Je  déteste les hôpitaux. C’est blanc, ça sent bizarre, ça sent le sang et la mort plus que la vie selon moi. J’ai peur. On dirait une prison. Pourquoi cette femme hurle-t-elle alors qu’elle s’apprête à donner la vie? Cette femme… C’est ma mère. Reine. Pourquoi souffre-t-elle autant pour que je naisse? J’ai le droit de naitre… Mais ai-je le droit de la faire souffrir a ce point? Je n’ai fait que ça, la faire souffrir, lui causer des ennuis même avant que je naisse. Non. Ce n’est pas moi. Ce n’est pas moi qui suis à l’origine de ce mal. C’est lui… Quand je me détourne de la scène ou le visage de ma mère est déformé par la douleur, je me retrouve face à la porte de cette chambre si blanche qui me vit naitre. J’hésite un instant. Suis-je prête à ça? A quitter ce cocon douillet, ces certitudes qui m’habitent mais que je sais fausses de puis toujours. Ces doutes et ces questions que je fais taire depuis toujours pour ne pas savoir après presque 27 ans d’existence. Pourtant, si j’ouvre cette porte, peut-être aurais-je mes réponses, peut-être que je deviendrais encore plus forte. Mais peut-être que je ne veux pas savoir. Jamais. Peut-être que je me trompe sur tout en ce qui le concerne. Et peut-être que je sais déjà.

Ouvres la porte, Julianne.

Une voix qui surgit des ténèbres qui se sont rassemblées autour de moi, la voix de Reine. Elle n’est plus là. Une ombre, à sa place. Des frissons continuent de me parcourir alors que je me revois parcourir les couloirs de l’hôpital, passer devant des bureaux, pour voir inscrit sur un papier, toujours le même formulaire trois noms. Le mien. Ma mère. Mon père.  J’ai déjà vu ce nom, et je l’ai déjà entendu, aussi. Je l’ai juste effacé de ma mémoire. Soudain, le rêve se désagrège à la façon d’un programme codé avec le cul. Puis c’est le réveil.

« Geuh. »

Debout au milieu de son labo, Julianne balaya la pièce du regard comme si elle la voyait pour la première fois. Il lui était impossible de se rappeler ce qu’elle était en train de faire. Elle avait le sentiment d’avoir eu un flash-back un peu bizarre alors qu’elle était éveillé. Ou alors d’être passé dans une autre dimension des plus étranges. Son regard tomba finalement sur un être étrange qui se tenait face à elle. Elle ne l’avait jamais vu avant mais….

« Ekidudu… C’est toi? »

C’est un Neitram qui se tient devant Julianne, ses trois doigts lumineux pointés vers sa maitresse encore dans les vapes de son illusion étrange. Les Neitram ont de bien singuliers pouvoirs en ce qui concerne les souvenirs, de ce que sais l’ingénieure. Et réalisant cela, elle recula brusquement vers le mur de son labo, fixant le Pokémon psy avec la peur de son regard.

« Tu… C’était toi..? Mes souvenirs… Comment t’as pu… »

La bibliothèque la stoppant dans sa marche à reculons, Julianne sursauta d’un coup, des éclats de souvenirs qu’elle venait de voir lui revenaient. Elle foudroya encore Enkidudu du regard.

« Je ne… Je t’ai rien demandé! Je suis très bien comme ça… J’ai pas envie de savoir! Pourquoi t’as du faire ça, hein?! »

La scientifique détourna le regard et tenta d’oublier ce qu’elle venait de voir. Elle l’avait vu. Elle savait désormais qui il était. Elle avait simplement oublié. Rien qu’avec son nom de famille, elle aurait aussi très bien pu le retrouver, mais jamais elle n’avait osé. C’était au dessus de ses forces… A quoi bon courir après un fantôme après 27 ans encore? C’est stupide. C’est peine perdu. Julianne finit par se calmer puis retourna vers le Neitram, tendant à son tour sa main vers lui, à travers l’obscurité du laboratoire.

« Pardon Enk je… S’il te plaît… Reprends mes souvenirs. Tu peux faire ça, pas vrai? Alors, fais-moi oublier. Je n’ai pas le temps pour penser à tout ça. Alors, s’il te plaît… Fais-moi oublier mon père. Fais-moi oublier Zlatan Eriksen. »

Le Neitram ne bougea pas. Il croyait bien faire et baissa les yeux vers le sol. Avant de tendre sa main de nouveau vers sa dresseuse, legèrement tremblant. Puis, la main de sa dresseuse l’arrêta en cours de route.

« Je ne veux plus fuir. C’est toi qui as raison, Enkidudu. Il n’est pas trop tard et… J’ai besoin de savoir pour progresser. Merci… Enk. Et au fait… Tu es magnifique. »

Un sourire finit par naitre sur les lèvres de la Eriksen qui se redressa pour passer une caresse affectueuse sur la tête du Neitram. Comme la méthode tranquille ne marchait pas avec elle, peut-être n’étais-ce pas une si mauvaise idée de lui faire prendre connaissance de tout ce qu’elle avait pu oublier. Mais… Son prochain coup de fil à Reine ne serait probablement pas très plaisant...