Cela fait quelques jours que j’en ai fini avec la première partie de la compétition Enolianne, et accessoirement, que je vis sans appendicite. Et je m’en porte très bien, ce truc est inutile, de toute façon. Officiellement je suis encore convalescent, mais en faisant un peu de forcing pour sortir, même poursuivi par l’infirmière. Je déteste les hôpitaux et tout ce qui a des murs blancs en général, je ne tenais vraiment pas à rester, même si Riku y tenait. Bah, c’était bien peu de choses, et pas bien tragique. Beaucoup de bruit pour rien, en somme. Les mains dans les poches de mon jean pas très habillé pour une fois, j’arpente les rues de Vanawi avec une dégaine de monsieur tout le monde assumé. Plus les lunettes de soleil et la chemise qui rendent un peu plus classe. C’est pas parce qu’on sort de l’hôpital qu’on a pas le droit d’être classe, hein. Bon, le soucis, c’est que la douleur a beau être partie, mais l’angoisse, elle, est toujours là. Je ne peux m’empêcher d’être nerveux et de me mordiller la lèvre tout en marchant. Ce n’est pas plus mal que je sois sorti et que je suis incognito, sans Riku. J’ai vraiment besoin d’être seul pour réfléchir à ce qui va s’en venir très bientôt. Finalement, je ne suis sûr de rien. Je ne suis même pas sûr que Helmut se ramènera et qu’il n’enverra pas une dizaine de tueurs à la place pour me faire la peau avant même que j’ai pu tenter quoique ce soit. Je ne sais même pas si il tiendra le pari. Je ne sais même pas ce qu’il est capable de faire avec Ludwig pour me décourager et me faire passer pour une merde. Je ne sais même pas si il préfère me tuer ou me garder en vie.

Un gout âpre remonte le long de ma gorge et je m’arrête un instant ma marche rapide pour souffler. Ma crise convalescente me donne encore quelques relents désagréable, et les restes de produits et médicaments qu’on m’a transfusé me font tourner la tête. Ce n’est pas le moment de faiblir, Alex, putain. Mon esprit s’embrouille de nouveau, et l’anxiété  fait de nouveau s’emballer mon rythme cardiaque. Je déteste ça : douter. S’il ne s’agissait pas de mon père, je ne me donnerais pas autant de mal. Je déglutis face à une réalisation : pourquoi est-ce que je fais tout ça? J’aimerais croire que c’est tout pour Ludwig, mais je n’y parviens qu’à moitié. Je continue de penser que je ne fais ça que pour moi-même. Tout cela n’a jamais été que pour moi-même. Et probablement pour remonter la tête devant mon père. Au départ, c’était pour ça. Je voulais, je veux prouver quelque chose. Quel con. Je pensais être passé au dessus de ça. J’ai beau assumer d’être un connard et apprécier cela, j’ai tout aussi besoin de gloire. Finalement, c’est bien normal. Encore une contradiction. Pour  être franc, j’y comprends plus rien moi-même. Mais je dois dire que si je gagne ce pari et que tout se passe bien, je récupère Ludwig, et puis quoi? Est-ce qu’il y a seulement de la place pour lui dans ma vie? Le serre le poing et reprend mon chemin, même si ma tête n’a pas arrêté de tourner. Penser à autre chose… N’importe quoi fera l’affaire.

Je ne sais pas comment j’en suis venu à cet état larvaire. Comment j’en suis venu à me mettre à détester ce que j’aime. Quand je retourne sur mon parcours dans la compétition jusqu’à maintenant, je me déçois énormément. Certes, j'ai gagné jusqu'à maintenant, un sans faute formidable et magnifique. Mais pourquoi ne me suis-je pas rendu compte que je n’étais pas moi-même. Je ne me suis pas compris. Je me suis caché dernière ma sœur. Il n’y a que devant Charlotte Laurens que j’ai réellement pu combattre comme je l’ai toujours fait. Je peux bien sortir les discours que je veux à propos de « mais même déguisé en Irina je reste moi »… Non, ce n’était pas entièrement moi. Et ce n’était pas non plus pour tenter de comprendre Irina. Même si ce fut peut-être au final un hommage émancipateur. C’était débile. Vraiment débile. Je n’ai fait que me ridiculiser aux yeux d’Helmut. Il n’est pas comme moi, ce n’est pas car il m’a vu habillé comme ma sœur qu’il sera dérangé ou qu’il réussira à percevoir mon message : qu’autant moi que Irina lui ont échappé. Il s’en fout. Il veut juste mon humiliation et ma peau. Maintenant, c’est ça qui m’attend, et les matchs de ligue, très bientôt. Et je n’accepterais pas de les aborder avec mon état d’esprit actuel. Je veux m’amuser de nouveau. Pour plaire aux yeux de mon paternel, je me suis mis à me renier. Et je suis tellement furieux contre moi-même de l’avoir vraiment fait sans même m’en rendre compte. Si je n'étais pas encore à moitié foutu la tête à l'envers par les drogues qu'ils m'ont filé à l'hosto, j'enverrais volontiers voler quelques poubelles et j'irais arracher quelques ongles, trancher quelques gorges, bref... J’ai envie de me convaincre que je tuerais cet enfoiré une fois qu’il sera devant moi, mais j’ai peur… d’avoir peur. Ce qui est très fortement débile, et absurde, en soi. Mais finalement, il y a plus de six mois, j’ai ressenti cette peur, quand on voit sa fin arriver. Sentir qu’on part et qu’on ne peut rien y faire, sans même avoir accompli ce qu’on peut. Bon sang, j’ai vraiment été traumatisé. Je veux à tout prix avoir ma revanche, et en même temps j’ai eu peur de me retrouver encore dans cette situation. Mais j’ai tout fait pour me faire remarquer, aussi. Bon. Finalement, je n’ai vraiment pas envie de passer en revue toutes mes contradictions sinon dans un siècle on y est encore. Je vais laisser tomber pour cette fois. De toute façon, à quoi tout cela sert. A part sodomiser des mouches qui n'ont rien demandé.  

Je fais sortir Siegfried à mes côtés. La présence de l’énorme Pokémon acier a pour effet de me calmer, et de me garantir beaucoup de place sur le trottoir. Personne ne risque de venir m’emmerder, ainsi. Personne, sauf ce Skitty pour parait fort téméraire et après plusieurs sauts chorégraphiés à la façon d’un film de cowboy. Ce que je remarque le plus, étonnamment, c’est le foulard qu’il a autour du coup. Et, non, je ne dirais pas que c’est plutôt assez adorable et cool et que l’attitude du Skitty désormais perché sur la tête de Siegfried a fini par me tirer un sourire. Il n’a pas vraiment l’air de vouloir quitter son perchoir qui marche, et sourit de plus belle sur le destrier de métal violet, qui ne dit pas par rapport à sa présence non plus. Je hausse les épaules… Tant qu’il ne nous colle pas aux baskets toute la journée… J’ai d’autres chats à fouetter. Huhu. Ah, j’ai encore l’humeur à faire des jeux de mots pourris, c’est certainement un progrès.

Et maintenant que le Skitty s’était mis en boule pour dormir sur le dos de Siegfried, nous étions retournés à peu près retournés au calme. Ca n’a pas tellement duré car maintenant, une bande de gosses me suivaient avec des étoiles dans les yeux en voyant le Métalosse qui m’accompagnait. Et le mastodonte qui ne réagissait pas, stone comme à son habitude. Enfin, il faut dire qu’en admettant que les Métaloss et leur famille fonctionnent comme des ordinateurs très perfectionnés, les évènements venant de l’extérieur ne doit leur faire ni chaud ni froid. Du coup, comme il ne réagit pas, eh bien les gosses commencent à essayer de lui grimper sur le dos. Bordel, pas moyen d’être tranquille deux minutes… Enfin, on est à Vanawi. Et à Vanawi, y’a pas moyen d’avoir un coin désert, c’est bruyant, bordélique et.. .c’est Vanawi, quoi. Sont fous ces Vanawiens.

« Non mais vous allez nous foutre la paix les mioches?! Allez jouer ailleurs! »
« Maiiiis… »

En m’arrêtant pour faire volte-face vers eux, mo regard s’arrête sur le chef de la bande. Une sorte de déclic étrange se produit alors en moi. Ah. Je vois. Ce gamin doit avoir l’âge de Ludwig. J’ai un moment d’arrêt. Eh merde, manquait plus que ça. J’ai pas envie d’y penser. Pas envie de penser au fait qu’il faudra peut-être à l’avenir que je fasse la part des choses entre mes ambitions et mon jeune frère. Et que je l’accepte totalement comme une partie importante de ma vie.

« M’sieur, m’sieur, l’est super cool votre Métalosse! »
« Ouais, ouais, je sais, c’est bon! »
« Z’êtes pas le gars qui a gagné contre Gloria l’autre jour? »
« Qu’est-ce que ça peut t‘faire, morveux? »
« Bah, vous aviez la classe! »
« … La classe? Euh. Non, je veux dire… ÉVIDEMMENT QUE J'AI LA CLASSE! AHAHAHA! »
« V’z’êtes marrant! »

Les voila qui commencent à se marrer ensembles tout en collant de plus belle au train de mon Métalosse. Par les fesses de Cressellia, je ne vais jamais pouvoir supporter ce genre de choses si Ludwig vit avec moi, vraiment. Je roule des yeux et soupire avant de prendre uen grande inspiration.

« NON JE NE SUIS PAS MARRANT! BARREZ VOUS! »
« Roooh z’êtes pas marrant! »
« C’est ce que je viens de dire, oui. Aller, ouste! Brrr! »

L’un deux me tire la langue en partant et je lui réponds d’un « gnégnégnéééééh » fort mature en croisant les bras sur mon torse. Tout cela a réveillé le Skitty et maintenant, lui et Siegfried me fixent d’un œil blasé.

« Le premier qui dit un truc, c’est la Pokéball pendant une semaine. »

Dis-je, l’air très très sévère. Ca s’annonce vraiment mal, ma future vie avec mon frangin… Et pourquoi je me sens déjà obligé de planifier, moi, en plus?!

Les gamins ont fui sans demander leur reste, mais je ne parviens pas à me retrouver seul pour autant. Bon, certes, il y a un très gros mastodonte qui me suit, mais au moins, Sieg' est du genre très stoïque. Et même le Skitty dort comme un loir. Je sens que je vais avoir du mal à l’empêcher de me coller aux basques. Hmm… Quoique, en le retardant, je repense à quelqu’un d’assez mignon et gentil. Qui ressemblait à ce Skitty, en fait. En peut-être un peu moins téméraire cependant. Ah, oui, c’est cette fille, qui a adopté un des bébés de la portée de Lizbeth et Christopher. Ils sont grands d’ailleurs, maintenant, et ont tous quitté le nid pour aller visiter le monde. Ah, c’est beau. Enfin, oui, c’était bien cette Lia. Cette fille qui reste encore pour moi un mystère de part la générosité et la gentillesse sans borne qu’elle semble dégager sans aucun intérêt ou motif apparemment derrière. Tout ça pour dire que certes, je la connais assez peu et je ne crois pas la recroiser un jour, mais que ce Skitty serait absolument parfait pour elle. Tant pis. C’est vrai que j’aurais pu prendre son numéro mais… hm, ça aurait été pour des intérêts un peu moins louables que faire du traffic avec elle. Oh, mais, franchement, j’aurais du lui demander une petite rétribution, pour ce Sonistrelle… Bon j’ai eu plus qu’assez en voyant son visage embarrassé, oui. C’était vraiment drôle et j’éviterais de dire « jouissif », je n’ai pas très envie que tout cela devienne équivoque. Je ne dis pas que mon attitude ce jour là ne l’étais absolument pas, hein. Au contraire, je n’aurais pas dit non si elle avait été un peu moins intimidée par ma personne et qu’elle avait plus fait preuve de hm… d’audace. Je m’égare. Mais ce genre de distraction me changerait vraiiiiiment les idées, en ce moment.

Mais pour le moment, je me contenterais d’entrer dans un parc a l’air bien plus calme que les rues bruyantes de la ville de l’Est, pour m’asseoir sur un banc et me mis à observer la jeune Posipi en train de griffonner des catastrophes naturelles à même le sol. Assez prenant, je dois dire, comme spectacle. Et inhabituel. Je ne pensais pas un jour m’intéresser à l’espèce des Posipi. Non, aucune chance. Ce ne sont que des lapins… des lapins. Et les lapins baaaaah…ne sont que des… des lapins. Voila. Je crois que ceci confirme que ces créatures ne me font ni chaud ni froid. Mais, celle-là a attirer mon intention un instant, et paru flattée et folle de joie quand j’émis un rire amusé et réjouit devant le paysage de mort sanglante et de désolation dont elle tapisse le sol. Siegfried et le Skitty, semblent, cependant, bien moins affolés par la chose. Roh, laissez-dons faire aux gens ce qu’ils veulent.

C’est vrai, quoi. Elle a bien raison cette Posipi, de retracer les catastrophes naturelles de premiers temps. Ca, c’était la vraie vie! On ne pouvait pas prévoir ce genre de surprises catastrophiques et destructrices. Nous profitions vraiment de la vie, alors, quand nous étions ignorants, insouciants! Ah, que j’aurais aimé vivre durant l’antiquité, tout le monde se tapait sur la tronche sans arrêtes, et c’était jamais contesté parce que baaaah… Bah, parce qu’on était tous des barbares, voyons. Bien sur, certains s’étaient plus développés que d’autres et gagnaient plus facilement, mais cela leur arrivait d’être également surpris par une attaque imprévue. Ah, ce devait être si bon, si magnifique, ce monde méditerranéen en guerre permanente. Les guerres de conquêtes, les guerres d’indépendances, les guerres de succession, les guerres civiles… Qu’importe le motif, la guerre, c’est magnifique, quoi qu’on en dise. Des milliers de gens qui se battent de toute leur forces pour gagner le droit de continuer à vivre, écrasant ceux qui veulent leur en empêcher. Bon, bien sûr, le monde actuel a son lot de guerre, il n’y a pas eu un seul moment ou notre terre n’a pas pu voir de guerre à sa surface. Une preuve de plus que nous, humains, ne pouvons éviter notre vraie nature si terrible qui est de vouloir bouffer et écraser nos semblables,  comme les prédateurs que nous avons toujours été. Il faut toujours se préparer a ce genre de choses, ne surtout pas s’endormir sur ses acquis comme j’en ai déjà fait l’erreur. Il fut d’un temps ou je croyais être arrivé au dessus des autres, mais il n’en était rien, car je me faisais surtout penser cela pour me protéger de mes semblables. Ce qui s’est avéré un échec sur toute la ligne. Je ne cherche donc plus à me défendre ou à fuir mes semblables : j’ai décidé de les laisser venir à moi pour les affronter. Ma façon de voir les choses est certainement contestable, mais elle l’est tout autant que celle de quelqu’un qui ignorerait volontairement les conflits qui l’entourent pour s’en protéger. Je me voile certainement la face, oui. Comme tout le monde. Tout ce qui compte, c’est de continuer de me battre pour devenir le plus fort. Et ne plus jamais subir des humiliations comme celles que m’a fait subir mon paternel, les Resistants avec le Bloc R premier du nom, et quelques temps plus tard, ce que Solène Weber m’a fait subir. Même si pour le coup, je considère que cette dernière a sur m’éveiller. Certes, à cause d’elle, je me suis mis à redouter ma mort, et paradoxalement à un peu tout faire pour faire revenir cette dernière à moi. Mais je lui montrerais, à cette mort, que je saurais la vaincre elle aussi. Mon visage forme un autre sourire. Je déteste mes moments de flottement, mais au fond, je suis de ceux qui sont si insouciants qu’ils s’en remettent vite. Bien sûr, ma prochaine bataille n’est pas prête d’être gagnée. Mais je compte bien m’amuser, cette fois, et pour de bon, car c’est ainsi que je pourrais gagner.

« Ah, bah, c’est pas trop tôt, j’te trouve enfin! »
« Riku, y’a un truc que tu piges pas quand je te dis "j’aimerais être seul" ?! »
« Eh bah, quel accueil! Contente de te voir aussi! »

Ma cousine aux cheveux rouge ne m’écoute pas et vient s’asseoir à mes côtés. Elle arque un sourcil et rigole un peu sur les dessins de la Posipi qui finit par s’en aller une fois sa fresque de feu et de sang terminée, puis va les observer de plus près. Riku n’a certainement pas mon attirance pour les scènes de massacre et de désolation, néanmoins, je crois pouvoir deviner qu’elle a en commun avec moi d’en apprécier le côté spectaculaire. Notamment avec ces grands dessins. Elle semble regretter que la Posipi ne soit plus là, elle aurait certainement cherché à l’emmener avec elle. Cette lapine rouge avait en effet un caractère bien forgé et jovial qui aurait bien convenu pour un concours. Elle se redresse pour revenir vers moi et me tendre quelque chose.

« T’avais oublié ta montre à l’hosto. »

Ah, bah, merde. A vrai dire, c’est vrai que je n’ai pas envie de voir le temps passer, dans ce genre de moments. J’aimerais que tout s’arrête pour que je ne perde pas de temps à réfléchir, et pour que l’échéance n’arrive pas. Mes yeux se fixent sur le cadran, et j’observe la trotteuse tourner d’un air mauvais. Mes yeux retournent vers ma cousine qui m’observe.

« Bah… quoi? Tu veux ma photo? »
« C’est rien. »

Je remets ma montre à mon poignet. Il faudra que je lui dise, un jour. Elle ne pourra pas rester ici bien longtemps, avec le papa Nagel dans les parages. Je n’ai aucune idée de ce qu’il pourrait lu ifaire par vengeance. Et je n’ai pas non plus idée de ce qu’il me fera subir à moi non plus.

« Alex, ça va? »
« Mais oui. Crois moi, ça va bien mieux! Si on rentrait doucement? »

Dis-je en me levant pour me diriger vers la sorte du parc, ma voisine sur les talons, dans l’idée d’aller rejoindre ma voiture laissée aux environs de l’arène.

Je ne sais pas comment je peux faire part de mes plans à ma cousine. D’autant plus que mes plan ne l’incluent pas dans ce que je compte mettre en marche bientôt. Je la vois mal se mettre en danger, et c’est justement  la chose que je ne tiens pas à faire. Peut-être bien que je sous-estime ma cousine, ou que je la crois trop peureuse. Parfois, j’ai l’impression qu’hier encore elle avait 12 ans. Riku n’inspire qu’à s’amuser et à réaliser ses rêves de coordinatrice, et je n’ai pas le droit de l’en priver en risquant sa vie pour la mienne. Je n’ai jamais compté l’utiliser pour arriver à mes fins, et cela ne changera pas. Je dois m’attendre a tout lors de la venue de mon père et de mon frère sur Enola, et ce n’est pas dans mes prévisions de laisser Riku se retrouver perdue entre deux feux. Il faut que je lui en parle. Il faut que je sois enfin clair sur ce qui me tourmente depuis plusieurs mois et que je ne lui dévoile jamais, la laissant supporter mon anxiété permanente et mes sautes d’humeurs. Quelque part, j’espèce qu’elle s’éloignera d’elle-même de moi, je préférerais largement de pas avoir à lui annoncer de mauvaises nouvelles. Tant qu’à faire, je préfère dépasser les limites dans une nouvelle colère et me recevoir une énorme baffe dans la gueule que devoir… Retarder ses rêves et brimer un moment ses inspirations. Je veux juste qu’elle soit en sécurité et qu’elle ne se soucie plus de mon état. Comme si c’était possible, après tout ça. C’est moi qui l’aie laissée s’approcher de moi pour me connaître ainsi, nous sommes désormais trop proches pour faire marche arrière là-dessus.

« Pourquoi tu fais la gueule? »
« Je réfléchis. »
« A quoi? Parce que là, tu fais vraiment la gueule! »

A quoi? Elle ne veut pas savoir à quoi. Je m’arrête de marcher, puis fixe les yeux rouges de ma cousine, qui a un moment d’arrêt en voyant mon regard sérieux et soucieux des grands jours. Elle se rapproche, l’air tout aussi inquiète, pendue a des mots qui ne veulent pas sortir.

« C’est… sérieux...? »
« Je dois te demander quelque chose… »
« Alex, est-ce que c’est à propos de… »
« Riku… Est-ce que… »
« Fuck, t’es flippant, là… »
« Est-ce que la jolie infirmière t’a laissé son numéro pour moi? »

J’esquive avec un grand sourire de connard et de façon stylée la baffe qui m’arrive dans la tronche. Ma cousine commence à jurer en anglais devant ma connerie, se plaint de pas être ma secrétaire, et m'ordonne d'aller me faire foutre par des tas d’heureux élus que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Tant pis pour la discussion sérieuse, ça sera pour plus tard, on dirait! Quoi, elle était jolie, et j’ai remarqué que ça marche très bien d’user de mes charmes pendant que l’infirmière palpe la cicatrice de l’opération ; elle a vait pas l’air si mécontente et rigolait bien à mes blagues… Mais elle m’a pas laissé de numéro, à priori… Ce doit être le fiancé dont elle avait parlé. Ah la la. Tant pis. Continuons à esquiver les baffes… Et donnons en douce à ce Voltobre ce qu’il veut.