20.000 lieues sous le sable

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« Je te fais vraiment une fleur, là, j'espère que tu le comprends.
- Je sais. »

Le hérisson expira lourdement devant la chaleur étouffante du désert, renforcée par les habits qu'il avait emmené avec lui pour cacher sa pe au encore bien trop pâle du soleil. Si il passait au dessus de la transpiration malgré le dégoût qu'elle lui inspirait, ce n'était pas pour rien. En faisant de son mieux pour ne pas trop remarquer le regard anxieux et presque inquiet que jetait régulièrement Mikael à l'entrée, de peur qu'ils soient vus, il finit par passer la porte qui menait aux ruines. L'ombre était la bienvenue, elle, même si la température était toujours aussi forte et que l'air était parfois dur à trouver. Il était au courant que sa santé n'était pas encore prête à ce qu'il fasse trop d'efforts, mais peu importe.
Demander de l'aide à Mikael pour s'introduire discrètement dans une des zones les moins surveillées par les soldats avait été audacieux, pour rester polie. En plus, vu ce qui lui était arrivé il y a plusieurs mois, se faire remarquer aurait pu le mener à une situation assez peu plaisante. Toutefois, il était persuadé qu'il devait tout de même venir faire un tour, et ce en dépit des recommandations des autres. De toute façon, Zeke veillait au grain, et son odorat saurait détecter quiconque avant même qu'il ne soit à cent mètres, ce qui laisserait le temps à Clive de trouver une échappatoire. Pour cette raison, son inquiétude était moindre que celle de médecin-chercheur qui lui paraissait étrangement troublé.

« Nerveux, Evans ?
- On est pas au niveau des cinq minutes avant mon premier joint, mais c'est pas mal, ouais. »

Clive ricana brièvement avant d'accélérer le pas vers la zone qui l'intéressait. En tous cas, il faudrait qu'il trouve une explication assez vite pour les coups de soleil qui allaient apparaître sur sa peau, mais il pourrait toujours demander à Natsume de dire qu'il était venu avec lui à la plage. Aussi grotesque que ça puisse paraître, vu qu'ils détestaient tous deux la mer, surtout le plus vieux, l'important était que cela puisse être cru.
Mécaniquement, le hérisson passa une main sur le crâne d'Ezekiel pour le caresser, et sourit tendrement en voyant le Démolosse se frotter aussi vivement contre son dresseur. Depuis peu, il lui semblait que son vieux partenaire se montrait bien plus aimable et affectueux, ce qui était peut-être lié au regain d'énergie qu'il ressentait depuis plus d'une semaine, date de son accord avec son cousin. Ou peut-être devenait-il plus gentil avec l'âge, tout simplement, ce n'était pas une hypothèse à exclure entièrement non pl-

« Clive, dis à ton clebs de se calmer, bordel de merde ! »

… Vu qu'il venait de le mordre et n'était pas prêt de lâcher malgré le gigotage intensif de Mikael, il y avait fort à parier que non, il ne s'était pas adouci.

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Il se souvenait très bien des moments où, encore enfant, il s'amusait à prendre des livres bien trop complexes pour son âge dans la bibliothèque de ses parents. Bien évidemment, il n'en comprenait pas la moitié et il lui arrivait souvent de se contenter des maigres illustrations qu'il trouvait dans les ouvrages, mais c'était déjà ça. Au fur et à mesure, plus son vocabulaire grandissait, plus il s'amusait à en lire quand il avait le temps et quand cela lui permettait d'éviter à se sociabiliser, ce que Faust faisait assez bien pour deux. Il n'aurait pas su dire quand est-ce qu'un simple hobby était devenu une passion qu'il nourrissait régulièrement par la suite, surtout au cours de son adolescence, en réalité. L'obscurité et le calme de sa chambre avaient quelque chose de rassurant, transformant ces années en de longues journées d'ermite dont il s'était toujours satisfait, malgré ce qu'on en disait. Néanmoins, les événements et la mort de son père notamment, l'avaient précipité dans le régime tout aussi rapidement qu'il avait dû cesser de s'intéresser à l'histoire de l'île.
Il le regrettait, évidemment, et il cherchait toujours à ne pas perdre tout ce qu'il avait appris, mais il était très dur de continuer à étudier, même seul, quand il devait à la fois gérer sa garnison et aider sa  famille dans l'auberge. À regret, il avait donc laissé de côté ce qu'il considérait comme superflu, ce qui était une erreur, maintenant qu'il y pensait. Une erreur parmi tant d'autres, donc : à ce stade, il préférait ne plus les compter car la somme totale devenait ridicule.

En tous cas, son intérêt pour les ruines ne datait pas d'hier, ou du l'intérêt qu'y portait le régime. Non, quelque part, il essayait de se persuader qu'il serait peut-être capable de trouver quelque chose, si il cherchait. C'était purement arrogant, mais il ne voulait pas rester les bras croisés si il pouvait trouver quoi que ce soit, peu importe ce que ce serait. Au final, il repartirait sûrement les mains vides, mais l'esprit plus clair. Et avec des coups de soleil à en geindre pendant cinq jours, sans le moindre doute.
L'odeur de renfermé n'était pas si dérangeante que ça, alors qu'il sentait la température se rafraîchir au fur et à mesure qu'il s'enfonçait. Non, quelque part, c'était plutôt rassurant, même. Il ne pouvait empêcher ses yeux de parcourir les longs murs de pierre, du sol au plafond, en passant par tous les recoins marqués par le temps. Une étincelle de curiosité dévorante dans les yeux, il entreprit de ralentir un peu, rien que pour profiter du paysage. Toutefois, ce silence paisible fut brisé par quelques grognements en provenance d'Ezekiel, ce qui le fit brusquement sursauter puis se retourner. Son cœur manqua un battement, et il ne se calma que lorsqu'il remarqua que la source du mouvement de son Démolosse n'était rien d'autre qu'une Cacnéa. Le jeune homme expira péniblement, se giflant intérieurement d'une pareille méfiance. Malgré tout, il ne pouvait pas s'empêcher d'être inquiet : il ne souhaitait pas pourrir de nouveau en prison, après tout.
Mécaniquement, il indiqua d'un geste de la main au chien des ténèbres qu'ils devaient continuer sans se soucier de cette perte de temps.

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Ezekiel ne perdit pas de temps, en tous cas, puisque qu'il se contenta de cracher une gerbe de flammes en direction de la Cacnea, l'envoyant donc balader immédiatement. Son dresseur leva les yeux au ciel et expira, sans pourtant prendre la peine de le réprimander. Il n'avait pas que ça à faire, après tout, et il n'avait pas non plus envie de se prendre la tête avec le Démolosse. Il était déjà pressé, suffisamment pour le pousser à se concentrer sur un nombre limité de choses. Même Mikael gardait le silence, ce qui était inhabituel pour lui. En même temps, il ne pouvait que le comprendre. La situation n'était pas aisée. D'autre part, il ne se sentait pas tant que ça coupable, en dépit de ce qu'on aurait pu penser. La priorité était, à ses yeux, de trouver ce qu'il était venu chercher. Enfin, si il parvenait à avoir une idée de ce qu'il cherchait, en fait, et là, la situation devenait bien plus compliquée.
Vraiment, on aurait pu le croire fou, à prendre des risques pareils alors qu'il ne savait pas du tout ce qu'il faisait : ce ne serait pas une supposition illogique, et son comportement de ces derniers temps n'aidait pas à faire pencher la balance. Pour être tout à fait honnête, il avait lui-même de sérieux doutes sur ses propres pensées, mais quelque chose le poussait à continuer, que ce soit son instinct ou une envie de persévérance poussée. Le Démolosse, en tous cas, était sur les nerfs et vu à quel point il se collait aux jambes de l'ancien militaire, il y avait fort à parier qu'il était au moins un peu nerveux.

« Tu trouves quelque chose ?
- Non. Pas surprenant : si il y avait quoi que ce soit, ce coin serait bien mieux gardé. »

Mais avouer qu'il perdait du temps ici le mettait mal à l'aise. Il n'avait jamais supporté le fait d'être impuissant ou passif, après tout, quelle que soit la situation : rien d'étonnant, donc, à ce qu'il soit ainsi agité. Et surtout, depuis sa sortie de prison, ses discussions avec Mikael étaient tout particulièrement gênantes, empreintes d'un certain malaise qui n'avait pas disparu avec le temps. Sans doute qu'étant donné qu'ils n'avaient pas encore crevé la bulle, il y avait suffisamment de non-dits pour remplir des pages entières. Clive, néanmoins, ne se sentait pas d'humeur à les explorer. Enfin, ça, c'était le projet de base. Pour ce qui allait arriver, évidemment, ce serait une toute autre histoire.

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Pas de quoi fouetter un chat, en somme. La constatation était aussi agaçante que fatigante. Bah, au moins, il voyait du paysage... C'était déjà mieux que de rester enfermé dans sa chambre à envisager des stratégies pour ses futurs matchs, vraiment, et c'était quelque chose de particulièrement utile pour ne pas avoir à réfléchir à l'état de sa vie en général ces temps-ci. Alors certes, la lâcheté, c'est mal, mais Clive n'était pas du tout parfait et il préférait se changer les idées plutôt que se rappeler de ce qu'il faudrait bientôt qu'il assume. Enfin, pas qu'il « fallait », puisqu'il avait lui-même accepté et décidé de le faire, mais la situation restait identique à ses yeux.
Sa nervosité devait transparaître, puisque Mikael s'était mis à poker son épaule régulièrement depuis plusieurs secondes, de façon tellement régulière que cela en devenait horriblement agaçant. Vraiment, connaissant le barbu, il y avait fort à parier que c'était intentionnel, et c'était justement ça qui le rendait si irritant. Clive, néanmoins, tint au moins cinq minutes, ce qui n'était pas si surprenant quand on considérait qu'il avait passé sept années à supporter les gamineries du plus âgé. Quand le hérisson finit par frapper la main qui l'emmerdait joyeusement, un rictus satisfait s'étira sur le visage du médecin, qui pu enfin prendre la parole avec un argument.

« T'es stressé, toi, t'as les fesses toutes tendues en ce moment. Qu'est- ce qui te chagrine, mon hérisson en sucre ? »

L'ancien officier ne prit même pas la peine de lever les yeux au ciel face à l'humour plus que vaseux de l'assassin. Alors que son regard était plus occupé à chercher par où continuer à marcher et que ses pas s'enfonçaient dans le sable, il cligna des yeux en constatant qu'un énorme rocher leur barrait la route. En fronçant les sourcils, il claqua de la langue.

« Bon ! Ben on rentre, voilà, on aurait essayé au moins... Je veux dire, c'est pas comme si on avait pas fait d'efforts, ahaha. Ça sera pour la prochaine fois ! Tu viens, Clive ? »

Si Mikael paraissait tout à fait pour l'idée de s'en aller rapidement, il n'en était pas de même pour le cadet. Celui-ci se rapprocha et passa une de ses mains sur la pierre, perplexe, et garda le silence. Il finit au bout de plusieurs secondes à palper de la roche (faites vos blagues dans vos coins, merci) par décrocher une de ses pokéballs pour en faire sortir son Aligatueur. Le médecin écarquilla les yeux.

« … Clive ? Je sais que t'es un peu marteau ces temps-ci mais ne fait pas ça-GYARG ! »

Vu qu'il venait de boire la tasse de manière assez brutale, il y avait fort à parier qu'il lui foutrait la paix pour quelques secondes au moins, et ça, c'était toujours appréciable.

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Un rictus mesquin sur le visage, il ne put s'empêcher de jubiler en voyant Mikael se débattre avec l'eau qui lui tombait en trombe sur le visage. Barbotant dans l'humidité, le médecin finit par jeter un regard incendiaire à son ancien collègue, auquel Clive ne répondit que par un sifflotement joyeux d'un air détendu. L'Aligatueur, lui, était davantage préoccupé par le fait de déplacer le rocher qui bloquait leur voie que de s'inquiéter des dégâts occasionnés sur l'ego de l'assassin. C'était de bonne guerre, de toute façon, vu le nombre de sales coups que se faisaient les deux depuis plusieurs années. Et quelque part, c'était bon signe. Clive ne pouvait après tout pas se rappeler d'une semaine sans laquelle ils s'empoisonnaient la vie, bien que le hérisson avait toujours été moins insupportable que son voisin. Il n'allait néanmoins pas non plus s'occuper du cas de son ami éternellement, car il avait plus intéressant à faire.
Il se faufila dans l'entrée, s'attendant à trouver quelque chose, mais hormis arriver dans une sale vide, rien n'arriva à ses yeux. Le Donovan poussa un soupir exaspéré, déçu mais pas franchement surpris. Ce n'était pas comme si il s'attendait à trouver quoi que ce soit de révolutionnaire, mais il espérait tout de même que cette sortie ne serait pas à ce point inutile. Bah. Au moins, dira-t-on, il avait bougé son postérieur, et aller faire un tour dans les endroits les plus secs et inhospitaliers à l'homme était toujours une expérience de plus. Pas comme si il n'était pas déjà venu, mais disons qu'il ne s'en rappelait que trop bien lorsque le soleil l'accablait et l'étouffait en même temps.

« Donc, euh, sinon, on aborde le sujet de l'éléphant dans la pièce ou on s'enc-
- Si tu termines ta phrase, je te jure qu'on pourra te confondre avec une femme. »

Le ton sec et catégorique de l'ancien officier eut au moins le mérite de faire taire le plus âgé qui siffla d'un faux air admiratif pour signifier son étonnement face au comportement expéditif du cadet. Il s'était attendu à une réaction du genre, mais pas à ce qu'il détourne le regard aussi rapidement et avec son habituel air de roquet prêt à mordre. Enfin, de son point de vue, car ses anciens subordonnés avaient l'habitude de passer pour des enfants de cinq ans lorsque le hérisson prenait cet air. Mais chez Mikael, ça n'avait jamais vraiment fonctionné, en grande partie parce qu'il avait toujours plus ou moins su qu'il ne risquait rien, même au tout début de leur amitié. Et du coup, peu importe ce qu'il dirait, il prévoyait tout de même de continuer cette conversation dans sa lancée.

« Bon, je t'adore, mais va falloir que tu m'expliques pourquoi tu me fais la gueule, ces temps-ci. T'as une tête à vomir autant de mojitos qu'une gamine de 19 ans qui veut faire croire qu'elle a une bonne descente. »

Encore et toujours le silence comme réponse. Mikael grogna lourdement, fatigué.

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« Clivou.
- Hn.
- Clivichou-chéri ?
- Grmp.
- Mon loukoum ?
- J'ai dit non. »

Mikael poussa un geignement agacé. Inutile d'essayer de persuader le cadet quand il était dans cet état : une vraie tête de mule. Enfin, ça, c'était la théorie. Il ne serait pas devenu son meilleur ami si il n'avait jamais dépassé les limites, alors il n'allait pas être découragé par le côté grognon du plus jeune, loin de là. Ne souhaitant pas passer trois années à attendre qu'il ne réponse, Mikael finit par saisir le bras de l'ancien officier assez brusquement, mais ne se serait pas attendu à ce qui allait suivre.
En quelques secondes à peine, tellement rapidement qu'il aurait pu ne pas le remarquer, le canon d'une arme fut pointé sur lui. L'assassin écarquilla les yeux, éberlué, mais pas autant que son congénère qui se figea sur place. Visiblement, ses réflexes avaient agi avant son cerveau. La seule raison qui faisait que Mikael ne s'était pas fait dessus (vu la vitesse de l'ancien officier pour tirer, il avait ses raisons d'être effrayé, croyez-le), c'était qu'il avait remarqué que la sécurité était toujours enclenchée. Il tenait là la preuve que le hérisson n'avait pas vraiment d'intention belliqueuse à son égard : si Clive avait vraiment voulu faire éclater sa cervelle, il n'aurait jamais fait une telle erreur de débutant. Et au vu du regard épouvanté du métis, son hypothèse avait plus d'un fondement.
La main du plus jeune tremblait un peu, tellement discrètement qu'on aurait pu ne pas le remarquer à l’œil nu. Mikael cligna des yeux et releva tranquillement sa main pour le porter sur le canon de l'arme qu'il descendit le plus lentement du monde. Ce n'était après tout pas la première fois qu'il avait affaire à une pareille situation, et il avait sa petite idée sur la raison de cette agitation.

« J'ai compris, pas de mouvements trop brusques. Désolé. »

Le hérisson se laissa faire lorsque le médecin prit son arme de sa main pour la ranger convenablement à sa ceinture. Celui-ci détourna les yeux, les mains hermétiquement fermées, de telle sorte qu'on pouvait voir ses jointures de blanchir d'ici. Mikael fronça les sourcils.

« Clive, t'es toujours avec moi, hein ? Compte jusqu'à cinq. »

Inutile, toutefois, de chercher à entendre une réponse. Les yeux du cadet s'étaient déjà perdu n'importe où et nul part, tandis que, rigide comme un bâton de fer, il ne bougeait plus d'un millimètre. Le nœud dans sa gorge semblait avoir multiplié sa largeur pour venir envahir tout son corps et le rendre complètement immobile, sujet à des frissons de plus en plus fréquents, alors qu'il était persuadé que ses propres articulations, gelées, commençaient à le brûler.

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D'ordinaire, il arrivait toujours à retenir le sentiment d'angoisse qu'il ressentait quand les gens se rapprochaient. Il avait été obligé de s'y habiter, après tout, en grandissant, et il avait pu se cacher derrière Faust pendant des années sans trop de soucis. Avec le temps, il s'était construit une façade tellement bien développée que personne ou presque ne devinait chez lui cette phobie sociale quasi naturelle. Tout au plus, on le prenait pour un coincé à tendances frigo avec un bâton dans les fesses, ce qui l'arrangeait bien : personne, ainsi, ne se posait vraiment de questions. Et il pouvait continuer à prétendre que tout était normal.
Néanmoins, depuis qu'il était sorti de prison, l'affaire était toute autre. Impossible de retenir ses réflexes, aiguisés par près de deux mois passés dans la crainte de douleurs aussi intenses qu'interminables. Inutile d'essayer de penser qu'il parviendrait à être plus fort qu'un traumatisme aussi intense, vivace et impossible à oublier. Toutefois, on ne pouvait pas nier qu'il s'était montré très doué pour dissimuler les restes de son expérience en prison : personne n'aurait été capable de le deviner au simple coup d’œil. Clive s'acharnait en plus de ça à garder cette apparence intacte, comme il le faisait toujours auparavant.

Il avait suffit d'un seul faux mouvement. Trop brusque, trop sec, et son esprit avait crié au danger. Son corps avait agi sans l'accord de son cerveau, et sa main s'était portée vers son arme, comme si toutes ces années de service militaire s'étaient ancrées jusqu'au fin fond des neurones. Pourtant, il savait bien que Mikael ne lui ferait rien. Si il avait conscience qu'il ne fallait pas oublier que le médecin n'était fidèle qu'à lui-même, il était également au courant que l'assassin ne comptait pas le tuer après lui avoir sauvé la vie. Entre l'instinct et la raison, toutefois, il y a un gigantesque gouffre infranchissable.
Malgré le fait que les petites voix dans sa tête continuaient de s'agiter en insistant sur le fait qu'il devait s'éloigner du danger potentiel, il resta immobile. Ses doigts, de toute manière, s'étaient gelés et il était persuadé que ses jambes elles-mêmes ne pourraient pas se libérer de la douloureuse crispation qui les retenait. Mikael saisit le moins vivement possible une de ses épaules pour le pousser à se déplacer vers le mur où il le laissa glisser. Lui, il n'arrivait déjà plus à voir ce qui lui passait devant les yeux. La vision brouillée, les mains tremblantes, le corps tétanisé, il ne pouvait que soudainement comprendre ce que Natsume voulait dire en parlant du fait qu'une crise de panique était ce qu'il y avait de plus terrorisant. Comme l'impression, encore une fois, que son corps  ne lui appartenait plus et qu'il ne pouvait qu'attendre que la douleur disparaisse.

« Bordel, c'est pas possible... »

Oh, ça, il pouvait assurer que si.