do. Tu vois, ils sont complices de tes actions criminelles. À ce point-ci, je n’aurais qu’à en décréter l’ordre pour qu’ils soient exécutés sur place. But this is just between you and me now. We have a chance to turn this around.»


Mon sang se fige. Juste lui et moi? L’espoir rejaillit, étincelle frémissante entre mes doigts. Je m’y raccroche, m’accorde une respiration. Parmi les ténèbres, un rai de lumière, une fine ouverture, l’entrebâillement d’une porte. Une possibilité. L’instinct, la pulsion profonde de la survie, me poignarde douloureusement l’esprit en éliminant les conséquences. Ma main contracte celle de Golden qui, à ma gauche, comprend aussitôt l’allusion. Mon adversaire ne soupçonne pas la portée de ses paroles, dissimulée sous un masque neutre teinté de souffrance. Je joue contre cette fine ligne, cet instant de grâce, cette faille parmi son armure. Mon existence s’écrie, se cambre, refuse le triste sort auquel je me résignais quelques instants plus tôt. Lorsque mes doigts quittent ceux de l’Alakazam, je ne pense plus qu’à ce cœur battant, qu’à cet espoir. De toutes mes forces, je me jette contre Aria, la projetant au sol, tandis que la pièce explose autour de nous. Le Psyko renverse tout dans la chambre, y compris le Drakkarmin et son dresseur. Seul le félin gronde encore, sur ses deux pattes, avant de se jeter contre le Pokémon psychique qui s’empresse de se défendre. La Roitiflam a déjà quitté mes bras, se ruant sur l’adversaire avantagé de Golden. Leurs corps s’entrechoquent brutalement. Flammes et autres rayons dévastateurs zigzaguent dans la pièce, détruisant tout sur son passage. Je me fraie un chemin parmi les débris, cherchant à tâtons mon arme échappée lors de ma chute.

J’ignore si Adam a survécu à l’impact, si mes alliés parviennent même à se défendre contre les assauts rageurs de leurs assaillants. J’échappe aux éclats, les vestiges d’une vie passée, des biens matériels amassés qui aujourd’hui reposent en cendres. À plusieurs reprises, je dois me pencher de justesse pour éviter le feu rageur du félin ou de la Roitiflam, je ne saurais dire. Le plancher tremble tandis que je me traîne, cherchant de gestes imprécis le pistolet à m’en écorcher les mains. Lorsque mes doigts rencontrent enfin l’arme sous une couche de débris, je redresse la tête. Le chaos. Plus qu’une pièce aux murs calcinés, sans dessus, sans dessous, et deux adversaires osant encore se battre, épuisés. Aria et le félin se livrent de ses combats qui ne peuvent se terminer par la mort de l’autre. Le chat humanoïde griffe profondément le poitrail de mon amie, me tirant un cri désorienté. Je me relève, prenant appui contre le lit, étourdie par la proximité du combat. Une fraction de seconde, une inattention. Le félin s’est retourné vers moi, une seconde d’attention de trop. Les bras de la Roitiflam l’entourent, le hurlement qui s’échappe de sa gorge n’a plus rien du petit cochon rencontré au pied du volcan il y a trois ans. Elle est le feu, la rage, elle est destruction. Les os craquent, le souffle s’éclipse d’un long sifflement désespéré. Le félin retombe, disloqué, tandis que sa meurtrière le considère avec froideur. Je la scrute, la gorge serrée, bouleversée par son geste que je savais nécessaire. Son regard rencontre le mien, à des miles et des miles de moi. Puis, de loin, elle me revient, l’étendue de ce qu’elle vient de commettre alourdissant ses prunelles. Fatiguée, ses yeux s’embuent. Elle gronde à mi-voix incapable d’accuser l’horreur.
Bang.
Bang.
Bang.


Trois coups. Sourde, je m’écrie tandis que la silhouette criblée de balles d’Aria rejoint celle de son adversaire. Sa tête heurte lourdement le sol, ses yeux encore ouverts sur ce dernier geste posé. À l’opposé de la pièce, il se tient, son propre pistolet tenant à peine dans sa main, celle de son bras blessé. Le regard fou, la lèvre retroussée contre une rangée de dents ensanglantées, le choc du Psyko l’aura laissé affaibli, meurtri, vacillant. J’ai couru, à contre-courant, vers le corps sans vie de mon amie échouée contre celui de sa victime. Mes mains tremblent, mes os s’entrechoquent, et la bile me monte à la gorge tandis que la douleur explose à nouveau dans ma poitrine. J’émets un son, entre le gémissement et le grondement de rage, une expression étouffée s’échappant de mes tripes qu’on aura poignardées. Je scrute son visage de doigts bouleversés, incapable d’articuler son nom. Mon cœur n’est plus que ratés et hésitations, ma respiration s’engage dans l’oubli. Mon corps entier n’est plus que souffrance, qu’un tsunami d’émotions qui menacent de me détruire. Dans mon dos, toujours la menace, je la sens contre moi. Je suis la prochaine. Je me redresse d’un élan étourdissant, rattachée encore à ce filin d’espoir, à ce rai de lumière, celui rendu possible par l’implication de la Roitiflam. Son existence pour la mienne. Je n’ai pas le droit, pas maintenant. Je veux me battre, je dois me battre.

Le temps se fige. Dans l’obscurité de la pièce, plus que la lueur meurtrière des canons qui se font face, l’éclat primitif de nos prunelles. Et à nos pieds, l’enjeu ultime, la vie et la mort. Adam oscille, faible, sa main incertaine contre son fusil. La mienne n’a jamais été si droite. Elle s’élève sans hésiter. La peur s’insinue en lui alors qu’il tente désespérément de viser.
Bang.
Il a raté sa cible.
Bang.
Il tombe. La balle a traversé sa gorge, d’un dernier souffle étouffé, il s’éteint.

Rouge.
Le coup de tonnerre retentit encore sous mon crâne. A brisé mon corps de tremblements. Lourd, tout est lourd. Je l’échappe contre le sol. Un nouveau «bang». Où est-ce mon cœur? Je ne le sens plus. S’est-il arrêté? Par ratés il titube. À mes pieds, l’éclair argenté du pistolet, son canon encore chaud du passage du projectile. À mes pieds, le rouge, le rouge sur la moquette. Profond, ses reflets comme des ténèbres qui vrillent mon âme. Dans la mare qui s’étend, je peux voir le reflet aux traits figés de mon visage. L’horreur. La peur. L’éclat translucide de sa peau parcourue de veinures nerveuses. Plus encore, cette lueur sauvage, animale, de mes prunelles. La sueur recouvrant ma lèvre supérieure, redressée sur une rangée de dents qui claquent. Et hormis ce son bouleversé, plus rien d’autre que le néant, le silence stérilisé, et avec lui l’odeur métallique du sang. Je tente une respiration, m’étouffe de la bile qui jaillit de ma gorge. Tout mon corps se projette de l’avant, je dois reculer précipitamment pour éviter le rouge, le rouge qui par éclaboussure recouvre déjà finement mes vêtements, et peut-être un peu mon âme. Mes mains s’engourdissent, je me redresse sans parvenir à regarder le cadavre à mes pieds, incapable de l’éviter toutefois, prisonnière de l’action commise. Je recule d’un pas, la panique ascendant contre ma trachée d’où un cri mêlé de sanglots émerge, suivi de plusieurs autres. Semblants de mots hachés, tranchés des sons agonisants de ma respiration désaxée.

Seule. Je m’effondre dans les ténèbres. Engloutie.
Je m’éveille, des heures, des jours, des siècles plus tard. Dissimulée dans la garde-robe de la chambre de Benjamin, je tiens Peach contre mes genoux qui, endormie, semble animée de cauchemars. Aucun souvenir des gestes m’ayant mené à trouver refuge ici. Mais l’éveil me défait brusquement de l’état latent dans lequel je baignais jusqu’alors, l’éveil brutal, violent, me tirant un gémissement d’une douleur d’origine inconnue. De mon corps ou de mon esprit, la souffrance s’avère insupportable. Parmi l’obscurité, une seule source de chaleur, une once de familiarité et de support, l’odeur candide des vêtements de Benjamin. Mon fils.

Au dehors, le claquement de pas contre les marches de l’escalier. On me recherche. Parmi les corps blessés de mes compagnons, les débris et les traces de sang. Tant de rouge. Doit est-ce être l’enfant candide de découvrir l’horreur dont j’ai promis de le préserver? On tire le rideau, on me découvre. Je me bute à un masque métallique que j’effleure de mes doigts tremblants, une supplication silencieuse. De cesser l’ambiguïté. De taire la douleur. Je ne parviens pas même à parler tandis que la silhouette se recule. Je reconnais la cape grise de mon collègue Résistant, une perspective qui ne me rassure qu’à moitié. Mes prunelles perdues ne posent pas même la question. Allié ou ennemi? L’inconnu retire lentement son masque en l’abandonnant à ses pieds. Devant moi se tient une femme âgée certainement de la fin quarantaine voire davantage, ses traits tirés par la douleur et la résignation. Elle soupire avant de cueillir ma main avec tendresse.

«Tu es sauve. Je vais t’emmener au Centre Pokémon de Baguin, nous serons en sécurité là-bas.»

Je ne dis rien. Mon esprit s’embue de nouveau. Je suis fatiguée.

«Oh Mercedes…»

L’inconscience me happe encore une fois.
Noir.
(c)Golden


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Rouge |OS Part 3| (contenu violent, langage vulgaire)

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