Match n°1

VS John Lewis Armstrong

Très sincèrement, Faust ne sait jamais trop quoi penser des fins de match. Elles ne sont jamais suffisamment définitives pour qu'il puisse avoir un avis dessus, et en même temps elles sont le symbole de tout ce qui est arrivé avant : c'est en gros un moment transitoire plus qu'une véritable conclusion. Dans ce cas-là, il ne sait pas encore quoi déduire de ce qui s'est passé. La stratégie qu'il s'apprête à employer pourrait très bien coûter la victoire à son adversaire, et il se demande si il en a conscience, car Dalhia sait à coup sûr e qu'elle doit faire et n'a donc pas besoin qu'il ne le lui indique d'une manière plus ou moins subtile. Il ne veut pas gagner, c'est un fait, et il risque de faire une sacrée tronche si cela arrive, mais en même temps il sait très bien que l'issue de ce match n'a aucune importance, vu les progrès qu'a fait John et dont il témoigne depuis le début de ce combat. Il ne lui a  pas tant fait de compliments que ça, s'est même montré un peu distant, mais il voulait voir jusqu'à quel point il tiendrait. Si la panique, la peur et l'angoisse finiraient par le saisir de nouveau ou si il tiendrait face à l'ombre qu'il déployait pour le déstabiliser. La signification de son symbole n'est rien de plus compliqué ça : outrepasser les ténèbres, les doutes et les excès inutiles. Il estime qu'il n'y a pas besoin d'être un génie pour le battre, juste garder la tête froide, bien réfléchir et ne surtout pas se surestimer. Le reste était totalement secondaire.

La tension est à son comble dans les gradins. La Démolosse s'étire légèrement, détendue. Un rictus s'étire sur sa gueule canine alors qu'elle se rend compte qu'elle va mouvoir le dernier pion de l'échiquier. Oui, modeste mais pas dépourvue d'une toute petite once de prétention, tout de même ; cela l'amuse de constater que tout a commencé et terminera par elle, dans un cercle qui lui plaît énormément. Qu'elle gagne ou qu'elle perde, ça... Le pari risqué qu'elle s'apprête à jouer pourrait très bien la conduire à sa perte, et elle le sait, mais elle n'a pas vraiment d'autre choix que celui-là. Ou du moins elle n'en voit pas, et Faust ne paraît pas être pris par une illumination d'intelligence non plus. Leurs regards se croisent une dernière fois, dans un micro-instant d'hésitation, puis le conseiller finit par hocher de la tête, un sourire tranquilles aux lèvres. La Démolosse lève alors légèrement la tête, et un hurlement s'échappe de sa gorge ; une lumière vive se met alors à l'entourer, en partant du collier à son cou, et son corps semble presque doubler de volume. Une fois sa méga-évolution achevée, quelques flammèches s'échappent de sa gueule, et elle s'élance à toute allure vers son adversaire.

Match n°1

VS John Lewis Armstrong

Jouer sur la chance relève d'une forme d'égalité que Faust ne peut qu'apprécier. Il s'agit d'une façon de reprendre l'avantage qui peut tout aussi bien faire tout perdre. Bien souvent, en voyant qu'il est dans une situation difficile, il prend des risques inconsidérés sans la moindre hésitation, s'il s'agit de la meilleur possibilité qu'il entrevoit. C'est une tactique qui lui a autant valu d'être vu comme rusé que stupide et inconscient ; bien souvent, ce qualificatif dépend du résultat proportionnellement au risque encouru. Il n'a jamais vraiment eu d'avis négatif, et à même tendance adorer employer ces stratégies, ne pouvant jamais s'empêcher de jubiler en remarquant les têtes surprises de ses adversaires lorsqu'il parvenait à les prendre à revers. Mais voilà, c'est une stratégie qui échoue aussi souvent qu'elle réussit, et c'est le jeu qui veut cela : le fait qu'il en ait autant quelque chose à faire de perdre que de gagner causait cette absence de déception, car la seule chose qui pouvait bien le frustrer était de faire des erreurs stupides et de ne pas donner à ses challengers le match qu'ils méritaient. Faust est loin d'être perfectionniste. En fait, il est du genre qui, pour réparer quelque chose, va sortir le plus gros rouleau de scotch qu'il peut trouver, en coller une bonne grosse tonne et dès que la chose arrêtera de tanguer ou de tomber, se dira que c'est parfait. Mais il n'aime pas décevoir, quoique la joueuse argumentera que c'est peine perdue vu son tempérament, son caractère et sa connerie. Alors il donne toujours le tout, en dépit de ses sentiments personnels ou d'à quel point il peut vouloir que quelqu'un gagne. Méphisto sert à cela, en partie : ses excès, cette fausse apparence et ce côté distant de par ses manières, ne sont que des résultats de cette volonté.

Alors depuis le début de ce combat, il donne le tout. Cherche la moindre des failles dans la stratégie adversaire, se plonge dedans et s'assure que son équipe puisse poser le plus de problèmes possible. Il n'aurait jamais été satisfait du résultat de ce match si il n'avait pas tout fait pour donner le plus de difficultés à son adversaire : une revanche n'était pas supposée être aisée. Peu importe ses sentiments personnels. Peu importe qu'il ne souhaite à John que de réussir pour qu'il n'ait pas à recommencer ou abandonner. Devant Méphisto, il restait un challenger ordinaire à qui il devait mettre le plus de bâtons possible dans les routes : ceux qui ne parvenaient pas à le passer n'auraient aucune chance face à au maître, et possiblement aux autres compétiteurs qui auraient aussi passé cette étape. Être impitoyable n'est pas forcément plaisant, et certainement pas pour quelqu'un comme Faust qui n'attend juste qu'à féliciter chaudement ceux qui réussissent. Il avait espéré, à de nombreuses reprises, qu'il pourrait faire un grand sourire plein de dents au plus jeune en lui remettant son symbole, avant de sortir une blague plus ou moins vaseuse, et possiblement de le gêner en lui ébouriffant les cheveux parce que Faust est Faust.  

Mais visiblement, cela devrait attendre. Les flammes invoquées par Dalhia submergent tout le terrain : la température grimpe et le conseiller grimace, reconnaissant que comme d'habitude, la Démolosse ne lésine absolument pas sur la puissance et la quantité durant ses offensives. Le terrain pourrait alors presque être comparé à un volcan. Mais pourtant, l'Azumarill parvient à esquiver l'attaque de la chienne de feu dont les traits se transforment en une moue intéressée. Vu la lenteur du pokémon, elle ne s'y attendait pas, mais cela ne veut pas dire que cela ne lui plaît pas, loin de là. Elle n'attend qu'à voir.
La queue d'eau qui se précipite vers elle pourrait bien l'amener à sa défaite, en dépit de la résistance supplémentaire dont elle dispose grâce à sa méga-évolution. Même la force qui parcoure tout son corps ne serait pas suffisante si elle était mise à terre maintenant. Alors elle tente le tout pour le tout : ses chances d'esquiver sont minces, mais il y a une petite ouverture, un rien qui permettrait de changer tout ce qui se passe. Faust ne sait pas si il doit y croire : après tout, même si Hydroqueue pouvait être une attaque hasardeuse, elle n'en restait pas moins assez précise... Et là, à la surprise du hérisson, la chienne s'extirpe tout juste de l'offensive ennemie. Elle s'en est tirée, de très près, mais elle est encore intacte. La situation vient de repartir à zéro, et c'est comme si ce tour ne s'était pas déroulé. Tout peut encore se jouer, mais ce match arrive à son terme.

Dalhia saute sur l'occasion : plus de temps à perdre avec Feu d'Enfer, visiblement. La chienne n'a pas la patience de faire du pile ou face, ce que Faust respecte. Si elle juge qu'il est mieux d'agir ainsi, qui était-il pour l'arrêter ? Il n'était pas celui qui était sur le terrain, après tout. C'était elle qui était forte, pas lui. Il ne faisait qu'observer, prendre de la distance et l'aider à choisir quoi faire. Leur relation se basait sur cette confiance aveugle depuis tellement longtemps que bien souvent, il la laissait combattre sans la questionner.
Bomb-Beurk n'est pas un choix surprenant. Dalhia avait dû sentir le danger de cette attaque aquatique qu'elle avait senti passer très près d'elle, et il n'était pas étonnant qu'elle décide d'envoyer la sauce maintenant, en espérant faire le plus de dégâts possible. Mettre l'Azumarill à terre serait peut-être impossible, mais il fallait croire qu'elle espérait. Elle cracha une orbe violette épaisse, semblable à une boule de mélasse qui va s'écraser sur la femelle aquatique, la blessant assez pour qu'il soit clair que son attaque a eu l'effet escompté. Même elle tient debout, suscitant la curiosité de Dalhia qui reste sur ses garde.
Faust ne s'attend pas à ce qu'elle esquive de nouveau. Ce serait inespéré, ou du moins une accumulation de malchance à la limite du grotesque et qui condamnerait à coup sûr la réussite de John. Alors il ne s'inquiète pas trop : si cette Azumarill a suffisamment de force, peut-être pourra-t-il repartir avec le symbole.

Mais ce qui arrive surprend tout le monde. Même les spectateurs sont surpris, et la Démolosse elle-même n'arrive pas à y croire, quoique elle ne peut pas s'empêcher d'être fière de sa réussite, même si il s'agit d'un résultat hasardeux. Elle reprend place plus loin pour inspecter la situation, alors même que des restes de ses flammes d'avant sont en train de s'éteindre. Faust, lui, ne dit rien. Son visage s'est décomposé : il n'y a plus de sourire sur son visage. Juste une expression neutre, pour cacher la crainte qui commence à le prendre quant au résultat de ce match.

Match n°1

VS John Lewis Armstrong

Faust ne veut pas gagner. Non, vraiment, il n'en a aucune envie. Dalhia se fiche du résultat : pour elle, ce qui importe est le match. Mais le conseiller fait ce qu'il a à faire, sans concessions, peu importe ce qu'il pense. Son job est d'être le plus emmerdant possible, et il pense qu'il le fait plutôt bien. Mais il n'aime pas ces matchs où, après une première défaite, le challenger doit en subir une autre. Aucun des deux n'est heureux de la situation, et il n'a vraiment pas hâte, mais il ne retiendra pas Dalhia. Pas de passe-droit, après tout. Pourtant, même si il se répète cette idée dans sa tête encore et encore pour faire taire la culpabilité qu'il sent en lui ou encore toutes les pensées négatives que cette situation fait naître en lui, ses efforts ne semblent pas suffire. Mais trop tard pour les regrets de toute façon : la Démolosse s'est déjà élancée, prête à attaquer d'un instant à l'autre.
Une deuxième bombe de poison tombe sur l'Azumarill, et c'est fini. Elle ne se relèvera pas, et bien assez vite l'arbitre déclare la fin du match, tandis que l'expression de Faust s'est muré en une neutralité totale. Le connaître un peu fait vite comprendre que c'est signe de malaise et de déception, et de regret également.

Il n'ose pas prendre la parole. Il prend la main du plus jeune et la serre sans trop de force, son regard bleu fixé sur son adversaire qu'un seul mot ne sorte de sa bouche. Si ce qu'il dit est touchant, il ne peut pas s'empêcher de sentir un nœud dans sa gorge alors que John parle. Il finit par se forcer à sourire, un sourire qui est plus effacé et beaucoup moins grand que ceux qu'il a l'habitude de donner d'ordinaire.
Surpris par son étreinte, il resta immobile sur le moment, ressemblant sur l'instant étrangement à son imbécile de jumeau devant les situations du style. Il essaya de réagir, maladroitement, mais trop tard, John s'était déjà éloigné. Il le regarda alors partir, l'air perdu, une grimace sur son visage tandis que les applaudissements continuaient de retentir dans le stade. La Démolosse, revenue près de lui, lui jeta un regard qui en disait long sur ses pensées, et le conseiller afficha alors un faux sourire. Destiné uniquement à la foule et aux caméras, il suffirait largement. La télévision aurait ses images, les magazines leur sourire à deux balles, et tout le monde serait content. Mais pas lui. Pourtant, il faudrait faire avec ; un jour, tout de même, une conversation s'imposerait entre eux, mais il faudrait déjà qu'il trouve assez de courage pour le faire et tout le monde savait que la discussion de ses pensées n'était pas vraiment sa spécialité.

« Dalh, je veux du jus de pamplemousse. Beaucoup. »

Rien de mieux que quelque chose d'immonde pour se changer l'esprit.