Le telephone qui sonne de bon matin, en plein petit déjeuner. L’ ingénieure décrocha le combiné sans regarder le nom de la personne inscrite sur l’écran. Mais elle sentit une tension dans son corps en entendant cette voix si familière, elle se sentit aussi amère en entendant cette voix qu’elle avait tant aimé et aussi haï par moments.

« Julianne? »
« Rei… Maman. »
« Bon anniversaire ma chérie! »
« Eh mais c’est pas… Ah si c’est aujourd’hui. Bah merde… Euh,  j’veux dire, merci, hein. C’est sympa. »
« Je ne vais pas te déranger longtemps, je sais qu’il est tôt et que tu dois avoir beaucoup à faire aujourd’hui… J’espère juste que tu vas bien. »
« Euuuh… Non, non, j’ai rien de prévu non. J’vois pas pourquoi. Enfin, ouais, t’inquiètes pas, ça va bien… »

Dit-elle, peu sûre d’elle. Son Neitram était dans un coin du salon et l’observait d’un air inquiet, percevant bien l’anxiété de sa maitresse qui en était venue a se ronger l’ongle du pouce. Depuis que le Neitram avait rendu certains souvenirs à Julianne, cette dernière voulait absolument mettre les choses au clair, mais n’était pas parvenue à trouver ces mots avant de passer ce coup de fil à Reine, qui lui permettrait d’avoir suffisamment d’explications a propos d’un certain nombre de choses.

« Vraiment, rien de prévu? Même pas un amoureux? »
« Maman…. »
« Ahah. Je ne vais pas t’embêter, pardon. Mais… Saches que j’ai peut-être été chiante avec ça, mais c’est ta vie, Julianne. Tu as le droit d’aimer qui tu veux. Et si il y a quelqu’un, je serais ravie de le rencontrer un jour. »
« Oui mais, euh… C’est… C’est pas le cas, vraiment. »

« C’est ta vie », hein… Alors… Pourquoi tant de choses de sa mémoire lui ont échapé? Depuis l’autre jour, Julianne s’est mise à douter de tout ce qui concerne son passé. Au moins, une des certitudes qu’elle a est d’avoir pu devenir ce qu’elle est maintenant : une ingénieur de génie, par elle-même. Mais du reste… Et si les souvenirs que lui avait rendus Enkidudu étaient faux? Et si Reine lui avait menti… Si c’est elle qui avait fait ce choix de lui subtiliser ses souvenirs.

« Tout se passe bien, alors, je veux dire, rien de nouveau? »
« Euh… je… Bah, en fait y’a… euh… »
« Julianne? Tout va bien, tu es sûre? »
« Reine… Maman, je, euh… S’il te plaît, écoutes-moi j’ai… L’autre jour… Enkidudu, mon Lewsor, il a évolué et… »
« Enk a évolué? C’est super! »
« Oui mais… Pas tant que ça en fait. »
« Comment ça? Il est arrivé quelque chose? »
« J’ai… Je me souviens de tout, Reine. J’ai vu la clinique ou je suis née. Je me souviens quelques années plus tard, quand je devais entrer à l’école primaire, ces papiers qui tu me cachais toujours. Mais tu sais que j’ai fini par tomber dessus. Je me souviens quand tu m’as hurlé d’oublier ce que j’avais vu… mais maintenant, je sais. Je me souviens que sur ces papiers, il y avait ce que tu refusais que je sache. Le nom de mon père. Zlat- »
« … Ne parle pas de lui… Qu’est-ce que tu insinues au juste… »
« Reine… Réponds-moi honnêtement. Est-ce que c’est toi qui a fait en sorte que j’oublie tout ça? »
« … »
« Reine, réponds, bordel! »
« Oui, je l’ai fait, tu es contente?! Je suis allé voir quelqu’un spécialisé dans l’hypnose et les Pokémon Psy, et il a fait le travail… Saches que tout ça c’était pour ton bien… Je ne voulais pas te perdre, que tu prennes le risque de rencontrer cet homme tu… je voulais juste… »
« Tu voulais juste m’avoir rien que pour toi. C’est bon, je sais. Je suis pas débile, j’ai bien compris. Ta fille adorée ne devait surtout pas être touchée par le terrible monde extérieur. Eh bah tu sais quoi, c’est réussi! T’en fais pas, je sais que j’serais tout le temps seule, parce que… Parce que tu m’as appris que le reste du monde n’en valait pas la peine. J’suis paumée a cause de tout ça, tu le sais? T’en fais pas, je te pardonnerais pour tes mensonges, paniques pas. Tu seras toujours ma mère mais… Sérieux… j’suis assez grande. Assez grande pour savoir la vérité et voir les choses comme elles sont, s’il te plaît… Ne me mens plus. »
« Julianne je… »
« Ne dis plus rien. Je vais raccrocher… Merci d’avoir appelé et… Désolée. »

Juliane décolla le combiné de son oreille et raccrocha d’un simple tapotement de doigts sur l’écran tactile. Le silence se fit dans l’appartement et l’ingénieure posa son front sur la table sur laquelle elle était en train de prendre son petit déjeuner. Ce serait tellement plus facile si elle n’avait pas retrouvé ses souvenirs… Mais elle ne pouvait pas en vouloir a Enkidudu d’avoir fait cela pour elle. Le Neitram pensait bien faire. Et puis, comme Julianne l’a dit, elle est assez grande, désormais : assez grande pour tenter de voir le monde comme elle le veut, sans être plus altérée par la vision craintive et paranoïaque de Reine qui l’a malgré tout un peu contaminée. Elle restera toujours la même mais cela fait trop longtemps qu’elle a l’impression de piétiner et de déléguer au temps ce qui aurait du être fait depuis désormais 27 ans. Qu’importe ses craintes et tout ce qu’elle ferait pour tenter de procrastiner sur ce but qu’elle se fixait, les possibles mauvaises surprises qu’elle aurait , il fallait qu’elle rencontre cet homme un jour ou l’autre. Son regard se porta vers le balcon vide, ou Buster prenait l’air, il se tourna vers sa dresseuse, l’air soucieux. Il la vit alors partir en direction de sa chambre puis en sortir quelques minutes plus tard, habillée et apparemment prête pour sortir. C’est sans son consentement qu’il commença à la suivre. Normalement, a cette heure du matin le dimanche, Julianne partait soit s’abrutir sur ses jeux vidéos, soit marathonner vite fait un anime, alors la voir sortir à 9h, avec cette expression désabusée sur le visage, c’est tout sauf rassurant.  En plus, elle était tellement absorbée dans ses idées noires, qu’elle ne s’aperçut pas de la présence de son Boguérisse, même quand il monta avec elle dans l’ascendeur et ne se cacha même pas.

Ainsi, il la suivit jusqu’au port ou l’ingénieure a toujours aimé aller en cas de coup de bleus. Il le sait parce que les autres fois aussi, il l’avait suivie. Non, non, le Boguerisse n’était pas du tout du genre à développer des tendances de stalkeur, vous vous faites des idées. Maintenant qu’elle longeait les vagues, toujours avec le regard… dans le vague, elle finit par s’arrêter au milieu du chemin pour prendre un bâton et commencer à faire des dessins sur le sol. Un plan de robot géant, probablement. Car oui une des idées noires stupides de Juju dans ces cas-là, c’est qu’elle a une idée fixe qui est celle qu’elle n’arrivera jamais a réaliser son rêve de construire un robot géant. En ce moment, elle imaginait un superbe mecha à la Diebuster. Avec un sorte de grande cape faite de sorte de panneaux solaires qui absorbent l’énergie décuplée par ses ennemis, et qui peut transformer ses bras en bouclier en joignant ses poings l’un contre l’autre. Quand elle termina son dessin, elle releva les yeux vers l’horizon et ce qu’elle vit faillit lui faire couler des larmes de joie. Son mecha était apparu devant elle il  était nimbé de la magnifique lumière du matin, encore fraiche, encore belle! En fait, ce n’était pas tout à fait un vrai mecha, mais son Blindépique qui venait d’évoluer, m’enfin quand même, il ressemble à s’y méprendre au magnifique mecha de ses rêves. Le Blindépqiue eut l’air un peu désabusé en voyant la réaction excessive de sa maitresse qui tomba presque à genoux, les mains jointes, plus qu’admirative devant cette superbe apparition. Il y a bien un moment ou elle se rendit compte que ce n’était « que » son Blindépique, et à ce moment-là, elle revint à la réalité et aux choses sérieuses en s’en apercevant.

« Bordel, je devais marathoner les OAV Giant Robo ce matin, qu’est-ce que je fous encore là?! »

Et c’est ainsi qu’elle oublia (encore) totalement ses ennuis auxquels elle ferait mieux de penser plus souvent. Oh, mais, ça pouvait bien attendre encore un peu à ce rythme, là, non?