C’est bientôt l’heure... Je regarde l’horloge numérique de mon micro-onde, fébrile. Je devrais bientôt partir. Après tout, je dois me rendre à Baguin, ce qui n’est pas à la porte… Je prends une grande respiration avant de me diriger vers la salle de bain, où réside mon seul miroir. J’y jette un coup d’œil et en profite pour replacer une mèche de cheveux rebelle. Bon, je ne suis pas trop mal… D’ailleurs, suis-je trop chic? Ou pas assez? J’aurais dû lui demander comment m’habiller… J’ai opté pour une chemise noire, classique, ainsi qu’un pantalon de la même couleur. Je me suis dis que la cravate en ferait trop, mais peut-être devrais-je en mettre une, en fin de compte? Et devrais-je me parfumer? Devrais-je préparer quelque chose pour le souper? Une salade, une soupe? Je n’en ai pas la moindre idée… À vrai dire, c’est la première fois qu’on m’invite pour passer Noël. Depuis quelques années, maintenant, j’ai l’habitude de passer le réveillon seul, avec mes Pokémon, devant un vieux film et en mangeant des plats congelés. Noël est pour moi une fête des plus tristes. C’est bien beau quand on a quelqu’un avec qui le partager, mais quand on est seul… Essayez donc de vous ramasser une fille convenable le jour du réveillon…

Je pousse un long soupire, sans quitter mon reflet du regard. Bon, aller, ça ira comme ça. Faut que je parte. Je me dirige vers le salon, où se trouvent mes Pokémon. Ils y sont tous, et m’admirent alors que je me présente à eux. Aussitôt, Stella s’approche de moi pour replacer le col de ma chemise. Elle boutonne un ou deux boutons, jugeant que je suis trop découvert. Je lui adresse un sourire amusé avant de m’éloigner vers le reste du groupe. Je m’excuse à eux. Nous avons toujours passé cette fête ensemble, mais pas cette année. M’enfin, ils doivent comprendre. Ils me connaissent après tout. Ils doivent se douter de ce que je vais faire, chez Victoria… Ou pas. Moi-même je ne sais pas vraiment ce qui va se passer. Et j’aime mieux ne rien imaginer. Je ne veux pas me faire de scénarios, au cas où ce ne serait pas ça… Ou au contraire, au cas où ça le serait… Je me secoue la tête, cherchant à chasser ces pensées envahissantes. Aller, faut y aller. J’envoi un dernier sourire à mes Pokémon avant de ramasser un cadeau pas très bien emballé, puis je me dirige vers la porte. Mon cœur bat fort, et ma tête tourne légèrement. Il faut dire que je ne m’y étais pas vraiment préparé. Je ne m’attendais pas à passer cette soirée accompagné. Victoria ne m’a appelé que la veille. Si j’avais su, j’aurais peut-être pu mieux m’y préparer mentalement. Ou alors ça aurait été pire. J’y aurais pensé, et pensé et encore pensé…

L’air est bon, dehors, ce qui facilitera grandement mon trajet. Au moins, il ne pleut pas. S’il avait fallu qu’une tempête détruise ma coiffure… Je me dirige, d’une vitesse folle comme à mon habitude, sur les routes de la ville, en direction de Baguin. J’ai un bon trajet à faire, mais comme la circulation est fluide, j’y arrive en fin de compte à l’heure. Je ne suis ni en avance, ni en retard. Parfait. Je déteste être en retard, mais je déteste par-dessus tout être en avance. Quand ça arrive, je ne sais pas quoi faire de mon corps. Je n’ose pas entrer, alors je me mets à déambuler dans le coin, à la recherche de n’importe quoi qui pourra me faire passer le temps. Heureusement, ce n’est pas le cas, alors je me dirige, mon cadeau en mains, vers la résidence que m’a indiquer Victoria, lorsque je lui ai parlé. J’emprunte l’ascendeur, et en peu de temps, j’arrive devant la porte. Cette porte… C’est la seule à me séparer de ce qui se trouve de l’autre côté. À quoi m’attendre? Ais-je bien fais d’amener un cadeau? Après tout, Victoria n’est qu’une amie? Est-ce qu’un donne des cadeaux aux amis? Je ne sais pas, je ne fête jamais Noël! Bon, on verra bien! Je prends une grande respiration avant de cogner légèrement sur la porte, puis avec plus d’insistance. Il ne faut pas deux secondes à la jeune femme avant qu’elle ouvre la porte, me surprenant par la même occasion. Je m’apprête à faire un commentaire sur sa rapidité, mais je me retrouve incapable de parler. Je suis tout simplement figé sur place par sa beauté. Je la regarde avec de grands yeux. Elle est tout simplement magnifique… J’entends à peine son charabia, tellement je suis absorbé. Sa robe, son maquillage, son… Woah… Je suis tout simplement sans mots. Elle m’hypnotise… Tellement, en fait, que d’un coup, je réalise que je suis resté planté dans le cadre de la porte, à la fixer comme un gamin fixe une vitrine de bonbons! Gêné, je lui tends le cadeau avant de m’insérer dans l’appartement.

-Tiens, j’ai pris ça pour toi! C’est pas grand-chose c’est un nounours! Oh merde je viens de te dire ce que c’est… Bon si tu l’aime pas c’est pas grave, c’est juste que je savais pas trop quoi te donner, et je sais que les filles aiment bien les peluches donc j’ai pensé que…

Tais-toi, Wes, tu gâches tout… Et quelle idée aussi d’offrir un toutou! On offre une peluche à sa copine, pas à une amie! Pas avec une fille avec qui tu couches!

Je reste là, planté dans l’entrée, comme un pantin attendant les commandes de son maître. Je reste figé, les bras tendus, offrant le sac à Victoria. Alors qu’elle s’empare de mon présent et qu’elle le déballe, je l’observe. J’observe les moindres détails sur son corps. On dirait presque une princesse. Un nœud se forme dans mon estomac alors que je l’observe caresser doucement la peluche. J’ai envi de sourire, mais je n’y parviens pas. Je n’arrive à rien, en ce moment. Je suis trop absorbé. Absorbé par sa beauté. Je pourrais rester ainsi des heures, à la regarder. Surtout lorsqu’elle m’offre son sourire. Ce sourire qui est resté imprégner dans mon esprit tout ce temps. J’ai bien tenté de le chasser, mais je n’y suis jamais parvenu.

Finalement, le silence ce rompt alors que la jeune femme m’offre un câlin chaud. Elle se colle à moi, m’étreignant avec douceur. Je peux sentir son odeur s’infiltrer dans les narines. Elle sent bon. La cannelle, peut-être? Je ne sais pas, mais je sais toutefois que j’aime cette odeur. Je la laisse s’éloigner, à regret, avant de la suivre jusqu’au salon. Je prends place à ses côtés, sur le canapé, avant de gouter les petites bouchées qui commencent à me tenter. Je n’ai même pas eu le temps de diner, alors je ne dirai pas non à de la bruschettas. Je m’empare d’un morceau, que je m’empresse d’avaler. C’est vraiment bon, et j’en prendrais volontiers un autre morceau, mais je ne veux pas faire mon gros porc. Victoria, elle, ne mange pas. Alors je me retiens, malgré la faim.

Je me retourne vers Victoria, avec l’intention de la complimenter sur ses bouchées, lorsque j’aperçois un petit Pokémon s’incruster entre nous. Il s’agit d’un petit Pyronille. Je souris au Pokémon, mais ce sourire s’efface alors que j’aperçois ce qu’il tient entre ses dents… Est-ce que c’est ce que je pense? Oh mon dieu… Ce Pyronille tient une branche de gui! Je rêve! J’éclate de rire à la vue de ceci! En voilà un qui ne sait probablement pas ce que ça signifie. Je me souviens que mes parents s’amusaient à se placer sous le gui, exprès pour s’embrasser, lorsque j’étais jeune. Je n’ai jamais embrassé qui que ce soit sous le gui, en fin de compte, moi. Enfin, c’est sur que comme je n’ai pas de gui chez moi, je ne risque pas d’embrasser qui que ce soit, sauf peut-être une cigarette. Et encore…

Mes yeux se perdent dans le regard de la jeune femme. En effet, on a pas le choix, je pense… Je m’approche d’elle, et la laisse poser ses lèvres sur les miennes. Elle m’embrasse avec douceur, comme aucune fille ne m’a jamais embrassé. Est-ce l’effet du gui? Je ne saurais dire. Je la laisse faire, suivant sa cadence. Elle passe une main dans mon cou, m’arrachant au passage un frisson. Je n’ai pas envi qu’elle se retire. Je veux rester ainsi toute la soirée. Ma tête tourne, mais de manière agréable. Ça me rappelle l’effet ressenti lorsque je suis complètement défoncé. Mais en mieux. En plus réel. Même lorsqu’elle fini par se retirer, l’effet ne se dissipe pas. Il est toujours là. Je flotte toujours dedans. Wow. Ouais, wow. Je veux continuer. Je n’en ai pas eu assez. Alors j’y retourne. C’est mon tour de placer une main derrière sa tête, afin de l’attirer contre mes lèvres. Ces lèvres qui sont en feu. Ces lèvres qui en veulent toujours plus. C’est mon tour de l’embrasser. L’embrasser avec passion. L’embrasser à l’aide de mes sens, de mon instinct. J’ai envi de continuer, d’aller plus loin. D’aller visiter ce qui se cache sous cette robe. J’ai envi de faire ça ici, maintenant. Alors je passe une main sur ses hanches. Une main douce. Douce comme jamais. Comme peu de filles ont connues. Ma main se promène sur son corps chaud…

-Victoria…

Mon regard se pose dans le sien.Je m'y perds. Je me perds mon propre reflet... Puis, soudainement, je tourne la tête vers la cuisine.

-Victoria, ça sent le brulé!

Je me lève d’un bond avant de me diriger vers la cuisine, où s’est enfuit Victoria. Alors que je pénètre dans la pièce, je peux l’apercevoir gratter la casserole d’où émanent les odeurs de brûler. Je pousse un petit soupire. Je me sens mal d’avoir brisé ce moment pour une histoire de nourriture. Surtout lorsque j’aperçois ses traits durs alors qu’elle frotte les croutes. On était si bien… Mais bon, nous aurons tout le loisir de nous redécouvrir après le souper. Ce n’est pas la fin du monde. Et puis, vaut mieux se retirer maintenant pour une sauce calcinée que pour un véritable feu dans la casserole.

Je m’approche de la jeune femme, et scrute le repas du regard. Il s’agit d’un plat que je n’ai jamais mangé. Ça doit être la tradition, dans sa famille. J’ai l’impression de m’incruster dans la vie privée de la jeune femme. Elle a tout préparé, spécialement pour moi. Ce jambon fera changement des plats congelés à la dinde et aux patates en poudre… Combien d’années se sont écoulées depuis la dernière fois où j’ai partagé un repas en famille, le jour de Noël? Que trop, je dirais. Je crois que ma dernière dinde en famille remonte à mes quinze ou seize ans. Après, j’ai commencé à sortir et passer ces veillées dans les bars. De toute manière, je n’avais plus ce même contact avec eux. Mon père ne me regardait plus de la même manière, et bien que je sentais que ma mère tentais du mieux qu’elle pouvais de toujours me considérer comme son petit garçon, je sais qu’elle avait de la difficulté à y parvenir. Ce que j’ai fait, ce soir où ils m’ont surpris observant ma sœur, ça nous a détruits. Plus jamais ils ne m’ont regardé de la même manière, après ça. Alors passer cette journée bénite en leur compagnie, ce n’était plus pareil. La dinde ne goutait plus pareil, les cadeaux n’étaient plus aussi nombreux, et la convivialité n’était plus au rendez-vous. Mais est-ce que ça me manque? Je ne sais pas. J’aime mieux ne pas me morfondre. S’il fallait que je déprime, alors je ne m’en sortirais jamais. Alors j’aime mieux ne pas y penser. J’aime mieux ne pas fêter, tout simplement. Je me contente de boire, de fumer, et parfois je m’offre quelque chose de plus. Quelque chose de plus fort. Ça m’est d’ailleurs étrange de me retrouver ici, ce soir, et non chez moi en train de me piquer quelque chose de louche dans les veines. Ça fait drôle, mais c’est loin d’être désagréable. Je ne peux pas dire que je regrette. Bien sûr, je me sens mal d’avoir abandonner mes Pokémon, mais j’ai confiance qu’ils comprendront. Le regard que m’a lancé Stella avant que je quitte l’appartement m’a convaincu que je faisais la bonne chose, en sortant ce soir. La Scarhino n’a jamais vraiment approuvé ma manière de fêter, alors pour elle, c’est un nouveau départ, cette soirée.

Je sors de mes pensées en entendant la voix de Victoria résonner dans la petite cuisine. Je m’apprête à lui proposer mon aide, mais je me retiens. Il faut dire que je ne suis pas des plus doué en cuisine… Alors si par malheur j’osais mettre la main à la pâte, la sauce risquerait d’être bien plus que simplement brûlée. Alors je la laisse faire. De toute manière, comme il s’agit d’un sachet, il n’est pas nécessaire d’être à plusieurs pour la confection. Alors je me contente de l’écouter et de l’observer. On dirait une vraie petite ménagère. Sa manière de fouetter le contenant du sachet avec l’eau bouillante… C’est banal, mais elle est mignonne. Elle s’applique, ça se voit. Et pas seulement dans la confection du repas. Elle s’applique pour être une bonne hôte. Elle veut me faire la conversation, même si, bon… elle ne s’y prend peut-être pas de la meilleure manière en me posant une question aussi déprimante. J’ai l’impression qu’elle aime ça, connaitre le malheur des autres…

-Bah tu sais, je suis jamais vraiment seul hein. J’ai mes Pokémon qui me tiennent compagnie… Mais sinon, ouais… À chaque année. La dernière fois que j’ai fêter ça en famille, je crois que c’était quand je demandais encore des petits camions!

J’y ajoute une pointe d’humour, pour éviter de noyer la bonne humeur qui nous entour. Je n’ai pas envi d’attrister qui que ce soit avec mes histoires de famille. Et puis, je dois avouer que tout ceci ne m’attriste pas plus qu’il ne le faut, alors pourquoi tenter de l’attrister, elle. Elle qui respire la bonne humeur dans sa petite robe. Je m’approche d’elle, et pose mes mains autour de sa taille avant de glisser un baiser dans son cou. Son odeur se même à celle sucrée du sirop d’érable et du miel pour former un mélange plutôt réussit.

-Et toi, tu fêtes toujours tes Noël avec des champions d’Enola et des Pyronilles?

Je me dandine au sol du rythme, sans toutefois relâcher mon emprise sur la taille de la jeune femme, qui s’est mise à remuer la sauce avec attention avant de me répondre. Ainsi, je suis le premier homme à partager la soirée de noël avec elle… Intéressant. Je suis plutôt flatté par cette déclaration. Mais en même temps, je m’en sens un peu gêner. J’ai l’impression de marcher sur un champ de mines. Nous avons conclu être qu’amis avec possibilité de finir au lit de temps à autres, et pourtant, me voilà en train de me remuer les hanches dans la cuisine de cette jeune femme la veille de noël… N’est-ce pas trop? Je ne devrais peut-être pas être ici. Je ne peux pas remplacer sa famille en cette soirée qui lui semble tant importante. Je n’ai peut-être pas ma place ici, ce soir. Et pourtant, malgré ce raisonnement plus que raisonnable, mes mains ne se détachent pas de sa taille. Elles y sont aimantées. Tout comme mes lèvres qui se promènent dans son cou chaud et parfumé.

La jeune femme se retourne, afin de me faire face, et pose sa tête contre mon torse. Tout pour me faire écouter ma raison, quoi… Ses mains sont délicatement posées contre mon dos, ce qui m’arrache, un nouveau frisson. Je pose à mon tour une main contre sa chevelure, afin de mieux l’encrer contre mon torse. Ce que je suis bien, en ce moment. La chaleur de son corps envahi le mien, et la délicieuse odeur du repas ne peut que m’apaiser. Je suis bien, je ne veux pas bouger. Au diable la raison. Au diable la meilleure chose à faire. Ce sera pour une autre fois. Là, je n’ai qu’à l’écouter parler de ses tantes en resserrant son étreinte. En fait, je n’ai même pas à écouter ses histoires de tantes. Je n’ai qu’à sentir son contact contre moi, c’est tout. Ce n’est pas que ses histoires m’ennuient, bien au contraire. Mais en ce moment, je n’en ai que faire de ces deux commères qui lui servent de famille. Et puis, qu’est-ce que j’ai à répondre? Pas grands choses, honnêtement. Ces femmes, je ne les rencontrerai probablement jamais, car d’après ce que j’ai pu comprendre, la jeune femme n’est pas originaire de l’île. Elle y est venu pour participer à la compétition, voilà tout. Et les chances que je quitte ma terre natale sont bien minces, alors rencontrer les tantes, c’est plutôt impossible. Malgré tout, je dois avouer que m’imaginer en train de raconter à ces deux femmes ce que je réserve à leur nièce comme traitement me fait rigoler en silence. Je m’imagine en train de mimer mes mouvements alors que je leur explique ma manière de lui faire plaisir. Plutôt comique.

Je pose un nouveau baisé sur la tête de Victoria avant de la repousser délicatement. J’ai beau être bien en ce moment, je sens mon ventre grogner, et je n’ai pas trop envi qu’elle l’entende. Et comme la jeune femme a la tête collée contre moi, elle l’entendra bien. Alors je m’éloigne de quelques pas avant de me pencher pour observer ce qui cuit dans le four. Ça a l’air cuit, alors pourquoi attendre encore? Je me retourne vers la jeune femme de nouveau.

-Tu veux de l’aide pour mettre la table? Moi je trouve que ça a l’air prêt.

Je n’ai pas la moindre connaissance en cuisine, ça c’est sur. Mais malgré ça, j’agis comme si c’était le contraire. Je me la joue toujours en grand chef, et ce, même si je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il faut faire. Il faut dire que ma faim ne m’aide pas vraiment à patienter…

C’est à regret que je laisse Victoria me conduire au salon, loin du jambon. D’accord alors, je devrai me contenter des bouchées… Bon, ce n’est pas si mal, non plus. J’attrape un petit craquelin que je trempe dans la petite sauce avant de l’avaler avec appétit. C’est vachement bon, mais rien ne semble suffisant pour faire tomber cette faim de loup qui s’est installé il y a de cela quelques minutes. J’ai l’impression qu’elle ne fait que grandir à chaque bouchée que j’avale, et pourtant, il me semble que je vide l’assiette à une vitesse folle. Il me faut m’occuper si je ne veux pas me mettre à tout dévorer, et c’est justement à ce moment que la jeune femme me propose certaines « activités »… Tiens donc, on dirait qu’elle a faim, elle aussi, si vous voyez ce que je veux dire… Je lui lance un sourire coquin alors qu’elle s’apprête à m’annoncer comment on va s’occuper. Voilà la vraie Victoria que j’ai rencontrée. La vraie Victoria qui a bien envi de m’offrir son corps, en fin de compte.

Je m’apprête à sortir une petite enveloppe scellée de ma poche lorsque ses paroles me figent sur place. Du… Karaoké…? Je… je ne m’attendais pas vraiment à ça, disons… Oh seigneur! La dernière fois où j’ai osé chanter, je crois que ma mère me changeait encore les couches! Il n’est pas question que je chante! Même pas contre du sexe! Quoi que… Bon, peut-être contre du sexe, mais sinon, pas question! Et comme je sais que la jeune femme ne pourra pas me résister, je sais que montrer mes talents de chanteur ne me servirait pas vraiment. Je m’apprête à exprimer mon opinion à vive voix lorsque Victoria m’annonce qu’il ne s’agissait que d’une plaisanterie. Je pousse un soupire de soulagement à cette nouvelle. Au moins, si elle aussi chante comme un pied, alors je n’aurai pas à me couvrir de ridicule. Non, il semble plutôt que mon hôte a une autre idée derrière la tête. Une idée qui me plait beaucoup plus. J’ose lui lancer un sourire alors que ses mains se mettent à se balader sur mon torse, déboutonnant ma chemise au passage. Je ne me suis donc pas tromper, elle a véritablement envi de moi. C’est en effet une bonne manière de passer le temps alors que le souper cuit.

Afin de montrer à la jeune femme que j’approuve ses gestes, je m’étale sur le sofa avant de l’aider à défaire les derniers boutons qui retiennent ma chemise fermée. Mon torse se dévoile finalement à elle. Elle peut y faire ce que bon lui semble… Mais avant, je la tire contre moi, forçant au passage sa bouche contre la mienne, afin de lui infliger une puissante attaque Baiser Charnel. Une attaque qui fonctionne à chaque fois avec la gente féminine. Mon attaque spéciale, je dois dire. J’y suis doué, que voulez-vous. Mes mains se promènent sur son corps, cherchant à se poser sur ses fesses. Je peux sentir ses dessus à travers le tissu léger de sa robe. Je dois avouer que ce contact est plutôt agréable. Je n’en ai pas l’habitude. Les jeunes femmes qui croisent mon chemin optent souvent pour les shorts ou les jupes, alors les robes, c’est un tout nouveau territoire pour moi. Mais je pourrais bien m’y habituer. La soi est douce, et me semble facile à retirer. Mais pas tout de suite. Je ne peux pas retirer quoi que ce soit. Pas tout de suite. Je veux prendre mon temps. Me promener sur ce corps. En fait, je ne la déshabillerai qu’après le repas. Je la veux comme dessert. J’ai envi de lui faire part de mon dessert traditionnel de noël. Un dessert qui se marierait bien avec son corps… Quelque chose que je n’ai jusqu’à présent partager avec personne d’autre. Ce sera étrange, mais pas désagréable. Mon dieu non, absolument pas désagréable. À présent, j’ai vraiment hâte de manger, mais ce n’est plus à cause de ma faim, qui s’est un peu dissipé. Non, j’ai hâte de manger parce que j’ai hâte au dessert… Mais en attendant, je dois m’occuper de Victoria, afin de la faire patienter jusqu’au repas…

Je me laisse aller à ses caresses. Je ferme les yeux, la laissant explorer mon torse maintenant à découvert. Je ne veux pas qu’elle cesse. Alors, je pose mes bras autour de son cou, l’emprisonnant sur mes genoux. Condamné à me caresser et à m’embrasser jusqu’à la fin de sa vie. J’aimerais bien. Et sa manière de souffler ses mots. Alors qu’elle prononce mon nom, je sens mon estomac se nouer. Ces simples paroles ont sur moi un effet monstre. Alors que sa voix pénètre dans mes oreilles, mon souffle se perd. J’ai l’impression qu’on me pèse sur le torse, m’empêchant de respirer. Un poids lourd pèse sur ma poitrine. Un poids qui n’a rien à voir avec le corps de la jeune femme collé au mien. C’est autre chose. C’est sa manière de souffler ces mots. Sa manière de m’embrasser. Sa manière de me toucher… Sa manière d’être. J’ai tellement envi de la serrer dans mes bras. Un désir puissant me prend. Un désir de l’attraper et de la coller contre moi, quitte à l’empêcher de respirer. Je la veux contre moi, serrée contre moi. Le plus possible. Ce désir est violent, mais je le contiens. À la place, je me contente de lui rendre ses baisers et ses caresses, en douceur. Je me contente de suivre sa cadence, dans le silence le plus complet. Mais ce silence ne me gène pas. Au contraire. Il ne fait qu’augmenter mon excitation. Je peux me concentrer pleinement sur le bruit que fait son souffle alors qu’elle retire momentanément ses lèvres des miennes afin de reprendre sa respiration. Il amplifie le son de la friction de nos corps. Il ne fait qu’augmenter cette sensation qui monte en moi. Cette sensation qui m’est inconnue, mais diablement agréable. Je pourrais la supporter des heures, des jours, des années. Je pourrais rester ainsi le restant de mes jours, à partager ce moment avec cette jeune femme aux cheveux roses. Je pourrais, mais je ne le ferai pas. Parce qu’elle se retire d’un bon, et s’enfuit vers la cuisine, me laissant dans le fauteuil, incapable de comprendre la situation.

Je reste assit, surpris. Ma vision est peuplée de petits points blancs alors que je tente de replacer les évènements, et ainsi en comprendre le sens. Victoria s’est enfuit pour chercher une bouteille de vin rouge, comme si une mouche l’avait piquée. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui lui prend, mais je reste zen. Je reste paisible, toujours assis où elle m’a laissé. Elle fini par revenir en arrachant littéralement le bouchon de liège de la bouteille avant de m’en proposer. Bien entendu, comme tout bon alcoolique qui se respecte, je ne peux qu’accepter son offre. Alors je me lève, et je me dirige vers elle, remarquant que la musique a repris. Je m’approche, et alors que je suis à quelques centimètres de son corps, je pose une main sur la bouteille afin de l’agripper et le ramener dans la cuisine, où je peux m’armer de deux verres à pieds et nous servir à boire. Heureusement pour moi, je trouve les verres à mon premier essai, ce qui facilite grandement les choses. J’offre à Victoria le sien avant de vider d’une gorgée le contenu bien gouteux de mon propre verre. Bien corsé, comme je les aime. Je me serre de nouveau avant d’entraîner la jeune femme vers le four, où se laisse toujours dorer le jambon.

-Maintenant, tu crois qu’il est prêt, ton jambon?

Je lui adresse un regard de chien battu. Et voilà, mon estomac s’est remit à crier famine. Maintenant qu’il n’y a plus rien pour m’entretenir, j’ai de nouveau faim. Et je dois avouer que ce vin n’aide pas les choses. Il ne réussit qu’à me faire saliver en pensant à tous les aliments qui pourraient bien se marier avec.

Il cuit. Il dort paisiblement dans ce four, n’attendant que d’être dévoré. Il m’appelle. Il veut se retrouver dans ma bouche. Je suis sur que je n’invente rien. Je peux presque entendre sa petite voix m’interpeller. Bien entendu, je dis des conneries. Mais n’empêche que j’ai faim. Je pourrais rester là, à regarder ce jambon cuire pendant encore des heures, à fantasmer comme une petite lycéenne japonaise, mais je me restresse vivement lorsque Victoria m’offre une petite tape sur les fesses afin de me chasser. Cette fois, je ne riposte pas. Si elle me pousse ainsi, c’est pour vérifier la cuisson. Pas question que je l’en empêche. À la place, je me pose au dessus de son épaule, observant ses gestes avec attention. Alors qu’elle plante une fourchette dans le morceau de viande, je me surprends à retenir mon souffle. J’ai l’impression d’assister à une opération à cœur ouvert. Docteur, ce jambon survivra-t-il? J’ai bien peur que non, car il est cuit! Un sourire se dessine sur mes lèvres. Il est cuit! On va pouvoir manger! Les paroles de la jeune femme sont justes. Oui, je suis un gamin. Un gamin qui veut un morceau de ce jambon!

Je m’apprête à proposer de l’aide à Victoria, qui se propose pour faire le service. Je veux bien aider à servir moi aussi. Toutefois, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il faut faire. Dans quoi va cette sauce? Est-ce que je mets les patates sur la table ou bien dans les assiettes? Et combien de tranches de jambon par personne? Bon, je ferais peut-être mieux de la laisser faire. En lui adressant un sourire, je la laisse à ses affaires alors que je me dirige vers la table. Tout est déjà en place. Les ustensiles, les serviettes à main, le sel et le poivre… et même… même des chandelles? Elle a mit des chandelles… Ce n’est pas un peu trop? Pour moi, chandelles égal romantisme. Pourtant, nous ne sommes pas romantiques, pas vrai? Enfin, je ne crois pas. On veut s’amuser, c’est tout. Je dois me faire des idées. Victoria a du installer ces chandelles pour augmenter la luminosité. La pièce doit d’ordinaire être sombre. Oui, c’est probablement ça. Il n’y a absolument aucune autre explication… Il ne peut pas y en avoir d’autres! Tais-toi et prends place, Wes. Arrête de trop réfléchir. Penses plutôt à ce bon jambon qui t’attends. Oui, ce jambon, ces patates, et puis ce qui nous attends après le souper. Une bonne partie de jambes en l’air. Voilà, ça c’est mieux! Je n’ai pas le temps de continuer à réfléchir que Victoria s’amène, deux assiettes dans les mains. Elle repart presque aussitôt pour aller chercher un saucier, puis un panier de pain bien chaud. Tout pour me bourrer, quoi. Lorsque, finalement, mon hôte vient me rejoindre à table, je peux enfin goûter le repas. Quoi goûter en premier? La viande? Non, d’abord les patates. Oh, bon d’accord, la viande! Je m’empresse d’avaler un morceau du jambon. Il est sublime. Je ne sais pas si c’est le mélange de la viande et du sirop d’érable qui me fait cet effet, ou si… Non, arrête Wes. Que ce soit Victoria ou la voisine qui l’aie fait, ça revient au même. Ce n’est pas parce que c’est elle qui l’a fait qu’il est si bon… Comme la brioche que j’ai pris en sa compagnie, lorsque nous avons déjeuné ensemble, elle était bonne, et pas simplement parce que je l’ai mangé avec elle… Focus, Wes! Arrête de tomber dans tes pensées! Réponds-lui, à la place. Parles-lui.

La conversation fini par bien couler. Entre la bonne nourriture, les verres de vin et les sujets plutôt intéressants qui s’écoulent sur cette table, le tout roule très bien. Assez bien pour que je cesse de m’en faire avec mes pensées idiotes. Nous parlons de tous et de rien, nous rions. C’est agréable. J’en oubli mes soucis. Enfin, jusqu’à ce qu’elle me pose sa question. Sa question ne me dérange pas, mais je dois m’arrêter pour réfléchir. Avec combien de filles ais-je couché depuis notre rencontre? Je dois avouer que maintenant que j’y pense, je me surprends de constater qu’il n’y en a eu aucune. Pas que je n’ai pas eu de prétendantes. J’ai toujours des propositions. La gente féminine ne se lasse jamais du beau Weston, mais je me suis retrouver à rejeter toutes leurs offres. Et pourquoi, d’ailleurs? Ce n’est pas qu’elles n’étaient pas belles. Non, je trouve toujours quelque chose de beau chez une femme. Mais, comment dire… Elles n’étaient pas… pas à la hauteur, je crois. Elles ne me suffisaient pas, peut-être? Je ne sais pas vraiment l’expliquer. Je réalise finalement que je n’ai pas répondu à sa question. Sursautant, je me retourne vers elle.

-En fait… il n’y en a eu aucune.

Je dis ces mots faiblement, comme s’il s’agissait de quelque chose de mal. Quelque chose d’honteux. Je ne peux pas expliquer pourquoi, mais je sens que j’aurais peut-être dû cacher cette information à Victoria…