Camouflé dans l'ombre d'un bâtiment voisin, j'observe attentivement les bureaux du régime se vider peu à peu au fur et à mesure que la nuit approche. Les lumières s'éteignent et la ville se plonge dans une obscurité presque totale quant enfin, après plusieurs heures le soleil disparaît derrière les montagnes de l'île. L'immeuble est vide, enfin. Seul reste les deux hommes chargés de garder le bâtiment et ses documents confidentiels. Je revois une dernière fois mon plan, simple mais efficace. Voler ces informations sera un jeu d'enfant, une vraie partie de plaisir.

Je fais signe à mon Zoroark qui comme convenu se tient près à l'assaut sous une forme que je lui ai rarement vu revêtir... Celle d'un Rondoudou. Pourquoi pas après tout, sa mission est simplement de me débarrasser de ces gardes et si la méthode conventionnelle le lasse (je parle bien entendu de celle où il s'agit de frapper dans le tas) alors qu'il s'amuse. D'un signe de tête je lui donne le signal et d'une démarche maladroite il se précipite vers les soldats.

" Rondoudoudoudou... Rondoudou, rondoudou... "

Méfait accompli. Je sors de ma cachette, Stelmaria sur mes talons et je rejoins la boule de poils rose qui se dandine devant l'entrée, fier de lui.

" Allez, on se dépêche avant qu'on ne nous remarque. "

D'un geste habile, j'ouvre la porte en crochetant la serrure et je me glisse dans l'obscurité de l'immeuble. Je suis à l'aise dans l'ombre, mes yeux sont accoutumés à travailler la nuit et je peux compter sur l'assurance de mes amis qui marchent en silence devant moi. Je plonge ma main dans une épaisse fourrure qui me signal que Zoroark a repris son apparence, je souris. Sa nouvelle forme lui confère plus de force et de pouvoir et ses illusions sont bien meilleures. Je suis heureux pour lui et un peu fier de moi de posséder un tel pokémon, il est un véritable atout dans mon combat pour la liberté et j'espère qu'un jour nous le partagerons ensemble, ce petit goût d'évasion.

Je suis tiré des mes pensées par le grognement de Stelmaria et aussitôt, comme une réponse, la voix d'une femme nous parvient. Ce n'était pas prévu. La Léopardus me lance des regards hésitants, doit-elle s'en débarrasser ? Bien sûr que non, pas une femme. Je leur intime de ne pas bouger, je vais m'en charger. Je me glisse sans bruit dans sa direction, une proie facile, elle semble perdue, un peu désorientée aussi. Elle sait que je suis là, elle en est sûre, elle se sent menacée mais la pauvre, elle regarde dans la mauvaise direction. D'un coup je l'attrape par derrière, entourant sa taille d'un bras afin de l'immobiliser et posant une main sur ses lèvres, l'empêchant ainsi de crier.

" Ne bouge pas. "

Mon masque transforme ma voix, la rendant plus grave, plus neutre, plus intimidante. Je la pousse contre le mur, je ne suis pas très tendre avec elle mais il s'agit d'une mission importante et je ne veux pas avoir à lui faire du mal. Un si joli visage, se serait dommage d'avoir à l'abîmer. Je fais signe à Zoroark de s'approcher et de m'apporter la paire de menottes qu'il s'est empressé d'aller voler à l'un des gardes endormis.

" Aide moi à lui passer s'il te plaît. "

Oh... Je n'aurai jamais imaginé ça, jamais. Pendant une seconde, un seule j'ai pensé que peut-être, peut-être Zoroark avait enfin gagné en maturité, qu'il avait fini de jouer des farces à tour de bras... Mais non. Non. Je le regarde, méchamment, férocement et même s'il ne peut pas le voir sous mon masque il le sent, je suis en colère. Et aussitôt, il se change un adorable Germignon qui me fait littéralement fondre. Aaaah, je suis trop faible.

" On en rediscutera plus tard. "

Il a gagné comme toujours et moi, je me retrouve attachée à gamine du régime. Oh, et comme si ça ne suffisait pas, les cris qui me parviennent depuis la cache d'escalier m'indique que ça y est, on est repéré. Sans lui demander son avis, je la soulève et la jette sur mon épaule.

" Bon, changement de plan. On l'emmène. Sher, tu passes devant et tu nous fais un passage. "

Le Zoroark s'exécute et en moins de deux nous sommes dehors. La priorité est de nous cacher, la forêt sera un endroit parfait pour cela.

Dark Vador... Je bouillonne intérieurement.

" Quand on est dans ta position, on la ferme habituellement. Et mes pokémons sont parfaitement dressés et entraînés. On ne peut pas en dire autant de ta lionne qui tremble comme une feuille dans un coin. Tu pensais que je ne l'avais pas remarqué hein ? Tu as de la chance, ma Léopardus n'y touchera pas si je ne lui en donne pas l'ordre. Alors veux-tu que je te montre s'ils ne sont pas bien dressés mes pokémons ? "

Je resserre un peu plus mon étreinte sur elle. Ce qui arrive est un accident de parcours, il aurait pu être évité assez simplement mais trop tard, le mal est fait et pas question de me faire prendre à cause d'elle. Je soupir, quelle plaie vraiment. Une gamine si bavarde en plus... Une pipelette quoi. Elle pourrait au moins avoir un peu peur de moi, trembler sous mes menaces, me supplier de la laisser, ça ça me ferait plaisir mais non... Non, madame continue de m'insulter. Je soupire, l'idée de la faire taire ne me manque pas mais frapper une fille est contre mes principes enfin.. Si on peut appeler ça une fille... C'est un vrai monstre.

Je mords ma lèvre inférieure de frustration et je continue à courir malgré son bras qui m'étrangle, quelle chieuse. Je dois trouver un moyen de me sortir de là et de la faire taire. Je soupir de soulagement quand presqu'aussitôt, comme un réponse à mes problèmes, j'aperçois la rivière qui traverse la ville, face à moi. Voilà mon salue.

" Léopardus, reviens. Zoroark, je compte sur toi. "

Je rappelle la féline dans sa pokéball et je me précipite vers la rivière dans laquelle je plonge sans hésiter une seule seconde, nous laissant porter par le tumultueux courant. Je bats des pieds pour nous ramener à la surface et nous y maintenir.

" Si je coule, toi aussi gamine alors fais un effort. "

Heureusement pour nous, Sherlock se précipite à notre rencontre sous la forme d'un adorable Mustéflott qui m'offre un soutien précieux afin de ne pas couler. Nous nageons ainsi sur plusieurs kilomètres afin de sortir d'Amanil et d'entrer dans la forêt qui borde la ville. Je commence à fatiguer. L'une de mes mains retiens mon otage qui refuse toujours de coopérer tandis que ma main libre s'accroche à mon pokémon qui fait de son mieux pour nous tirer tous les deux et qui semble lui aussi à bout.

" Sortons ici Sher. "

Le Zoroark nous ramène sur la rive sur laquelle je me hisse et m'écroule sur le dos afin de souffler quelques minutes. Ma respiration est saccadée, et mon masque m'empêche de reprendre haleine correctement. Mais peu importe, je me redresse et je rappelle mon ami à sa pokéball en le remerciant et lui intimant de se reposer. Pourquoi tout ne se passe jamais comme on le souhaite ? Je soupire et je reporte mon attention sur la demoiselle.

" Bien joué. Heureusement que les nuits à Amanil ne sont pas trop fraîches. "

Je retire ma veste, un chance que mes manches s'ouvrent et je le jette sur la demoiselle comme un vulgaire porte manteau.

" Débrouille toi pour retirer ton pull. "

Pourquoi je fais autant attention à elle. Après tout je m'en fiche si elle se blesse, si elle est exténuée, si elle a froid ou même si elle se noie. Elle ne représente rien de plus à mes yeux que l'une d'entre eux. Elle travail au compte du régime et elle est fière de se cacher derrière des soldats qui font plus de victimes chaque jour, qui oppressent et terrorisent la population afin de conserver le pouvoir. Oh oui, elle est fière de ça, de ce qu'ils ont fait, des vies qu'ils ont prises, des familles qu'ils ont détruit, une nation entière est tombée sous leur joug et pourtant, ils ne sont jamais satisfaits. Et elle prête cette allégeance à des traîtres qui la remplaceront sans aucun remord si elle venait à se faire tuer. Des déchets, des moins que rien... Et personne ne pleurera sa mort, personne ne s'en occupera, elle sombrera simplement dans l'oubli et sur sa tombe seront simplement gravés quelques mots d'hommages auxquels personne ne prêtera attention car il s'agit de la routine, d'une routine dévastatrice qui ne laissera rien derrière elle que le souvenir diffus d'une mort supplémentaire.

Je me retourne et je la dévisage. Oh, elle ne porte pas de veste ni de pull. Juste une chemise d'une transparence qui me fait sourire, un peu. Elle essaye tant bien que mal de dissimuler son soutien à gorge mais je n'y prête plus vraiment attention après quelques minutes, j'ai l'esprit ailleurs. Le silence s'installe un instant me permettant de m'assurer que nous n'avons pas été suivi mais il est de courte durée. Ses paroles me tirent de mes songes et si elle ne m'a pas encore sauté à la gorge je suppose que c'est parce qu'elle est épuisée.

" Profiter de toi ? J'ai bien autres choses à faire là tout de suite. Ce n'est pas ce soir que je vais retirer ce ravissant soutien à gorge bleu mais si tu as si froid, on peut s'arranger. "

Je soupire alors qu'elle me tire de force afin de s'adosser à un rocher. Les traces sur mon poignets commencent à entamer ma chaire. Quelle plaît.

" Oh calme toi, je vais pas te faire de mal. "

Elle parle trop, beaucoup trop. Et elle a froid aussi, elle semble frigorifiée. Je soupire et j'attrape la pokéball de Wisp à ma ceinture.

" J'ai besoin de toi ma jolie. "

La feunarde émerge alors dans une lumière bleutée et aussitôt elle se presse contre moi afin de réclamer quelques caresses. Je la serre et je lui marmonne quelques consignes. Elle hoche vivement la tête heureuse de me faire plaisir et se précipite vers la jeune femme contre laquelle elle se serre afin de la réchauffer de son épaisse fourrure. Je me rapproche d'elles d'eux, et je les regarde.

" J'ai juste besoin de toi pour quelques renseignements. Si tu coopères, je ne te ferai rien. "

Et si tu ne coopères pas, je ne te ferai rien non plus, je suppose. Elle ressemble à une gamine avec ses cheveux mouillées, comment je pourrai me résigner à lui faire quoique se soit. Je soupire et je regarde autour de moi histoire de fixer autre chose que son chemiser transparent. Je remarque soudain qu'il fait sombre, très sombre et que a forêt qui m'est habituellement si familière me semble inconnue, inquiétante et pleine de dangers. Je dois me faire des idées.

Elle a l'air encore en colère. Oui bon, je l'ai taquiné sur son soutien-gorge mais ce n'est pas une raison pour me foudroyer du regard mademoiselle. Je soupire tandis qu'elle continue à me réprimander vilainement, comme un gamin à qui on ferait la morale. Je ne suis pas du genre patient et je pense atteindre mes limites là, je les ai même dépassées.

" Tu vas te taire oui ? Sais-tu dans quelle position tu es ? Si j'avais voulu te prendre je n'aurais pas attendu ton consentement alors arrête de crier au loup. "

Elle s'en fiche de ce qui peut lui arriver. Mais elle en a de la chance, elle ne s'en rend pas bien compte et pourtant. N'importe quel autre mec peu scrupuleux qu'il soit résistant ou fasse partie du régime, l'aurait croqué toute crue dans cette position et puis merde. Je mords ma lèvre en soufflant brièvement quelques injures presque inaudibles. Je préfère continuer à l'ignorer. Qu'elle parle, qu'elle se moque, qu'elle me casse les pieds, je m'en fiche. Une vraie garce, voilà.

Je la regarde se blottir contre l'épaisse fourrure de Wisp avec envie. J'ai l'impression que chaque seconde passée ici est un plus fraîche et mes vêtements mouillés n'arrangent rien. Je soupire, ma Feunard a le droit à quelques compliments elle, quelques sourires et quelques caresses. Veinarde va, si elle se rendait compte de sa chance... Car moi, tout ce qu'elle m'accorde sont des grimaces et quelques aboiements de plus quand je m'approches d'elle. Un mignon chaton ? Moi ? Je vais lui en donner du chaton mignon moi, quelle blague.

" Et toi alors ? T'as pas fini de faire ta dure à cuire ? Ca t'apporte quoi de m'aboyer dessus à chacune de mes questions. Un vrai toutou du régime tiens. Pour ne pas dire une chienne. "

Je m'apprête à continuer lorsqu'un cris à vous glacer le sang nous parvient de l'autre côté de la rivière. Je frissonne, je connais cette forêt mais la nuit, ses habitants ne sont pas des plus tendres. J'ignore le regard froid qu'elle me porte et je me concentre sur la rive opposée.

" Lève toi, on s'en va. "

J'attrape son poignet pour la forcer à se lever et surtout à se dépêcher. Nous sommes en danger, sa vie comme la mienne alors ne traînons pas. Je rappelle Wisp dans sa pokéball, craignant qu'elle ne soit effrayée et sans attendre que mademoiselle soit prête, je la tire en avant, la forçant à me suivre d'un bon pas. Nous devons sortir d'ici au plus vite.

" Des Dusknoir et des Branettes sauvages. "

Je ne veux plus l'entendre, elle et ses remarques acerbes qui vous prend aux tripes et qui vous les retourne au delà des mots. Elle sait où taper et comment faire mal et ça m'énerve. Je pense que je préfèrerais prendre des coups de pieds, oh si je lui demandais ça pourrait s'arranger mais peu importe. Ses mots sont durs et d'autant plus qu'ils me mettent face à la vérité afin de me critiquer, de me blâmer, de me corriger et de m'affaiblir. La violence verbale laisse-t-elle des marques comme le font les coups et autres brutalités physiques ? Bien entendu. Cependant les mots blessent parce qu'on y prête attention c'est pourquoi à mon sens ils sont si faibles face aux actes et pourtant si poignant. Mais c'est fini, je ne vais plus l'écouter ni chercher à me venger, je ne vais plus rentrer dans ce petit jeu qui l'amuse tant. Alors en réponse à ses agressions et peut-être aussi histoire de faire retomber la pression, je me mets à chantonner un air d'Eddy Mitchell, calmement.

Je marche devant elle d'un pas rapide et assuré. Esquivant chacune des branches et des racines qui me tendent des pièges. Combien de temps marchons nous ? A travers la nuit il est difficile de juger de la distance parcourue cependant il me semble qu'un bout de chemin a été fait lorsque des ombres se rapprochent, menaçantes. Elles avancent en groupe, comme une meute en chasse et leur étreinte se resserre autour de nous, empêchant toute fuite. Merde, merde. Je recule et heurte son dos. Je bascule ma tête afin de distinguer sa situation. Mademoiselle a fait appel à un Galekid, bonne idée. Je devrais en faire de mê... Je suis brusquement englouti par le passé. Enlevé par des chimères que je pensais oubliées. Mes cauchemars refont surface plus vrais que jamais et sous le bruit d'une explosion mon coeur sursaute dans ma poitrine. Ma respiration est saccadée et toute la douleur de mes souvenirs me tombe sur les épaules, comme un poids qui m'écrase. Je suffoque, l'angoisse me ronge de l'intérieur. J'essaye de me ressaisir face aux scènes qui s'offrent à ma vue, toutes plus amères les unes que les autres. Ressaisis toi Lucas, c'est terminé, c'est fini. Tu le sais, mieux que quiconque. Tu as déjà assez souffert, ça suffit. Tu n'es plus seul.

Je porte ma main à ma ceinture à la recherche de la pokéball de Sherlock que j'appelle en renfort afin de me dégager de leur emprise. Sans même un ordre, le Zoroark déchire les ténèbres d'un attaque Tranche Nuit qui me libère. Je souffle, encore sous le choc des visions qui ne cessent de repasser en boucle dans mon esprit. Je me redresse brusquement en entendant la dresseuse et je me jette sur elle.

" Non, ne regarde pas. "

Je glisse une main sur son visage afin de cacher sa vue tandis que mon bras entoure sa taille de manière à la serrer contre moi. Je ne sais pas pourquoi je veux la protéger mais c'est instinctif, comme une petite soeur ou une personne aimée. Peut-être est-ce le sentiment de terreur partagé qui me donne cet élan de tendresse car je ne souhaite à personne de revivre ses anciens vices.

" Ca va aller, ne les écoute pas, ils ne sont que des souvenirs, des évocations de ton passé qui ont cicatrisé alors ignore les. Ne te fais pas plus de mal. "

Je suis incapable de savoir ce qu'elle partage avec ce Noctunoir mais au chaud contact de ses larmes sur ma main, je devine que c'est un mauvais moment. Sa terreur m'inquiète, elle se met à crier, à sombrer peu à peu dans la folie. Mais c'est compréhensible. Revivre les instants où l'on a tout perdu en en jour, un instant, comment est-il possible de tenir le coup alors que la première fois, il n'était déjà pas aisé de survivre.

Elle gémit, elle tremble, elle pleure contre moi mais je ne peux rien faire à part tenter de la retenir, l'obliger à rester avec moi, ici dans ce monde désolé qui nous a volé tout ce que nous avions. J'ai beau lui parler et la serrer contre moi plus fort à chaque sanglot, elle continue de se laisser ronger par la folie peu à peu. Merde, elle se laisse engloutir et demeure sous la surface. Je la secoue, je tapote ses joues, j'essaye de la remonter pour qu'elle prenne une bouffée d'air mais alors que je perds espoir, sa voix déchire le silence. Elle revient à la raison, s'adressant à la sombre chimère de ses cauchemars. Sa respiration saccadée s'apaise et je souffle moi aussi, de soulagement. Ma main sur son visage glisse dans ses cheveux tandis qu'elle s'agrippe à mon bras.

" Oui c'est ça. Une illusion... Juste une illusion. "  

Je desserre mon embrassade en constatant que je la serre si fort qu'elle peut à peine bouger et peut-être respirer aussi. Et sans attendre, elle ordonne à son pokémon de se débarrasser de ces gêneurs d'une attaque Griffe Acier qui me surprend. Les ennemis disparaissent les uns après les autres derrière les ombres des arbres et dès que le dernier a fuit, je me laisse aller. Mes muscles contractés se détendent, la pression retombe, la peur aussi et avec elle l'angoisse. Mon coeur bat la chamade et je suis presque sûr qu'elle peut l'entendre comme je sens le sien tambouriner dans sa poitrine. J'écarte les bras pour la laisser se dégager de mon étreinte et je suis du regard chacun de ses mouvements. Elle tremble tant que j'ai peur de la voir s'écrouler à dans les prochaines secondes.

" Tu vas bien ? Tu n'es pas blessée ? Physiquement, je veux dire. "

Je me relève avec son aide sans la lâcher des yeux tandis que elle... Evite de croiser mon regard. J'esquisse un sourire discret et victorieux. Je sais qu'elle a souffert de cet affrontement mental mais elle n'a pas fini de s'en vouloir, elle a montré ses faiblesses à la personne qu'elle déteste le plus en cet instant et ça, son silence m'indique que son ego n'est pas prêt de s'en remettre. Par contre, le mien se porte à merveille. Malgré tout, un " Merci " s'échappe à ses lèvres. Je ne discerne que peu de sincérité dans sa parole mais ça fait quand même un peu plaisir. Et aussitôt prononcé, elle se remet en marche, tirant sur les menottes pour m'obliger à la suivre. Sans broncher je lui emboîte le pas.

" Tu es sûr que ça va ? Je ne t'entends plus beaucoup. "

Oui, une pointe d'ironie est perceptible dans mes paroles mais derrière ça ma question est sérieuse, très sérieuse. Elle semble épuisée, prête à s'écroulée et très vexée aussi.

" Tu aurais peut-être préféré que je te laisse te faire dévorer par ces pokémons et que je ne ramène à ta famille et à tes amis qu'une coquille vide, privée de son âme ? "

J'ai réveillé le lion qui dort, voilà ma première pensée. Loin de moi l'idée de la relancer, aucune de mes questions n'avaient pour but de la rabaisser ou de lui faire du mal même si la pointe d'ironie de ma dernière demande était peut-être mal placée, je ne lui ai pas craché à la figure alors pourquoi elle se met dans des états pareils. Elle n'est pas la seule que la situation dérange, elle n'est pas la seule à avoir souffert, à être épuisée, à être psychologiquement détruit. Mais ça, mademoiselle est bien trop occupée à s'inquiéter de soi pour le remarquer, bien sûr. Mais moi je suis différent d'elle, très différent... Si ça peut lui faire du bien de s'énerver contre moi alors qu'elle se défoule, qu'elle me balance tous ce qu'elle a sur le coeur, si ça lui fait oublier un instant ce qu'elle a vécu alors soit, qu'elle m'inonde de reproches, de remarques acerbes et de paroles blessantes.

" Jouer les héros ? Hm. Pourquoi as-tu rejoins le régime toi ? Probablement la même raison pour laquelle je me suis rangé du côté de la résistance. "

Cette fois-ci, c'est moi qui fuit son regard, c'est moi qui cherche à m'éloigner d'elle. Mes paroles sont vides, fatiguées comme si mon existence commençait à peser lourd sur mes épaules. Je laisse sa colère s'abattre sur moi sans chercher à résister ou à me dégager de son emprise. Qu'elle me frappe si ça lui fait plaisir, qu'elle me fasse mal et qu'elle se fasse plaisir, peu importe.

" Ca te fait chier ? De t'être trompée à mon sujet. Ca t'énerve de constater que moi aussi j'ai un coeur et une morale. "

Je me mets à rire bêtement sous mon masque, peut-être la fatigue s'empare t-elle de mes émotions mais c'est drôle, ouais. De quel droit me juge-t-elle sans me connaître ? Elle aimerait que je la blesse pour lui donner raison, que lui fasse mal, que je la malmène pour prouver ce en quoi elle croyait jusqu'à maintenant mais si c'est ce qu'elle attend de moi alors elle se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude.

Je ris de plus belle quand elle me menace, un doigt pointé sur moi. Elle est vraiment remontée là, à bloc. Mais je m'en fiche et comme un gamin, je l'ignore, reprenant quelques airs de Goldman pour faire passer le temps. Et ça, ça l'exaspère, elle attrape mon tee-shirt afin de me malmener un peu plus. L'exaspérer, moi ? Je souris, fier comme un con. Parce que là à cet instant, ça me fait plaisir, ça me fait du bien, ça me réveille un peu.

" Tu parles beaucoup pour ne rien dire tu sais. Agis, fais quelque chose. Si tu veux retirer ses menottes alors démerde toi, comme la grande fille que tu es. "

Je tire sur les menottes afin d'approcher mon visage du sien. Montre moi donc comment tu vas te débrouiller puisque tu es si forte.

" Je te regarde faire. "

J'ai l'impression de parler à un mur. Elle est furieuse, de plus en plus, j'aimerais être loin quand elle va éclatée mais malheureusement pour moi c'est impossible. Mais si elle espère pour autant que je vais la laisser tranquille... Ah ça non, pas après toutes ces remarques blessantes et ses réflexions hargneuses et puis c'est bien trop amusant de la voir en colère, qui bouillonne intérieurement se retenant de me sauter à la gorge. Elle a du mordant la petite et j'aime ça alors je vais continuer, jusqu'à me lasser de ce petit jeu à sens unique, comme on s'ennuierait d'une relation amoureuse. Et si on pimentait le divertissement ?

Je tend ma main libre vers son visage et attrapant son menton entre ma main je le soulève, la forçant à me faire face, l'empêchant de fuir ou de détourner le regard.

" Tu es une enfant, juste une gamine capricieuse et lunatique. Où est le joli minois que tu m'as montré tout à l'heure tiens ? Ce visage confus inondé de larmes car détrompe toi, je ne suis pas fier de t'avoir sauvé, oh nan, ce dont je suis fier, c'est d'avoir pu assister à cette scène où tu te laissais complètement emportée, comme un débutante. Tu t'agrippais à moi me suppliant presque de ne pas te lâcher, de ne pas t'abandonner. "

Je m'en veux, je regrette ces paroles après les avoir prononcées sans réfléchir mais je suis furieux moi aussi et la colère cette courte folie ne nous dicte pas des mots de sagesse, bien au contraire.

" C'est demandé si gentiment que je ne peux que refuser. "

Elle se met à me bousculer et à me pousser à travers les arbres. Enfin, elle agit, la brutalité s'empare de ces gestes et chacun de ces coups est un peu plus fort comme si son assurance augmentait avec sa résolution de me faire mal, de me détruire. Mais soudain, alors qu'elle s'apprête à en finir avec moi, le sol cède sous mes pas et le vide m'attire vers l'arrière. Nous chutons le long du pente raide, roulant sur nous même dans une herbe épaisse qui amortie chacun de nos tours. Enfin, le manège s'arrête et je retiens un gémissement lorsque nos corps s'immobilisent, mes muscles endoloris réveillés brusquement par la douleur. J'essaye de me redresser lorsque je constate qu'elle semble bien installée, là, assise à califourchon sur moi. Je ferme les yeux, persuadé que ça y est, elle va en profiter, elle va en finir avec moi, elle va enfin se libérer de mon joug. Mais contre toute attente, elle s'inquiète de ma santé, oui c'est bien de l'affolement que je perçois dans sa voix. Je ne la comprend pas, vraiment pas. Elle m'a a sa merci, elle peut se débarrasser de moi et trouver un moyen de filer. Mon Zoroark n'est même pas là pour me défendre alors qu'est ce qu'elle attend ? Elle est stupide ou quoi ?

" Ca peut aller. "

Et c'est quoi cette position. Cette fille est l'enfer, réellement. Je crois qu'elle ne se rend toujours pas bien compte de sa situation... Je soupire en contemplant l'endroit où nous avons atterrit histoire de me changer les idées. Nous sommes dans une petite clairière découverte. Les rayons lunaires qui percent à travers les nuages se reflète dans le lac qui miroite à leur contact. Le silence s'installe entre nous pour la première fois depuis que nous sommes entrés dans cette forêt et je ne sais pas si elle a pris un coup sur la tête ou si le lieu l'a enchanté mais son visage s'adoucit et la phrase qu'elle m'adresse, rompant le calme de ce tableau saisissant me fait frissonner et je ne trouve rien à répondre tandis qu'elle s'écarte pour s'allonger contre moi, contemplant les timides étoiles qui pointent le bout de leur nez.

Mais contrairement à elle, ce n'est pas les étoiles que je contemple et que je cherche à discerner, c'est elle. C'est ses yeux bleus attirants habités d'une vive lueur enfantine qui contrastent parfaitement avec ses cheveux en bataille d'un rouge flamboyant qui trahissent assurément son caractère bouillant et plein de vie. C'est ses courbes délicieuses qui épousent parfaitement son corps et ce sourire innocent sur ses lèvres captivantes qui semblent me faire signe comme une invitation. Merde, je suis envoûté.