Leçon de fainéantise

OS/Solo/Évolution

La plupart du temps, Faust préférait de loin explorer l'île plutôt que de s’encroûter sur un canapé dans son appartement à regarder des films débiles. Il y avait des centaines d'activités plus intelligentes que celle-ci, comme par exemple lire un bon livre (un spécimen rare), s'entraîner ou tout simplement apprendre quelque chose de nouveau. Néanmoins, aujourd'hui, après tout le travail effectué par son cerveau suite à de longues heures passées à corriger les huit premiers chapitres de son dernier roman, il se persuada qu'il avait bien le droit à quelques heures de repos pour son pauvre petit cerveau qui avait bien souffert. De toute façon, vu son état comateux, il ne serait jamais arrivé à rien même s'il avait par miracle trouvé la volonté nécessaire à toute action à but productif. Il était rare qu'il retourne à Nuva Eja, mais il avait décidé de prendre deux ou trois jours de repos dans son aventure. C'était dans ce genre de moments qu'il était heureux d'avoir Hadès à ses côtés pour le ramener chez lui lorsqu'il le fallait, bien que le corbeau prenait un malin plaisir à se faire rembourser ses efforts par beaucoup de soins. Il avait dû, en rentrant, passer une heure à soigner les ailes et les plumes de l'oiseau de l'ombre. Parfois, il se demandait qui était véritablement le maître, mais se rappelait qu'il n'y en avait jamais eu.
Depuis qu'il avait décidé se construire une nouvelle équipe, le seul membre qu'il avait capturé était Chloris, la Chenipan. Celle-ci avait été considérablement intimidée par les pokémon de Faust, mais avec beaucoup de patience et d'attention, elle avait fini par comprendre que non, Dalhia n'irait pas la   brûler et que Déméter ne l'écraserait pas, bien au contraire : celle-ci était plus douce que tous les autres pokémon du conseiller. Pour tout dire, la Tyranocif était très maternelle. Lorsque le châtain avait présenté Chloris aux autres, sa gueule s'était ornée d'un sourire où ses dents pointues apparaissaient parfaitement. La Chenipan, en voyant cela, avait immédiatement pris la fuite, juste avant que Clive ne l'arrête et ne la pousse à rester un petit peu. Car oui, ce ne fut pas entièrement le travail de Faust : le Larveyette, heureux de ne plus être le seul petit insecte (et aussi un peu parce qu'il avait le béguin pour la Papilusion, mais chut, ça c'est un secret), encourageait énormément la jeune chenille à s'affirmer, ce qu'elle faisait avec timidité. Avec timidité certes, mais non sans enthousiasme.

« Nero, passe-moi le popcorn ! » grommela-t-il en t-shirt et en caleçon, couché sur le canapé, avec Chloris et Clive dormant sur son ventre.

Une rediffusion d'un film particulièrement stupide passait aujourd'hui à la télévision, et Faust le regardait sans écouter. Les sons arrivaient à ses oreilles sans que son cerveau ne se peine à les déchiffrer. Le Dimoret, lui, assis sur le sommet du fauteuil où Dalhia était étalée, avalait goulûment les pop-corns volés impunément à son maître. Faust grommela et jeta un regard équivoque à la Démolosse, qui aurait levé les yeux au ciel si elle avait pu le faire, avant que celle-ci ne laisse échapper un grondement rauque qui fit sursauter le Dimoret. Dalhia attrapa le paquet entre ses crocs.
Faust poussa un soupir en constatant que oui, la chienne avait obéi à ses ordres, mais qu'elle n'avait pas pensé au fait qu'en faisant ce qu'elle venait de faire, elle avait mis du sucre et des pop-corns partout sur le sol. Heureusement que ce n'était pas de la moquette. Héhé. La moquette. Pardonnez-le, il était en état de coma cérébral. Rapidement, Nero et Arthur se jetèrent sur les boules de mais éclatées et les dévorèrent. Toutefois, un fil de sécrétion vint en attraper un. Timidement, la Chenipan se pencha vers lui avec un popcorn dans sa bouche et Faust ne put que glousser, amusé. Clive l'observait avec attention. Dalhia, un peu jalouse, détourna les yeux. Chloris baissa les yeux, peu sûre d'elle. La main de son maître vint caresser sa tête et la chenille, si elle avait pu, aurait rougi jusqu'à pouvoir se vanter de ressembler à une tomate.

« Bien pensé, Chlo'. Merci beaucoup, c'était sup- »

Faust n'eut pas le temps de finir ses louanges. Une brillante lumière blanche enveloppa la Chenipan et, surpris, Faust poussa un cri peu viril. Bien sûr, ce n'était pas la première fois qu'il témoignait d'une évolution, mais il ne s'était pas attendu à ce qu'elle évolue pour si peu. D'un côté, peut-être avait-elle besoin, en plus de la force, d'encouragements. C'était bizarre, en tout cas. Il était possible qu'elle avait manqué du courage nécessaire pour évoluer, car oui, ce n'était pas évident pour tout le monde.
Il suffisait de voir la vitesse de l'évolution de la mentalité des humains. Une tortue aurait le temps de faire le tour du monde avant qu'une décision ne soit prise.

« … C'était inattendu. »

Clive ne put qu'observer, confus et un peu jaloux, l'apparence de son amie. Il était de nouveau le plus petit et le plus faible. Il se mit à broyer du noir comme un Larveyette pouvait broyer du noir.
Faust, lui, souriait comme un abruti et tenait la Chrysacier dans ses mains. Chacun son truc.