Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures..
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Quel con, quel con, par Arceus quel con. Voilà une heure ou deux ou trois je ne sais plus, depuis que j'étais rentrée en tout cas, que j'étais comme buguée sur ces quelques mots, tournant encore & encore dans mon esprit. & le fait de ne pas le trouver en rentrant bien sûr, ça n'avait guère été pour m'apaiser ; en fait cela avait plus tendance à confirmer mes doutes, mes craintes, mes angoisses, qu'autre chose. Quel con. Voilà un moment que j'étais de retour déjà, il faisait nuit noire dehors désormais, & tout le monde devait être couché. Sauf lui. & moi, qui l'attendais, incapable de dormir de toute manière tant que je n'aurais pas eu confirmation, ou tant que je ne serais pas rassurée. Comme j'aimerai me tromper, être trop paranoïaque, comme j'aimerai faire erreur par cette déduction des informations que l'on m'a données tout à l'heure sur les nouvelles recrues. Comme j'aimerai.. Que ce ne soit pas lui, que je m'inquiète pour rien, qu'il n'ait pas fait ça.. Sans daigner m'en parler. Je doutais. Je m'inquiétais. Je souffrais en silence, faisant les cent pas dans le salon parfaitement silencieux hormis le son régulier de mes chaussures sur le parquet. J'avais à peine pris le temps de quitter mes atours de Soledad, à peine pris les quelques secondes nécessaires à laisser cape, lunettes & armes dans ma chambre avant de redescendre, de constater qu'il était bien absent. Arceus. Quel con. C'était juste pas possible. J'aimerai me tromper, vraiment. Je voudrais être juste définitivement parano, n'avoir finalement aucune raison de stresser un peu plus chaque instant comme maintenant, être en train de m'énerver pour rien.

Mais au fond, je m'en doutais n'est-ce pas? Que je n'avais rien de parano, que c'était bien de lui qu'on m'avait parlé, qu'il avait bien profité de mon absence comme espérant que je n'en saurais rien. Comment avait-il pu ne serait-ce qu'espérer que je ne saurais rien, hein? Comment avait-il pu.. Juste songer à se lancer là-dedans sans rien me dire, croyait-il que cela me rassurerait de ne pas savoir le moins du monde ce qu'il faisait ou l'exactitude du danger dans lequel il se lançait? Je préférais savoir bordel. Je préférais savoir pourquoi m'angoisser, car rien n'est pire que l'ignorance. Me figeant soudain dans mes déambulations sans but, je fermais les yeux & serrais les poings, si fort que les jointures durent blanchir à un point incroyable. J'étais en colère. & inquiète. & blessée. & perdue. & révoltée. & angoissée. & tourmentée. & tant de choses, tant, tant que je ne saurais pas les nommer. Tant que même Louna, la seule de mes alliés à m'avoir suivie dans la maison à notre retour, ne savait guère quoi faire pour m'aider, m'apaiser ou juste me rassurer. Elle était là toujours, je sentais sa présence dans mon dos assise sur le canapé, son regard peiné posé sur ma nuque. Mais elle ne savait pas quoi faire. Pas plus que moi, en somme.  Que c'était frustrant. Tellement, tellement. J'en pouvais plus, j'en tremblais si fort. J'allais bien finir par exploser à force d'imaginer les pires scénarios.

Je ne sais si je fus plus soulagée ou un cran plus angoissée encore quand j'entendis le son de la poignée de la porte d'entrée. Dans tous les cas, quelle que soit l'émotion qui dominait, mes jambes me portèrent d'elles-mêmes. En quelques pas je fus à la porte liant le salon au vestibule, ouvrant la porte presque à la volée.. Pour tomber sur lui. En effet. & mon cœur? Un raté, deux, trois secondes d'arrêt. Je me glaçais littéralement. Je vacillais, aussi. Me rattrapant de justesse à l'encadrement de la porte que je venais à peine d'ouvrir, la vision brouillée, une vision où trop de rouge sombre primait, & ma tête me tournait si vite, si vite. L'angoisse me coupait la respiration, presque littéralement. Par tous les dieux ; les nouveaux, les anciens, les pokémons.. Il était couvert de sang? D'où venait tout ce sang, que.. S'était-il passé? La panique s'était emparée de moi si vite, si fort, si brutalement, anéantissant l'espace de quelques instants tout le reste, même la colère & l'indignation. Seuls la panique & ces maudits vertiges restaient, alors que figée je me raccrochais à l'encadrement de la porte pour ne pas sombrer devant cette vision qui confirmait toutes mes craintes, qui en animait bien d'autres.. Que lui était-il arrivé?

- Oh par Arceus..

Ce monde s'ra jamais beau, le monde est tellement fou..

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Plus aucune pensée cohérente dans mon esprit. Seulement l'horreur & la terreur. Seulement la panique & les vertiges. Les questions, s'entrechoquant avec violence alors que mes doigts me retenaient presque désespérément à la porte du vestibule, alors que mon épaule appuyée contre l'encadrement de ladite porte tentait de me tenir encore un peu debout. Mes yeux hagards sur son visage déformé par une haine que j'ai si souvent ressentie, par une rage sans nom.. Par un sadisme que je ne lui connaissais pas. & ses mots si lointains.. Comment voulait-il que je ne panique pas de le voir revenir ainsi, alors que rien en ce monde n'avait plus d'importance que lui? Mon cœur indécis battait de tant de rythmes à la fois. Tantôt arrêt, ratés, comme s'il allait rendre l'âme définitivement. Tantôt accélération, presque fibrillation, comme s'il allait éclater littéralement dans ma poitrine. Je n'étais pas rassurée non. Même si je voyais qu'il ne semblait réellement pas blessé, que ce sang appartenait bel & bien à un autre.. Car cela aurait pu être le sien, & j'aurai pu ne jamais le savoir. Car il m'avait bel & bien caché son entrée dans le mouvement que j'avais suivi dès ses débuts, comme si cela pouvait m'échapper. Je tremblais de tous mes membres, la voix ne m'obéissait plus. J'avais envie d'aller vers lui & de le serrer contre moi, si fort, si fort, d'oublier tout le reste hormis nous deux, qu'il était de retour & en vie. & paradoxalement je voulais hurler, car je lui en voulais de n'avoir rien dit, d'avoir agi dans mon dos, de n'avoir juste pas tenu compte de mes sentiments dans sa rancœur. Les secondes s'égrenèrent, lentement, & je peinais à assimiler ses paroles sèches. À en saisir le sens, à comprendre que c'était vraiment fini, autant qu'à comprendre l'acidité de son ton. Je restais figée à le regarder, comme indécise, comme perdue, jusqu'à ce qu'enfin ma voix se décide à produire un mince filet. Un mot isolé, vite avorté par ma gorge nouée.

- Damien..

Faible & quasiment inaudible. Je ne voyais toujours pas bien clair, toujours trouble, autant physiquement que dans mon esprit. Un seul mot presque étouffé par mon incertitude & la terreur qui m'avait étreinte durant si longtemps, des heures que je ne comptais plus depuis son retour. Juste son nom, comme un reproche & un sos à la fois, car au fond je voulais ses bras. Je devais avoir l'air d'une pauvre petite feuille, fragile & tourmentée par la tempête. Une tempête qui n'était nulle autre que mes propres sentiments ; & pourtant pas moins dévastatrice que si elle avait été ouragan. Le regard toujours voilé d'une inquiétude peinant à me laisser en paix, je cherchais ses yeux, ses yeux à lui, une trace de lui. De la tendresse qu'il avait pu me montrer, de quoi que ce soit pour me rassurer, pour me prouver que ce n'était pas qu'une ombre qui était revenue. Je savais bien que ce n'était pas le cas, qu'il était là en dessous, sous ce sang qui ne lui appartenait pas & dont je n'avais de fait pas grand chose à foutre. Mais je n'étais pas apaisée, au contraire. Je bouillais. Bouillonnais. La colère me revenait lentement, mais sûrement, encore un peu retenue par mon état de choc. J'avais encore besoin de la porte pour tenir debout. & j'hesitais sérieusement. Devais-je.. Le gifler, ou me blottir contre lui pour ne plus jamais le lâcher? Dans les deux cas, je craignais mon corps trop faible pour seulement franchir la faible distance nous séparant.. Il ne me restait plus que mes mots. Ma voix qui acceptait finalement de laisser un nouveau murmure faiblard mais plus audible cette fois. Un peu constation, un peu accusation, un peu douleur.. & tant & tant encore.

- Alors c'était vrai..

& je tremblais de plus belle, alors que les mots agissaient comme une enclume dans mon cœur blessé, comme révélant tout le poids du non-dit, de ce qu'il m'avait caché. Je tremblais si fort que je manquais d'en lâcher le cadre de porte auquel je me retenais toujours un peu désespérément. De colère ou de la terreur, d'indignation ou de l'angoisse? Je ne saurais le dire moi-même. Ça, ça, & d'autres choses sans doute. Tout à la fois. J'avais cette impression de trahison plus terrible que n'importe quoi d'autre, que même la présence de Louna à quelques pas dans le salon ne pouvait apaiser rien que d'un millième. Car pire que tout le reste, il n'avait rien daigné me dire. Il était juste parti sans laisser un mot, sans une explication même incomplète, comme si je n'allais pas m'en apercevoir ni m'en inquiéter. & le soulagement de savoir Stella sauve, même si j'avais toujours adoré la sœur de mon propre starter, était bien loin de suffire à apaiser la tempête sous mon crâne.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Quel con. Combien de fois ces deux mots allaient-ils encore raisonner dans mon esprit ce soir-là? Un peu comme un mode bug. Incessant & agaçant. Je le fixais en silence, je regardais sa tension & sa rage qui m'apparaissaient plus clairement à mesure que ma vision troublée par les vertiges précédents redevenait nette. Ces états ne m'étaient pas adressé? Certes. Peut-être bien. Je m'en fichais un peu à vrai dire. J'avais mal. J'étais réellement blessée qu'il m'ait tenue à l'écart, alors qu'aussi difficile que ce me soit de le voir se lancer dans ce combat je ne le lui aurai jamais interdit. Mon cœur saignait presque littéralement de ce qui ne pouvait me paraître que comme un manque de confiance flagrant. Je me sentais comme un poids pour lui, comme un boulet. Oui, c'était réellement ainsi qu'il m'avait fait me sentir. & ça, c'était bien plus douloureux, bien plus difficile à endurer que l'inquiétude oppressante sans son absence. Aussi rude à supporter que l'incertitude quand à ces longues heures où il avait été "en mission" loin de la Pension. Au moins il ne nia pas.. & confirma même le nom que j'avais supposé être le sien. Le Phoenix. Un beau nom, une belle signification. Mais un silence mille fois douloureux l'avait entouré, jusqu'à ce que je le découvre moi-même. Presque aussitôt.

- Oh mais je comprends tu sais. Je comprends que tu veuilles te battre toi aussi, & vu comme je suis impliquée je serai sérieusement mal placée pour te dire de ne pas le faire, aussi dur que ce soit de te savoir en danger. J'aurai quand même pu t'aider. Je ne demande que ça, rien de plus.

Un petit sourire contrit sur mes lèvres avait accompagné ces quelques mots. Ma voix restait encore un peu faible pour l'instant, & l'appui de la porte nécessaire. J'avais à peine remarqué son geste d'ôter son chandail souillé de sang, pourtant situé avant que je ne parle. J'avais à peine entendu ses explications & pourtant j'y avais répondu par ma compréhension. Les dernières traces de mon calme mesuré, car mon esprit restait figé sur son silence, & sur les premiers mots de son explication. Il ne fallut pas plus d'un instant pour que mes barrières cèdent après mes précédentes paroles. Mes émotions prirent soudain le dessus, désormais que mon état de choc semblait éloigné, désormais que je n'avais plus besoin de respirer lentement & profondément pour ne pas risquer de défaillir. Il ne restait que les deux mots agaçants, & la tempête sous mon crâne. Quel con!

- Mais putain, POURQUOI tu ne m'as rien dit?! Pourquoi a-t-il fallu que j'apprenne ça par quelqu'un d'autre, & que je m'inquiète d'autant plus que je n'ai que des on-dit & que je sais pas où t'es? Pourquoi ces cachotteries, pourquoi tu peux pas me faire confiance un peu?! Putain, mais pourquoi faut-il que je me sente juste comme un obstacle gênant à tes ambitions?! C'est pas possible Dam, tu peux pas me dire de te parler & en parallèle me cacher des "détails" si importants! Je ne suis pas en sucre bordel!

Mon filet de voix était devenu, sans que je ne sache comment, des cris. La colère m'avait bel & bien envahie finalement, renforcée par la puissance de l'inquiétude que j'avais éprouvée si fort en son absence, où je me doutais grâce à un autre Souffle qu'il s'était lancé dans la Résistance sans savoir où il était, dans quel danger il se lançait, ou même s'il avait été "bien" recruté. Mes mots se répercutèrent dans le salon, & dans une partie de la maison peut-être, & soudain en prononçant la dernière phrase mes jambes cessèrent de me porter, les traîtresses. Un tremblement me parcourut toute entière & je tombais à genoux sur le parquet dans le cadre de porte qui ne suffisait plus à me soutenir finalement, une larme brûlante de colère & de ce sentiment terrible de n'avoir pas sa confiance glissa sur ma joue. & ce même mot source de milliers de questions, ce mot unique qui avait remplacé l'exclamation intérieure & indignée de précédemment, tournait encore & encore dans ma tête alors que je ramenais mes bras autour de ma poitrine dans une piètre tentative de m'apaiser, de chasser le froid terrible qui m'avait envahie.. Pourquoi?

La nuit, y fait jamais chaud.. La nuit, c'est comme un loup.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Un instant seulement. Je n'avais guère conscience du temps qui s'écoulait depuis son retour, mais cela j'en avais la certitude. Il ne lui fallut pas plus d'un instant pour être auprès de moi lorsque mon corps me trahit & que les jambes se dérobèrent sous moi, me faisant tomber à genoux sur le parquet glacé. J ne le regardais pas, le voyais à peine, j'étais totalement étourdie par mes émotions contradictoires. Ma colère & ma douleur qui s'affrontaient, la tempête qui continuait de faire rage dans mes pensées, ce pourquoi déchirant qui me tuait de l'intérieur. Pourtant je sentais ses gestes empressés quand il s'empara de mes mains, s'inquiétant de mon revirement si soudain, quand il m'attira simplement contre son torse tiède en déposant un baiser tendre sur mes cheveux. Je n'avais pas même remarqué que la tranchante larme solitaire de ma joue n'était plus du tout esseulée, & à mesure que sa voix m'enveloppait mes tremblements incontrôlés se muèrent en sanglots silencieux. Ses mots sans baume, tombèrent sur mon cœur émietté. Tantôt apaisants tantôt déchirants. Je l'écoutait sans rien dire, incapable de formuler une seule parole de toute manière. Juste blottie contre lui, les yeux clos pleurant des larmes dont je ne soupçonnais même plus l'existence tant elles venaient de loin, sanglotant entre ses bras qui m'apaisaient & me brisaient à la fois. Au fond je me raccrochais plus à lui qu'autre chose, un peu désespérément, malgré cette rancœur qui restait. Au moins l'entendre affirmer que je n'étais pas un poids, que sa décision n'était pas due à une telle considération, eu le don de me détendre. Légèrement. Même si son absence de confiance continuait d'indigner une part de moi. Je prenais ses paroles, ses questions, ses explications, ses mots doux, sa voix troublée par des pleurs qui ne coulaient pas. Tout ce qui se mêlait dans son discours jusqu'à ce qu'il se taise. Revenue peu à peu à moi-même après le vertige qui m'avait faite chuter, j'avais écouté chaque parole.

- Si, t'es con. T'es trop con Dam, & tu l'vois même pas.

Les larmes ne tarissaient plus sur mon visage, coulant à flots de mes yeux que je ne rouvrais pas. Mon ton sec, brisé par toutes les émotions qui m'avaient assommée, qui m'oppressaient encore, sonna comme un reproche. C'en était un, sans nul doute. Oui j'étais fragile, terriblement fragile, je l'avais toujours été en un sens, & lui seul savait à quel point.. Mais il savait aussi à quel point je détestais qu'il tente de me protéger. Surtout quand il s'y prenait aussi mal. Car si j'étais fragile, j'étais aussi forte, on me comparait parfois à un chêne. & ce n'était pas pour rien, cette métaphore. J'avais appris à tout endurer, à garder mes souffrances ou celles des autres, à me battre jusqu'à mon dernier souffle si nécessaire, j'avais construit une carapace presque imprenable pour me préserver. J'avais la capacité d'endurer bien des choses, même ma peur de le perdre ; sauf s'il coupait mes moyens comme il l'avait fait en me gardant dans l'ignorance.

- Merde, j'veux pas t'empêcher de te battre toi aussi, j'veux pas forcément t'accompagner en mission, ni tout le temps ni même jamais s'il le faut.. Je veux pas te suivre partout, juste savoir, c'est si compliqué à envisager? C'est pire que tout de s'inquiéter sans savoir pourquoi, d'imaginer tous les scénarios sans savoir lequel est le bon.. J'veux juste savoir où tu es, & au bout de combien de temps approximativement j'dois paniquer de pas te voir arriver, bordel, c'est si compliqué à comprendre ça? Laisse-moi gérer toute seule mon inquiétude, j'peux bien me démerder avec, tu sais.

Je n'avais pas bougé. Pas d'un iota, hormis mes lèvres pour lui parler, & hormis les tremblements violents qui avaient finalement repris le pas sur les sanglots muets. Je tremblais de colère, de douleur, d'incompréhension, de froid aussi un peu. Un froid moral. Ma voix était coupée par les larmes, incertaine parfois & pourtant ferme. J'étais immobile. Égarée. Juste blottie contre lui, sans lever les yeux vers les siens comme de crainte de ne pas pouvoir vider mon sac si je croisais son regard. Car j'avais besoin de lui dire tout ce que j'avais sur le cœur, car on ne pourrait pas avancer sinon.. Car j'avais besoin qu'il ne me refasse pas ce coup-là. Par pitié, plus jamais cette incertitude assassine..

- Oui j'aurai la trouille. Mais ça je peux le supporter. C'que je peux pas endurer c'est le doute, l'incertitude.. C'est l'idée que si ça se trouve je t'ai perdu, & j'ai pas moyen de le savoir puisque tu m'as rien dit. Parce que je peux pas te perdre tu comprends.. J'peux pas Damien, pas deux fois ce cauchemar-là. J'ai plus de raison de vivre sans toi, tu sais.. J'ai tenu cinq ans parce que j'ai gardé espoir, parce que je sentais qu'il y avait encore de l'espoir, mais sans ça.. Une vie sans toi, c'est pas une vie Dam. J'ai peur, j'ai horriblement peur de te perdre encore.. Mais j'aime mieux savoir pourquoi je m'inquiète quand tu pars.. S'il-te-plaît.. C'est comme mourir d'angoisse de ne rien savoir..

Le loup voulait ma peau.. Heureusement tu changes tout.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


L'entendre finalement m'accorder ce pourquoi j'en étais presque venue à le supplier me fut un soulagement immense. Je sentis presque littéralement ce poids intense s'envoler de ma poitrine, me rendant enfin la possibilité de respirer vraiment, & je me détendais un peu. L'espace d'un instant très bref, car je l'avais bien senti se tendre à son tour avant qu'il ne prenne la parole. & quand après m'avoir signifié son acceptation, il m'expliqua la raison de cette tension que j'avais devinée, je me sentis tout simplement aussi con que ce que je l'avais accusé d'être. C'était sa claustrophobie qui le tourmentait. Prise dans la tempête de mes émotions, mes sentiments, & mes angoisses, j'en avais oublié cette conséquence de son incarcération, j'en avais oublié la taille ridicule du vestibule.. & Arceus en soit témoin, je m'en voulais affreusement. Ma voix resta coincée au fond de ma gorge alors que j'ouvrais la bouche pour lui répondre, & je me contentais donc d'un hochement de tête silencieux, m'adossant un peu au cadre de la porte pour me relever, encore tremblante comme une feuille, & le suivre vers le salon. Je ne l'aurai pas admis oralement sans doute, trop fière pour cela, mais dans ma faiblesse passagère je fus bien contente d'avoir son appui pour monter les escaliers. En réalité il était sans aucun doute l'un des seuls à qui je puisse demander de l'aide sans rougir, dont je puisse accepter le soutien sans trop chigner. En réalité s'il ne m'avait pas de lui-même prêté son épaule pour grimper les marches, j'aurai sans doute été la chercher, mais en cet instant j'étais encore trop égarée pour être capable de le reconnaître. Alors je me laissais faire sans broncher, de toute manière trop épuisée pour protester. Nous arrivâmes vite à sa chambre, & je me laissais aller sur le lit. M'allongeant lentement sur le flanc alors qu'il quittait les lieux pour se réfugier un moment dans la salle de bains.

Commença alors mon supplice aussi silencieux que douloureux, la conséquence de mes propres traumatismes. Sans sa présence, sans Louna qui avait visiblement quitté le salon durant notre dispute -au profit de la chambre de Crystal sans doute-, je me sentais comme chaque fois horriblement seule & égarée. L'angoisse me serrait le cœur avec une force nouvelle, ajoutant à la souffrance qui me tourmentait déjà, à la douleur de mon ventre toujours opprimé depuis le début de soirée ; & je devais faire appel à toute ma volonté pour rester calme. Respirant profondément, les yeux clos, les doigts de mon bras tatoué agrippant le drap comme pour me retenir à quelque chose de tangible, je tentais de m'inciter à me détendre, d'éviter cette crise d'angoisse ô combien violente qui me saisissais chaque fois que je me trouvais totalement isolée. Un moment d'une longueur que je n'aurai su définir s'écoula, sans doute une ou deux éternité, avant que ses pas ne retentissent dans le couloir. & quand je l'entendis passer le seuil, je m'apaisais enfin un peu. Le souffle encore un peu difficile, je relâchais la pression de mes doigts sur le drap, alors qu'il prenait la parole. Un faible sourire sans joie, un peu contrit, se dessina sur mon visage. & je rouvrais finalement les yeux pour le regarder faire les cents pas dans la chambre, me redressant lentement pour m'appuyer sur mon coude. Sa voix retentit de nouveau après quelques instants, & quand il se tu je soupirais avec lui. Quelle histoire, en effet.. Sur ce point là nous étions entièrement d'accord. Sans doute que nous l'aurions été sur le reste aussi, dans un cas où j'aurais été au niveau le plus bas de la Résistance également.. Mais je n'avais pas vraiment le loisir de jouer l'autruche, moi. Non pas que je lui reproche de vouloir le faire.. Je n'avais juste pas ce choix.

- Je peux comprendre.. Mais tu sais, moi je n'ai pas l'opportunité de ne rien savoir. Je serai forcément au courant, toutes les missions d'envergure passent par moi, & une grande partie des petites aussi. Ainsi que tout ce qui concerne les nouveaux. Alors tant qu'à y être, je préfère avoir l'information complète de ta bouche, plutôt que le vague résumé que d'autres m'en feront. C'est.. Plus rassurant.

Ma voix n'était qu'un souffle, un peu brisé par les larmes trop nombreuses & douloureuses qui opprimé bien peu de temps auparavant. J'étais sincère, & je ne fuyais plus son regard ; car j'étais suffisamment calmée pour contrôler un minimum mes émotions désormais. Je pouvais parler posément, lui expliquer mon point de vue.. & ce qui découlait de mon implication. Oh je me doutais bien qu'il n'en ignorait rien ; d'à quel point j'étais engagée dans la Résistance je veux dire. Rien que le fait que j'ai été la responsable de cette mission au Bloc R, mission de la plus haute importance où on savait pourtant en "haut lieu" que j'étais aussi impliquée émotionnellement, en était un aveu des plus criants. & puis je ne lui avais jamais caché que Soledad était une résistante connue & influente dans le mouvement. Seulement il est vrai.. Que depuis son retour, hormis quelques réunions, je n'avais pas agi plus que cela. Je n'avais donc jamais été dans sa situation de devoir partir en mission encore. Je notais donc, sans mot dire, dans un coin de mon esprit de ne pas l'avertir. Tout serait donc réunion pour mes absences, & il ne saurait guère lesquelles seraient missions. Tant que lui me tenait au courant, je pouvais bien me plier à sa demande de le laisser dans l'ignorance, n'est-ce pas? Au fond je comprenais après tout. Peut-être que si je n'avais pas été dans ce cas où tout me viendrait forcément, j'aurai préféré aussi ne rien savoir.

- Damien..

Doucement je m'étais redressée tout en pensant, m'asseyant sur le bord du lit sans trouver l'énergie de me lever. Son nom m'avait échappé comme un appel, mais j'ignorais ce que je voulais lui dire. Pas grand chose sans doute, probablement que je voulais juste ce pourquoi j'avais commencé à me lever ; réduire enfin la distance entre nous. La crise d'angoisse qui m'avait frôlée de près toute la soirée, toute la nuit, battait encore près de mon cœur, & je peinais à la repousser réellement. Je me sentais horriblement émotive, plus lunatique encore qu'à mon habitude, même si j'avais retrouvé le contrôle de mes sentiments, & surtout je me sentais affreusement faible. & je détestais ça, me sentir faible, tellement. Assise sur le bord du lit, mes pieds nus tremblants sur le parquet, mes mains posées de part & d'autres de moi sur le matelas comme prêtes à me servir de levier, je ne trouvais pas la force de me lever. & Arceus que cela m'agaçait. Le regard rivé sur le sol, j'étais au bord des larmes alors que j'avais déjà tant pleuré ce soir, & je ne savais même pas pourquoi cette fois.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Cette fois encore, il ne lui fallut pas longtemps pour réagir. Quelques instants à peine depuis mon appel murmuré, vague & confus mais pourtant aussi clair que sincère ; quelques instants à peine & il était auprès de moi, s'asseyant sur le lit à mes côtés, venu chasser mes démons & ma frustration de sa simple présence. Puisqu'il avait réduit si bien la distance à la fois entre nous, cette distance qui en réalité était si courte mais qui paraissait si immense à mon âme & mon cœur blessés, je n'avais donc plus besoin de me lever pour le faire, je n'avais plus à lutter contre mon agaçante faiblesse que je pouvais ainsi oublier plus aisément. Inspirant légèrement & profondément à la fois, je chassais les larmes qui m'avaient monté aux yeux avant qu'elles n'aient eu l'occasion de couler. En voilà au moins que je ne verserai pas ce soir-là.. Le fait qu'il soit enfin si prêt de moi avait le don de m'apaiser, & si mon corps restait d'une faiblesse purement frustrante, je me sentais intérieurement plus forte, alors que les dernières traces de mon angoisse acceptaient enfin de me laisser en paix. Enfin, enfin, cela avait été bien long. Enfin je pouvais respirer un peu plus librement grâce à lui, qui malgré tous les accrochages que nous pourrions avoir restait mon soleil & mon oxygène tout à la fois.

Doucement sa main prit la mienne, & je tournais le visage vers lui, croisant son regard humide qui me serra le cœur, lui que je n'avais vu pleurer que très rarement. Je n'aimais pas le voir mal. Pourtant c'était indéniable, il avait été aussi mal que moi ce soir-là, il avait autant souffert des mots que nous avions échangés. Avait-il autant envie que moi d'oublier, désormais que nous en étions venus à un accord convenant à l'un & l'autre? Souhaitait-il lui aussi désormais ne plus profiter que de l'instant présent, cet instant n'appartenant qu'à nous, loin des guerres & des conflits dehors? Il me semblait deviner que oui, oui pour ces deux questions silencieuses, à voir son regard azuré dont je ne parvenais à déchiffrer les sentiments exacts. Ses paroles ne tardèrent pas à confirmer ces souhaits comme partagés, alors que d'une voix tremblante d'émotion il me déclarait.. Quoi? Bien sûr que je voulais que nous soyons heureux tous les deux, bien sûr que j'étais toute aussi fatiguée des larmes & des peurs & de la colère que lui, mais.. Pourquoi s'était-il tu d'un coup, hésitant puis abandonnant ses suggestions à mi parcours de la manière la plus frustrante qui soit? Je restais suspendue à ses lèvres, interdite de le voir changer si soudain de direction.

Il m'embrassa aussi soudainement qu'il avait brusquement fait silence, avec tant de fougue que de douceur. Espérait-il là que j'oublie ce qu'il avait failli dire? Non, c'aurait été mal me connaître ; il en avait trop dit ou pas assez.. & j'avais déjà décidé que c'était plutôt pas assez que trop. Mais il le savait après tout, il me connaissait sans doute mieux que quiconque. Il devait bien se douter que si je répondis à son baiser avec autant de passion & de tendresse qu'il me l'avait donné, je ne le laisserai pas s'en tirer si aisément.. Oh je n'allais pas l'agresser bien sûr, ni le forcer vaille que vaille. Juste lui rappeler qu'il pourrait toujours tout me dire, tout sans exception ; en tentant d'étouffer l'espoir encore non identifié qu'il venait d'animer dans ma poitrine. Un espoir aussi chaleureux qu'étouffant, dont je ne devinais pas consciemment le sens & que je ne cherchais pas à comprendre. Je ne pensais en fait qu'à l'instant présent, qu'à ses lèvres sur les miennes & notre amour transmis par ce simple contact. Qu'à ses mots qui m'avaient tant émue avant qu'il ne s'interrompe soudain. Vint le moment inévitable où nos souffles nous trahirent, & où nous dûmes nous écarter, mettre fin à ce baiser si doux après la tempête. La respiration courte mais le cœur battant & les joues un peu rosées sans doute, je rouvrais alors les yeux pour les plonger dans les siens.

- Oui?..

Je lui souriais tendrement désormais, levant vers lui un regard brûlant d'amour, animée d'un espoir dont je ne comprenais pas vraiment l'origine mais qui faisait battre mon cœur d'une toute autre manière que plus tôt dans cette soirée un peu folle. Mes doigts légers effleuraient sa joue, comme pour l'encourager à parler sans crainte. J'ignorais ce qu'il avait voulu dire avant de se raviser soudain mais j'avais envie de savoir, car la part de moi, mon instinct, qui croyait avoir deviné sans me le révéler avait cet espoir.. Cet espoir.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


La chambre avait beau être obscure en cette heure tardive, la rougeur soudaine de ses joues en réaction à ma question ne m'échappa absolument pas, étirant en coin mon sourire tendre qui prit en plus une dimension amusée. Je ne dis rien, lui laissant le temps, attendant juste sa réponse, mais elle ne vint pas tout de suite. Au contraire, traître, il commença par se pencher vers mon cou, faisant jouer ses lèvres sur ma peau si sensible à ses contacts. Sans doute cherchait-il ses mots, ou à me faire oublier peut-être. Dans ce second cas il n'y parviendrait pas, & le savait sans doute. S'il me détournait un moment, c'était comme une invitation à insister plus tard, aha. Ses baisers doux & fiévreux à la fois m'enivraient je devais bien l'avouer, & je sentais ma respiration m'échapper. Comment pouvais-je avoir tant envie de lui dans mon état de fatigue, voire d'agaçante faiblesse, je l'ignorais. Mais le fait était là. Ses lèvres jouant sur ma peau, dans mon cou ou contre mon oreille, sa voix basse soufflant des mots doux sur son bien-être & ma beauté.. Tout cela attisait mon désir de lui qui s'était réveillé. Sans parler de sa tenue presque indécente, pratiquement nu à me serrer contre lui ; ce n'était pas pour m'aider, ça. Pourtant je m'incitais au calme, à rester maîtrisée malgré la puissance de mon amour pour lui qui n'arrangeait rien. Ma main glissa d'elle-même dans ses cheveux, mon souffle se fit plus court & mon cœur s'accéléra ; tout cela, sans nul doute. Mais je me forçais à rester mesurée, détendue autant que possible, car j'attendais encore qu'il continue de parler.

Alors il finit par continuer sur sa lancée. La nouvelle lancée, pas celle d'origine qu'il avait avortée. Il m'attira contre lui en cessant de me tourmenter par ses baisers brûlants contre mon cou, pour juste me tenir dans ses bras, caressant doucement mes cheveux de feu alors que je me blottissais sans nulle trace d'hésitation contre son torse nu. Soupirant d'aise alors que ma respiration revenait tranquillement à sa normale. Il finit, donc, par continuer sur sa nouvelle lancée, & les mots pourtant tendres tombèrent un peu durement sur mon espoir non identifié qui se trouva ainsi déçu. Juste être avec moi, n'était-ce pas déjà le cas? Oh le sens était plus profond sans doute, mais si je ne savais pas vraiment ce que j'avais espéré, je savais au moins que ce n'était pas ces paroles-là, si belles & agréables soient-elles à entendre. Avais-je espérer quelque chose de plus absolu encore? Allez savoir, allez savoir. Il déposa un baiser doux sur ma joue, & je passais simplement mes bras autour de lui pour me presser un peu plus contre lui. Toujours un peu déçue de ce qu'il avait dit comme une finalité, & qui ne correspondait apparemment ni à ce se j'avais espéré inconsciemment au fond de moi.. Ni réellement à ce qu'il avait manqué de dire avant de se raviser,

Car je n'étais pas dupe, absolument pas. Il était parfaitement sincère mais ne disait pas tout ; sinon pourquoi ce "point final"? Je crois que je commençais alors à comprendre ce qui était pourtant assez évident dès ces paroles qui avaient déclenché notre baiser, mes interrogations, ses hésitations. Je commençais sans doute à réaliser ce qu'il avait failli échapper.. Ou du moins j'espérais comprendre. Encore cet espoir. Je n'en étais que plus déçue de le voir se défiler par une pirouette qui pourrait presque sembler habile. Si c'était bien cela, pourquoi.. Pourquoi ne le disait-il pas? Puis je me rappelais comment il avait rougi, quelques instants plus tôt. Du trac? Le fier & assuré Damien Ikeda aurait donc le trac, devant moi? L'amusement remplaça la déception dans mon regard, & j'esquissais un petit sourire un peu provoquant. Très bien mon amour, je te laisse ta victoire.. Pour cette fois. Intérieurement, je me décidais à lui laisser cette nuit peut-être peu propice à quoi que ce soit, même si ce que je croyais avoir deviné m'aurait comblé de joie quelques soient les circonstances où il l'évoquerait. Je décidais de lui laisser jusqu'au lendemain avant de revenir d'une manière ou d'une autre, lui demander ce qu'il avait réellement voulu dire. De toute manière vu comme j'avais bien masqué mes émotions, trop fatiguée moralement pour le faire, il avait du lire en moi comme un livre ouvert. & voir combien je n'avais pas été dupée par sa pirouette.

- Toujours ensemble?

Je devais avoir l'air bien naïve avec mon sourire amoureux & mes paroles d'absolutisme, mes paroles d'éternel ; mais je me fichais bien des apparences face à lui. & puis si naïve que je puisse sembler j'étais sincère pourtant, tellement sincère. C'était un espoir réel, écho discret de celui que j'avais fini par identifier. Peut-être essayais-je un peu de lui donner du courage déjà, de l'assurance, tout en indiquant par cette question différente ne revenant pas insister sur ce qu'il avait manqué de dire, que je laissais passer cette fois-ci & acceptais de ranger ma curiosité au placard pour l'instant. Pour l'instant seulement, hein, une fois encore. J'étais un peu trop fatiguée pour un bras de fer moral avec lui cette nuit, de toute façon, je pense. Le lendemain matin serait un autre jour, probablement plus propice.

Mon ange, les anges ont tes yeux, tes blessures.
Si tu savais tout ce que j'te jure, du fond de mon armure..


Pour autant si naïve ou absolue que je puisse sembler, il ne sembla même pas le remarquer, encore moins s'en formaliser. Sa réponse, reprise exacte des deux mots de ma question, étira mon sourire tendre à son égard, alors que mes yeux devaient bien étinceler de bonheur & d'émotion. Toujours ensemble. Ainsi ce sentiment était bien partagé.. Il venait presque de confirmer mes déductions silencieuses, mais ayant décidé de le laisser en paix avec cela jusqu'au lendemain je n'en fis pas la remarque. Si j'aurai pu m'avancer moi-même sur cette idée, évoquer cette union qu'il me faisait espérer? Oui, sans aucun doute. Je n'étais pas de ceux pensant que seul l'homme peut faire ce pas-là, mais.. Damien avait semblé si gêné, si nerveux. & puis il avait toujours été un peu orgueilleux aussi. En prenant les devants, j'aurai pris le risque de le blesser, & c'était bien la dernière chose que je souhaitais. Alors oui, si je devais mettre un peu au placard mes principes pour ne pas le brimer dans son élan hésitant, soit! Après tout, ce n'était plus que le laissée finir ce qu'il avait déjà commencé, non? A supposer bien sûr que mes déductions soient bonnes, déjà.. Mais mue par l'espoir qu'il avait animé en moi, je n'en avais plus grand doute désormais. & au pire si c'était finalement autre chose, j'en parlerai moi-même, voilà. Sur ces pensées agitées & douces, je me blottis un peu plus dans l'étreinte qu'il avait resserré sur moi en soufflant ce "toujours ensemble" aux allures des plus belles promesses, d'un avenir enfin plus lumineux à ses côtés.

Quelques instants s'écoulèrent ainsi, dans un silence se suffisant à lui-même, un silence paisible où seule la force de notre amour emplissait la pièce, & où je ne prêtais volontairement pas garde à sa nervosité qui semblait de retour pour quelque raison mystérieuse. Bien loin me paraissaient les angoisses & les cris de tantôt désormais, ainsi calée dans ses bras j'oubliais tout de notre dispute qui de toute manière s'était soldée par un accord, j'oubliais tout du reste du monde & du jour qui se lèverait demain comme chaque matin car cet instant n'était qu'à nous. Je n'aurai su dire combien de temps se passa dans ce silence doux, quand il se leva finalement, me laissant sur le bord du lit. Sans mot dire il alla vers la commode se vêtir pour la nuit, & par ce qui me semblait un drôle d'automatisme je l'avais simplement suivi du regard, sans rougir un seul instant à la vue de son corps nu qui ne me gênait plus depuis un bon moment. Toute pudeur envers mon compagnon ou face à lui m'avait tout simplement quittée, désormais que nous partagions tant. & si je me savais guère en état de partager quoi que ce soit ce soir-là, écrasée de fatigue & de ma faiblesse encore présente de tantôt, j'avais tôt de même bien droit de profiter un peu de la vue de son corps en tout point parfait à mes yeux, hein? Même si c'était terriblement tentateur là comme ça, & que je ne fus pas mécontente qu'il se couvre un peu malgré tout ; car je n'aurai réellement pas été en état pour les idées qui me venaient déjà à l'esprit.

Il revint vers moi & je lui souris doucement, alors qu'il soupirait en se glissant sous les couvertures, non sans m'entraîner avec lui dans cet élan. & je me laissais faire sans protester, au contraire, venant me blottir simplement contre lui dans la continuité du mouvement. Il parla, un murmure léger explication de son soupir, & je ris brièvement, doucement. Je le torturais, ainsi? Je devinais qu'il faisait là référence à ce qu'il avait failli laissé échapper plus tôt, comme un semi-aveu que ce j'avais raison & que ce n'était réellement pas tout, qu'il y avait bien autre chose & que cela viendrait plus tard ; en attendais, je le torturais. Par mes réactions ou mes paroles? Je l'ignorais. Un peu des deux sans doute, dans les deux cas cela m'amusait un peu, je devais bien l'avouer. Levant la tête vers lui, je glissais un baiser tendre sur ses lèvres, avant de venir simplement enfouir mon visage dans son cou.

- Ça, c'est parce que je t'aime tellement..

Murmure malicieux, petit sourire en coin caché. La fatigue me faisait trembler & m'engourdissait, la faiblesse me donnait un peu froid par dessus le marché -Arceus que je détestais cette impression d'être une pauvre petite chose maladive-, mais ainsi calée contre lui, j'oubliais un peu tout ça pour encore trouver l'énergie de simplement lui répondre. Parce que malgré tout, j'étais juste bien dans ses bras.