« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Pourquoi (Part II) |OS|

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Mercedes L. Blanchett
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Mercedes L. Blanchett
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MessageSujet: Pourquoi (Part II) |OS|   Pourquoi (Part II) |OS| EmptyLun 28 Mar 2016 - 19:53


♦ POURQUOI ♦OS - Part II
«Pourquoi? Pourquoi tu m’as abandonnée, Carter?»

La question retentit dans un carillon déroutant entre nous. Je scrute son visage, ses traits fatigués arrondis par la surprise devant mon emportement soudain, empreint d’une agressivité qu’il n’a côtoyé que lors de notre première rencontre ici même où il a élu domicile depuis le départ d’Adélia vers Zazambes. Malgré l’épuisement qui balaye mon corps de spasmes et de frissons, j’ai remarqué sans mal les changements opérés dans cette unité depuis que la jeune médecin n’y habite plus. L’endroit se trouve transformé, ses meubles dépareillés couverts de déchets et autres détritus, le sol mal entretenu et les comptoirs jonchés de vaisselle sale d’où s’échappe une odeur qui bien que subtile, ne me plaît guère. Je n’ai pas le temps de lui en vouloir d’avoir transformé l’appartement de sa nièce en véritable dépotoir, car mon regard s’est rivé dans le sien, à la recherche des réponses que j’ai attendu sans même le réaliser. Cette question pèse lourd contre ma poitrine alors que je raffermis ma prise, dans l’espoir qu’il se presse à ouvrir la bouche et exposer sa propre faiblesse. Peut-être ai-je envie de le voir souffrir, peut-être qu’il doit être celui sur lequel je m’acharne aujourd’hui alors que rien ne va plus. Dans tous les cas, je n’ai pas l’intention de céder, même s’il m’affronte et me résiste. Il soupire avant d’encadrer mes épaules de ses mains avec prudence, assez brave pour soutenir l’azur destructeur de mes prunelles.

«Avant, tu vas te débarrasser de tes vêtements trempés et prendre une douche chaude pour te réchauffer. J’ai encore quelques trucs d’Adélia ici qui pourront te faire.»

Je repousse brutalement ses mains en me redressant, saisie par la douceur de sa voix et le calme dont il fait preuve devant mon évidente agressivité. Sitôt remise sur pieds que la pièce se remet à tanguer et je perds pied, seulement pour me retrouver une fois de plus dans sa prise ferme. Ma tête dodeline contre sa poitrine quelques instants avant qu’il ne me repose délicatement contre le fauteuil, une once de désapprobation dans le regard.

«Mercy sincèrement, je te dirai tout ce que tu voudras entendre, mais ça ne sert à rien dans cet état.»

Les étourdissements s’accompagnent d’une nausée désagréable qui me distrait de mon objectif premier, encore flouté d’ailleurs par un jugement mis à l’épreuve par les événements de la matinée. Soudain je me sens vulnérable, menacée de toute part, effrayée encore et toujours. Je m’abandonne contre le dossier en déglutissant avec difficulté alors qu’une boule se forme dans ma gorge, les images défilant sous mon crâne. Le Régime, la prison, mon article, les ruines. Weston, Adélia, Benjie. Sa mère dans une flaque de sang. Je ferme les yeux, dans l’espoir de me calmer, sans succès. Lorsque la tête se stabilise, je m’extirpe du canapé avec lenteur afin d’éviter de me retrouver dans le même état à nouveau, avant de me diriger sans un regard vers Carter vers la salle de bain. Je ferme derrière moi avant de me délester un à un de mes vêtements trempés de pluie, un à un qui me chauffent la peau et me transpercent de froid. Tremblante et nue, j’enjambe la baignoire et active les robinets avant de me réfugier, recroquevillée, sous le jet d’eau chaude. J’attends longtemps ainsi, que le froid s’estompe, que la douleur ne coule d’elle-même, que le monde fasse sens à nouveau. Pourtant le malaise persiste. Les minutes s’épuisent sans emporter une solution à la gangrène de ce monde que j’ai tellement envie de changer, sans me soulager du poids de ma propre naïveté. Devrais-je me tenir ainsi, insensible, devant ce qui nous guette? Ou devant la peine d’un enfant qui n’a pas mérité de grandir sans sa mère? M’empêcher de souffrir en me coupant de tout ceci? Devrais-je ne plus m’en soucier?

Je ferme les yeux à nouveau, laisse les larmes amères que je retenais jusque-là s’écouler contre mes joues, disparaître au fond de la baignoire, là où personne ne pourra les remarquer. J’aimerais prétendre qu’elles me soulagent, pourtant la peur persiste. La chaleur de l’eau me réconforte un peu néanmoins. Après de longues minutes dans la baignoire, je me décide enfin à m’en extirper et fermer le jet. Je déniche une serviette propre dans une armoire et m’en drape avant de me rasseoir sur le bord de la baignoire, complètement épuisée. Au dehors, d’autres réponses m’attendent que je ne suis pas certaine d’avoir la volonté d’affronter, plus maintenant que ma colère s’est estompée en ne laissant derrière qu’un profond désespoir. Je remarque après quelques lourdes secondes une pile de vêtements laissée pour moi au pas de la porte. Je m’en empare avant d’enfiler le tout machinalement, jetant mes choses trempées dans le panier à linge mais en conservant ma serviette que je passe autour de mes épaules. Mes doigts hésitent contre la poignée quelques instants avant de s’en emparer avec résignation. Je dois assumer mon geste jusqu’au bout. Si je suis venue ici dans ma confusion, il devait avoir une raison. L’heure des réponses est arrivée, et Carter pour me les fournir. À ma sortie de la salle de bain, j’hésite quelques instants en considérant l’appartement. Le désordre que j’y ai observé avant ma douche semble avoir disparu, pour laisser l’endroit dans un état plus que potable. Je cherche des yeux le maître des lieux avant de le trouver assis sur le canapé auprès d’un Pharamp auquel il s’adresse à mi-voix.

«… sais pas quoi dire, Pino, c’est sûr que je vais faire une bêtise. Ce ne serait pas la première tu me diras mais…»

Ma présence alerte le Pokémon électrique à ses côtés. Ce dernier fait volte-face, attirant par le fait même l’attention de son dresseur qui fait de même. Je peux sentir la nervosité dans chacun de ses gestes alors qu’il se redresse pour me considérer en silence, comme pour me mesurer. Impassible, je m’avance avant de retrouver le fauteuil où j’ai trouvé refuge à mon arrivée, de l’autre côté de la pièce. Il se rassoit en silence sous le regard compatissant du Pharamp qui s’éclipse pour nous laisser seuls. Carter s’éclaircit la gorge en se tordant les mains sans me quitter du regard.

«Mercedes euh… Écoute je… Je ne suis pas vraiment doué avec les mots, pas comme toi en tout cas. Mais je veux bien… répondre à tes questions. À condition que tu répondes ensuite aux miennes.»

J’hoche la tête d’un coup bref avant de me redresser contre mon dossier. Son propre malaise égraine la confiance que je bâtissais déjà depuis plusieurs mois avant d’oser aujourd’hui me présenter à lui. Je prends une inspiration dans l’optique de calmer les élans de mon cœur qui s’emballe soudain. Maintenant que nous nous trouvons l’un face à l’autre, je doute. Doute de l’utilité de cette rencontre, de ce qu’elle apportera véritablement à nos deux vies. Carter a déjà une fille, même s’il ne le reconnaîtrait probablement pas ainsi. Il s’est occupé pendant de longues années d’Adélia, pendant la période la plus sombre de leurs vies à tous les deux. Pour ma part, j’ai grandi sous la tutelle d’un autre homme que j’aime et que j’admire malgré quelques difficultés dans notre relation. Qu’avons-nous de plus à nous apporter? Qu’espérons-nous régler fondamentalement en nous exposant à la vérité?

«Dis-moi pourquoi d’abord.»

«Tu sais, cette question je me la pose encore. Je n’ai pas de discours larmoyant à te faire à ce sujet et probablement que la réponse te décevra. Je n’étais pas prêt à devenir père. Probablement ne le suis-je pas encore. Avec Martha, on était cons, on était jeunes. Elle était tout ce dont je rêvais, mais je n’étais pas amoureux d’elle, pour elle c’était pareil.»

«Tu n’étais pas si jeune.»


Mon ton sonne beaucoup trop comme une accusation à mon goût. Je le regarde avec froideur, mais il ne démord pas, il ne se dérobe pas. Il se tient de l’autre côté de la pièce en sachant pertinemment que j’ai raison, qu’il a cherché trop longtemps des excuses à mon abandon.

«C’est vrai. Mais je ne suis pas comme toi Mercedes. Putain, je suis heureux que tu tiennes de ta mère plus que de moi. Je suis… un bordel pas possible. Peut-être que tu l’as déjà compris. Si tu as moindrement posé des questions à mon sujet comme je soupçonne que tu l’as fait, alors Adélia t’aura dit à quel point j’étais la disgrâce de la famille, de la famille parfaite de petits bourgeois parfaits aux idées parfaites.»

Il s’est redressé pour arpenter la pièce. Je le suis du regard, abasourdie par la puissance de la colère, de la détresse dans sa voix. Je me projette dans son passé, l’imagine aisément jeune adulte, rebelle, désintéressé par la voie programmée d’une famille effectivement rigide et acclamée. Les Turnac s’inscrivent dans l’histoire d’Enola depuis des siècles, tantôt nobles marchants, artistes accomplis ou politiciens aguerris. Je n’avais jamais réfléchi au poids d’un tel héritage, encore non concernée par ce nom que j’ai choisi de ne pas porter. Ou du moins que Carter a décidé de ne pas me transmettre. Pendant quelques instants, j’en viens à me demander si cet abandon ne vient pas de ce fait, un acte de rébellion envers sa famille de ne pas produire d’héritier pour poursuivre la lignée. N’est-ce pas que Adélia, May et Lucas portent le nom de leur mère plutôt que celui de leur père comme en veut coutume? La tante Claire elle-même n’a jamais eu d’enfants. À une époque, ce rôle de poursuivre le nom dépendait donc de lui, de lui qui devait encore composer avec les attentes familiales. Une disgrâce? Je repense à certains mots, durs, d’Adélia envers le comportement de son oncle dans sa jeunesse. Or, qui est-elle pour juger? Qui suis-je alors que j’ai probablement fait les mêmes?

«Alors tu t’es décidé parce… ta famille ne croyait pas en toi?»

«Oui. Enfin non. J’ignorais qui j’étais à l’époque, j’étais dans un mal de vivre assez profond mais il n’y avait personne pour voir à quel point je souffrais, sauf peut-être ta mère. Même moi à vrai dire… j’étais bien trop con pour voir que je m’enfonçais, que tout ce que je faisais ne servait qu’à m’autodétruire.  Puis j’ai commis la pire erreur de ma vie. Lorsque Martha m’a annoncé pour le bébé, j’ai paniqué. Je l’ai plaquée, elle et toi et sincèrement, vous n’en méritiez pas tant. En même temps, je me dis souvent que si j’étais resté, ç’aurait été pire. J’aurais détruit la carrière de ta mère et toi… Je me demande ce que tu serais devenue.»

«Donc tu m’as abandonnée parce que tu es un lâche.»


Il se retourne vers moi, le mot provoquant chez lui un émoi palpable, une colère qui brille dans son regard. Mais envers qui? Moi pour oser le lui dire? Envers lui-même là où il n’a pas su prendre ses responsabilités? Je pense à Faust qui en dépit d’un lien de sang, a tout de même pris sous son aile une pauvre gamine perdue pour l’élever comme la sienne. À Damien qui s’offrirait corps et âme pour ses filles. À Weston qui fait tout, malgré lui-même, pour assumer Benjie et s’améliorer pour lui.

«Tu es un sale lâche. Ce ne sont que des excuses à la con. Tu aurais pu être un père pour moi, pour John. Mais tu as préféré ton petit monde égoïste plutôt que de penser à qui que ce soit d’autre.»

Il se redresse. La peine, la rage, l’animent. Il me considère avec une sincérité qui me sidère, sans excuse ou mensonge, cette fois il me regarde vraiment, enfin. Je me lève à mon tour, intimidée par sa carrure, par la puissance de ses émotions qui me traversent.

«Oui. Je suis un lâche. Tu es contente? C’est ce que tu cherchais en venant ici? Apprendre de ma bouche que Carter Turnac est un putain d’imbécile, un gros connard qui n’a jamais su t’aimer ou même aimer qui que ce soit? Tu veux étudier mon psyché, Mercy, me diagnostiquer? Ça on l’a déjà fait. Tout d’abord déficit de l’attention avec hyperactivité et impulsivité, trouble d’opposition puis dépression majeure. Ça te plaît? Maintenant vas-y rajoute-moi ton étiquette. Je n’étais pas prêt à t’assumer Mercedes, je ne le suis pas encore et pourtant je suis là! Je ne me suis pas caché pendant les derniers mois, moi, à attendre un bon moment pour me rencontrer.»

Ses accusations me percutent, m’animent d’un spasme de fureur désagréable. Comment ose-t-il? Comment ose-t-il me relancer la balle maintenant alors qu’il est le seul responsable de notre merdier?

«Tu crois vraiment que j’avais envie de te connaître? Qu’il m’importe de savoir? Je me fiche totalement de toi, Carter, je n’ai pas besoin d’un père! De toute façon tu l’as dit toi-même, tu es incapable d’aimer qui que ce soit, alors ne fais pas comme si mon mépris te faisait le moindre effet.»

«T’es une vraie connasse, c’est pas possible. Tu te crois quand tu te mens comme ça? Hein, princesse, pourquoi tu es là si tu t’en fiches totalement? Vas me faire croire que tu n’as pas besoin de savoir quand tu t’écroules sur mon putain de porche trempée aux os avec la moto de ton copain abandonnée dans l’entrée!»


Il a crié. Je m’avance. Je lui en veux. Je lui en veux tellement que mon sang pulse dans mes veines. J’ai mal sans même le réaliser, mal à hurler.

«JE ME FICHE DE TOI PUTAIN DISPARAIS!»

Ses bras m’agrippent les poignets que j’ai levés vers lui pour le pousser, pour le retirer de mon champ de vision, pour le faire disparaître.

«Tu es chez moi ici Mercedes! Si tu ne veux pas de moi, pars, retourne à tes mensonges si ça te plaît! Mais c’est évident que c’est faux, que si tu es venu ici parce que je t’ai fait de la peine il y a vingt-cinq ans en t’abandonnant. Je ne peux pas reprendre ce que j’ai fait, Mercy, mais je m’excuse!»

Ces derniers mots retentissent dans l’appartement où le silence est retombé brusquement. Je m’arrête de me débattre de sa prise contre mes bras, je m’arrête de me battre contre lui. Je le regarde, sans comprendre, en tentant d’assimiler sa tentative maladroite de s’excuser. Il reprend la parole en voyant l’effet sur moi de ses mots, adoucit sa prise dans un soupir.

«Je suis désolé, Mercy. Tu as raison, j’ai été un lâche, un sale lâche même et je n’en suis pas fier. Mais il va falloir que tu te rendes à l’évidence à deux sujets. Premièrement, tu as beau crier, ce qui a été fait ne peut être changé. Je ne serai jamais celui que tu attendais peut-être dans ton imaginaire, même que si tu acceptes ma proposition je risque de te décevoir encore et encore. Je n’ai rien à te promettre.»

«P-proposition?»

«Tu dois aussi réaliser Mercedes que tu ne te fiches pas de moi, peu importe ce que tu affirmes. Que ce que je dis ou fais t’affectes, tout comme je suis là comme un con à espérer que tu vas me pardonner.»


Je sais bien qu’il a raison. Pourtant je ne parviens pas à l’accepter. Pendant toutes ces années, je me suis convaincue que la seule pensée d’avoir deux parents aimants me suffirait pourtant je réalise que ce n’est pas le cas. Que je souhaite encore savoir qui est cet étrange personnage, lui et cette mère, cette fameuse Martha dont je ne connais absolument rien. Je me suis menti pendant tout ce temps pour éviter du fait de souffrir, de même me poser cette question qui inlassablement doit quand même revenir. Pourquoi? Maintenant je sais pourquoi. Par simple peur. Par faiblesse et lâcheté. Peut-être qu’après je pourrai me convaincre que je n’ai rien fait pour mériter cet abandon, peut-être pourrai-je trouver la paix de ce côté. Mais pardonner? Même Carter semble penser qu’il s’agit d’une idée saugrenue, une utopie.

«D’accord.»

J’abandonne. Je jette les armes, je me détends dans sa prise qui finit par me relâcher, je le considère ainsi dans une vulnérabilité qui le percute de plein fouet.

«Si tu y tiens tellement alors oui. J’ai de la peine de savoir qu’un mec qui avait tout pour lui pour réussir n’a pas pris le temps, la peine de me prendre dans ses bras. De m’aimer, au meilleur de lui-même. Tu n’avais pas besoin d’être parfait, Carter, tu avais seulement besoin d’être là.»

Lorsqu’il ferme les yeux, je devine qu’il retient ses larmes.

«Je n’y serais pas parvenu, Mercedes. Tu mérites tellement mieux que moi. Que le pauvre adolescent paumé que j’étais alors. Et c’est faux, je t’ai pris dans mes bras et c’est exactement ce que je me suis dit, que malgré tous mes efforts, que je ne pourrais pas.»

Je retiens moi-même les larmes qui menacent de me submerger.

«Tu aurais dû au moins essayer.»

«Je sais. Si tu savais à quel point je regrette, même si je pense… non, je suis certain d’avoir pris la bonne décision.»


Cette certitude me fait du mal. Mais je la comprends. Car moi-même j’ai dû prendre une décision déchirante, j’ai dû accepter de mettre fin à une vie avant même qu’elle ne se développe. À sa place, aurais-je véritablement agi différemment?

«Je crois que je comprends.»

Je me rassois, épuisée. Tout ceci pour une simple erreur. Tous ces mots, toute cette douleur, ce déchirement. N’y a-t-il pas une version de cette histoire où l’équation se résout aisément? Où nous n’avons pas à nous entredéchirer pour obtenir ce que nous souhaitons l’un de l’autre? Je l’observe, sans véritablement connaître ce que j’attends de lui, de cette relation, hormis de me rassurer quant à ma propre valeur.

«Ta proposition?»

«Quoi?»

«Qu’est-ce que c’était?»


Il soupire, hésitant, avant de s’asseoir à mes côtés sur le canapé.

«Tu vas peut-être trouver ça stupide. Je sais que nous ne serons jamais père et fille, il vaut mieux ne pas se berner à cet effet et c’est correct ainsi. Néanmoins… j’aimerais quand même apprendre à te connaître. Je me dis qu’on pourrait être de bons potes éventuellement… on peut prendre notre temps hein. Puis si t’as besoin de moi, je pourrais essayer d’y être mais je ne ferai pas de promesses que je ne pourrai pas tenir.»

Je le considère en silence, d’abord surprise par ses mots. Je n’aurais jamais cru qu’après tout ce qu’il vient de me confier, qu’il trouverait encore le courage ou l’audace de tenter quelque chose auprès de moi, ou même qu’il en aurait l’intérêt. Néanmoins je devine sous ses mots maladroits une envie sincère de me connaître, une sincérité touchante à vrai dire, teintée d’honnêteté. Non, il ne me promettra pas d’être présent à chaque crise, de m’épauler comme un véritable père car lui-même doute encore d’y parvenir. Nous n’avons pas à nous promettre quoi que ce soit, mais nous pouvons tout de même connaître l’autre personne et éventuellement, peut-être devenir amis. Je n’y crois qu’à moitié, pourtant il y a quelque chose de particulièrement charmant dans sa proposition.

«Ouais d’accord. Ça pourrait être… bien.»

Je tente un sourire vers lui, sans en trouver la force. En venant à lui, j’y cherchais peut-être une distraction à mes problèmes, mais les voilà qui me rattrapent. Voilà que je pense à Benjamin, à la nouvelle que je vais devoir lui apprendre. Aux paroles du représentant des services sociaux, lorsqu’il a affirmé que j’aurais la garde du petit si jamais il devait arriver malheur à Weston. Ou encore que l’enfant aurait besoin de moi, particulièrement de moi… D’une mère.

«Putain.»

Je me redresse d’un seul coup. Je comprends à présent. Pourquoi je suis venue ici, pourquoi il fallait que je résolve cette énigme aujourd’hui. Peut-être que je devais me confronter à la lâcheté de celui m’ayant abandonnée afin d’éviter de répéter la même erreur avec Benjie et Weston.

«Quoi?»

«Je suis en train de commettre une grave erreur, il faut que je retourne à la maison tout de suite.»


Carter me considère sans comprendre pendant quelques instants, en se demandant probablement si je parle de cette visite. Puis son visage s’éclaire d’une révélation qu’il m’expose, comme pour confirmer sa théorie.

«Il s’agit de Benjie, c’est ça?»

J’ignore comment il sait pour le petit. Je ne cherche pas à savoir. Probablement l’a-t-il lu dans un magazine, peut-être Adélia lui en a-t-elle glissé un mot ou deux. J’hoche la tête avec vivacité tout en récupérant mon manteau trempé laissé dans l’entrée. Carter ne cherche pas à m’arrêter.

«Bonne chance.»

Je souris. Oui, je crois que je vais en avoir besoin. Mais je ne répéterai pas l’erreur de Carter. Ni toutes celles commises lors des derniers mois. Je n’ai pas besoin d’être parfaite, seulement d’être présente. Si rien ne me rattache au petit, je suis ce qu’il y a de plus près d’une mère qu’il ne pourra jamais avoir. Lorsque je fais gronder le moteur de la moto, le ciel se décide enfin à s’éclaircir. Au bout du chemin, ils m’attendent.
(c)Golden
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