Expérimenter
Évolution de Lilith
Clive n'aime pas les tâches de sang.
C'est vrai depuis toujours ; elles ont tendance à le dégoûter profondément. Même avec son expérience d'assassin et ses quatre années passées au service du régime en tant qu'assassin n'ont pas fait grand chose. Il ne vomit plus, n'a plus la nausée devant la moindre flaque, l'odeur ne lui agresse autant qu'avant les narines et il ne cille même plus lorsque des gouttes lui retombent sur le visage. C'est-à-peine s'il a une moue dégoûtée, en fait. Néanmoins, il n'aime pas les morts violentes ; le sang qui gicle, les cris étranglés et terrorisés, tout ça ce n'est pas son truc. Il ne prend pas son pied comme beaucoup d'autres, en fait. Il fait juste son job, et cela l'agace un peu, toutes ces images grotesques. En vrai, cela le gonfle complètement. Ce n'est pas pour rien qu'il préfère les flingues ; c'est simple et rapide. Toutefois, son job implique parfois un peu plus de créativité et de subtilité que ça, et il doit faire avec. Alors aujourd'hui, il a l'intention de tester quelque chose de nouveau, quelque chose qu'il a travaillé en secret avec Azazel pendant une petite semaine pour s'assurer de la perfection de cette technique. C'est un perfectionniste certes, mais la mission d'aujourd'hui est suffisamment facile pour qu'il ne prenne pas de risques ; il a par ailleurs décidé qu'il allait lui-même s'occuper de celle-ci. Depuis sa promotion, il passait plus de temps à gérer les autres et à s'occuper de la paperasse, mais cela ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas se permettre de mettre la main à la pâte lui aussi.
En fait, avouons-le, c'était surtout la curiosité scientifique de Clive qui l'avait poussé à faire cela.
Pour l'instant, tout se déroulait comme il le souhaitait. Sa cible était une femme, âgée d'environ trente-sept ans. Elle vivait seule dans un appartement d'Anula, avec son Ponchiot comme seul garde du corps. Il avait cru que neutraliser le pokémon serait difficile, mais Ezekiel l'avait rapidement rétamé ; il fallait croire que le Ponchiot était bien plus faible que l'on aurait pu le croire. Il ne l'avait pas tué, loin de là. Tuer les pokémon, ce n'était pas dans son job et il était hors de question qu'il se rabaisse à une telle bassesse ; s'il pouvait limiter les victimes au strict nécessaire, alors il le ferait. Il bénissait pour cela le petit sérum anesthésiant que Azazel lui fournissait régulièrement. Cette petite merveille pouvait endormir un pokémon pour une bonne demie journée, et lorsque le Ponchiot se réveillerait, certes difficilement mais il le ferait tout de même, il n'y aurait plus personne.
Sans un mot, il laissa le chien s'endormir alors que Ezekiel continuait de grogner sur la cible ligotée. Clive l'avait rapidement immobilisée ; elle n'était qu'une informatrice sans grandes défenses après tout, et contre un homme entraîné à des tâches plus... Disons plus cruelles, elle n'avait pas eu beaucoup d'espoir. Il l'avait installé au sol, et le revolver dans les mains de Clive l'intimidait suffisamment pour qu'elle ne tente pas de bêtise. Le Malosse aux côtés de celui-ci aidait sûrement beaucoup à cela.
Sa future victime le défiait toujours du regard, insolente et impertinente. Tant mieux.
« Qu'est-ce que vous voulez ? »Un rictus amer et amusé étira les lèvres du brun qui s'accroupit pour caresser la tête du Malosse qui continuait de grogner à ses côtés.
« Je pense que vous le savez, et nous serions tous deux idiots de débuter un interrogatoire. Je ne suis pas venu ici pour récupérer les informations que vous avez volé, un autre de mes collègues s'en est déjà occupé il y a peu. »Son interlocutrice ne comprit pas durant les premières secondes, mais peu à peu, Clive pu voir la réalisation qui s'emparait d'elle alors que ses traits se peignaient lentement de la marque de l'épouvante. Sa réaction était quasiment théatrale, et le rictus du brun n'avait pas quitté ses lèvres. Il ne s'amusait pas de ce qu'il allait faire, loin de là, mais de la façon dont tout cela était si répétitif. Combien de fois avait-il eu cette conversation ? Il en avait perdu le compte.
« Le...
- Oui, l'homme qui vous a invité à prendre un café ce matin. Je suppose qu'il a dû récupérer la clé USB alors que vous... Enfin, vous m'avez compris. »Oui, d'après la teinte cramoisie des joues de l'autre, il avait visé juste ; Azazel avait bien usé de cette technique-là pour récupérer les infos, le fourbe. Il en aurait levé les yeux au ciel s'il ne devait pas garder une apparence de froideur totale devant elle.
« Je vais vous demander de rester le plus immobile possible. Cela serait gênant pour la suite.- De quoi est-ce que... »La question mourut dans la gorge de l'aînée lorsque celle-ci réalisa qu'une ombre se dessinait et qu'elle indiquait la présence de quelque chose au dessus d'elle. Un silence s'installa, que Clive ne rompit pas. Il n'aimait pas ce qu'il allait faire, mais... Mais il fallait le faire. Parce que c'était son job. Parce qu'il devait le faire. Lilith la Mimigal se tenait au dessus de la tête de la femme, reliée au plafond par un fil de toile. Clive recula un peu, ne souhaitant pas témoigner de ce qui allait se passer en zoom.
La Mimigal descendit lentement, et les traits de sa proie se déformèrent sous les effets de l'horreur qui s'emparait d'elle. Apparemment, sa phobie des araignées était bel et bien réelle ; elle était tout simplement paralysée, incapable de faire le moindre geste. Ses yeux étaient écarquillés et ses pupilles dilatée ; sa respiration paraissait même être devenue plus rapide. Clive en aurait fini rapidement en temps normal ; une balle dans la tête et c'était fini, ou même un coup de couteau, mais il ne fallait laisser absolument aucune trace. Pas même une goutte de sang. Clive avait bien pensé au poison, mais il n'en avait pas sous la main et cela aurait pu interférer avec les efforts de Lilith ; il fallait bien vérifier ses capacités.
Il chassa ces regrets de sa tête ; pas le temps de se perdre là-dedans.
« Vas-y, Gipsy. »Ce surnom puéril était resté ; bien que l'araignée s'appelait officiellement Lilith, les blagues répétées d'Azazel sur Gipsy et sa gouttière avait fini par convaincre Clive qu'il pouvait bien se permettre de l'appeler ainsi quelques fois.
À peine l'ordre prononcé, la Mimigal s'attelait à l'accomplir. Elle descendit le long des épaules de sa cible qui frissonnait et tremblait comme une feuille dorénavant. L'étincelle de courage dont Clive avait témoigné tout à l'heure semblait s'être envolée à l'instant même où elle avait réalisé ce qui allait lui arriver.
L'araignée commença à dérouler sa toile au niveau des épaules de sa proie et à en faire le tour, laissant pour seule trace de son passage les épais fils blancs. Elle continua sans un mot, enroulant progressivement la femme de sa création bien solide ; la toile d'un Mimigal, celle qu'elle réservait à ses proies, était bien plus résistante que ce que beaucoup aurait pu penser. Le principe était simple et quasiment enfantin, mais efficace. Au bout d'une trentaine de secondes, la Mimigal était déjà descendue jusqu'en bas de la poitrine ; toute la zone supérieure, en dehors du cou et de la tête, était enveloppée dans les fils de la Mimigal, comme pour une momification. La victime commença à gigoter et à sangloter, mais Clive fit la sourde oreille et prit une grande inspiration. Il ignora les suppliques qui avaient l'effet d'aiguilles plantées dans sa poitrine, et continua d'observer, parce qu'il le fallait.
Il fallait plus de sept minutes à l'araignée pour envelopper le reste de la partie inférieure. Visiblement, vu la façon dont la femme gigotait, les fils étaient vraiment résistants. Néanmoins, la peur et le désespoir qui envahissait la proie paraissait lui donner une force inespérée. Si inespérée que les fils au niveau des genoux commençaientt même à se déchirer, lentement mais sûrement. Elle le remarqua immédiatement, et bougea de plus belle pour tenter de se libérer.
Effort inutile au final ; Clive se prépara à tirer en cas de problèmes, ou même à donner un coup suffisamment puissant pour la calmer. Toutefois, cela voulait dire que la Mimigal avait échoué et c'était bien domm-... age ?
L'agacement de voir son travail être balayé dû être de trop pour la Mimigal dont la colère irradiait littéralement de son petit corps. Clive haussa les sourcils et s'immobilisa, attendant patiemment la suite des événements. Son comportement était peut-être irresponsable, mais son instinct lui disait qu'il devait attendre, et il lui obéit.
Sa patience fut récompensée lorsqu'une forte et intense lumière entoura la Mimigal. Clive observa, un peu éberlué mais par pour autant moins satisfait, comme le prouvait le rictus qui se dessinait lentement sur ses lèvres au fur et à mesure que la forme de l'araignée se faisait plus imposante et massive. Même la femme s'était stoppée dans ses gigotements désespérés. L'officier ne pu s'empêcher de trouver une grande satisfaction en cette évolution ; ils avaient tant travaillé et s'étaient tant entraînés que même dans ces conditions, il ne pouvait être que fier. La Migalos qui se tenait maintenant sur sa victime était bien plus impressionnante et terrifiante qu'avant, ce qui l'aurait fait crier d'horreur si l'araignée n'était pas aussi proche d'elle. Clive cru bon d'intervenir avant que cela ne dégénère en violence inutile.
« Pas de sang. » rappela-t-il d'un ton ferme.
Parce que oui, c'était la consigne à respecter ici. Il y avait bien une raison pour laquelle il l'avait choisi pour cette mission, nom d'un Caninos.
Entendre cela parut donner du courage à la femme qui recommença son manège.
« Ne vous débattez pas, cela ne rendra le processus que plus désagréable encore. Je ne promets pas que Lilith ne sera pas tentée par le poison. » menaça-t-il d'une voix neutre mais pas pour autant moins teintée d'un avertissement clair et direct.
Cela suffit, d'autant plus que la Migalos, agacée par les sanglots de sa proie, avait fini par entourer sa bouche et sa mâchoire de toile, la faisant définitivement se taire. En plus, les fils de Migalos étant bien plus solides que ceux de Mimigal, il n'y avait plus aucun espoir pour sa victime, et celle-ci le savait. Les larmes continuaient de couler, et Arceus, parfois Clive détestait son job. Pourtant, il ne pouvait pas se permettre la moindre compassion s'il voulait réussir.
Il ne fallut qu'une minute à la Migalos nouvellement évoluée pour recouvrir le visage et le cou de sa proie avec sa toile. C'était là que commençait la partie pour laquelle tout ce travail avait été fait ; la mort par étouffement.
Oui, la quasi momification n'avait que ce but là. C'était certes beaucoup de temps (à peu près 15 minutes), mais cela permettait au moins de ne pas faire tomber une goutte de sang. Avec l'expérience et de l'entraînement, peut-être que dix minutes serait un temps possible.
L'énergie que le désespoir pouvait donner étonnait toujours autant Clive ; même si se débattre était inutile, accélérait carrément le processus, la pauvre victime le faisait tout de même. Le brun pouvait l'entendre, grâce au silence absolu dans lequel la pièce était plongée, tenter désespérément de se saisir de la moindre bouffée d'air et pourtant d'encore et encore échouer. C'était un combat qu'elle avait déjà perdu mais qu'elle s'obstinait à vouloir mener ; Clive ne pouvait que respecter cela. La Migalos s'immobilisa, tout comme Ezekiel, pour observer le déroulement de la chose. C'était une mort assez affreuse quand on y pensait ; la sensation d'impuissance alors que la sensation de brûlure dans les poumons ne faisait que de grandir... Puis, petit à petit, la poitrine se rabaissa et se releva très lentement avant de se stopper complètement.
C'était fini.
Clive détourna le regard pendant un millième de seconde. Temps durant lequel la Migalos en avait profité pour lever ses pattes arrières, chose qu'elle faisait au niveau du ventre de sa victime, et le brun savait exactement pourquoi elle voulait faire cela.
« Non, Lilith. Arrête. » ordonna-t-il sèchement.
Hors de question qu'il laisse la Migalos dévorer des humains. Ça, c'était non ; il n'était pas arrivé à ce niveau d'horreur non plus. Pour le corps, il faudrait le brûler, et Clive allait donc le ramener dans un endroit où cela serait fait. Sans un mot, il fit sortir Castiel de sa pokéball. Il offrit un sourire satisfait à Lilith qui paraissait ravie d'avoir fait plaisir à son maître, avant de la rappeler dans sa pokéball. La Migalos serait un atour considérable dans le futur, il le savait.
« Cass, on y va. »Et sans attendre plus longtemps, le Tarsal les téléporta, emportant avec eux toutes preuves de leur passage et de ce qui venait de se passer ici.