Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Répondit-il? Je ne l'entendis pas si ce fut le cas. Apaisée entre ses bras, épuisée par les événements de cette soirée intense, je ne tardais pas à m'endormir contre lui, quelques instants après mes quelques mots malicieux à son encontre. Depuis son retour où je n'avais plus dormi sans lui, je n'avais plus eu vraiment de cauchemars, ni ceux dus à son absence ni ceux dus à mes peurs ou à la perte de ma sœur ; mais là, ce fut même un sommeil sans rêves. Simplement paisible, détendue après ce qui avait été une longue & difficile journée, détendue malgré l'espoir & les questions soulignés par ce que j'avais cru deviner peu avant que l'on ne s'endorme l'un contre l'autre. Par ailleurs, j'ignore combien de temps je dormis exactement, longtemps sans doute. Ce fut la voix familière de Ryan qui me fit finalement rouvrir les yeux, par un réflexe bien ancré de ce que son appel pouvait être avertissement parfois.. Mais si cela m'avait réveillée, cela ne m'inquiéta pas pour autant ; son ton n'était qu'incrédulité & joie émue, il avait sans doute dû rentrer de sa matinée de chasse & s'apercevoir du retour de sa demi-sœur, tout simplement. Papillonnant des yeux, reposée & souriante, je ne songeais pas à me rendormir cependant, juste à me demander où était Damien puisque je m'éveillais seule, & que sa place était déjà froide. Je n'eus cependant pas à m'interroger longtemps, puisqu'à peine eus-je jeté un œil vers la fenêtre pour constater que le soleil était déjà haut, que des pas retentirent dans le couloir & que la porte s'ouvrit sur lui. Mon cœur eut comme un raté face à son attention juste adorable.. Car s'il s'était levé, c'était pour revenir avec un superbe plateau petit-déjeuner tout fleuri, qu'il vint déposer devant moi alors que je me redressais, touchée à un point fou de ce qu'il venait de faire. Il attendit que je sois en position assise pour parler, & ces mots un peu troublés, explications comme remarques, me firent sourire tendrement alors que je l'écoutais, mon regard doux posé sur lui. Peu réveillée encore, je ne compris pas tout de suite le sens de sa nervosité, ce à quoi il semblait prêt, & surtout je ne m'aperçus pas sur l'instant qu'il avait mis un genou à terre, ce qui pourtant aurait dû me mettre tout de suite la puce à l'oreille après les événements de la nuit..

- C'est magnifique Dam, vraiment, t'as assuré, merci beaucoup ; c'est juste adorable, j'sais pas quoi dire d'autre.. & pour.. Oh.

Je venais d'atterrir alors que j'allais réagir pour Stella, de réaliser simplement ce que pouvait signifier la position qu'il avait prise.. & de voir l'écrin sur le plateau fleuri en y reportant brièvement mon regard pendant que je parlais, ce joli petit écrin bleu & or vers lequel je tendis doucement la main. Cela m'avait aussitôt coupé la voix ; j'avais d'ailleurs totalement perdu le fil de ce que j'étais en train de dire. Oh j'aurai aimé répondre finir de répondre à ses questions hein, vraiment, sincèrement. & l'aider un peu aussi, parce qu'il semblait perdu, hésitant. Mais en fait, je n'étais pas beaucoup mieux que lui au final. Un sourire un peu rêveur sur le visage, le cœur battant à la chamade. J'étais émue & j'avais perdu ma voix, la belle affaire. Pas très pratique certes, mais tellement sincère. Je m'y attendais un peu oui, après ce qu'il avait failli dire dans la nuit, après son début de déclaration avorté puis sa remarque juste avant qu'on ne s'endorme. Mais ça ne change rien, l'émotion restait la même une fois la situation engagée, devant ce qui ressemblait de plus en plus à une confirmation de mes espoirs encore secrets. Sans que je n'ai eu besoin de le relancer pour savoir, chose que ma curiosité aurait fini vite par me pousser à faire.. C'était encore plus beau. Un peu tremblante peut-être, je pris l'écrin -il était là pour ça après tout, non?-. L'ouvrant, ce n'était pas une bague neuve que je trouvais. Un bijou de famille? Je n'en savais que peu sur sa famille biologique, hormis qu'il ne s'entendait pas avec eux, qu'ils avaient été horribles. Un bijou de ce genre ne m'en touchait que plus dans ce cas-là, car le connaissant cela signifiait donc beaucoup, bien plus que je ne pouvais le savoir. En tout les cas, elle était magnifique, tout simplement. & je n'avais toujours pas de voix, pas vraiment du moins, à peine un souffle alors que les expressions de mon visage troublé par l'émotion, l'amour & la joie tout à la fois parlaient bien mieux que tout le reste.

- Damien?..

Ma main gauche s'était portée à mon cœur, comme pour m'assurer qu'il était toujours là. C'était le cas. Il battait si fort, si vite, mais n'avait pas encore quitté sa place. Y avait-il meilleure manière de jauger de la réalité de la situation? Son simple nom avait été la seule interrogation que ma voix m'autorisa à murmurer. Mon regard peut-être un peu humide se reporta alors sur lui, le temps semblait comme suspendu. J'aurai bien pu dire oui tout de suite là, sans attendre, mais je ne le fis pas. Pour briser son élan, dans une de ces quelques traditions que j'accepterais de suivre, pour risquer de brimer cet effort qu'il avait fait? Non, ce n'aurait pas été très juste. Pour autant, je pouvais bien.. Signifier mon avis tout de même dès maintenant sans dire un mot, lui donner peut-être le courage de poursuivre, & cela je ne m'en privais pas. Sortant de sous les draps pour m'assoir sur le bord du lit, face à lui, je lui mis doucement l'écrin dans les mains, laissant les miennes autour des siennes, avant de plonger mon regard pétillant d'émotion dans l'océan azuré de ses yeux. Qu'il le dise ou n'en trouve pas le courage.. C'était pareil au fond. Mon sentiment ne changerait pas, ni mon bonheur. Je voulais juste que ce soit lui qui me mette la bague.. Pour la symbolique, simplement. Comme ce jour qui viendrait, je le savais désormais, où de la même manière nous échangerions les anneaux scellant solennellement notre union, notre lien déjà éternel depuis longtemps.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Je n'eus pas à attendre bien longtemps en réalité, mais que m'importait le temps passé à me perdre dans ses yeux après tout? Même le cœur battant d'émotion, d'un reste de crainte stupide à l'idée de mal interpréter ce qui était désormais si clair, je pourrai passer des heures dans cette position à simplement le regarder en silence.. Enfin, là n'est pas le sujet. Je n'eus donc pas beaucoup de temps à attendre, avant qu'il ne trouve finalement le courage de parler.. & quelles paroles par Arceus. Un discours qui aurait pu me faire passer du rire aux larmes & des larmes au rire en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Des aveux sublimes, la plus belle déclaration que j'eus jamais entendue, & c'était à moi qu'elle était faite, par nul autre que l'homme de ma vie, & ce seul fait la rendait encore plus sublime à mes yeux. C'étaient les mots les plus justes, pour notre amour autant que pour cette situation, sans aucun doute ; & ils étaient si bien formulés.. Bon sang être heureux à deux, laisser tomber le passer pour nous concentrer uniquement sur notre avenir, je ne souhaitais que cela aussi, je ne souhaitais que l'aimer chaque jour qui passe & qu'on soit là l'un pour l'autre quoiqu'il arrive, voilà mon dernier véritable rêve. & l'entendre affirmer ce désir commun à nos deux cœurs si amoureux, entendre ces mots-là en particulier me fit trembler de plus d'émotion encore, si cela était possible. Étais-je au bout de mes peines pour autant? Que nenni, mon amoureux n'en avait pas fini.

Marquant une pause dans ses paroles, il se redressa, dans un geste qui le rapprocha de moi. Sa main tendre prit la mienne qui tremblait légèrement, alors que de l'autre il tendait sous mon regard qui ne le quitta que brièvement, ce petit écrin bleuté & sa bague magnifique, brillant de mille feux sous la lueur solaire nous provenant de l'extérieur. Brièvement car je revins vite vers lui, plongeant mon regard brillant dans ses yeux étoilés. Était-ce ce qu'on pourrait nommer un instant magique? Que oui, sans aucun doute. Je l'écoutais reprendre son discours, souriant légèrement sans jamais l'interrompre, heureuse & émue, d'autant plus alors qu'il m'évoquait presque comme une sauveuse, l'ayant sauvé du petit monstre qu'il était enfant. Je ne doutais pas moi, qu'il était quelqu'un de bien au fond & que s'il avait changé si aisément, c'est qu'avec ou sans moi ce serait arrivé. Mais je ne le soulignais pas puisque je ne voulais pas briser son élan, & puis j'étais trop émue, trop touchée de ses paroles. Tant que lorsqu'il énonça ensuite son passé libertin qui m'avait autrefois tant fait souffrir, je ne tiquais même pas. C'était le passé, nous nous étions enfin trouvés depuis ; & cela aussi, il l'avait si bien dit. Il avait été sot, je l'avais été aussi. Des années à comprendre un amour si évident que tous l'avaient vu au premier regard, un amour si fort que rien ne pouvait l'atteindre. Notre amour éternel.

Un instant il laissa sa phrase en suspens, sur mon propre nom. Il prit une grande inspiration, & mon cœur se mit à battre plus fort, & ma main qu'il avait prise quelques secondes plus tôt se resserra légèrement sur la sienne. Son regard intense plongea de nouveau dans le mien & je le soutins, sentant déjà une larme solitaire & douce glisser sur ma joue, tant de la beauté de son discours précédent que par anticipation de ce qui allait suivre. De l'émotion dans tout les cas, car je n'étais que cela à cet instant où reprenant la parole, il prononçait finalement ces mots que j'avais bien dû attendre toute ma vie en un sens, inconsciemment. Ces mots solennels qui nous lieront à jamais, de manière plus solennelle & officielle que nous le sommes déjà. Ma gorge se noua, traîtresse, tant je restais touchée de tout ce qu'il avait pu dire, de la façon magnifique dont il avait entouré & formulé cette demande. J'étais heureuse tout simplement, si heureuse, si émue, le regard brillant d'autant d'étoiles que le sien sans doute, un sourire doux & rêveur aux lèvres, ma main encore un peu tremblante d'émotion dans la sienne.. & toujours cette petite larme de joie qui avait glissé lentement sur ma joue pendant qu'il achevait de parler avec un grand sourire juste chavirant, totalement chavirant pour mon cœur si amoureux.

- Oui.. Oui, mille fois oui, mon amour.

Non je n'avais jamais été si émue de ma vie, je crois, j'aurai pu croire que mon cœur avait explosé d'amour & de bonheur, tant il battait fort & vite dans ma poitrine. & sincèrement j'aurai voulu pouvoir répondre un long discours, essayer de ne dire qu'à moitié combien j'étais heureuse, combien je l'aimais & combien il était déjà mon pilier, mon repère depuis si longtemps. Mais ma voix s'enfuyait lâchement, alors je me contentais de ce oui tremblant un peu peut-être, mais tellement assuré cependant, & tellement sincère, car je ne doutais pas un seul instant de cette affirmation. & n'y tenant plus je brisais le peu de distance qui nous séparait encore pour poser sur ses lèvres un baiser chaste mais d'une tendresse infinie, reflétant mieux que tous les mots toutes ces réponses que j'aurai voulu lui faire, & dans lequel j'essayais en tout cas de lui transmettre tout mon amour si fort & toute ma joie. M'écartant légèrement finalement, je ne m'éloignais pas vraiment, juste assez pour souffle quelques faibles paroles chargées d'émotion, d'un ton peut-être encore un peu tremblant pas encore une fois tellement sincère.

- Si tu savais, si tu savais comme je t'aime Damien..

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


L'instant était parfait. Parfait. Je n'avais jamais été si heureuse de ma vie, j'en étais désormais convaincue. Ses doigt, un peu tremblants peut-être, glissèrent au mien la bague, puis ses lèvres vinrent effleurer ma main doucement. & je souriais, tendre & toujours si émue, peut-être un peu plus encore face à ce geste simple mais tellement significatif. Nous étions fiancés. Un jour nous serions mariés. Un instant je regardai ma main dans la sienne, le magnifique bijou qui se trouvait désormais à mon annulaire pour représenter cette promesse que nous venions de faire, cette demande que j'avais acceptée sans la moindre hésitation. Ma vie était à ses côtés & je le savais ; je l'avais toujours su en un sens. J'avais juste mis trop longtemps à comprendre l'évidence, mais on ne m'en détournerai plus jamais à présent. J'étais face à l'homme de ma vie, celui à qui je pourrai tout donner, pour qui je pourrai tout faire, celui que j'épouserai un jour ainsi que nous venions d'en décider, le père de ma fille & seul père potentiel de mes autres enfants.. Il était tout. Simplement, & cela avait toujours été ainsi. Il manqua d'ailleurs, d'envoyer en l'air toute mes résolutions de ne pas pleurer quand il me répondit ; tout comme cette même réponse m'arracha un sourire mi tendre mi amusé. Poète, il l'avait toujours un peu été, au moins avec moi, au moins quand prenant sa guitare il choisissait quelles mélodies jouer en quelles circonstances aussi.

- Tu l'as toujours un peu été non? Au moins face à moi.

Je l'aimais au moins autant aussi, mais cela je ne le précisais pas ; il le savait, & ses lèvres déjà sur les miennes m'en convainquirent bien assez pour que je ne cherche pas la petite bête. Je n'avais pas envie de m'accrocher avec lui maintenant pour des futilités telles que celle-là, même en plaisantant. J'avais juste envie de profiter de l'instant, & de rire doucement quand comme sortie de nulle part vint une affirmation qui de sa part ne me surprit pas tant. Ma plus grande surprise en réalité, celle qui s'afficha brièvement jusqu'à ce qu'il s'explique l'instant d'après, c'était pourquoi en parler maintenant? Il voulait acheter la Pension de Baguin, avait-il dit, avant d'expliquer qu'il voulait juste avancer & poursuivre lui aussi son rêve dès maintenant, sans attendre, avant le mariage. & je souris légèrement devant sa détermination. Je savais que ce ne serait pas facile sur bien des angles, je savais aussi par ma sœur que cette Pension avait été presque entièrement détruite par les affrontements secouant la ville du Nord ; mais au fond c'était peut-être le meilleur choix pour lui, ça tombait probablement bien que ce soit cet élevage précisément. Un grand pas en avant, pour lui, qui en serait un pour nous deux ensuite par extension. & j'y croyais, j'y croyais peut-être autant que lui, car je croyais en lui, tellement. Mon sourire s'étira doucement & je caressais sa joue d bout des doigts.

- Nous aurons deux chez-nous, alors. J'y crois Dam, je sais que tu trouveras, que tu achèteras cette Pension d'une façon ou d'une autre. On se mariera, & tu seras un grand éleveur. J'y crois..

Ses lèvres prirent de nouveau les miennes, & j'y répondais avec tout mon amour, toute ma confiance inébranlable en lui. J'aurai aussi pu lui proposer de l'aider à l'acheter -j'en avais amplement les moyens-, mais le connaissant cela risquerait de le vexer. Il l'avait dit lui-même, il voulait s'accomplir comme je l'avais fait ; & je m'étais accomplie sans aide, il le savait. Je savais qu'il trouverait de toute manière, & que lui savait qu'au pire il pourrait me demander tout ce dont il avait besoin. Nous serions bientôt mariés après tout, & ce qui m'appartenait serait aussi à lui.. Mes réflexions furent bien vite oubliées cependant, & comme je le pensais déjà jamais formulées. Noyées & balayées dès l'instant où notre baiser prit fin, & où ses lèvres taquines glissèrent vers mon cou, effleurant ma peau sensible avec une malice ne laissant guère de doute sur ses idées. Idées qu'il me confirma bien vite par ses paroles, son ton coquin. Puis par son auto-dérision, & surtout ses semi-explications qui me laissèrent émue, fébrile, brûlante du même désir qu'il évoquait là. Mes doigts avaient glissé dans ses cheveux, j'ignorais quand.

Oh non, il ne pouvait être plus clair, ni plus tentant. Bonjour dilemme.. J'en mourrai d'envie, vraiment, mon désir s'était réveillé & aussi faible que lui si tel doit être le qualificatif de nos attirances, je ne voulais que me glisser sous les couvertures avec lui, lui prouver que nous serions bel & bien mariés un jour, que j'étais heureuse & que je l'aimais tout autant. Mais.. Mon estomac, traître, s'était rappelé à moi en se tordant douloureusement, & puis il y avait ce petit déjeuner horriblement appétissant juste sur le lit.. Je ne savais que choisir. Enfin si, je savais très bien que je le préférais de très loin à un repas hein, mais disons qu'après mes faiblesses de la nuit, je craignais un peu ma résistance au matin.. Disons qu'il y a mieux qu'une crise d'hypoglycémie en pleins ébats. J'esquissais finalement une moue un peu coupable, alors que mon estomac creux se tordait à nouveau. Déposant un baiser tendre sur sa joue, j'espérais vainement ne pas attiser un peu plus mon désir de plus par ce seul contact.. Vainement. Il ne m'en fallait pas beaucoup face à lui, surtout que comme je disais, je partageais parfaitement son sentiment.

- On peut juste manger un peu avant? Je meurs de faim.. & j'avoue que j'ai un peu peur, après ma faiblesse d'hier, j'aimerai mieux que ça n'arrive pas pendant qu'on fera l'amour..

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Si j'avais été partagée avant de finir par me montrer un peu raisonnable -oh miracle, en sa présence cela relevait de l'exploit-, si j'en avais semblé un peu coupable.. Sa réaction, dénotant clairement qu'il avait comme totalement oublié ce plateau pourtant préparé avec attention, balaya d'un coup tout cela, ne laissant qu'un franc amusement. En effet il se frappa tout simplement le front en s'exclamant un mot japonais que je commençais à bien connaître, avant de me rejoindre sur le lit tandis que je ne pouvais que rire légèrement, tendrement. Rire de sa réaction, de son emportement sincère, & de son revirement aussi. Enfin, au moins je pouvais profiter sans scrupules de ce repas à l'odeur délicieuse, malgré le fait que lui soit si proche & sa proximité toujours si enivrante ; car il me laissait ce temps avec toujours autant de respect, se contentant de m'enlacer d'un bras & de me regarder, sans chercher à me tenter plus alors qu'il savait bien que j'aurai cédé. Quelques fois il quémanda une bouchée, & je lui donnais avec le sourire, en toute simplicité. J'étais juste bien ainsi, calée contre lui, profitant de cette matinée aux multiples promesses, où pour une fois l'avenir me semblant comme un million d'arcs-en-ciel car pour la première fois j'en avais une vision claire, une vision.. Juste auprès de lui.

Plusieurs minutes coulèrent ainsi dans ce silence paisible, blottie dans ses bras pour profiter du petit-déjeuner délicieux qu'il m'avait préparé, à rêver de notre avenir enfin envisageable, de notre mariage futur & de notre vie à deux. Un de ces silences qui veut tout dire, qui se passe de mots, car l'ambiance tendre dans cette chambre valait plus que tous les longs discours après les promesses faites plus tôt. Un instant mon regard croisa le sien qui me scrutait d'un air interdit, & la seconde d'après sa voix venait se mêler au silence par des questions ma foi légitimes.. Des questions que ma requête de manger avant de nous abandonner à notre passion amoureuse avait bien dû provoquer, des questions d'une inquiétude bien cachée mais que lesdites paroles trahissait. Étais-je malade, que s'était-il passé? Non, je ne sais pas. Voilà les deux réponses que j'aurai pu formuler crûment. J'étais bien incapable d'expliquer ma faiblesse passagère de la veille, mais vu comme c'était vite passé, totalement évaporé au matin, je me savais en pleine santé ; car j'avais toujours eu une santé de fer, & de fait les fois rares où elle me faisait défaut, elle ne le faisait pas à moitié, durant plusieurs jours. Cependant je pouvais bien comprendre qu'il s'inquiète, même s'il voulait me le cacher, de telles faiblesses ne m'étaient pas coutumières & je venais en plus de lui avouer que ce n'était pas juste dû à l'émotion.

Enfin je pensais, pensais, & lui pendant ce temps avait repris la parole pour me proposer d'oublier tout le reste pour me reposer.. J'aurai bien protesté en répondant à sa première question mais il ne m'en laissa pas le temps, prononçant une phrase un peu subversive pour laquelle il s'excusa aussitôt en balbutiant. Lui gêné, ou plutôt, plus gêné que moi.. Voilà qui n'était guère habituel! Quoi, je ne voyais aucun inconvénient à ce qu'il avait suggéré sans le faire exprès moi.. Bon d'accord, j'avais en main une carte de plus, sachant que je n'étais absolument pas malade & tout à fait en forme pour profiter comme il se doit de cette matinée toute particulière. Enfin pour autant, je ne pus retenir un petit rire doux qui se solda par un sourire tendre, amusée de le voir pour une fois plus mal à l'aise que moi.

- Non t'en fais pas, c'est rien. Juste une baisse de tension probablement, ça arrive. C'est totalement passé.

Car je n'avais pas manqué l'inquiétude dans son regard interdit avant qu'il ne pose cette question, même si son ton avait gardé sa légèreté coutumière, même si l'étincelle d'anxiété avait disparu aussi vite qu'elle était venue. Sur le même ton badin je tâchai de le rassurer ainsi, alors même qu'il avait tenté de me cacher cette petite crainte. Puis, j'étais toujours amusée de sa gêne. Reposant mon bol de chocolat chaud désormais vide, j'attrapais le plateau terminé pour le poser par terre.. Il était un peu gênant sur le lit, à mon sens.

- Enfin, j'ai rien contre un peu de temps juste pour nous, tu le sais..

Un sourire un peu mutin sur le visage, je joignais le geste à la parole, glissant mes mains sur mes épaules tout en me plaçant à califourchon sur lui. Oh non je ne me sentais plus fatiguée du tout, & la faiblesse de la veille était bien totalement oubliée. Désormais il ne restait que le désir mis de côté tant bien que mal le temps de me restaurer, & l'émotion de cette matinée unique, de nos promesses. Un instant seulement, & je me penchais simplement pour lui donner un baiser des plus tendres, ce genre de baiser doux & empli d'amour sous lequel dort une passion brûlante, qui peut tourner si aisément en échange fougueux. Il ne suffirait que d'un geste de sa part pour cela.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..




Le souffle court, le cœur battant, murmurant son prénom & des je t'aime à n'en plus finir, encore un peu sous le coup probablement, je vins simplement m'allonger près de lui, posant ma tête contre son torse pour mieux apprécier le son de son cœur aussi agité que le mien. Peu m'importait d'avoir chaud, que nos peaux collent un peu, ses bras m'étaient bien plus précieux que ces sensations que d'autres trouveraient inconfortable ; cet inconfort ne me venait même pas à l'esprit, en réalité. Puis le silence silence prit pendant quelques secondes tous ses droits, le temps pour nous deux de laisser retomber la tension si douce de nos étreintes passionnées & de retrouver nos souffles, le temps de chasser quelques peu cette intense sensation de fatigue qui intervenait toujours après l'amour. Ainsi blottie contre lui, un léger sourire rêveur aux lèvres, écoutant simplement les pulsations de son cœur qui s'apaisaient peu à peu, j'étais juste bien. Heureuse & comblée. Hors du temps & de l'espace, dans ce petit monde coloré & doux qui n'appartenait qu'à nous deux. Ce petit monde dont les arcs-en-ciel avait gagné une couleur ce matin-là, la couleur de l'avenir & des promesses. & je souriais, je ne pouvais m'en empêcher. Tant pis si je semblais niaise, j'aimais Damien plus que tout le reste & il m'aimait en retour, j'allais passer ma vie & tout mon avenir dans les bras de l'homme de ma vie, le seul & unique qui ait su faire battre mon cœur.

- Je n'ai jamais été aussi heureuse je crois.. Non, en fait j'en suis sûre. Tu m'as offert la plus belle matinée de ma vie.

Ce n'était pas ma tête qui parlait, mais juste mes sentiments si forts à son égard. Piteuse déclaration un peu confuse sans doute, brisant le silence, mais déclaration profondément sincère. J'étais juste bien, une femme comblée dans ses bras, malgré la guerre & les bombes au dehors, malgré nos traumatismes respectifs & les inquiétudes auxquels je ne voulais tout bonnement pas penser pour le moment. C'était juste une belle journée qui s'annonçait, le départ d'un avenir d'espoirs & de promesses. Notre avenir, celui que nous allions bâtir tous les deux pour notre famille & pour notre amour.